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17/05/2006 | FRANCE | N°04/14245

France | France, Cour d'appel de Paris, 17 mai 2006, 04/14245


T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 04/14245 No MINUTE : Assignation du : 14 Septembre 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 17 Mai 2006 DEMANDERESSE S.A. CRC EDITIONS 93 Avenue Niel 75017 PARIS représentée par Me Jean-Marc BLAMOUTIER - SELAFA BLAMOUTIER SALPHATI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K 13 DÉFENDEURS Monsieur Pierre-Michel X... 93 Avenue Niel 75017 PARIS représenté par Me Guy-Claude ARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 383 Société AXA FRANCE IARD 26 rue Drouot 75009

PARIS représentée par Me Guy-Claude ARON, avocat au barreau ...

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 3ème chambre 1ère section No RG : 04/14245 No MINUTE : Assignation du : 14 Septembre 2004 Expéditions exécutoires délivrées le : JUGEMENT rendu le 17 Mai 2006 DEMANDERESSE S.A. CRC EDITIONS 93 Avenue Niel 75017 PARIS représentée par Me Jean-Marc BLAMOUTIER - SELAFA BLAMOUTIER SALPHATI & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire K 13 DÉFENDEURS Monsieur Pierre-Michel X... 93 Avenue Niel 75017 PARIS représenté par Me Guy-Claude ARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 383 Société AXA FRANCE IARD 26 rue Drouot 75009 PARIS représentée par Me Guy-Claude ARON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire A 383 COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ Marie-Claude APELLE, Vice-Présidente Marie COURBOULAY, Vice-Présidente Carole CHEGARAY, Juge COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DU PRONONCÉ Marie-Claude APELLE, Vice Présidente Emmanuelle LEBEE, Vice Présidente Françoise ALBOU-DUPOTY, Juge GREFFIER LORS DES DEBATS ET DU PRONONCE Léoncia BELLON

DÉBATS A l'audience du 15 Mars 2006 tenue en audience publique devant Marie COURBOULAY, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile. JUGEMENT Prononcé par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort FAITS ET PROCÉDURE. La société CRC EDITIONS est éditeur et producteur de musique et exploite les oeuvres musicales des différents artistes dont elle détient les droits patrimoniaux. Y... support des oeuvres est en général constitué de bandes originales de 24 pistes. Celles-ci étaient stockées dans les bureaux de la société au sous-sol de locaux faisant l'objet d'un bail commercial de la part du propriétaire des lieux M. Pierre-Michel X...
Y... 3 janvier 2002, un dégât des eaux a été découvert ayant pour origine une fuite sur

une colonne d'arrivée d'eau et une fuite sur une colonne de distribution. L'eau a endommagé les bandes. Des expertises amiables ont eu lieu entre les parties, la société CRC EDITIONS, M. Pierre-Michel X... propriétaire et son assureur la société AXA mais aucun accord n'a pu intervenir entre les parties. Par acte en date du 14 septembre 2004, la société CRC EDITIONS a fait assigner M. Pierre-Michel X..., en sa qualité de propriétaire et la société AXA, assureur, aux fins de les voir condamner in solidum à lui payer la somme de 284.555,53 euros en réparation du préjudice subi du fait de la perte des bandes musicales et la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, le tout sous le bénéfice de l'exécution provisoire. Dans ses dernières conclusions du 1er juin 2005, la société CRC EDITIONS a rappelé que la société AXA soutient faussement que le litige lui aurait été déclaré tardivement et qu'elle tente de minimiser le préjudice subi en soutenant que le coût de reconstitution des bandes serait supérieur à la valeur vénale de celles-ci. Elle a fait valoir que l'argument selon lequel elle était insuffisamment assurée au regard des biens qu'elle détenait dans ses locaux commerciaux est inopérant car elle était suffisamment assurée pour sa responsabilité tant vis à vis de son propriétaire que vis à vis des tiers et que seul ce point importe pour son propriétaire, qu'elle a fait un usage des lieux conforme au bail, que les bandes étaient conservées dans un lieu chauffé et cimenté et que la destruction des bandes provient d'un dégât qu'elle n'avait pas assuré elle-même. Elle a précisé que les droits détenus sont protégés pendant 75 ans, qu'ils sont donc exploitables pendant de nombreuses années, que la société AXA FRANCE doit l'indemniser de façon à la mettre dans le même état qu'avant la survenue des dégâts, que peu importe le coût de reconstruction des bandes qui contrairement à ce que soutient la société AXA FRANCE

