Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES DECISION DU 22 MARS 2006 No du répertoire général : 04/21195
Nous, Renaud BLANQUART, Conseiller à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de X... Y..., Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante : Statuant sur la requête déposée le 4 novembre 2004 par Monsieur Dieudonné MANGUILA Z... ... ; Vu les pièces jointes à cette requête ; Vu les conclusions de l'Agent A... du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ; Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ; Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 8 mars 2006 ; Vu l'absence de Monsieur Dieudonné MANGUILA Z... ; Ou' Maître Bertrand BURMAN, avocat représenté par Monsieur Dieudonné MANGUILA Z... et Maître Fabienne DELECROIX, avocat représentant Monsieur l'Agent A... du Trésor, ainsi que Monsieur X... VACELET, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 8 mars 2006 ; Vu les articles 149, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ; *
Attendu que Monsieur MANGUILA Z..., né le 21 mai 1959, chauffeur-livreur, demeurant à VILLEJUIF, a été mis en examen et
placé en détention provisoire le 11 octobre 2002, à la maison d'arrêt de la Santé, du chef de viols sur mineur de moins de 15 ans par personne ayant autorité et agressions sexuelles sur mineur de moins de 15 ans par personne ayant autorité ; que le 4 mai 2004, il a été acquitté par la Cour d'assises de Paris et libéré le jour même, après 1 an, 6 mois et 23 jours d'incarcération, cette décision étant devenue définitive ; Que, par requête du 4 novembre 2004, aux fins de réparation à raison de cette détention, Monsieur MANGUILA Z... fait valoir les conditions difficiles de sa garde à vue et les démarches qu'il a du entreprendre depuis 1993 pour régulariser sa situation, trouver un logement puis un emploi jusqu'au moment de son incarcération ; Qu'il fait valoir, s'agissant de son préjudice financier, que son dernier salaire mensuel net moyen ayant été de 2.071, 39 ç, il doit être indemnisé, pour la période du mois de janvier 2003 au mois de juillet 2004 inclus, à concurrence de 35.213, 63 ç ; Qu'il ajoute, s'agissant de son préjudice moral, qu'il a été mis en détention provisoire alors qu'il avait des garanties totales et sérieuses de représentation et était inconnu pour des faits similaires et qu'il n'a pas été tenu compte du fait que ses enfants n'avaient aucune autre attache que lui ; qu'il a été constaté qu'il était séro-positif en 1993, était sous-traitement au moment de sa détention et avait, alors, des difficultés à se soigner convenablement ; que, père de trois enfants, il a vécu avec angoisse le fait que ces derniers soient livrés à eux-mêmes pendant 1 an, avant qu'une amie aide ces derniers et informe la justice de leur situation ; qu'il demande, à ce titre, la somme de 120.000 ç, ainsi que celle de 2.000 ç par application de l'article 700 du NCPC ; Que Monsieur L'Agent A... du Trésor, qui estime la requête recevable, fait valoir : - s'agissant du préjudice matériel : que seul le salaire net de l'intéressé et pour la période du 11octobre
2002 au 17 mai 2004 est indemnisable, sans prise en compte des primes et heures supplémentaires ; que sur la base du salaire mensuel net de 1.054, 50 ç des années 2001 et 2002, il peut être alloué au requérant une somme de 20.205, 58 ç ; - s'agissant du préjudice moral : que le temps passé en garde à vue ne peut donner lieu à indemnisation, puisque n'étant pas lié à la détention qui l'a suivie et que le préjudice moral de l'intéressé doit être apprécié au regard de sa situation familiale, de son état de santé et du fait qu'il n'a jamais été condamné ; qu'il peut être alloué au requérant la somme de 19.000 ç, de ce chef ; que sa demande au titre de l'article 700 du NCPC doit être ramenée à de plus justes proportions ; Que Monsieur le Procureur Général, estimant la requête recevable, fait valoir qu'il y a lieu à indemnisation du préjudice matériel invoqué ; que, s'agissant du préjudice moral, il doit être tenu compte du fait que l'intéressé était âgé de 43 ans, était veuf, père de 5 enfants, dont trois vivaient avec lui, deux autres demeurant en Afrique, qu'il n'avait jamais été détenu et que son état de santé a certainement rendu sa détention plus pénible ; SUR QUOI, Attendu que la présente requête est recevable au regard des dispositions des articles 149 à 149-2 du Code de procédure pénale ; Sur le préjudice matériel Attendu que l'indemnisation du requérant ne saurait être calculée sur la base de la moyenne de son salaire net moyen pour les années 2001 et 2002, ni sur celle d'une moyenne de rémunération nette en 2002 incluant toutes primes et frais professionnels ; Attendu qu'à l'examen des pièces versées aux débats, Monsieur MANGUILA Z... percevait, sitôt avant son incarcération, (bulletins de salaire des mois d'août et septembre 2002) un salaire mensuel net de 1.154, 52 ç comprenant une prime d'entretien fixe, selon les termes de son contrat de travail ; Qu'il a cessé d'être rémunéré à compter de son incarcération, le bulletin de paye qui lui a été délivré en janvier 2003 ne constituant que
liquidation de congés payés ; qu'il a été réembauché le 17 mai 2004 ; Qu'il a, donc, été privé de salaire, du fait de sa détention, du 11 octobre 2002 au 16 mai 2004, soit : - 21 jours du 11 octobre au 31 octobre 2002, étant ainsi privé de la somme de 782,09 ç, - 18 mois du 1re novembre 2002 au 30 avril 2004, étant ainsi privé de la somme de 20.781,36 ç, - 16 jours du 1er mai au 16 mai 2004, étant ainsi privé de la somme de 595,88 ç ; Qu'il lui sera, donc, alloué, en réparation de son préjudice matériel, la somme de 22.159,33ç ; Sur le préjudice moral Attendu que le préjudice moral du requérant ne doit être indemnisé que du fait du choc carcéral qu'il a subi pendant 1 an, 6 mois et 23 jours ; Qu'il était âgé de 43 ans au jour de son incarcération ; qu'il était veuf et père de 5 enfants, dont trois, alors âgés de 18, 16 et 13 ans, vivaient auprès de lui, ses deux autres enfants vivant en Afrique ; qu'il présentait, lors de sa détention, une séropositivité HIV évoluant depuis 1993 et traitée depuis 1997, des consultations spécialisées et un traitement hautement spécialisé lui étant prescrit ; qu'il présentait également une hépatite B chronique; qu'il n'avait jamais été condamné ; Qu'il y a lieu, en considération de ces éléments, de lui allouer une indemnité de 30.000 ç en réparation de son préjudice moral ; Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur MANGUILA Z... les frais irrépétibles qu'il a exposés pour la présente instance ; PAR CES MOTIFS Vu les articles 149 à 150 du Code de procédure pénale, Disons la requête recevable, Allouons à Monsieur MANGUILA Z... : - une indemnité de 22.159, 33 ç, en réparation de son préjudice matériel, - une indemnité de 30.000 ç en réparation de son préjudice moral, et la somme de 1.500 ç en application des dispositions de l'article 700 du NCPC. Ainsi fait, jugé et prononcé par le magistrat délégué soussigné, le 22 mars 2006, où étaient présents : Monsieur Renaud BLANQUART, Conseiller, Monsieur X...
VACELET, Avocat Général et Monsieur X... Y..., Greffier. LE GREFFIER LE MAGISTRAT DELEGUE