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17/03/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006949702

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0063, 17 mars 2006, JURITEXT000006949702


Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section B

ARRET DU 17 MARS 2006

(no , 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/04564 Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2004 rendu par le Tribunal d'Instance du 11ème arrondissement de Paris- RG no 11-04-000986 APPELANTE S.A.S. CALAIRE CHIMIE ayant son siège Zone Industrielle 1 Quai d'Amérique - BP. 215 62104 CALAIS CEDEX représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à

la Cour assistée de Maître Jean-Marie SALVA, avocat au barreau de Paris, plaidant pour l'Association D.S.-AVO...

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section B

ARRET DU 17 MARS 2006

(no , 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/04564 Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2004 rendu par le Tribunal d'Instance du 11ème arrondissement de Paris- RG no 11-04-000986 APPELANTE S.A.S. CALAIRE CHIMIE ayant son siège Zone Industrielle 1 Quai d'Amérique - BP. 215 62104 CALAIS CEDEX représentée par Maître François TEYTAUD, avoué à la Cour assistée de Maître Jean-Marie SALVA, avocat au barreau de Paris, plaidant pour l'Association D.S.-AVOCATS, toque TO 700 INTIME Monsieur le Directeur Général des Douanes et Droits Indirects ayant ses bureaux 23bis rue de l'Université-75700 Paris, agissant par le chef de l'Agence des Poursuites et de Recouvrement de la Direction Nationale du Renseignement et des Enquêtes Douanières (DNRED), 18/22 rue de Charonne-75011 PARIS représenté par la SCP VARIN - PETIT, avoués à la Cour assisté de Maître Vincent COURCELLE LABROUSSE, avocat au barreau de PARIS, toque D0091 COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 9 février 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :

Michel ANQUETIL, Président

Michèle BRONGNIART, Conseillère

Christine BARBEROT, Conseillère qui en ont délibéré Greffière lors des débats : Régine TALABOULMA MINISTERE PUBLIC : représenté lors des débats par Patrick HENRIOT, substitut général, qui a fait connaître son avis. ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé en audience publique par Michel ANQUETIL, Président

- signé par Michel ANQUETIL, Président et par Régine TALABOULMA, greffière présente lors du prononcé. * * *

Vu l'appel formé par la société Calaire chimie à l'encontre du jugement du 12 octobre 2004 du Tribunal d'instance du 11e arrondissement de Paris qui a : - dit que la société Calaire chimie a commis l'infraction relevée dans le procès-verbal du 7 mars 2003, - en conséquence l'a déboutée de toutes ses demandes, - a condamné la société Calaire chimie à payer à la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) la somme de 1 000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, - rappelé que la procédure est sans frais ;

Vu les conclusions de la société Calaire chimie qui demande à la Cour de : vu les articles 836 et suivants et 515 du Nouveau Code de procédure civile, vu les articles 266 sexies, 345 à 349, 357 bis, 358-2, 411-1 du Code des Douanes, - dire la société Calaire chimie bien fondée en ses conclusions, - infirmer le jugement entrepris en sa totalité, - dire que la société Calaire chimie ne s'est rendue coupable d'aucune infraction au regard des articles 266 sexies et 411-1 du Code des Douanes, - condamner la DNRED au paiement de la somme de 10 000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de procédure civile ;

Vu les conclusions de l'administration des Douanes et des Droits indirects qui demande à la Cour de : - confirmer le jugement entrepris, en conséquence : - rejeter l'intégralité des demandes de la société Calaire chimie, - dire que l'avis de mise en recouvrement du 5 juin 2003 notifié par la DNRED à la société Calaire chimie est régulier et bien fondé,- condamner la société Calaire chimie à payer à l'administration des Douanes la somme de 4 000 ç au titre de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, - dire n'y avoir lieu à condamnation aux dépens conformément aux dispositions de l'article 367 du Code des Douanes ;

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Considérant qu'il est constant que la société française Calaire chimie, filiale du groupe belge Tessenderlo, lui-même détenu à 40% par l'entreprise publique française Entreprise minière et chimique (EMC), spécialisée dans la production d'intermédiaires et de principes actifs pour l'industrie pharmaceutique, exploite depuis 1995 une unité classée pour la protection de l'environnement dénommée Usineco ; que cette installation d'incinération de déchets industriels spéciaux et de traitement des effluents gazeux, qui vise à détruire les effluents de chimie fine dans le cadre du plan d'amélioration de la qualité des eaux de la région de Calais, traite les propres déchets de Calaire chimie ainsi que l'ensemble de ceux des sociétés du groupe Tessenderlo : - Tessenderlo chemie - Belgique, - Chemilyl - Lille France, - Pieve Vergonte - Italie ;

Que, le 7 mars 2003, l'administration des Douanes a dressé à l'encontre de la société Calaire chimie un procès-verbal de notification d'infraction sur le fondement des articles 266 sexies et

