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10/10/2006 | FRANCE | N°04/38937

France | France, Cour d'appel de Paris, 10 octobre 2006, 04/38937


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B

ARRET DU 10 Octobre 2006
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 04 / 38937

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Septembre 2004 par le conseil de prud'hommes de Créteil RG no 03 / 00912

APPELANT
Monsieur Serge X...


...

comparant en personne, assisté de Me Michel BARTHELOT DE BELLEFONDS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 566

INTIMEE
SOCIETE MORY TEAM
28, avenue Jean Loliv

e
93507 PANTIN CEDEX
représentée par Me Jacqueline CORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : M 178

COMPOSITION DE LA COUR :
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
22ème Chambre B

ARRET DU 10 Octobre 2006
(no, pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 04 / 38937

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Septembre 2004 par le conseil de prud'hommes de Créteil RG no 03 / 00912

APPELANT
Monsieur Serge X...

...

comparant en personne, assisté de Me Michel BARTHELOT DE BELLEFONDS, avocat au barreau de PARIS, toque : C 566

INTIMEE
SOCIETE MORY TEAM
28, avenue Jean Lolive
93507 PANTIN CEDEX
représentée par Me Jacqueline CORTES, avocat au barreau de PARIS, toque : M 178

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 04 Septembre 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Monsieur Philippe LABRÉGÈRE, Conseiller
Monsieur Daniel FONTANAUD, Conseiller
qui en ont délibéré

Greffière : Mme Isabelle PIRES, lors des débats

ARRÊT :

-contradictoire
-prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
-signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Mme Isabelle PIRES, greffière présente lors du prononcé.

LA COUR,

Statuant sur l'appel formé par Serge X... d'un jugement contradictoire du Conseil de Prud'hommes de CRETEIL en date du 23 septembre 2004 l'ayant débouté de sa demande et ayant débouté la société MORY TEAM de sa demande reconventionnelle ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 4 septembre 2006 de Serge X... appelant, qui sollicite de la Cour l'infirmation du jugement entrepris et la condamnation de la société intimée à lui verser :

-1 646,44 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied
-164,44 euros au titre des congés payés
-13 625,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis
-1 362,51 euros au titre des congés payés y afférents
-7 266,72 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement
-109 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle
et sérieuse
-27 250,20 euros au titre de la clause de non concurrence illicite
-5 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Vu les dernières écritures et observations orales à la barre en date du 4 septembre 2006 de la société MORY TEAM intimée qui sollicite de la Cour la confirmation du jugement entrepris et conclut au débouté de la demande et à la condamnation de l'appelant à lui verser 1 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de
procédure civile ;

SUR CE, LA COUR

Considérant qu'il est constant que Serge X... a été embauché à compter du 15 juin 1998 par la société MORY TEAM par contrat de travail à durée indéterminée en qualité de directeur d'agence ; que par avenant en date du 22 décembre 2000 il a été nommé directeur des filiales Distriteam et Transteam ; que sa dernière rémunération mensuelle brute moyenne s'élevait à la somme de 4 541,70 euros ; qu'il était assujetti à la convention collective nationale des transports routiers ; que l'entreprise employait de façon habituelle plus de dix salariés ;

Que l'appelant a été convoqué par lettre remise en main propre le 24 février 2003 à un entretien le 28 février 2003 en vue de son licenciement, avec mise à pied à titre conservatoire ; qu'à l'issue de cet entretien, son licenciement pour faute grave lui a été notifié par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 6 mars 2003 ;

Que les motifs du licenciement tels qu'énoncés dans la lettre sont les suivants :
graves négligences dans l'exercice de vos fonctions de directeur ayant entraîné la dégradation des résultats de la filiale Distriteam préjudiciable aux intérêts du groupe Mory. »

Que l'appelant a saisi le Conseil de Prud'hommes le 10 mars 2003 en vue de contester la légitimité du licenciement ;

Considérant que Serge X... expose qu'il n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction durant les quatre années passées au service de son employeur ; que les faits imputables à l'appelant consistant en des défaillances dans le traitement de factures litigieuses sont prescrits ; qu'ils ont fait l'objet d'un compte rendu à la suite d'une visite sur le lieu de travail de l'appelant les 20 et 21 novembre 2002 et étaient connus de l'employeur dès le 5 décembre 2002 ; qu'aucune preuve de la réalité de faits susceptibles d'être survenus postérieurement à cette date n'est rapportée ; que la prétendue dégradation des résultats n'est pas imputable à l'appelant, les documents produits n'étant pas probants, le dossier André étant géré par la directrice de l'agence de Dourdan et l'ajout de nouveaux clients imposés par la société générant d'importantes pertes ; que le défaut de dépôt d'une plainte dans le dossier Brandt n'est pas un grief davantage admissible ; que la société n'a jamais déposé plainte après le licenciement de celui-ci alors qu'elle était en mesure de le faire ;

