Grosses délivrées
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
3ème Chambre - Section A
ARRÊT DU 19 SEPTEMBRE 2006
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/14294 Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 Juin 2005 -Tribunal de Commerce de CRETEIL - RG no 2003/01272 APPELANTE S.A. BNP PARIBAS prise en la personne de son représentant légal ayant son siège 16 boulevard des Italiens 75009 PARIS représentée par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour assistée de Me Bertrand MOREAU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0121, de la SELARL B. MOREAU avocats INTIMES Maître Pierre X..., ès qualités de représentant des créanciers et commissaire à l'exécution du plan de la société LE FROID CONDITIONNE demeurant 1 avenue du Général de Gaulle Immeuble le Pascal 94007 CRETEIL CEDEX représenté par la SCP VARIN - PETIT, avoués à la Cour assisté de Me Philippe CHEMOUNY, avocat au barreau de PARIS, toque : R 179, Maître Gilles Y..., ès qualités d'administrateur judiciaire de la société LE FROID CONDITIONNE demeurant 14 rue du Viaduc 94130 NOGENT SUR MARNE représenté par la SCP VARIN - PETIT, avoués à la Cour assisté de Me Philippe CHEMOUNY, avocat au barreau de PARIS, toque : R 179, COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 12 juin 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Bernadette CHAGNY, Président
Monsieur Henri LE DAUPHIN, Conseiller
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Conseiller qui en ont délibéré
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du nouveau code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Madame Marie-Claude HOUDIN MINISTÈRE PUBLIC :
L'affaire a été communiquée au ministère public, ARRÊT :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile,
- signé par Madame CHAGNY, président et par Madame HOUDIN, greffier présent lors du prononcé.
Vu l'appel interjeté par la BNP Paribas (la BNP) d'un jugement rendu le 14/6/2005 par le tribunal de commerce de Créteil qui, dans ses dispositions essentielles , a annulé sur le fondement des dispositions de l'article L 621-108 du Code de Commerce le virement effectué par Monsieur Z... "pour le compte de la société Le Froid Conditionné" (la société) au crédit du compte courant de la dite société dans ses livres , lui a ordonné en conséquence de restituer la somme de 600.000 ç entre les mains de Maître X..., ès qualités de commissaire à l'exécution du plan de cession des actifs de la société, a ordonné ladite restitution avec intérêts au taux légal à
compter du 14/11/2003 et ce sous astreinte de 500 ç par jour de retard à compter d'un mois à partir de la signification du jugement, ce pour une durée de 2 mois, s'est réservé la possibilité de liquider l'astreinte dans le délai de 2 mois à compter du jugement, a ordonné l'exécution provisoire sous réserve qu'en cas d'appel il soit fourni par le bénéficiaire une caution bancaire égale au montant de la condamnation prononcée à son profit ;
Vu les conclusions signifiées le 16/5/2006 par l'appelante qui poursuit l'infirmation de la décision déférée et demande à la cour de condamner Maîtres Y... et X... ès qualités à lui payer la somme de 5.000 ç par application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les écritures signifiées le 17/3/2006 par Maître Pierre X... et Maître Gilles Y... qui concluent à la confirmation du jugement entrepris et à la condamnation de l'appelante à leur verser la somme de 5.000 ç sur le fondement des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
SUR CE
Considérant que la société Le Froid Conditionné, créée en 1974 par Monsieur François Z... et exerçant son activité commerciale depuis le 10/2/1983 sous forme d'une société anonyme, a développé deux pôles complémentaires dans l'activité de la climatisation, une activité de fourniture de prestation de services liées à la climatisation auprès de boutiques à enseignes, et une activité de "froid commercial" ayant pour objet la fourniture, l'installation et l'entretien de meubles réfrigérants auprès des stations services des grands pétroliers ;
Considérant que le 24/7/2003, la société a déclaré la cessation de ses paiements aux fins d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire ; que par jugement du 7/8/2003, le tribunal de commerce de Créteil a ouvert une procédure de redressement judiciaire en régime général à l'égard de la société, désigné Maître Y... administrateur avec la mission d'assister le débiteur pour tous les actes de gestion et Maître X... comme représentant des créanciers, fixé au 1/4/2003 la date de cessation des paiements ;
Considérant que par acte d'huissier de justice en date du 14/11/2003, les deux mandataires judiciaires ont assigné la BNP afin d'obtenir, sur le fondement des dispositions de l'article L 621-108 du Code de Commerce, la nullité d'un paiement destiné à apurer une dette échue de la société intervenu pendant la période suspecte, soit le 19/5/2003 ; que le 4/2/2004, le tribunal de commerce de Créteil a arrêté le plan de cession des actifs de la société, Maître X... étant désigné comme commissaire à l'exécution du plan et Maître Y... étant maintenu en qualité d'administrateur judiciaire le temps nécessaire à la mise en oeuvre du plan ; que c'est dans ces conditions et circonstances qu'est intervenu le jugement déféré ;