411-1 du Code des Douanes, estimant que cette société avait éludé un montant de taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) de 633 196 ç pour la période du 1er janvier 2000 au 30 novembre 2002 aux motifs que : - elle recevait des déchets provenant d'entreprises extérieures, - l'installation d'incinération et de traitement n'était pas exclusivement affectée à la valorisation d'une matière ;

Que le 5 juin 2003 un avis de mise un recouvrement était notifié et que, l'administration des Douanes n'ayant pas répondu à sa contestation, le 7 avril 2004, la société Calaire chimie délivra l'acte introductif de la présente instance ;

Considérant qu'aux termes de l'article 266 sexies - I- du Code des Douanes dans sa rédaction de la loi no 98-1266 du 30 décembre 1998 :

"Il est institué une taxe générale sur les activités polluantes qui est due par les personnes physiques ou morales suivantes : 1. Tout exploitant d'une installation de stockage de déchets ménagers et assimilés ou tout exploitant d'une installation d'élimination de déchets industriels spéciaux par incinération, co'ncinération, stockage, traitement physico-chimique ou biologique, non exclusivement utilisées pour les déchets que l'entreprise produit ; (...)"

Considérant que la société Calaire chimie soutient qu'elle n'est pas redevable de la TGAP dans la mesure où elle traite des déchets produits par les établissements du groupe Tessenderlo entendu comme l'entreprise au sens de l'article 266 sexies précité ;

Que l'administration des Douanes prétend que l'entreprise visée par ce texte est l'exploitant d'une installation de stockage ou d'élimination, personne physique ou morale, un groupe n'ayant pas la personnalité juridique en tant que tel, que la société Calaire Chimie recevant des déchets d'entreprises extérieures, l'installation de Calais doit être assujettie à la TGAP ; qu'elle ajoute que la volonté

du législateur est de mettre en oeuvre de façon plus efficace le principe "pollueur/payeur", de simplifier la taxation des activités polluantes précédemment existantes, de respecter les principes communautaires d'autosuffisances au niveau national et de proximité pour l'élimination des déchets dangereux (Convention de Bâle, règlement CE no 259/53), que la législation ayant évolué depuis la circulaire du 2 août 1995 émanant du Ministère de l'environnement qui n'est plus compétent pour le contrôle et le recouvrement de la taxe, la société Calaire chimie ne peut se prévaloir du maintien des exemptions antérieurement accordées par ce Ministère ;

Considérant que l'article 266 sexies - I - précité définit le champ d'application de la TGAP, tandis que l'article 266 sexies - II- qui mentionne, notamment, que "la taxe ne s'applique pas : 1. Aux installations d'élimination de déchets industriels spéciaux exclusivement affectés à la valorisation par matière (...)", énonce un cas d'exclusion du champ d'application de cette taxe ; qu'il convient donc de déterminer, d'abord, si l'installation exploitée par la société Calaire chimie entre dans le champ d'application de l'article 266 sexies - I - précité et que ce n'est qu'ensuite, en cas de réponse affirmative, qu'il conviendra de déterminer si l'installation de déchets industriels spéciaux (DIS) litigieuse est exclusivement affectée à la valorisation par matière au sens de l'article 266 sexies - II, auquel cas la société Calaire chimie serait exonérée de la taxe ;

Considérant qu'il résulte des débats parlementaires (Annexe 7 au Rapport fait à l'Assemblée nationale du 21 octobre 1998 et Rapport général du sénateur Martini, annexe au procès-verbal de la séance au Sénat du 19 novembre 1998) que la réforme de 1998, qui substitue la TGAP aux cinq taxes existantes, dont la taxe sur les DIS instituée par la loi du 2 février 1995, ne créé pas un impôt supplémentaire

mais une taxe unique qui devient un impôt d'Etat dont le produit alimentera le budget de l'Etat et qui a un double but : 1) moderniser unifier et simplifier la fiscalité pesant sur les activités polluantes, 2) mettre en oeuvre de façon plus efficace le principe "pollueur-payeur" en dissuadant les pratiques polluantes et en incitant à des comportements plus respectueux de l'environnement (rapport au Sénat précité, pp. 1, 3, 4) ;

Que le but recherché par le législateur de simplification de la fiscalité pesant sur les activités polluantes est réalisé par la création d'une taxe unique, et que celui de mise en oeuvre du principe "pollueur-payeur" l'est par une incitation résultant d'une augmentation significative du taux de la taxe, notamment de la taxe sur le stockage des déchets, et par l'affectation de cette taxe au budget de l'Etat et non plus seulement à la dépollution, mais à la prévention de l'apparition des dommages ; qu'il ne résulte pas de ces objectifs, expressément énoncés dans les débats parlementaires, une volonté "d'autosuffisance au niveau national" comme l'invoque l'administration des Douanes ;