Considérant que la société MORY TEAM soutient que le licenciement de Serge X... pour faute grave est justifié ; que le premier grief repose sur des faits qui ne sont pas prescrits car ils se sont poursuivis malgré la mise en garde de la société ; que l'appelant n'a pris aucune mesure pour pallier les dysfonctionnements qui ont été relevés dans deux notes en date des 5 décembre 2002 et 16 janvier 2003 ; qu'il n'a pas cherché à sauvegarder les intérêts de la société à la suite de la disparition de colis Brandt transportés par un véhicule affrété par ses soins ; que l'intimée verse aux débats des pièces établissant que le site placé sous la responsabilité de l'appelant affichait des pertes pour l'année 2002 ; qu'enfin l'appelant ne démontre pas avoir respecté la clause de non concurrence ; qu'il ne pouvait ignorer que cette clause était illicite et ne devait donc pas être respectée ;

Considérant sur le premier grief articulé dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, que les faits visés consistent en un défaut de traitement des dossiers litiges concernant le client JM Z... ; qu'il résulte du compte rendu de la visite effectuée les 20 et 21 novembre 2002 sur le site Distriteam d'Alfortville par Joël A... à la demande de Gérard B..., directeur administratif régional, que restaient à traiter pour l'année 2001 225 factures pour un montant de 24028 euros et pour l'année 2002,233 factures pour un montant de 21159 euros ; que Joël A... constatait que pour l'année 2001 218 factures sur les 225 d'un montant de 24028 euros étaient prescrites ; que par note en date du 5 décembre 2002, Gérard B... a invité fermement l'appelant à résorber sans délai le retard constaté dans le compte rendu et à enregistrer et traiter les dossiers au fur et à mesure de leur connaissance ; qu'il résulte des seules affirmations de Gérard B... figurant dans sa note en date du 16 janvier 2003 adressée au directeur général de la société que postérieurement à la mise en garde du 5 décembre 2002 les dossiers n'étaient pas ouverts dès connaissance du litige et aucune répercussion n'était effectuée auprès des louageurs ; que d'ailleurs la lettre de licenciement reprend exactement les termes de la note du 16 janvier 2003 ; que l'audit réalisé le 24 février 2003 par le directeur comptable reprend le constat qui avait été dressé en décembre 2002 sans faire état de faits postérieurs à cette date entrant dans le cadre du premier grief ; que les affirmations de Gérard B... ne peuvent donc être prises en compte ; qu'en conséquence les faits sur lesquels ce grief est fondé, ayant fait l'objet d'une mise en garde et, en toute hypothèse, ayant été portés à la connaissance de l'employeur plus de deux mois avant l'engagement de la procédure de licenciement fondée sur un motif disciplinaire, ne peuvent être retenus conformément à l'article L122-44 alinéa 1 du code du travail ;

Considérant sur le deuxième grief que la délégation de pouvoir, attribuée à l'appelant le 15 juin 1998 à l'occasion de la conclusion du contrat de travail, lui conférait tous pouvoirs de contrôle, de direction et de discipline en vue de faire assurer le strict respect des réglementations applicables aux activités de la société et notamment les prescriptions du code des douanes, du code de la route, de la coordination des transports, de la législation sur les conditions et la durée du travail de l'ensemble des salariés ainsi que de la sécurité et de la fiscalité technique ; qu'il est manifeste, compte tenu des termes de cette délégation de pouvoir, que celle-ci était destinée à régir les rapports de l'appelant avec les salariés de l'entreprise et non avec les autorités publiques ; qu'il n'est pas démontré que l'appelant ait eu antérieurement la possibilité de représenter la société en déposant une plainte pour des faits dont elle était la victime et qui nécessitent en réalité des pouvoirs plus précis ; qu'au demeurant les faits mentionnés dans la lettre de licenciement et décrits dans l'audit en date du 24 février 2003 consistent en un détournement de 166 colis d'électroménager BRANDT ; qu'ils ont enlevés le 8 octobre 2002 par la société de transports Ch. Tanneur affrétée par les services de l'appelant et devaient être livrés le même jour au magasin B.H.V. d'Ivry-sur-Seine ; qu'en raison des circonstances de l'affaire, il n'apparaît pas que la société intimée était directement victime de ce détournement et qu'il lui fallait de ce fait déposer sans délai une plainte ; que celle-ci n'a d'ailleurs pas été déposée ultérieurement, même après le licenciement de l'appelant, alors que la prescription n'était acquise que dans un délai de trois années ; que l'intimée ne démontre pas que le responsable de l'affrètement, Bernard D..., ait informé l'appelant du détournement ; que la responsabilité de la société intimée n'a été mise en cause qu'à compter du 31 janvier 2003 par la société BRANDT qui lui a transmis des factures correspondant à l'ensemble des bons de livraison destinés à la société B.H.V. ; qu'il n'est donc pas démontré que l'appelant a fait preuve de la négligence alléguée dans la lettre de licenciement ; que ce deuxième grief n'est pas davantage caractérisé ;

