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21/03/2006 | FRANCE | N°9

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0175, 21 mars 2006, 9


Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section H

ARRÊT DU 21 MARS 2006

(no 9, 10 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2005/16499 Décision déférée à la Cour : décision no 05-D-42 rendue le 19 Juillet 2005 du Conseil de la Concurrence DEMANDEUR AU RECOURS : - SA ILIAD prise en la personne de son Directeur Général M. Michaùl X... dont le siège social est : 8, rue de la Ville l'Evêque 75008 PARIS représentée par la SCP M

ONIN-D'AURIAC DE BRONS, avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS assistée de Maître Marine QUINTIN, avocat au ba...

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section H

ARRÊT DU 21 MARS 2006

(no 9, 10 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2005/16499 Décision déférée à la Cour : décision no 05-D-42 rendue le 19 Juillet 2005 du Conseil de la Concurrence DEMANDEUR AU RECOURS : - SA ILIAD prise en la personne de son Directeur Général M. Michaùl X... dont le siège social est : 8, rue de la Ville l'Evêque 75008 PARIS représentée par la SCP MONIN-D'AURIAC DE BRONS, avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS assistée de Maître Marine QUINTIN, avocat au barreau de PARIS toque G 442 cabinet Yves COURSIN 49, rue Galilée 75116 PARIS DÉFENDEUR AU RECOURS : - FRANCE TÉLÉCOM prise en la personne de ses représentants légaux dont le siège social est : 6, place d'Alleray 75505 PARIS CEDEX 15 représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS assistée de Maître Hugues CALVET, avocat au barreau de PARIS toque T 12 Association d'avocats Bredin Prat 130, rue du faubourg Saint Honoré 75008 PARIS EN PRÉSENCE DE : - M. LE MINISTRE DE Y..., DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE 59 boulevard Vincent Auriol 75703 PARIS représenté par Mme Laurence Z..., muni d'un pouvoir COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 février 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :

- Mme Jacqueline RIFFAULT-SILK, Présidente

- Mme Brigitte A..., Conseillère

- Mme Agnès B..., Conseillère

qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : M. Gilles DUPONT MINISTÈRE C... : représenté lors des débats par M. WOIRHAYE, avocat général, qui a fait connaître son avis. ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Mme Jacqueline RIFFAULT-SILK, Présidente - signé par Mme Jacqueline RIFFAULT-SILK, président et par M. Benoit TRUET-CALLU, greffier présent lors du prononcé.

La société M.A. D..., devenue SARL XEM en 1999, aujourd'hui ILIAD, est un prestataire de services télématiques, créé en 1987. Son activité consiste en la création et l'exploitation de ces services par l'intermédiaire des réseaux Télétel et Audiotel de France Télécom, services accessibles aux abonnés de cet opérateur par le minitel.

L'opérateur historique conclut en effet depuis 1992 des contrats "Télétel" avec les prestataires de services télématiques, par lesquels il leur fournit les outils nécessaires pour accéder au réseau en leur octroyant un code et leur offre une prestation consistant en la perception pour leur compte des sommes correspondant aux utilisations des services télématiques par les consommateurs, via leurs factures téléphoniques, et la redistribution des sommes revenant à ces fournisseurs. Ce contrat prévoit en outre qu'un code dénoncé ne peut être attribué à nouveau pendant six mois et qu'un code résilié ne peut l'être pendant deux ans.

La société M.A. D... avait obtenu de France Télécom, dans ce cadre, l'attribution des codes :

- 3615 BAC 94 et 3615 BAC 95 le 2 juin 1993,

- 3615 BAC 96 et 3615 BAC 97 , 3617 BAC 96, 3617 BAC 97, 3617 BAC 98 et 3617 BAC 99 en août 1993,

- 3615 BAC ES et 3615 BAC L le 5 juillet 1994, ayant le projet de mettre à disposition les corrigés des épreuves des baccalauréats des années ou sections correspondantes.

Au visa de l'article 9 du contrat Télétel, France Télécom a, par lettre du 1er juillet 1993, dénoncé l'attribution des deux codes 3615 BAC 94 et 3615 BAC 95, avec effet au 2 décembre suivant, au motif principal de la présence de messages conviviaux au lieu de corrigés. Ces deux codes ont été attribués à la société Médiaprogrès les 11 mai 1994 et 25 avril 1995 après avis du comité de la télématique anonyme (ci après "CTA").