Que la TGAP inclut la taxe sur les DIS instituée par la loi du 2 février 1995 dont le produit finançait l'action de l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), établissement public à caractère industriel et commercial sous la tutelle des ministères de l'environnement, de l'industrie et de la recherche ; que, sous l'empire de la loi du 2 février 1995, étaient exonérées de la taxe sur les DIS les "installations créées pour l'élimination des déchets que (la) personne morale produit et des déchets produits par des sociétés du groupe dont elle fait partie" (note du Ministère de l'environnement du 2 août 1995), cette "exception exonératoire" ne visant que "les déchets produits par l'exploitant et par les sociétés du groupe auquel il appartient", le terme "groupe" s'entendant "par

l'ensemble constitué, au sens des articles 354, 355, 355-1 et 355-2 de la loi no 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, par une personne morale, ses filiales, ses participations, et les sociétés contrôlées ainsi que les filiales communes ou joint-venture" (ibidem) ; que la finalité de cette exonération de la taxe consistait à inciter les groupes, mieux à même d'en supporter le coût, à investir dans des installations efficaces de retraitement de leurs déchets ; que donc, pour son installation Usineco, la société Calaire chimie était exonérée de la taxe sur les DIS ;

Que le législateur de 1998, qui a repris la taxe sur les DIS dans l'article 266 sexies - I -, a distingué dans ce texte, comme le faisait l'Administration antérieurement, - le redevable de la taxe :

l'exploitant, personne physique ou morale, d'une installation d'élimination de DIS, et - le fait générateur de la taxe :

l'utilisation non exclusive de l'installation pour les déchets que l'entreprise produit ; que cette économie du texte donne tout son sens à la maxime "pollueur-payeur" dont le corollaire implique que celles des entreprises, qui ont investi dans une installation de retraitement de leurs déchets, ne paient pas la taxe parce qu'elles ne polluent pas ; qu'ainsi, l'emploi du terme spécifique "entreprise", renvoie à toute entité exerçant une activité économique, laquelle peut être un groupe formé par une entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions des articles L. 233-1 à L. 233-4 du Code de commerce ;

Que, concernant la notion de proximité pour l'élimination des déchets dangereux au sens de la de la Convention de Bâle du 22 mars 1989 sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux, invoquée par l'administration des Douanes, outre que la Convention tempère, elle-même, cette exigence par sa compatibilité avec une "gestion efficace et écologiquement rationnelle" des déchets

(Convention, article 4.2.d) qui doivent être éliminés grâce à la "mise en place d'installations adéquates" (Convention, article 4.2.b), à défaut de disposition expresse du législateur, elle ne doit pas être entendue dans un sens plus restrictif que celui qui était admis par l'Administration pour la taxe sur les DIS dont il vient d'être dit qu'elle est incluse dans la taxe nouvelle ; qu'en outre, la TGAP préfigurant, selon les rapporteurs de la loi au Sénat et à l'Assemblée nationale, "la future écotaxe communautaire", ses conditions d'application ne peuvent être examinées au niveau de l'entreprise entendue dans sa seule acception nationale qui n'a pas été conférée à ce terme par le législateur, le groupe Tessenderlo étant composé de sociétés ayant toutes leur siège dans la Communauté européenne (Belgique, Italie, France) ;

Considérant que l'administration des Douanes admet que la société Calaire chimie appartient bien à un groupe au sens des articles précités du Code de commerce et que cette société n'utilise l'installation d'élimination Usineco que pour les déchet produits par le groupe Tessenderlo auquel elle appartient à l'exclusion de toute provenance extérieure à ce dernier ; qu'il en résulte que la société Calaire chimie n'est pas redevable de la TGAP ; que, dès lors, il n'y a pas lieu de s'interroger sur le cas d'exonération prévu par l'article 266 sexies - II - du Code des Douanes ;

Qu'en conséquence, l'infraction reprochée à la société Calaire chimie n'étant pas constituée, l'avis de mise un recouvrement notifié le 5 juin 2003 doit être annulé ;

Considérant que l'équité commande qu'il soit fait application de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile comme il est dit

dans le dispositif du présent arrêt ;

Considérant qu'en vertu de l'article 367 du Code des Douanes, il n'y a pas lieu à dépens ;

PAR CES MOTIFS

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré ;

Et statuant à nouveau :

Annule l'avis de mise en recouvrement du 5 juin 2003 ;

Rejette toutes autres demandes des parties ;

Condamne l'administration des Douanes et des Droits indirects, sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de procédure civile, à payer à la société Calaire chimie la somme de 1 500 ç ;

Dit n'y avoir lieu à dépens en vertu de l'article 367 du Code des Douanes. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0063
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006949702
Date de la décision : 17/03/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2006-03-17;juritext000006949702 ?
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