Considérant qu'aux termes de l'article L 621-108 du Code de Commerce, les paiements pour dettes échues effectuées après la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis après cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements ;
Considérant que la BNP était le banquier historique de la société et celui de son dirigeant, M. Z... ; que celui-ci s'est adressé à la
banque lorsqu'au cours de l'exercice 2002 la société a rencontré des difficultés liées à une baisse importante de son chiffre d'affaires, celui-ci étant passé de 8.310.000 ç à 6.603.000 ç ; que la BNP a accordé à la société des concours importants puis a initié un plan de restructuration ;
Considérant que ce dernier devait comporter deux phases : la première de recapitalisation consistant dans l'augmentation du capital social de la société par apport personnel de M. Z... à hauteur de 600 .000 ç, la seconde consistant dans la mise en place d'un emprunt à moyen terme pour 400 .000 ç auprès de plusieurs banques tandis que M. Z... s'engageait à faire un nouvel apport personnel en capital de 120 .000 ç ;
Considérant que le schéma de la première phase s'articulait ainsi : - Monsieur Z..., propriétaire de l'immeuble dans lequel la société avait établi son siège social, devait le vendre à une société civile immobilière Belf, dont le capital était détenu par les membres de la famille de M. Z..., moyennant le prix de 600.000 ç ; - la BNP devait financer la SCI Belf en lui octroyant un prêt de 600.000 ç remboursable sur 10 années au taux de 5 % ; - la SCI Belf devait consentir un bail à la société Le Froid Conditionné et percevoir des loyers qui lui permettraient de couvrir les échéances du prêt ; - M . Z... devait injecter les 600.000 ç perçus dans la société Le Froid Conditionné en souscrivant à une augmentation de capital de même montant ; - la BNP devait obtenir la garantie de la Sofaris et bénéficier des garanties suivantes (privilège de prêteur de deniers, hypothèque de premier rang à hauteur de la somme de 600.000 ç, caution solidaire de M. Z... à hauteur de la somme de 300.000 ç, nantissement des parts de la SCI à hauteur de la somme de 600 .000 ç,
délégation de loyers auprès de la société) ;
Considérant qu'en réalité, seules les opérations suivantes ont été accomplies : - M. Z... a vendu l'immeuble à la SCI au prix de 600. 000 ç ; - la BNP a accordé un prêt de 600 .000 ç à la SCI, remboursable en 120 mensualités ; - l'augmentation de capital a été réalisée à hauteur de 600.000 ç ; - la somme de 600 .000 ç payée par la SCI a été déposée sur un compte personnel de M. Z... ; - M. Z... a effectué un virement de ce montant sur le compte de la société le 19/5/2003 ;
Considérant qu'il résulte des pièces versées aux débats et notamment du relevé du compte bancaire de la société ( pièce 13 de l'appelante ) que la BNP a utilisé cette somme qualifiée dans ses écritures d'apport en compte courant pour rembourser le découvert initialement consenti ;
Considérant qu'aux termes des dispositions légales précitées invoquées à l'encontre de la BNP, seuls les paiements faits avec le débiteur objet de la procédure collective sont annulables ; qu'en l'espèce, la société n'a pas été partie à l'opération ci-dessus décrite ; qu'elle en a été seulement bénéficiaire ; qu'elle n'a effectué aucune remise ; que le virement effectué par M. Z... n'a pas été fait pour le compte de la société, contrairement à ce qu'a affirmé le premier juge ; que la remise en compte courant a été réalisée au moyen des fonds personnels de M. Z... qui provenaient de la vente d'un de ses biens propres ; que M. Z... est un tiers ; qu'aucune fraude n'est alléguée ; que le principe d'égalité des créanciers ne s'impose pas aux tiers ; que par l'opération litigieuse, la société en état de cessation des paiement a réduit son
passif sans pour autant obérer son patrimoine ; que, même si la banque a ainsi pu obtenir un règlement préférentiel, le paiement litigieux fait par un tiers est hors d'atteinte de la procédure collective ; qu'il est dès lors inutile de s'interroger sur la connaissance qu'avait la banque de l'état de cessation des paiements ;
Considérant en conséquence que le jugement déféré sera infirmé dans son intégralité ;
Considérant que vu le sort réservé à l'appel, les intimés ne peuvent qu'être déboutés de leur demande de sommes d'argent au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que l'équité ne commande pas pour autant leur condamnation sur le fondement de ses dispositions ;
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré,
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute Maître Y... et Maître X... de leur demande d'annulation du virement effectué par M. Z... en faveur du compte courant de la société Le Froid Conditionné le 19/5/2003 pour un montant de 600. 000 ç fondée sur les dispositions de l'article L621 -108 du Code de Commerce et de l'ensemble de leurs demandes,
Déboute la BNP PARIBAS de la demande formée au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
Condamne Maître Y... et Maître X... ès qualités aux dépens de première instance et d'appel et admet pour ces derniers l'avoué concerné au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,