n'ont pas une valeur marchande nulle du fait qu'il s'agit d'artistes désormais peu connus. Elle s'est opposée à une mesure d'expertise qui est dilatoire de la part de la société d'assurances. Elle a demandé au tribunal de : condamner in solidum M. Pierre-Michel X... et la société AXA FRANCE à lui payer la somme de 284.555,53 euros à titre principal. Les condamner en complément à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir. Les condamner in solidum aux dépens dont distraction au profit de la SELAFA BLAMOUTIER-SALPHATI et ASSOCIES, avocat, par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Dans leurs dernières écritures du 16 septembre 2005, M. Pierre-Michel X... et la société AXA FRANCE ont soutenu que la société CRC EDITIONS n'a pas respecté l'obligation contenue dans son bail d'assurer elle-même ses propres mobiliers à un montant suffisant, puisque du fait de la faible assurance de ses propres biens, elle a dû agir contre son propriétaire pour obtenir une réparation suffisante, que de surcroît le bail ne prévoit qu'une activité de bureaux et non l'entreposage et qu'en conséquence, la perte des bandes musicales n'a pas à être prise en compte puisqu'elle échappe à l'activité prévue au bail. Enfin, ils ont indiqué que la société demanderesse avait participé à son propre dommage puisqu'elle a entreposé les bandes endommagées dans des sacs plastique jusqu'en avril 2002 aggravant la détérioration des bandes par l'humidité. Ils ont sollicité du tribunal de : Constater que d'abord pour ne pas avoir elle-même assuré les biens sinistrés comme son bail lui en faisait obligation, mais plus encore pour avoir entreposé le stock des produits commercialisés par ses soins dans une cave louée différemment à usage de bureaux, la société CRC ÉDITIONS invoque un dommage qu'elle ne saurait opposer à son propriétaire ou à l'assureur de celui-ci, dans le cadre d'une location consentie avec

l'obligation pour le locataire d'assurer suffisamment ses propres biens mobiliers mais de surcroît pour le seul usage de bureaux. Débouter en conséquence la société CRC EDITIONS de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de M. Pierre-Michel X... et de la société AXA FRANCE, son assureur. Condamner la société CRC EDITIONS à payer d'une part à M. Pierre-Michel X... et d'autre part à la société AXA FRANCE pour frais irrépétibles sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et pour chacun d'entre eux, une indemnité de 5.000 euros. Condamner encore la société CRC EDITIONS aux entiers dépens dont distraction au profit de Mo Guy-Claude ARON, Avocat, par application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, Très subsidiairement, constater que la réalité et le montant du dommage restent à établir contradictoirement, Organiser avant dire droit en ce cas une mesure d'expertise technique concernant notamment la détermination contradictoire :

[*des mesures de sauvetage prises après le sinistre et de l'incidence de ces mesures ou de leur absence sur le dommage subi,

*]de la liste des bandes magnétiques réellement endommagées et à reconstituer,

[*de l'utilisation antérieure et prévisible des mêmes bandes comme de l'intérêt de leur reconstitution,

*]du coût effectif de cette reconstitution. Surseoir à statuer sur le montant du dommage jusqu'au dépôt de rapport d'expertise puis un nouvel échange de conclusions entre les parties . La clôture a été prononcée le 7 novembre 2005.

