Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
2ème Chambre - Section A
ARRET DU 08 NOVEMBRE 2006
(no , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 05/14978
Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Mars 2004 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 01/14891
APPELANTE
Madame Evelyne X... épouse Y...
C/O Mme Z...
...
75006 PARIS
représentée par Me Nadine CORDEAU, avoué à la Cour
assistée de Me Loïc RAJALU, avocat au barreau de Nantes
INTIMES
Madame Jacqueline B... épouse C...
HUDENKIVENTIE I4
00730 HELSINKI (Finlande)
Monsieur Vladimir B...
...
75008 PARIS
Mademoiselle Hélène Maroussia B...
...
75008 PARIS
Monsieur Nicolas B...
...
75008 PARIS
représentés par la SCP BOMMART-FORSTER - FROMANTIN, avoués à la Cour
assistés de Me Eric D..., avocat au barreau de Paris, toque A 042
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue, rapport a été fait conformément à l'article 31 du décret du 28 décembre 2005 modifiant l'article 785 du nouveau code de procédure civile, le 4 octobre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Président
Madame Charlotte DINTILHAC, Conseiller
Madame Dominique REYGNER, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle COCHET
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, Président
- signé par Mme Catherine DESLAUGIERS-WLACHE, président et par Mme Gisèle COCHET, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Jean-Jacques B..., résident suisse, veuf le 3 septembre 1996 de Michaela B..., née E..., qui l'avait institué légataire universel, est décédé à Lausanne (Suisse) le 17 novembre 1998 laissant ses quatre enfants nés de deux unions successives et un testament du 9 juin 1998 léguant à sa compagne, Mme Y..., la quotité disponible, sous réserve de divers legs particuliers.
Un projet de déclaration de succession a été établi par Me F... notaire à Paris ; Me G..., notaire à Lausanne , a par ailleurs été désigné par une ordonnance du tribunal d'Ecublens pour procéder au partage des biens situés en Suisse.
La cour statue sur l'appel relevé par Mme Y... du jugement du 4 mars 2004 du tribunal de grande instance de Paris qui a condamné Jacqueline B... épouse H..., Vladimir B..., Hélène B... et Nicolas B..., ci-après les consorts B..., à lui restituer ses effets personnels et son matériel de ski mais, après avoir constaté qu'elle renonçait à demander le rapport de la donation faite par le défunt à sa fille Hélène portant sur le prix d'achat d'un appartement avenue Foch en 1993, l'a déboutée de sa demande relative au recel successoral concernant l'appartement d'Isola 2000 et a débouté les défendeurs de leurs demandes de rapport de la somme de 200.000 FS et de dommages-intérêts pour préjudice moral.
L'appelante, aux termes de ses dernières conclusions du 6 septembre 2006, soutient que la succession est à régler selon la loi suisse conformément à l'article 45 du code civil français mais que la compétence française doit être retenue pour les opérations successorales portant sur les immeubles en France, et donc pour déterminer l'existence de rapport et de recel des appartements d'Isola et de Paris, avec l'application toutefois de la loi suisse en ce qu'elle lui confère la qualité d'héritier.
Elle rappelle les éléments matériel et intentionnel du recel et fait valoir que, nonobstant la thèse familiale relatée, la preuve est apportée de ce que l'appartement acquis par Hélène B... le 29 juillet 1993 pour le prix de 3.000.000 de francs l'a été des deniers de Jean-Jacques B..., que les éléments du recel sont réunis et que ses demandes à ce titre peuvent être examinées en raison de l'effet dévolutif de l'appel et sans que lui soient opposées de prétendues renonciations sur ce chef ;
Elle poursuit le même recel relativement à l'appartement d'Isola 2000, non mentionné à la déclaration de succession en Suisse, alors que les enfants B..., qui en payaient les charges, connaissaient l'existence de ce bien, qu'ils ont cachée pendant un an, elle-même ne s'y étant jamais rendue, contrairement à ce qu'indique l'attestation de Mme I... qu'elle conteste, comme elle conteste la lettre de la Sarl Colombe Immobilier.
Pour les biens mobiliers, elle admet que leur sort est de la compétence du tribunal d'Ecublens (Suisse) actuellement saisi.
Elle se défend de toute quérulence procédurière.
Elle renonce à sa demande de sursis à statuer pour plainte pénale en cours.
Elle demande :
- d'infirmer le jugement
- de lui donner acte de sa renonciation au sursis à statuer et à sa demande relative aux biens mobiliers
- de dire que les consorts B... sont coupables de recel sur les biens d'Isola 2000 et n'ont aucun droit sur eux
- de constater la nullité de la donation du 8 juillet 1993 et d'ordonner le rapport des droits immobiliers ... et ..., pour leur valeur au jour du partage, sans droits pour Mme Hélène B...
- d'ordonner une expertise sur la valeur actuelle de ce bien dans son état au jour de l'acquisition
- de lui allouer 10.000 € pour frais irrépétibles.
Les consorts B..., intimés, par dernières conclusions du 15 septembre 2006, contestent l'allégation d'avoir délaissé leur père pendant sa maladie, rappellent qu'ils ont essayé de trouver un accord avec Mme Y..., dernière compagne de celui-ci et qui a obtenu outre le testament un chèque de 131.106 € encaissé sitôt après le décès, qui a pris l'initiative de faire désigner un administrateur de la succession, bloque tout règlement, fait obstacle à la vente de l'appartement de Paris, qui n'est plus occupé, comme à toute relocation et propose des évaluations démesurées ;
Ils soutiennent que devant la juridiction française seuls les points relatifs aux immeubles situés en France peuvent être débattus.
