RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre D
ARRET DU 24 octobre 2006
(no , pages)Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/08278Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 mars 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris section activités diverses RG no 04/09550
APPELANT Monsieur Joris X... ... 26400 CREST représenté par Me Jean Michel DUDEFFANT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 549(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2006/007575 du 24/04/2006 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS) INTIME ETABLISSEMENT PUBLIC INDUSTRIEL ET COMMERCIAL REUNION DES MUSEES NATIONAUX 49, rue Etienne Marcel 75039 PARIS CEDEX 01 représentée par Me Patrice D'HERBOMEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C 517 substitué par Me Sylvie GAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 517COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 20 juin 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Hélène IMERGLIK, conseillère faisant fonction de présidente
Mme Michèle MARTINEZ, conseillère
Mme Annick FELTZ, conseillère
qui en ont délibéréGreffier : Mlle Chloé FOUGEARD, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Mme Hélène IMERGLIK, présidente
- signé par Mme Hélène IMERGLIK, présidente et par Mlle Chloé FOUGEARD, greffier présent lors du prononcé.Faits et procédureSelon contrat signé le 16 septembre 2003, l'établissement public industriel et commercial Réunion des musées nationaux (la RMN) a engagé M. Joris X... à temps partiel (62%), en qualité d'agent de surveillance exposition, classe 1C, par contrat à durée déterminé motivé par un surcroît d'activité lié à l'ouverture de plusieurs expositions, pour la période du 23 septembre 2003 au 4 janvier 2004. M. X... était affecté à Paris aux Galeries nationales du Grand Palais, sur l'exposition Vuillard.Selon contrat signé le 18 mars 2004, M. X... a été à nouveau embauché par la RMN à temps partiel (62%), en qualité d'agent de surveillance exposition, classe 1C, par contrat à durée déterminé motivé par un surcroît d'activité lié à l'exposition Musées de Chine, pour la période du 24 mars 2004 au 10 juin 2004. M. X... était affecté à Paris aux Galeries nationales du Grand Palais.Le 12 juillet 2004, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant en dernier lieu à la requalification de sa relation avec la RMN en contrat de travail à durée indéterminée, à la poursuite sous astreinte du contrat de travail, au paiement d'une indemnité de requalification, subsidiairement au paiement de dommages-intérêts pour rupture abusive, d'une indemnité compensatrice de préavis et des congés payés incidents, ainsi que d'une allocation de procédure.Par jugement du 10 mars 2005, le conseil de prud'hommes a débouté M. X... de toutes ses demandes et l'a condamné aux dépens.M. X... a fait appel de cette décision dont il réclame l'infirmation. Il demande à la cour :- de dire qu'il est lié à la RMN par un contrat de travail à durée indéterminée avec une ancienneté au 23 septembre 2003,- d'ordonner sous astreinte la poursuite de ce
contrat,- de condamner la RMN à lui payer :
- 2 286,30 euros à titre d'indemnité de requalification conformément à l'article L.122-3-13 du Code du travail,- subsidiairement, de condamner la RMN à lui payer :
- 4 572,60 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,
- 762,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 76,21 euros au titre des congés payés afférents,- de condamner la RMN à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.L'établissement public industriel et commercial Réunion des musées nationaux sollicite la confirmation du jugement et une somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. A titre subsidiaire, en cas de requalification, il demande que M. X... soit débouté de ses demandes de réintégration et de dommages-intérêts pour rupture abusive et que l'indemnité de requalification soit limitée à un mois de salaire.Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 20 juin 2006, reprises et complétées lors de l'audience.Motifs de la décisionSur la requalification des contrats de travail à durée déterminéeSelon l'article L.122-1 du Code du travail, le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; il ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas énumérés à l'article L.122-1-1.L'article L.122-1-1 du Code du travail détermine limitativement les cas dans lesquels il peut être recouru à un contrat de travail à durée déterminée, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié absent (1o), l'accroissement temporaire d'activité (2o) et les emplois pour lesquels dans, dans certains secteurs d'activité définis
par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3o).Selon l'article L.122-3-13 du Code du travail, tout contrat conclu en méconnaissance de l'article L.122-1-1 est réputé à durée indéterminée.L'article 19 de l'accord d'entreprise de la Réunion des musées nationaux de janvier 1991 prévoit que les emplois sont normalement pourvus par des salariés recrutés sur des contrats à durée indéterminée mais que, toutefois, des contrats de travail à durée déterminée peuvent être conclus pour l'exécution d'activité précise et temporaire, dans les cas de remplacement d'un salarié, d'expositions temporaires, de programmation audiovisuelle, de variations saisonnières d'activité ou de l'exécution de tâches occasionnelles.Il résulte de ces dispositions légales et conventionnelles que le contrat de travail à durée indéterminée est la règle et que le contrat de