MOTIFS DE LA DÉCISION : Il résulte des éléments du débat que, le 3 janvier 2002, une fuite s'est produite au sous-sol, sur une colonne d'alimentation en eau de l'immeuble situé 93 avenue de Niel à PARIS 17o appartenant à Monsieur Pierre-Michel X... et a causé des dégâts dans trois caves louées par la société CRC EDITIONS selon un bail

commercial renouvelé le 8 octobre 1997 à effet du 1er juin 1997 ayant pour activité "usage de bureaux à l'exclusion de tout autre". M. Pierre-Michel X... et la société AXA FRANCE ne contestent pas que le propriétaire de l'immeuble soit à l'origine des dommages mais soutiennent un certain nombre d'exceptions qui excluent leur garantie. Il est constant que la société CRC EDITIONS exerce une activité de bureaux dans l'ensemble des lieux loués (l'appartement aux premier étage et les trois caves en sous-sol). Les défendeurs soutiennent que l'entreposage des bandes musicales dans les caves louées était contraire aux clauses du bail et notamment à celle relative à l'activité. Or, il convient de constater que les bandes musicales sont le support de l'activité d'édition de musiques et que l'installation des bandes dans une partie du local loué à titre principal pour une activité de bureaux est conforme au bail puisque les éléments physiques nécessaires à l'activité de bureaux et qui doivent être manipulés et utilisés régulièrement pour réaliser l'activité elle-même, ne peuvent être installés à un autre endroit. Il est d'usage qu'une ou plusieurs pièces dans un local de bureaux soient réservées à l'entreposage des documents, de dossiers ou de quelques éléments de démonstration, selon l'activité concernée et nécessaires à l'accomplissement de celle-ci, sans que l'activité d'entrepôt ne soit visée au bail. Aucune faute au regard des clauses du bail n'a été commise par la société CRC en entreposant les bandes musicales dans les caves louées pour l'activité d'édition musicale. La société CRC EDITIONS était assurée pour ses objets mobiliers comme l'imposaient les clauses du bail. Aucune faute ne peut lui être reprochée à ce titre.La société CRC EDITIONS était assurée pour ses objets mobiliers comme l'imposaient les clauses du bail. Aucune faute ne peut lui être reprochée à ce titre. Par ailleurs, elle a choisi de ne pas mettre en jeu sa propre assurance mais celle de son

propriétaire qui par ailleurs, ne conteste pas être à l'origine des dégâts subis par la société défenderesse, pour obtenir réparation du préjudice subi. En tant qu'assurée bénéficiant d'une double possibilité d'obtenir une réparation à la suite d'un dégât provoqué par un tiers alors qu'elle bénéficie par ailleurs de la garantie de sa propre assurance, la société CRC EDITIONS a le devoir d'opter pour une seule garantie ce qu'elle a fait et l'auteur du dommage n'a pas la possibilité de la contraindre à opérer un choix qui lui serait plus profitable. En conséquence, le fait que l'indemnisation prévue au contrat d'assurances souscrit par la société CRC EDITIONS ne prévoit qu'une indemnisation inférieure à celle réclamée à M. Pierre-Michel X... et à la société AXA FRANCE est sans effet sur la responsabilité des défendeurs et ne saurait l'exclure. La société CRC EDITIONS ne conteste pas avoir conservé la preuve des dégâts occasionnés dans des sacs en plastique du jour du sinistre le 3 janvier 2002 au jour de la visite de l'expert missionné par l'assurance soit le 21 mars 2002. Ainsi, il apparaît que la société CRC EDITIONS a concouru non à la réalisation du dommage, mais à l'éventuelle aggravation dudit dommage. En l'état des pièces versées au débat, le tribunal ne dispose pas de suffisamment d'éléments pour déterminer et évaluer le préjudice subi par la société CRC EDITIONS du fait du dégât des eaux. Il convient donc d'ordonner une expertise afin de donner au tribunal tous éléments permettant de déterminer l'étendue de la perte subie par la société CRC EDITIONS en faisant le calcul de la valeur marchande des bandes musicales au jour du sinistre et leur valeur d'exploitation au regard des titres détenus, de leur durée d'exploitation restant à courir, des revenus tirés par la société CRC de l'exploitation de son fonds et d'indiquer le coût de la reconstitution des bandes, sa chance de réussite, de donner tous éléments sur l'aggravation éventuelle du dommage subi par les