Au visa de l'article 10 de ce même contrat, France Télécom a, par lettre du 13 janvier 1995, mis en demeure M.A D... de se conformer aux conditions contractuelles après avoir constaté que les codes 3615 BAC 96 et 3615 BAC 97, 3617 BAC 96, 3617 BAC 97, 3617 BAC 98 et 3617 BAC 99 ne proposaient pas des services interactifs ou proposaient des messages conviviaux. Puis l'opérateur a, après avis en ce sens du CTA en date du 2 octobre 1995, résilié ces contrats, par lettre du 25 octobre.

Cependant M.A D... a fait constater que, nonobstant l'indisponibilité des codes durant deux ans après résiliation, le code 3617 BAC 96 avait été réattribué à la société Médiaprogrès le 21 mai 1996 ; saisissant le juge des référés, elle a obtenu la

suspension de ce service par ordonnance du 8 juillet 1996 et a fait constater que, le 13 septembre 1996, le service était toujours en activité ; il a été résilié par l'opérateur le 25 octobre 1996.

Enfin, France Télécom a, au visa de l'article 9 du contrat, dénoncé les codes 3615 BAC ES et 3615 BAC L à M.A D..., par lettre du 2 février 1995, à effet du 22 février 1995, au motif qu'il s'agissait de codes génériques.

Estimant que l'attribution des codes aux fournisseurs de services présente un caractère discriminatoire et que les conditions de dénonciation de certains suivies de réattribution étaient injustifiées et irrégulières, la société M.A D... a saisi le Conseil de la concurrence par lettres des 22 mai 1997 et 19 mars 1998.

Par décision no 05-D-42 en date du 19 juillet 2005, le Conseil de la concurrence a décidé qu'il n'est pas établi que France Télécom ait enfreint les dispositions de l'article L.420-2 du Code de commerce.

CECI ÉTANT EXPOSÉ,

Vu la déclaration de recours en annulation et subsidiairement en réformation de cette décision, faite par la société Iliad, enregistrée le 26 août 2005,

Vu son mémoire déposé le 26 septembre 2005, par lequel elle demande à la Cour de :

- juger que les faits relatifs aux codes BAC 94 et BAC 95 ne sont pas prescrits,

- juger que la société France Télécom a eu un comportement discriminatoire sur le marché de la fourniture de prestations aux fournisseurs de services pour accéder au réseau Télétel,

- juger que la société France Télécom a enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce,

- en conséquence, annuler la décision du Conseil no 05-D-42 ou

subsidiairement la réformer,

- prononcer toutes mesures nécessaires pour mettre fin aux pratiques anticoncurrentielles (dont la suppression de la clause de dénonciation en faveur de France Télécom-article 9 du contrat Télétel) et des sanctions proportionnées à la gravité des faits et en prenant en compte la position de monopole de France Télécom,

- condamner France Télécom au paiement d'une somme de 5000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le mémoire de la société France Télécom déposé le 8 novembre 2005 qui sollicite la cour de juger que les faits relatifs aux codes BAC 94 et BAC 95 sont prescrits, qu'elle n'a eu aucun comportement discriminatoire sur le marché de la fourniture de prestations aux fournisseurs de services du réseau Télétel, qu'elle n'a pas enfreint les dispositions de l'article L. 420-2 du Code de commerce et en conséquence de confirmer la décision du Conseil de la concurrence, de rejeter le recours et de condamner la société Iliad à lui payer la somme de 5000 ç sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les observations écrites du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie déposées le 18 novembre 2005 qui concluent au rejet de la requête et à la confirmation de la décision du Conseil de la concurrence ;

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence déposées le 28 novembre 2005 qui, relevant une erreur matérielle de date dans sa décision, fait valoir que, si la dénonciation des contrats était bien intervenue le 1er juillet 1993, seule la réattribution du code BAC 94 en date du 11 mai 1994 était prescrite à la date de sa saisine du 22 mai 1997 et non celle du code BAC 95 en date du 25 avril 1995, ajoutant que, en tout état de cause, cette réattribution n'a pas été discriminatoire puisqu'elle a fait suite à l'avis du CTA ;

Vu les observations écrites du ministère public mises à la disposition des parties à l'audience du 7 février 2006 tendant au rejet des recours ;