Considérant que le dernier grief articulé dans la lettre de licenciement n'est en réalité fondé que sur les carences imputées à l'appelant dans le traitement et le suivi des dossiers litiges pour l'année 2002 ; que les faits qui, aux yeux de l'intimée, démontrent cette carence étaient précédemment exposés dans le compte rendu établi par Joël A... et dans la note de Gérard B... et servaient à caractériser le premier grief ; que les conséquences financières de ce défaut de traitement étaient d'ailleurs soulignées dans la note du 16 janvier 2003 rédigée par Gérard B... ; que par ailleurs la somme de 177213 euros, évaluée par le directeur comptable et présentée comme le préjudice subi par l'intimée, n'est que l'estimation de la charge litiges pour l'exercice 2002 ; que celui-ci ne précise pas la part du défaut de traitement des dossiers litiges reproché à l'appelant dans cette évaluation ; que cette estimation du directeur comptable ne se retrouve pas dans les documents comptables communiqués ; que l'intimée ne démontrant pas que la carence alléguée concerne des faits postérieurs à ceux ayant donné lieu à la mise en garde du 5 décembre 2002 et prescrits, ce dernier grief ne peut donc être retenu ;

Considérant en conséquence en application des articles L122-14-2 et L122-14-3 du code du travail que le licenciement de l'appelant n'est fondé ni sur une faute grave ni sur une cause réelle et sérieuse ; qu'il convient d'infirmer le jugement entrepris ;

Considérant que la société intimée doit être condamnée au paiement du reliquat de salaire retenu par suite de la mise à pied conservatoire qui n'a désormais plus de fondement, soit la somme de 1646,44 euros ; qu'aucune contestation n'est élevée sur le montant du prorata de treizième mois, de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de congés payés de l'indemnité conventionnelle de licenciement tels qu'évalués par l'appelant ; qu'en effet l'intimée n'en conteste que le principe compte tenu de l'existence de la faute grave alléguée ; qu'il convient donc de condamner la société intimée à payer ces différentes sommes ;

Considérant que l'appelant était âgé de 58 ans à la date de son licenciement ; qu'il bénéficiait d'une ancienneté de près de cinq années au sein de la société ; qu'un licenciement à cet âge le privait de toute possibilité de retrouver un emploi ; qu'en conséquence il convient de lui allouer la somme de 46 000 euros sur le fondement de l'article L122-14-4 du code du travail ;

Considérant que le contrat de travail en date du 10 juin 1998 comportait une clause de
non concurrence interdisant à l'appelant de travailler pour une entreprise ayant une activité concurrente pendant une période de un an dans le département de la Marne et dans les départements limitrophes ; que cette clause ne comprenait aucune contrepartie financière ; qu'elle est donc manifestement illicite ; qu'en raison de son respect elle a nécessairement occasionné un préjudice à l'appelant puisqu'il apparaît, qu'à la suite de son licenciement, celui-ci n'a pas pu retrouver un emploi ; qu'en réparation de ce préjudice il convient de lui allouer la somme de 10 000 euros ;

Considérant en application de l'article L 122-14-4 alinéa 2 du code du travail que le remboursement des allocations de chômage peut être obtenu par l'ASSEDIC lorsque le salarié a plus de deux années d'ancienneté au sein de l'entreprise et que celle-ci occupe habituellement plus de dix salariés ;

Considérant que les conditions étant réunies en l'espèce, il convient d'ordonner le remboursement par la société MORY TEAM des allocations versées à l'appelant dans les conditions prévues à l'article précité ;

Considérant qu'il ne serait pas équitable de laisser à la charge de l'appelant les frais qu'il a dû exposer, tant devant le Conseil de Prud'hommes qu'en cause d'appel, et qui ne sont pas compris dans les dépens ; qu'il convient de lui allouer une somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

STATUANT A NOUVEAU

CONDAMNE la société MORY TEAM à verser à Serge X... :

-1 646,44 euros à titre de rappel de salaire sur la mise à pied

-164,44 euros au titre des congés payés

-13 625,10 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

-1 362,51 euros au titre des congés payés y afférents

-7 266,72 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement

-46 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

-10 000 euros au titre de la clause de non concurrence illicite

-2 500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

DIT que que la société MORY TEAM remboursera à l'ASSEDIC concernée les indemnités de chômage versées à Serge X... du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois,

LA CONDAMNE aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 04/38937
Date de la décision : 10/10/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Créteil


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-10-10;04.38937 ?
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