bandes, d'en déterminer la quantité, la proportion, et les éléments permettant au tribunal de fixer le montant de cette éventuelle aggravation. Une provision de 40.000 euros sera allouée à la société CRC EDITIONS à valoir sur les dommages et intérêts définitifs. L'exécution provisoire est compatible avec la nature de l'affaire, elle est nécessaire et sera ordonnée. Les conditions sont réunies pour allouer d'ores et déjà la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile à la société CRC EDITIONS.

PAR CES MOTIFS, Y... Tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort ; -Rejette les exclusions de garantie soulevées par M. Pierre-Michel X... et la société AXA FRANCE . En conséquence, - Dit que M. Pierre-Michel X... est responsable des dégâts subis par la société CRC EDITIONS le 3 janvier 2002. Avant dire droit, tous droits et moyens des parties étant réservés, Ordonne une mesure d'expertise confiée à :

Monsieur Francis Z...

143, rue Saint Martin - 75004 PARIS

Téléphone : 01 48 04 84 43 avec mission de : -se rendre sur place et convoquer les parties, dans le respect du contradictoire, se faire communiquer l'ensemble des pièces du litige. - donner tous éléments au tribunal afin de déterminer

*la liste des bandes magnétiques constituant le fonds de l'édition musicale de la société demanderesse, la liste des bandes magnétiques totalement détruites et celle des bandes magnétiques endommagées, la liste des bandes magnétiques à reconstituer et celle des bandes magnétiques irrécupérables définitivement.

[*l'utilisation antérieure (dans les 5 années précédant le sinistre) et celle prévisible des mêmes bandes au regard de la durée d'exploitation restant pour chacune d'elles, de leur intérêt commercial et de leur notoriété.

*]le coût effectif de la reconstitution et la possibilité de cette reconstitution.

[*la valeur vénale du fonds musical endommagé ou détruit.

*]les mesures de sauvetage entreprises après le sinistre par la société CRC EDITIONS et l'incidence de ces mesures sur le dommage final. Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du Nouveau Code de Procédure Civile et qu'il déposera l'original de son rapport au Greffe du Tribunal de Grande Instance de Paris (Contrôle des Expertises, Escalier P, 3ème étage) avant le 30 décembre 2006, sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile auprès du Juge du Contrôle ; Dit qu'en cas de difficulté sur l'une des dispositions qui précédent, il en sera référé au magistrat chargé du contrôle des expertises; Fixe à la somme de 5.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par la société CRC EDITIONS, ou à défaut par la partie la plus diligente, à la RÉGIE DU TRIBUNAL (Escalier D, 2ème étage) avant le 30 juin 2006 ; Dit que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et privée d'effet ; Renvoie l'affaire à l'audience du juge de la mise en état du 11 septembre 2006 à 13 H 10 afin de vérifier le paiement de la consignation et la saisine de l'expert. Condamne in solidum M. Pierre-Michel X... et la société AXA FRANCE à payer à la société CRC EDITIONS la somme de 40.000 euros à titre de provision à valoir sur les dommages et intérêts définitifs et d'ores et déjà celle de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure

civile. Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision. Réserve les dépens. Fait et jugé à PARIS le DIX SEPT MAI 2006./. Y... GREFFIER

Y... PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 04/14245
Date de la décision : 17/05/2006
Sens de l'arrêt : Autre

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2006-05-17;04.14245 ?
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