SUR CE, LA COUR,

Sur la prescription des faits dénoncés s'agissant des deux codes 3615 BAC 94 et 3615 BAC 95 :

Considérant que le Conseil de la concurrence a estimé que les faits reprochés par la société M. A D... à France Télécom, s'agissant des deux codes 3615 BAC 94 et 3615 BAC 95 étaient prescrits à la date de sa saisine, admettant dans ses observations devant la Cour que les faits liés au deuxième code n'étaient pas prescrits ; qu'il a, pour décider que la prescription était acquise à tout le moins pour le premier code, retenu comme point de départ du délai de prescription la date de réattribution à Médiaprogrès des codes dénoncés à M.A D... et estimé qu'il n'y avait eu depuis aucun acte tendant à la recherche, à la constatation ou à la sanction des faits dans le délai de prescription, écartant les actes accomplis au cours d'une instance judiciaire ayant opposé ces deux sociétés comme interruptifs de prescription ;

Considérant que pour combattre cette analyse, la société requérante soutient tout d'abord que, dans le cadre d'un litige civil qui l'opposait à la société Médiaprogrès, qu'elle accusait de pratiques anticoncurrentielles à son égard s'agissant des codes BAC 94 et 95, elle avait déposé le 20 octobre 2005 des conclusions devant la cour d'appel de Lyon, dans lesquelles elle suggérait d'interroger pour avis le Conseil de la concurrence sur les faits dont elle se disait victime et dont elle affirmait qu'ils se situaient dans un cadre plus général de pratiques prohibées et que, quand bien même elle eût ensuite abandonné ce moyen, sa demande de constatation de ces pratiques par la Cour avait pour effet d'interrompre la prescription

;

Mais considérant que l'article L.462-7 du Code de commerce, dans sa rédaction applicable à l'époque des faits, disposait que le Conseil de la concurrence ne pouvait être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'avait été fait "aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction" ; que s'agissant du litige ayant opposé les sociétés Médiaprogrès et M.A D..., il n'est pas contesté qu'il s'agissait d'une action en concurrence déloyale tendant donc à voir reconnaître une faute civile et ayant pour objet l'allocation de dommages et intérêts ; que dans ce contexte, les conclusions des parties ont vocation à exprimer, asseoir et argumenter leurs prétentions et non à rechercher, constater ou sanctionner des pratiques ; que cette action d'un particulier engagée devant une juridiction de droit commun pour la protection d'un intérêt purement privé, quand bien même elle viserait un ensemble de pratiques dont il se dirait la victime, ne constitue pas un acte de poursuite tendant à la défense d'un ordre public économique dont les autorités de régulation, seules, ont la charge ;

Qu'il suit que le dépôt de conclusions devant la cour d'appel de LYON n'a pas eu d'effet interruptif de prescription ; que ce moyen ne saurait dès lors prospérer, le conseil de la concurrence en ayant fait une analyse adéquate, loin d'ajouter au texte, mais lui donnant sa portée exacte ;

Considérant que la société M.A D... soutient également que le point de départ du délai de prescription à prendre en compte n'est pas la date de la lettre de dénonciation des deux codes par France Télécom le 1er juillet 1993, mais la date à laquelle a pris fin la période de deux ans qui aurait dû empêcher le câblage qu'elle estime irrégulier au profit de Médiaprogrès, soit le 2 décembre 1995, de telle sorte que l'action n'aurait été prescrite qu'en 1998 ; qu'elle

considère en effet que France Télécom a abusivement utilisé la procédure de dénonciation de l'article 9 du contrat Télétel au lieu de celle de résiliation de l'article 10, afin d'échapper à la période d'indisponibilité des codes pendant deux ans ;