S'agissant de la donation consentie à Hélène pour l'achat de l'appartement ..., ils font valoir que par trois fois devant le premier juge elle a expressément renoncé à en demander le rapport ; qu'elle est au surplus sans qualité pour le faire, n'étant pas héritière selon le droit français ; que la prétendue donation n'existe d'ailleurs pas.
Ils affirment que Mme Y... avait pleine connaissance de l'existence de l'appartement d'Isola 2000 et qu'elle ne prouve en tous cas pas leur volonté de le dissimuler pour faire échec à l'égalité dans le partage.
Ils dénoncent l'âpreté financière de Mme Y..., compagne de courte durée de leur père qui n'a pas hésité à créer une polémique à leur encontre.
Ils demandent, après visas et constats :
- de dire que Mme Y... a renoncé au rapport de l'appartement avenue Foch
- de la dire sans qualité de ce chef
- de dire irrecevable la demande de nullité de donation
- de rejeter la prétention de recel
- de lui donner acte de ce qu'elle renonce à ses demandes concernant les biens meubles
- de condamner Mme Y... à 20.000 € de dommages-intérêts et 10.000 € pour frais irrépétibles.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Considérant que les parties admettent que la succession doit être liquidée en Suisse où elle s'est ouverte, la compétence française étant limitée aux points en discussion relativement aux immeubles situés en France, les impositions ne pouvant être levées que dans le pays de situation de l'immeuble ; qu'il sera donné acte à Mme Y... de ce qu'elle renonce à tout débat dans cette instance sur l'actif mobilier ; qu'il lui sera par ailleurs également donné acte de ce qu'elle ne sollicite plus le sursis à statuer en raison d'une plainte pénale avec constitution de partie civile reçue le 11 mars 2002 ;
Considérant qu'Hélène B... a acquis par acte notarié du 29 juillet 1993, pour l'établissement duquel elle était représentée par son père Jean-Jacques B..., deux lots dans la copropriété de l'immeuble ... et ... pour le prix de 3.000.000 Francs payé comptant par la comptabilité du notaire ;
Considérant que le 8 juillet précédent M. J..., comparant, se disant son grand-père a fait donation à Mlle Hélène B..., également comparante, de la somme de 750.000 US Dollars en dépôt en Suisse à la Banque Dreyfus Und Sohne ;
Considérant que Mme Y... soutient que la donation est mensongère, que les fonds ont été virés sur un compte à Beaulieu sur Mer dont les intimés ont refusé de communiquer le nom du titulaire, que les fonds provenaient en réalité de Jean-Jacques B... et qu'il en résulte une donation rapportable à la succession, ce que les intimés contestent ;
Considérant, et sans qu'il y ait lieu de discuter la véracité d'une telle donation par le défunt, que si, par l'effet dévolutif de l'appel, qui remet la chose jugée en question pour qu'il soit statué à nouveau en fait et en droit, Mme Y... peut être admise a reprendre une prétention à laquelle elle avait renoncé en première instance, il résulte des termes de l'article 843 du code civil que le rapport est dû par un héritier à ses co héritiers ;
Considérant que si un certificat d'héritier du juge de paix du cercle d'Ecublens en Suisse du 19 juillet 1999 mentionne Mme Y... comme héritière, la loi française applicable ne peut lui reconnaître que la qualité, distincte, de légataire à titre universel, et que les intimés soulèvent à bon droit son irrecevabilité à demander le rapport de la donation invoquée ;
Considérant que la demande de nullité de la donation, qui ne repose au surplus sur aucun élément de preuve, sera de même, rejetée ;
Considérant que Jean-Jacques B... était propriétaire, au travers de la Sté Trumble Limited lui appartenant, d'un appartement à Isola 2000 ; que cet appartement ne figure pas dans le projet de déclaration de succession préparé par Me F..., notaire, en France ; que Mme Y... fait valoir que l'existence de ce bien, actif de la succession, lui a été volontairement dissimulée jusqu'au 3 décembre 1999 date d'ouverture du coffre à l'Union des Banques Suisses contenant les actions de cette société, en sorte que les consorts B... se sont rendus coupables de recel successoral ;
Mais considérant que par attestation régulièrement produite Mme Joly K... de Colombe indique que les époux B... lui avaient confié la vente de cet appartement, projet repris après le décès de l'épouse et qu'au cours des séjours qu'il continuait à faire dans son chalet d'Isola Jean-Jacques B..., en 1997 et 1998, avait évoqué en compagnie de Mme Y... les difficultés de vente de ce bien et que Mme Y... soutenait que le prix proposé n'était pas assez élevé ; que cette attestation, qui n'est pas utilement critiquée par Mme Y..., démontre suffisamment que celle-ci était informée de l'existence de ce bien, aucun élément ne permettant en outre de retenir un quelconque acte de dissimulation volontaire de la part des consorts B... dans le but de faire échec à l'égalité du partage, l'absence de mention dans la déclaration de succession, en projet alors que les titres de propriété n'étaient pas en possession des héritiers, n'étant pas déterminante ; que le jugement sera, sur ce point, confirmé ;
Considérant que la disposition sur la remise à Mme Y... de ses effets personnels et de son matériel de ski n'est pas critiquée ;
Considérant, sur les dommages-intérêts pour préjudice moral, qu'il n'est pas établi que Mme Y... ait commis des excès caractérisés dans la défense de ses intérêts ni discrédité les consorts B... ou leurs parents ; que la demande de dommages-intérêts sera, en conséquence, rejetée ;
Considérant qu'il y a lieu de faire application au bénéfice de intimés et à hauteur de 6.000 € des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Rejette les demandes de nullité de donation et de rapport pour le prix d'acquisition de l'appartement ... et ...,
Confirme pour le surplus le jugement déféré,
Condamne Mme Y... aux dépens qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile et à payer aux consorts B... la somme de 6.000 € par application de l'article 700 du même code.
Le Greffier Le Président