La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/06/2006 | FRANCE | N°6

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0133, 10 juin 2006, 6


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre A

ARRET DU 10 Juin 2008

(no 6 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/12073-A.C.

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Août 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG no 04/16100

APPELANTE

SAS AEDIAN CONSULTING

...

75009 PARIS

représentée par Me Pascale Clémence BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E 221

INTIME

Monsieur Christian

X...

...

78000 VERSAILLES

comparant en personne, assisté de Me François DE RAYNAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2151

COMPOSITION DE LA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

21ème Chambre A

ARRET DU 10 Juin 2008

(no 6 , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 06/12073-A.C.

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Août 2006 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG no 04/16100

APPELANTE

SAS AEDIAN CONSULTING

...

75009 PARIS

représentée par Me Pascale Clémence BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E 221

INTIME

Monsieur Christian X...

...

78000 VERSAILLES

comparant en personne, assisté de Me François DE RAYNAL, avocat au barreau de PARIS, toque : C 2151

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 Avril 2008, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Alain CHAUVET, Président, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Alain CHAUVET, Président

Madame Françoise FROMENT, Présidente désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président datée du 28/01/2008,

Monsieur Claude TERREAUX, Conseiller

Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Alain CHAUVET, Président et par Evelyne MUDRY, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par jugement du 8 août 2006 auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de PARIS a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

-condamné la société AEDIAN CONSULTING à payer à Monsieur Christian X... les sommes suivantes :

-33212,01 euros à titre d'indemnité de préavis.

-3321,20 euros à titre de congés payés.

-17 491,65 euros à titre d'indemnité de licenciement.

-70 000 euros à titre de dommages et intérêts.

-30 000 euros au titre du préjudice moral.

-74,03 euros de rappel de salaire.

-1000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

-dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2005 sauf en ce qui concerne les dommages et intérêts et l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

-ordonné le remboursement aux ASSEDIC dans la limite de 4 mois.

-rappelé que la moyenne mensuelle des salaires ressort à 8456,87 euros.

-rejeté la demande reconventionnelle.

La société AEDIAN CONSULTING a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 1er septembre 2006.

Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 15 avril 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments et par lesquelles la société AEDIAN CONSULTING demande à la cour de :

-constater que le licenciement de Monsieur X... pour faute grave repose sur une cause réelle et sérieuse.

-constater que Monsieur X... ne justifie pas du fait qu'elle ait usé à son égard de moyens vexatoires justifiant l'octroi de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice distinct de celui résultant du licenciement en vertu des dispositions de l'article 1382 du Code Civil.

-constater que Monsieur X... ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre de la prévoyance.

-réformer le jugement entrepris,

-condamner Monsieur X... à lui rembourser la somme de 154 098,89 euros versée au titre de l'exécution provisoire et ce avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.

-le condamner au paiement de la somme de 3000 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Vu les conclusions régulièrement communiquées et oralement soutenues à l'audience du 15 avril 2008, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé de ses moyens et arguments et par lesquelles Monsieur X... demande à la cour de :

-confirmer le jugement sur la condamnation de la société AEDIAN CONSULTING au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés y afférents, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et du rappel de salaire.

-infirmer le jugement sur les autres chefs de demande.

-condamner la société AEDIAN CONSULTING au paiement des sommes suivantes :

-200 000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base de l'article L.122-14-4 du Code du Travail.

-50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct sur la base de l'article 1382 du Code Civil.

-3500 euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

-les intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de la demande.

MOTIFS

Sur les motifs du licenciement

Considérant que Monsieur X... est entré au service de la société PIA le 9 juin 2000 comme consultant.

Que suite à l'acquisition de la société PIA par le groupe AEDIAN en décembre 2003, les actionnaires de la société PIA, dont Monsieur X..., ont cédé l'intégralité de leurs actions au groupe AEDIAN suivant certaines modalités, dont le versement d'un complément de prix en fonction des résultats de la société PIA au 30 juin 2006.

Considérant que le 17 novembre 2004 il a refusé, tout comme Monsieur DE Z... autre cédant, la proposition transactionnelle du responsable du Groupe AEDIAN tendant à la modification des conditions de versement du complément de prix prévu par l'acte de décembre 2003.

Considérant que le 22 novembre 2004 la société PIA notifiait un avertissement à Monsieur X... entre autres pour des « propos négatifs et dénigrants » à l'égard de la société et de son président ainsi qu'en raison du non respect des procédures internes et de l'absence de renseignement de son agenda électronique.

Considérant que Monsieur X... a été licencié pour faute grave le 11 février 2005 pour les motifs suivants :

-sabotage du développement de la société depuis la nomination du nouveau président.

-manifestation de solidarité avec l'ancien président révoqué, Monsieur A..., par l'envoi d'un courrier du 26 octobre 2004.

-dégradation volontaire des relations humaines, commerciales ainsi que de la situation financière de la société.

-assignation de l'employeur et de deux autres sociétés du groupe en sa qualité de cédant des actions PIA reprenant à son compte les thèses de l'ancien président au préjudice de l'employeur, ce qui aurait du le conduire à démissionner.

-recherche de licenciement.

-inactivité volontaire et « surf sur le net » pendant le temps de travail.

-refus de formation.

-refus de gérer les contrats en cours et temps de traitement des demandes de renouvellement des clients inadmissible.

-refus d'utiliser l'outil groupe de gestion de la relation client.

-non respect des procédures qui s'imposent à tous et refus de traiter les réclamations des clients générées par son attitude.

-non respect de la hiérarchie et refus de fixer les rendez-vous demandés ;

-déstabilisation des collaborateurs et de la clientèle.

-recrutement de collaborateurs au troisième trimestre 2004 sans s'occuper de leur affectation.

-perturbation du système de pilotage

Considérant que la société AEDIAN CONSULTING fait valoir que :

-c'est à tort que le conseil de prud'hommes a énoncé que certains des griefs invoqués (utilisation d'internet et sabotage) ne figuraient pas dans la lettre de rupture, que d'autres n'étaient pas étayés et que la rédaction en termes trop généraux du grief d'insubordination interdisait toute vérification matérielle concrète.

-la totalité des faits rapportés dans la lettre de licenciement sont prouvés.

-c'est l'attitude d'opposition systématique de Monsieur X..., ancien associé et dirigeant de la société PIA qu'elle venait de racheter, qui l'ont contrainte à mettre un terme à son contrat de travail alors que telle n'était pas son intention.

-ce comportement s'inscrit dans un contexte de pillage de sa clientèle et de débauchage de son personnel de la part des anciens dirigeants de la société PIA, dont le demandeur, qui ont constitué une nouvelle société, PERFORMANCE CONSULTING, oeuvrant dans le même secteur d'activité et lui ayant fait perdre depuis le 1er semestre 2005, près de la moitié de son chiffre d'affaires, ce qui l'a conduite à engager une action en concurrence déloyale en octobre 2006.

Considérant en premier lieu qu'il n'appartient pas à la cour de statuer sur les actes de concurrence déloyale reprochés aux anciens dirigeants de la société PIA, alors d'une part que ces faits ne sont pas visés dans la lettre de rupture, d'autre part qu'une instance est en cours sur ce point devant une autre juridiction, enfin que les préjudices invoqués par l'appelante à ce titre sont contestés.

Considérant en second lieu que s'il est exact que le premier juge a omis d'examiner deux des griefs invoqués dans la lettre de licenciement, force est cependant de constater que les éléments fournis par l'appelante au soutien de son recours ne sont pas de nature à remettre en cause la décision attaquée, étant observé que :

-sur le grief de « sabotage »

-ce reproche suppose de la part du salarié une intention de nuire qui n'est pas caractérisée en l'espèce faute d'éléments concrets en ce sens, alors au surplus que les manquements dont fait état l'appelante de ce chef ont été déjà sanctionnés par l'avertissement du 22 novembre 2004.

-la lettre du 26 octobre 2004 par laquelle le demandeur et quatre autres cadres de la société manifestent leur désaccord quant à la révocation de l'ancien président, outre qu'elle n'a pas été diffusée dans l'entreprise, ne peut s'interpréter comme une manifestation de destabilisation de l'entreprise.

-l'action en justice engagée par l'intimé afin d'obtenir paiement d'un complément de prix prévu par le protocole de cession des actions dont il était titulaire dans la société PIA ne peut constituer un motif valable de licenciement s'agissant de l'exercice d'un droit personnel du salarié.

-sur le grief d'inactivité

-ce grief qui repose principalement sur une attestation établie le 21 mai 2008 à partir de données non contradictoires, par une salariée (Madame B...) dont on ignore si elle était en poste à la date du licenciement, est contredit par les témoignages de deux anciens salariés démontrant la volonté de la direction de la société de reprendre en direct une partie des relations clients de Monsieur X.... (cf attestations DELORME et HOFFNER)

-les manquements allégués dans le traitement des réclamations des clients et la gestion des dossiers ne sont pas suffisamment démontrés au regard des explications et documents fournis par le salarié.

-la responsabilité personnelle de Monsieur X... dans le non renouvellement de certains contrats (notamment SAN PAOLO et CLEARNET) n'est pas non plus formellement prouvée.

-l'attestation de la société APLITEC (commissaire aux comptes) est sans influence déterminante sur la matérialité des faits reprochés au demandeur.