Mais considérant qu'indépendamment de l'abus invoqué dans l'application des stipulations contractuelles, qu'il n'appartient pas au Conseil d'examiner, il résulte des pièces au dossier que la dénonciation du code BAC 94 a eu lieu par lettre du 1er juillet 1993 avec effet au 2 décembre 1993 ; qu'en application de l'article 4-2 du contrat Télétel, relatif à l'attribution du code et aux conditions qu'il doit remplir, qui dispose que "... le code de service ne doit pas porter atteinte aux droits d'autrui, à l'ordre public et aux bonnes moeurs...ne doit pas avoir fait l'objet d'un contrat Télétel résilié par France Télécom depuis moins de deux ans. Dans le cas où cette résiliation résulte du non paiement de facture, le délai est ramené à six mois ; de même, en cas de dénonciation du contrat à l'initiative du fournisseur de service, ou par suite de la cessation d'activité de celui-ci, la durée est également ramenée à six mois.", ce code ne pouvait plus être attribué avant le 2 juin 1994; que France Télécom l'a en conséquence refusé à plusieurs demandeurs ; que cependant Médiaprogrès a saisi le CTA qui, le 14 mars 1994, a rendu un avis selon lequel France Télécom n'était pas fondée à lui opposer l'article 4-2 du contrat pour lui refuser l'attribution du code BAC 94 et qu'elle devait donc le lui accorder ; que le câblage de Médiaprogrès a été effectif le 11 mai 1994 ;

Considérant dès lors, qu'en prenant cette date en compte comme le point de départ du délai de prescription des faits dénoncés par M.A D..., et non celle du terme des deux ans à compter de la dénonciation prétendument irrégulière, et en en déduisant que les faits étaient prescrits pour ce code à la date du 22 mai 1997, date

de sa saisine, le Conseil de la concurrence a fait une analyse exempte de critique ;

Considérant que le code 3615 BAC 95, attribué le 2 juin 1993 a été lui aussi dénoncé par France Télécom le 1er juillet 1993 avec effet au 2 décembre 1993 ; qu'il a été refusé dans les mêmes conditions que le code BAC 94 à plusieurs demandeurs dont Médiaprogrès pour les mêmes motifs ; qu'une fois les six mois de l'article 4-2 susvisé écoulés, cette société a demandé de nouveau l'attribution de ce code à France Télécom qui le lui a, de nouveau, refusé ; que Médiaprogrès a alors saisi de ce refus le CTA qui, le 14 décembre 1994, a été d'avis que France Télécom n'était pas fondée à lui refuser ce code ; que la réattribution de ce code à Médiaprogrès a alors été faite par France Télécom et le câblage effectué le 25 avril 1995 ;

Considérant que c'est donc à cette date que doit se situer le point de départ du délai de prescription ; que M.A Éditions ayant saisi le Conseil de la concurrence le 22 mai 1997, ces faits n'étaient pas prescrits et c'est à tort que le Conseil en a décidé autrement ; qu'il y aura donc lieu de les examiner en même temps que les reproches faits par la requérante concernant les autres codes ;

Sur les griefs concernant les codes 3615 BAC 95, BAC 96, BAC 97 et 3617 BAC 96, BAC 97, BAC 98 et BAC 99 :

Considérant qu'il convient d'observer tout d'abord que les parties ne contestent pas la définition du marché pertinent retenue par le conseil de la concurrence pas plus que l'affirmation de la situation de position dominante de l'opérateur France Télécom sur ce marché des prestations Télétel ;

Considérant que M.A Éditions incrimine le comportement général de France Télécom dans l'attribution des codes BAC millésimés, qui serait discriminatoire et aurait pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence entre fournisseurs de services ; qu'elle

se considère comme "la cible privilégiée des procédures de dénonciation et de résiliation" dans le temps où d'autres sociétés telles Médiaprogrès ou Atlantel auraient été épargnées ; qu'elle en veut pour preuve le fait que les codes qui lui ont été retirés ont été en majorité réattribués à la première citée et maintenus de manière non conforme au contrat Télétel et parfois en dépit d'une décision de justice ; qu'elle reproche au Conseil de la concurrence de ne pas avoir traité la question de manière globale mais code par code ;

Considérant que, s'appuyant sur la lettre de France Télécom du 1er juillet 1993 dénonçant le code BAC 95, la requérante relève que cette société lui reproche que ce service n'est pas conforme au contrat signé puisqu'il "comporte des termes portant atteinte aux bonnes moeurs" et qu'il fonctionne avec une tarification non conforme ; qu'elle en déduit que le contrat ne devait pas être dénoncé selon la procédure de l'article 9, choisie par l'opérateur, mais selon celle de l'article 10 qui suppose une mise en demeure préalable de se mettre en conformité ; qu'elle ajoute qu'elle s'y est évidemment pliée, soutenant que si ce code, au lieu de permettre l'accès aux corrigés et aux résultats du baccalauréat, aboutissait à une messagerie conviviale, cela résultait, selon elle, d'une erreur technique passagère qu'elle a corrigée ; qu'elle soutient que ce choix procédural l'a aussi privée du recours qui lui est ouvert devant le CTA et invoque son caractère discriminatoire à son égard, par les conséquences qu'il emporte, de rupture quasi immédiate sans motif et d'attribution à d'autres pour les favoriser et sans respecter le délai de deux ans ;