travail à durée déterminée reste l'exception qui doit être justifiée par des situations précises et temporaires.La RMN a notamment dans ses missions celle d'organiser des expositions, ce qu'elle fait en particulier dans les Galeries nationales du Grand Palais. Ces galeries n'abritent pas de collections permanentes mais des expositions temporaires deux fois par an, entre octobre et janvier et entre mars et juillet.L'intimée soutient que ces expositions temporaires représentent ponctuellement pour elle un surcroît d'activité soumis à des variations importantes, les expositions étant de taille et de durée variables et attirant un flux de public différent, les Galeries étant fermées le reste du temps et le personnel devant être affecté à d'autres emplois.Cependant l'organisation d'expositions, y compris temporaires, et spécialement dans les Galeries nationales du Grand Palais, constitue une des
activités normales et prévisibles de la RMN.Au vu des programmes produits par la RMN, la saison automne-hiver aux Galeries nationales du Grand Palais dure quatre mois de septembre à janvier et, après une interruption de deux mois, a lieu celle de printemps qui dure un peu plus de trois mois (mars à juin) et est suivie d'une interruption d'environ trois mois. L'activité des Galeries est donc de plus de sept mois par an.L'organisation de deux expositions simultanément, au moins pour partie, est habituelle.Ces expositions interviennent régulièrement, à la même fréquence chaque année, sur les mêmes périodes annuelles, sur un même site et leur mode d'organisation est identique.Il n'est produit aucune pièce permettant de déterminer l'importance des expositions des Galeries nationales du Grand Palais dans l'activité de la RMN et il n'est donc pas possible d'apprécier concrètement si celles pour lesquelles le salarié a été recruté ont entraîné un accroissement d'activité.Il résulte de l'ensemble de ces éléments que, si chacune des expositions organisées aux Galeries nationales du Grand Palais est temporaire, ces expositions constituent pour la RMN une activité permanente et non occasionnelle, même si elle est intermittente, entrant dans les missions qui lui sont confiées, et pour les besoins de laquelle, elle ne peut, dès lors, recourir à des contrats de travail à durée déterminée.Dans ces conditions, le jugement sera infirmé. En application des dispositions légales et conventionnelles ci-dessus exposées, la relation de travail entre la RMN et M. X... sera requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel à compter du 23 septembre 2003 et l'employeur sera condamné à payer au salarié l'indemnité prévue à l'article L.122-3-13 du Code du travail, qu'en fonction des éléments de la cause, la cour est en mesure de fixer à 800 euros.Sur le contrat de travail à durée indéterminéeA l'issue d'un contrat de travail à durée déterminée requalifié ultérieurement
en contrat à durée indéterminée, le salarié ne peut, en l'absence de disposition le prévoyant et à défaut de violation d'une liberté fondamentale, exiger sa réintégration dans l'entreprise.C'est à juste titre que les premiers juges ont débouté l'appelant de ce chef de demande et le jugement sera confirmé sur ce point.La RMN, qui n'a plus fourni de travail à M. X... et ne lui a plus versé de salaire à l'expiration du dernier contrat de travail à durée déterminée, est responsable de la rupture, qui s'analyse en un licenciement et ouvre droit au profit du salarié à des indemnités de rupture. Par ailleurs, en l'absence de lettre de licenciement et d'énonciation de ses motifs, ce licenciement est abusif.L'employeur sera par conséquent condamné à payer au salarié l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents qu'il réclame et qu'il a correctement calculés.Eu égard à la taille de l'entreprise et compte tenu de l'âge et de l'ancienneté du salarié et des conséquences du licenciement à son égard telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, la cour est en mesure d'allouer à M. X... une somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive sur le fondement de l'article L.122-14-5 du Code du travail.Le jugement sera en conséquence infirmé à cet égard.Sur les frais irrépétiblesLes conditions d'application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile sont réunies. Il convient d'allouer à M. X... une somme de 500 euros à ce titre.Par ces motifsLa courConfirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté M. X... de ses demandes relatives à la poursuite du contrat de travail ;L'infirme pour le surplus ;Statuant à nouveau et ajoutant,Requalifie en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 23 septembre 2003 la relation de travail entre l'établissement public industriel et commercial Réunion des musées nationaux et M. X... ;Dit que M. X... a fait l'objet d'un licenciement abusif à effet au 11 juin
2004 ;Condamne l'établissement public industriel et commercial Réunion des musées nationaux à payer à M. X... les sommes de :- 800 euros (huit cents euros) à titre d'indemnité de requalification,- 762,10 euros (sept cent soixante-deux euros et dix centimes) à titre d'indemnité compensatrice de préavis,- 76,21 euros (soixante-seize euros et vingt et un centimes) au titre des congés payés afférents,- 1 500 euros (mille cinq cents euros) à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive,- 500 euros (cinq cents euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;Condamne l'établissement public industriel et commercial Réunion des musées nationaux aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT