RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre C
ARRET DU 23 MARS 2006 (no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 04/38499 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Septembre 2004 par le tribunal de grande instance de Bobigny
APPELANTE S.A. TRANSPORT AERIEN REGIONAL - STAR AIRLINES Immeuble Horizon 10, allée Bienvenue 93885 NOISY LE GRAND CEDEX représentée la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoués à la Cour assistée par Me Alain RAPAPORT, avocat au barreau de PARIS, D 683 INTIMES COMPAGNIE EUROPÉENNE DE GARANTIES IMMOBILIÈRES 5, rue Soyer B.P. 119 92200 NEUILLY SUR SEINE représentée par la SCP LAGOURGUE assistée par Me Grégoire LUGAGNE DELPON, avocat au barreau de MARSEILLE Monsieur X... DE Y... 32 Bis, boulevard de Chanzy 2ème étage 93190 LIVRY GARGAN représenté par la SCP BOMMART FORSTER, avoués à la Cour assisté par Me Stéphane APPIETTO, avocat au barreau de PARIS, D 1632 COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Décembre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Catherine Z..., Présidente
Madame Hélène A..., Conseillère
Madame Catherine B..., Conseillère
qui en ont délibéré Greffière : Claudine TARAKDJIAN, présente lors des débats
ARRET : - contradictoire - prononcé publiquement par Madame Catherine Z..., Présidente laquelle a signé la minute avec Mademoiselle Céline C..., greffière présente lors du prononcé.
LA COUR,
Statuant sur l'appel formé par la Compagnie Européenne de Garanties Immobilières dite CEGI à l'encontre d'un jugement du Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY en date du 28 septembre 2004 qui a prononcé la nullité de la clause dite de dédit- formation stipulée tant dans la convention de stage conclue le 14 juin 1999 entre la Société de Transport Aérien Régional STAR AIR LINES et Monsieur X... de Y... que dans le contrat de travail conclu entre ces mêmes parties le 06 août 1999. - Débouté en conséquence la Compagnie Européenne de Garanties Immobilières et la Société de Transport Aérien Régional STAR AIR LINES de leurs demandes formées à rencontre de Monsieur X... de Y.... - Condamné la Société de Transport Aérien Régional STAR AIR LINES à rembourser à la Compagnie Européenne de Garanties Immobilières la somme de 15.482,05 euros indûment perçue, avec intérêts de retard au taux légal à compter de cette décision. - Débouté chacune des parties de ses autres demandes. - Condamné la Société de Transport Aérien Régional STAR AIR LINES aux dépens ;
Vu les dernières écritures en date du 20 mai 2005 de la société STAR AIR LINES, appelante, qui demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris, de débouter X... Y... de l'ensemble de ses demandes, de dire qu'il est redevable vis-à-vis de la CEGI de la somme de
15.482,05 euros augmentée des intérêts au taux conventionnel ou à défaut au taux légal, de le condamner à lui payer la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et aux dépens qui seront recouvrés par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures en date du 3 mai 2005 de X... Y..., intimé, qui demande à la Cour de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ; à titre subsidiaire, de condamner la société STAR AIR LINES à le relever et le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre au profit de la CEGI, d'arbitrer, au vu de l'article 1152 du code civil les sommes réclamées de manière forfaitaire au titre de la clause de dédit formation par la CEGI, dire et juger au vu de l'article 2029 du code civil et de la quittance subrogative délivrée par STAR AIR LINES à CEGI qu'aucun intérêt ni légal ni conventionnel ne sera affecté au montant d'une éventuelle condamnation, condamner solidairement la CEGI et la société STAR AILINES au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SCP LAGOURGUE et OLIVIER, conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;
Vu les dernières écritures à la barre en date du 28 avril 2995 de la CEGI, intimée, qui demande à la Cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté les demandes de la CEGI formées à l'encontre de Monsieur DE Y... et statuant à nouveau de ce chef, condamner Monsieur DE Y... à payer à la CEGI la somme de 15.482,05 ç augmentée des intérêts au taux conventionnel, ou à défaut au taux légal, à compter du 30 août 2001, condamner Monsieur DE Y... à payer à la CEGI la somme de 1.524,49 ç à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ; Subsidiairement, confirmer le
jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Société STAR AIR LINES à payer à la CEGI la somme de 15.482,05 ç augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de la décision de première instance, le cas échéant, condamner la Société STAR AIR LINES à supporter la perte financière résultant pour la CEGI de l'arbitrage par la Cour du quantum des sommes mises à la charge de Monsieur DE Y... notamment en application de l'article 1152 du Code Civil, et en conséquence la condamner à verser à la CEGI les sommes non perçues par cette dernière à ce titre, En tout état de cause, condamner tout succombant à payer à la CEGI la somme de 3.000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Condamner tout succombant aux dépens, dont le montant pour ceux la concernant pourra être recouvré par la SCP BOMMART FORSTER, Avoué à la Cour, dans les termes de l'article 699 du nouveau code de procédure civile ;
SUR CE, LA COUR
Considérant qu'il est constant que Monsieur DE Y... a, aux termes d'un acte du 14 juin 1999, signé une convention avec la société STAR AIR LINES prévoyant qu'il suivrait un stage de qualification sur AIRBUS A 320, que ce stage serait financé par la compagnie et qu'en contrepartie, il s'engageait à servir celle-ci pendant une période d'au moins trois ans et à défaut, à rembourser le coût de sa formation suivant une clause dégressive de dédit ;
Que par acte du 5 mai 1999, la CEGI s'est portée caution solidaire à l'égard de la société STAR AIR LINES du paiement des sommes éventuellement dues par le personnel au titre du coût des stages ;