-Monsieur X... s'est plaint à plusieurs reprises de la remise en cause de ses attributions ou des difficultés qu'il rencontrait dans l'exercice de ses fonctions, ce qui confirme ses affirmations quant à la modification de ses fonctions suite au changement de direction de la société.( cf lettres X... /CAPELE du 19/11/2004, échange de mails et de courriers entre Monsieur X... et Monsieur C... 24/11/2004, 8/12/2004 et 13 et 19 /01/2005)

-les relevés informatiques communiqués par la défenderesse ne portent que sur une courte période à la fin du mois de janvier 2005 et ne sont pas réellement exploitables faute d'indiquer clairement les temps réels de connexion, alors que comme le soutient le salarié, il n'est justifié ni d'une notification préalable de la charte internet dont se prévaut l'appelante, ni d'une information préalable relative à la mise en place d'un dispositif de contrôle individualisé.

-sur le grief d'insubordination, le refus de suivre les procédures et les formations et la perturbation du système de pilotage

-l'insubordination reprochée n'est basée sur aucun fait précis vérifiable et ne repose en définitive que sur les propres affirmations de l'employeur lequel ne démontre pas un renouvellement des faits déjà invoqués dans l'avertissement du 22 novembre 2004.

-le motif tenant au refus de venir aux rendez-vous fixés est insuffisamment étayé ou contredit (cf échange de mails de décembre 2004, attestation HOFFNER)

-les motifs tenant au refus de formation et de suivi des procédures ne peuvent constituer une cause valable de licenciement, compte tenu des explications et pièces fournies par l'intimé qui justifient de son indisponibilité (comme de celle d'autres salariés) pour les sessions de formation prévues et de l'imprécision des faits allégués s'agissant de l'autre motif, le listing produit par l'employeur ayant été établi au mois d'octobre 2005 plus de huit mois après le licenciement et ne caractérisant pas le refus invoqué.

-le reproche relatif à la perturbation du système de pilotage n'est pas clairement explicité.

Considérant que la société AEDIAN CONSULTING ne justifie pas de la responsabilité de Monsieur X... dans le recrutement de collaborateurs ni d'ailleurs du nombre des personnes embauchées et des charges induites par ce recrutement, ce qui prive d'effet le motif énoncé à ce titre.

Considérant par ailleurs que le comportement professionnel de Monsieur X... n'avait auparavant jamais donné lieu à critique, ainsi que le prouvent les appréciations très positives portées sur lui au cours des années précédentes et ses résultats antérieurs.

Considérant en définitive, que comme le fait valoir l'intimé, son licenciement s'inscrit dans le contexte du départ de l'ancien président de la société PIA et de la mise à l'écart des anciens actionnaires de PIA, le protocole de cession d'actions conclu lors de la fusion de PIA dans le groupe AEDIAN, excluant pour les intéressés tout versement de complément de prix en cas de licenciement pour faute grave ou lourde ou en cas de démission.

Considérant que le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les demandes en paiement

-indemnités légales et conventionnelles de rupture

Considérant que les sommes allouées de ce chef sont conformes aux droits du salarié et aux textes applicables.

Que le jugement sera confirmé.

-dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et préjudice moral

Considérant qu'eu égard à l'ancienneté du salarié, aux circonstances particulières dans lesquelles est intervenue la rupture et aux justificatifs produits, le conseil a fait une juste appréciation du préjudice subi par le salarié en lui accordant les sommes de 70 000 euros en réparation du préjudice matériel et financier et de 30 000 euros en indemnisation de son préjudice moral.

Que le jugement mérite également confirmation sur ce point.

-rappel de salaires au titre de la prévoyance

Considérant qu'il résulte des pièces communiquées et qu'il n'est pas sérieusement contesté que la société AEDIAN CONSULTING a modifié au 1er janvier 2005 le régime de prévoyance de l'entreprise de manière unilatérale et sans négocier d'accord collectif ou procéder à une consultation des salariés. (cf bulletins de paie de décembre 2004 et janvier 2005)

Considérant que la somme allouée à ce titre en première instance soit 74,03 euros, correspond à l'augmentation unilatérale du précompte salarial (mutuelle et prévoyance cadre) pour les mois de janvier et février 2005. (cf tableau et décompte non sérieusement contestés établis par le demandeur)

Que le jugement sera confirmé.

Considérant que la société défenderesse devra remettre à Monsieur X... une attestation ASSEDIC et un certificat de travail conformes au présent arrêt.

Qu'il convient de la débouter de sa demande de remboursement des sommes versées au titre de l'exécution provisoire.

Que le jugement doit être confirmé en ce qu'il a ordonné le remboursement des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de quatre mois d'indemnités.

Considérant que l'appelante qui succombe supportera les dépens et indemnisera l'intimé des frais exposés en appel à concurrence de la somme de 2000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort

Confirme le jugement déféré.

Y ajoutant,

Condamne la société AEDIAN CONSULTING à payer à Monsieur Christian X... la somme de 2000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Condamne la société AEDIAN CONSULTING à remettre à Monsieur X... une attestation ASSEDIC et un certificat de travail conformes au présent arrêt.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Condamne l'appelante aux dépens.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0133
Numéro d'arrêt : 6
Date de la décision : 10/06/2006

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Paris, 08 juin 2006


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2006-06-10;6 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award