Considérant que l'article 9 du contrat Télétel, intitulé "durée et date d'effet du contrat", stipule : "Le présent contrat est conclu pour une période minimale de six mois, à compter de la date de la

mise en oeuvre dans le réseau Télétel des données techniques relatives au code d'accès...Au delà de cette première période le présent contrat est tacitement reconduit pour une durée indéterminée. Il peut alors être dénoncé à tout moment par le fournisseur de service sous réserve de respecter un préavis de 15 jours et par France Télécom... sous réserve de respecter un préavis de 3 mois..." ; que l'article 10 du même contrat, intitulé "suspension et résiliation du contrat" prévoit : "En cas de manquement par le fournisseur de service ou le(s) centre(s) serveur(s), à l'une des obligations souscrites au titre du présent contrat, France Télécom pourra résilier ou suspendre le présent contrat, après une mise en demeure restée sans effet, sous réserve de respecter les dispositions légales et réglementaires rappelées en annexe 3. Dans le cas où la mise en demeure a pour objet le contenu du service, le fournisseur de service dispose d'un délai qui ne pourra être inférieur à 24 heures, pour occulter les éléments du service objet de la mise en demeure."; Considérant que ces stipulations librement consenties par les parties ne sont pas, par elles mêmes anticoncurrentielles ;

Considérant que s'il n'appartient ni au Conseil ni à la Cour d'appel statuant sur les recours formés contre la décision de cette autorité, de porter une appréciation sur l'application par les parties de ces dispositions contractuelles, qui relève d'un litige privé, il y a lieu toutefois de vérifier, comme l'a fait le Conseil, si France Télécom dont la position de domination n'est pas contestée n'a pas utilisé ces stipulations pour favoriser un concurrent de M.A D..., a fortiori s'il lui était lié, et dans le but d'évincer cette dernière du marché ;

Considérant qu'il sera rappelé que, la dénonciation du code 3615 BAC 95 par France Télécom a été fondée sur le fait, établi, que M.A

D... y exploitait une messagerie conviviale au lieu des résultats et corrigés du baccalauréat prévus et donc accessible à des mineurs, fait qui tombait sous le coup des dispositions de l'article 4-2 du contrat Télétel ci-avant citées ; que l'opérateur en a refusé l'attribution à Médiaprogrès, ainsi qu'à d'autres sociétés, dont certaines liées à la requérante, en application du même article 4-2 du contrat, interdisant sa réaffectation durant les six mois de la résiliation, ce qui n'est pas contesté, puis, le délai écoulé, au motif que le code était générique ; que Médiaprogrès, comme M.A D..., a saisi le CTA qui, estimant que l'idée de Médiaprogrès était suffisamment originale, a été d'avis que France Télécom ne pouvait, pour ce motif, lui refuser le code convoité ; que France Télécom s'est rendue à cet avis pour réattribuer ledit code à Médiaprogrès et refuser ultérieurement, par voie de conséquence, ce même code à d'autres, étant observé que par avis du même jour le CTA avait été défavorable à son attribution à M.A D..., du fait de l'exploitation d'une messagerie conviviale et de sa détention d'autres codes ;

Que si, certes, il ne s'agit là que d'avis, le respect de ceux ci par France Télécom ne saurait traduire une volonté de discrimination, la différence de traitement entre prestataires étant fondée sur des considérations objectives résultant tant des décisions adoptées par le CTA que de leur situation individuelle au regard de la réalité du contenu des codes mis à leur disposition ;

Considérant, s'agissant des autres codes millésimés, qui lui avaient été attribués en 1993, que M.A D... reproche à France Télécom d'avoir, après lui avoir adressé une mise en demeure, saisi le CTA en dénonçant l'utilisation qu'elle avait faite de ces codes, puis résilié les contrats à la suite de l'avis rendu par cette organisme et enfin réattribué les mêmes codes à la société Médiaprogrès ;

Considérant qu'il est constant que par lettre du 13 janvier 1995, France Télécom a mis en demeure la requérante, conformément à l'article 10 du contrat Télétel, de se conformer aux dispositions contractuelles, notamment aux articles 5.6 et 5.8 relatifs au respect des recommandations déontologiques, à la conformité du contenu du code avec son titre et à l'impossibilité de "masquage" (selon le terme contractuel), notant que le prestataire ne mettait pas à disposition des services permettant d'accéder aux renseignements scolaires et d'orientation et ne permettait pas les messages ; qu'ayant fait constater que la mise en demeure n'avait pas été suivie d'effet, l'opérateur a, par lettre du 13 mars 1995, saisi le CTA de l'opportunité de résilier l'ensemble des services 3615 BAC 96, BAC 97 et 3617 BAC 96, BAC 97, BAC 98 et BAC 99 ; que le CTA, après avoir relevé que sous les différents codes existait un seul accès à des informations très limitées et ne fournissant pas les résultats, a rendu le 2 octobre 1995 un avis aux termes duquel " France Télécom est fondé à résilier ces contrats et la société M.A D... ne pourra contracter avec France Télécom qu'au terme d'un délai de six mois suivant leur résiliation." ; que les contrats ont été résiliés le 25 octobre 1995 ; que France Télécom, qui en application de l'article 4-2 du contrat ne pouvait redonner ces codes à quiconque pendant deux ans, n'a ensuite plus souhaité attribuer de codes d'examen génériques ;

Considérant qu'il est tout aussi constant que les codes 3615 BAC 96, BAC 97 , BAC 98, BAC 99, 3617 BAC 97, BAC 98 et BAC 99 n'ont jamais été réattribués, y compris à Médiaprogrès qui s'est vu opposer un refus tant par France Télécom que par le CTA sur le code 3615 BAC 96 au motif de son indisponibilité ;

Qu'en revanche, le code 3617 BAC 96 l'a été à Médiaprogrès le 21 mai 1996 bien qu'elle ait, dans un premier temps, essuyé le même refus ;

mais que cette attribution ne caractérise pas plus une discrimination à l'encontre de M.A D... qu'une faveur à l'égard de Médiaprogès ; qu'en effet cette dernière, ayant introduit devant le tribunal de commerce de Lyon une action en concurrence déloyale au motif que M.A D... et d'autres sociétés du même groupe utilisaient des codes de corrigés d'examens voisins du sien, le tribunal de commerce a, par jugement du 19 mai 1995, fait défense à M.A D... d'utiliser des codes comprenant le mot "BAC" suivi d'un millésime au motif d'actes de parasitisme de cette société à l'égard de son concurrent ; que c'est en se prévalant de cette décision que Médiaprogrès a obtenu de France Télécom l'attribution du code contesté, l'opérateur considérant alors qu'il ne pouvait pénaliser cette société plus longtemps en le lui refusant, ce qui est le seul sens utile de la déclaration de M. E..., membre de la direction, mise en exergue par la requérante ; que le fait que la cour d'appel a infirmé ce jugement ne remet pas en cause cette analyse, la décision judiciaire étant postérieure à l'attribution critiquée qui ne peut donc être reprochée à France Télécom ;

Considérant que si, s'agissant de ce code, M.A D... a obtenu le 8 juillet 1996 du juge des référés qu'il ordonne à France Télécom de suspendre provisoirement ce service, et si la requérante a fait constater que, le 13 septembre suivant, le code était toujours actif en dépit de cette décision, il ressort des pièces versées aux débats que dès la signification de l'ordonnance de référé, le 19 juillet 1996, les ordres idoines ont été fournis par France Télécom à ses services techniques pour décâbler ce code et que c'est par suite d'une difficulté purement matérielle que 33 centres sur le territoire national représentant 17% du total, n'ont pas été décâblés immédiatement mais seulement en octobre ;

Qu'ainsi cette exécution partielle de l'ordonnance sus-visée, pour

regrettable qu'elle soit, ne démontre pas pour autant une volonté de l'opérateur de favoriser une société à laquelle au demeurant il n'est pas lié de manière significative ; qu'en effet la société Médiaprogrès, rachetée par SJT en 1993 puis devenue Prosodie en 1998 était un centre serveur qui faisait appel à une société "Eductique" puis, de 1992 à 1998, à une société "Atlantel" toutes deux spécialisées dans les résultats et corrigés d'examen, la seconde étant hébergée par une société V.T. com, filiale de Cogecom, holding du groupe France Télécom ; que ces liens, lointains, sont insuffisants pour estimer, comme l'a fait à juste titre observer le conseil, que France Télécom pouvait avoir un "intérêt capitalistique" à favoriser Médiaprogrès aux dépens de M.A D... ;

Considérant, s'agissant des codes BAC L et BAC ES, que France Télécom, qui les avait accordés à compter du 17 août 1994 à M.A Éditions, a indiqué à cette dernière, par lettre du 2 février 1995, qu'ils ne seraient pas renouvelés après le 22 février, terme du contrat, en s'appuyant sur les dispositions de l'article 9 du contrat Télétel relatives à la durée minimale de six mois du contrat et permettant aux parties de le dénoncer à tout moment au delà, car il s'agissait de codes génériques ; que la requérante conteste cette décision au motif que la réforme du baccalauréat était antérieure à l'attribution des codes dénoncés et que d'autres codes génériques d'examens ayant été accordés à d'autres prestataires, la position de France Télécom à son égard est discriminatoire ;

Mais considérant que la réforme de cet examen, consistant, entre autres, à remplacer les séries "A, B, C, D..." par les séries "L, ES, S..." certes prévue par le décret No93-460 du 24 mars 1993, évidemment antérieur, mais seulement mise en oeuvre à partir de la session 1995 a donc eu pour effet de transformer en nom générique les codes antérieurement choisis par M.A Éditions ; que l'article 4-2 du

contrat Télétel, qui énonce les conditions auxquelles doivent satisfaire les codes des services, stipule dans son 8ème tiret que "le code de service doit être distinctif. Il ne peut être composé exclusivement de la désignation nécessaire ou générique du service, ni exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle ou la composition du service. En effet, l'attribution de tels codes de service nuirait à une libre concurrence." ; qu'en tirant les conséquences des textes ci-dessus visés, France Télécom, qui a strictement respecté les conditions de dénonciation contractuelles, ne peut se voir reprocher un comportement discriminatoire à l'encontre de M.A Éditions, alors que son attitude est justifiée par ces considérations objectives ; que d'ailleurs l'opérateur a notamment refusé les codes 3617 BAC ES et BAC L à d'autres sociétés (éditions PLON) et s'est vue approuvée dans ce refus par le CTA ; qu'en outre, le juge des référés de Paris, saisi de la nullité de cette dénonciation par la requérante, a rejeté la requête par ordonnance du 23 février 1995 ;

Que les exemples fournis par cette société et tendant, selon elle, à démontrer que d'autres codes génériques d'examen ont été maintenus ou acceptés par France Télécom en violation des règles ou de la pratique qu'elle invoque, tels, par exemple, les codes 3615 EXAM pour Alapage, BREVET 95, BREVET 96 et BAC 2000 pour Médiaprogrès, ou EXAM 95, 96, 97, 98 et 99 pour Atlantel, ne sont pas pertinents dans la mesure où il va de soi que l'abréviation "exam" n'a jamais correspondu à aucun nom d'examen et où, s'agissant des termes "brevet", ils ont été refusés par l'opérateur qui n'a, ensuite, fait que suivre l'avis du CTA sur ce point et, s'agissant des "bac" millésimés, ils ont été la conséquence de la décision sus-évoquée du tribunal de commerce de Lyon du 19 mai 1995 ainsi qu'il a été vu ci-avant ;

Considérant enfin, que l'inexistence des griefs portant sur chaque

code pris isolément exclut qu'ils puissent être considérés "de manière globale" comme apportant la preuve de pratiques discriminatoires ainsi que tente de le soutenir M.A D... ;

Considérant en définitive qu'aucun des moyens avancés par la société M.A Éditions n'est de nature à faire prospérer son recours qui sera, en conséquence rejeté ;

Considérant que l'équité commande, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi que précisé au dispositif ci-après ;

Qu'elle sera également condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS,

Déclare prescrits les faits concernant le code 3615 BAC 94 ;

Rejette le recours,

Condamne la société M.A Éditions devenue SA ILIAD à payer à France Télécom 3.000 ç (trois mille euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,

La condamne aux dépens. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0175
Numéro d'arrêt : 9
Date de la décision : 21/03/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Mme. RIFFAULT-SILK, Présidente

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2006-03-21;9 ?
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