Que Monsieur DE Y... a signé un contrat de travail avec STAR AIR
LINES, le 6 septembre 1999 en qualité de pilote mais a donné sa démission le 12 mars 2001 ;
Que la CEGI l'a, alors, assigné devant le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY en paiement du coût de sa formation et que c'est dans ces conditions qu'est intervenu le jugement entrepris ;
Considérant que la société appelante fait valoir que les clauses de dédit-formation sont licites dans la mesure où elles ont comme fondement la prise en charge par la compagnie aérienne de la formation du pilote et qu'elles ne font pas obstacle à la liberté du salarié de rompre le contrat de travail ; qu'elle a assuré, elle-même, le coût de cette formation et qu'elle ne peut à l'évidence produire des factures qui n'existent pas ; que néanmoins elle justifie avoir pris en charge les frais de formation de son pilote qui s'est dûment engagé à les rembourser ;
Considérant que la CEGI invoque la convention signée entre les parties aux termes desquelles Monsieur DE Y... s'est engagé à régler un dédit formation en cas de départ de la compagnie avant trois ans et celle qu'elle-même a signée en se portant caution du paiement de ce dédit ; qu'elle invoque la licéité de la clause critiquée par le salarié et soutient qu'elle est recevable à réclamer le remboursement des sommes qu'elle justifie avoir versées à STAR AIR LINES en vertu de la clause de subrogation incluse au contrat ; qu'elle conteste le prétendu caractère libéral de son paiement, la convention avec STAR AIR LINES ayant été conclue à titre onéreux ; qu'à titre subsidiaire, elle sollicite la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la société appelante à lui rembourser la somme dont elle a effectué le versement ;
Considérant que X... DE Y... fait valoir, en premier lieu, que la clause de dédit est contraire à l'ordre public social en ce qu'elle porte atteinte aux droits et à la liberté des salariés ; qu'il
soutient, par ailleurs, que les conditions de validité de la clause ne sont pas remplies en l'espèce puisqu'il n'est produit aucune justification du coût de la formation qui serait supérieur à celui résultant de l'obligation légale de formation, du plan de formation et de l'état des subventions, qu'il a lui- même participé à la prise en charge de celle-ci par une modération de son salaire et qu'en réalité la formation a été assurée par AIRBUS et non par l'appelante ; que subsidiairement, il sollicite la réduction du montant de la clause et des pénalités ;
Considérant que l'engagement du salarié de suivre une formation à l'initiative de son employeur et en cas de démission, d'indemniser celui-ci des frais qu'il a assumés, doit, pour être valable, faire l'objet d'une convention particulière conclue avant le début de la formation et qui précise la date, la nature, la durée de la formation et son coût réel pour l'employeur, ainsi que le montant et les modalités du remboursement à la charge du salarié ;
Que, par ailleurs, le montant de l'indemnité de dédit-formation doit être proportionné aux frais de formation réellement engagés ;
Considérant qu'en l'espèce, si la convention de stage et le contrat de travail signés par X... DE Y... comportent certaines informations relatives à la nature et la durée de la formation et au montant du supposé coût de celle-ci (240.000 francs), force est de constater que la somme annoncée n'est nullement détaillée, si bien qu'elle apparaît fixée de façon forfaitaire, sans que le salarié ait la possibilité d'en apprécier la réalité ;
Que d'ailleurs, à ce jour, la société STAR AIR LINES n'est toujours pas en mesure d'apporter des précisions sur les frais qu'elle a réellement engagés pour la formation de l'intimé, se contentant d'affirmer qu'elle a elle-même assuré celle-ci ; que pourtant cette affirmation est démentie par les pièces versées au débat par X...
DE Y... qui produit un courrier de la Direction de l'Aviation Civile, service de la formation aéronautique, en date du 11 février 2004 indiquant que la société appelante possède sa propre école de formation depuis le 10 novembre 2000, soit postérieurement à la période à laquelle il a suivi le stage en litige, ainsi que l'attestation de la société AIRBUS INDUSTRIE selon laquelle il a bien suivi la formation de pilote sur A 320 du 16 juin au 24 juillet 1999 ;
Qu'il s'en déduit que non seulement l'intimé n'a pas été en mesure de s'engager en toute connaissance de cause mais qu'au surplus, le montant du dédit-formation imposé par l'appelante ne correspond à aucun frais réellement engagés par celle-ci ;
Qu'il convient, dès lors, de constater que les conditions de validité de la clause de dédit formation ne sont pas réunies en l'espèce et que le jugement qui en a prononcé la nullité doit, en conséquence, être confirmé de ce chef ;
Que par voie de conséquence, et eu égard à la nullité prononcée, il convient de dire que le cautionnement consenti par la CEGI qui était l'accessoire de l'obligation principale, n'a plus d'objet et que la CEGI ne pouvait être tenue à garantie de ce chef envers la société STAR AIR LINES ; que le jugement sera également confirmé de ce chef ; Considérant que les circonstances de l'espèce conduisent à faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de Benoit Y... à hauteur de la somme de 2.000 euros ;
Qu'en revanche, l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au profit de la CEGI ;
Que l'appelante qui succombe en ses prétentions sera condamnée aux dépens ;
PAR CES MOTIFS
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;
Y AJOUTANT :
CONDAMNE LA SOCIÉTÉ DE TRANSPORT AÉRIEN RÉGIONAL STAR AIR LINES à payer à X... DE Y... la somme de 2.000 ç (deux mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
CONDAMNE l'appelante aux dépens qui seront recouvrés par la SCP LAGOURGUE OLIVIER et la SCP BOMMART FORSTER conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE