Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
3ème Chambre - Section A
ARRET DU 14 MARS 2006
(no , 05 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 05/09584 Jonction avec No05/09594 Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2005 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 2004036749 APPELANTS Monsieur Bertrand X... demeurant : 193 boulevard de la République - 92210 ST CLOUD Monsieur José Y... demeurant : 817 Bird Song Lane Sarasota FL - 34242 FLORIDE USA Monsieur René Z... ... par la SCP GUIZARD, avoués à la Cour assistés de Me Valérie BENOUSSAN - R013, avocat plaidant pour le compte de Me Emmanuel MOULIN . Cabinet NGO -MIGURES etamp; Associés du Barreau de Paris . INTIMES Monsieur Gérard A... ... par la SCP ARNAUDY - BAECHLIN, avoués à la Cour assisté de Me Armand PERICARD, avocat plaidant pour la SELARL Wilhelm etamp; Associés du Barreau de Paris - K24 COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Février 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme CHAGNY, Président
M. LE DAUPHIN , Conseiller Mme MORACCHINI, Conseiller
qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : Monsieur MZE MCHINDA B... public :
L'affaire a été communiquée au ministère public ARRET :
- Contradictoire
- prononcé publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau Code de procédure civile.
- signé par Madame CHAGNY, président et par Monsieur COULON, greffier présent lors du prononcé auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Vu le jugement en date du 16 mars 2005, assorti de l'exécution provisoire, par lequel le tribunal de commerce de Paris a :
- condamné M. Gérard A..., dit C..., à payer à MM. René Z..., José Y... et Bertrand X... la somme en principal de 45.734,71 euros,
- condamné MM. Z..., Y... et X... à payer à M. C... la somme totale en principal de 93.505,57 euros,
- ordonné la compensation entre ces deux montants, fixé à 47.770,86 euros le solde dû à M. C... et dit que la part de M. Z... s'élève à 17.939,44 euros, celle de M. Y... à 17.898,85 euros et celle de X... à 11.932,57 euros,
- débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
Vu l'appel formé par MM. Z..., Y... et X... à l'encontre de cette décision ;
Vu les conclusions en date du 7 février 2006 par lesquelles les appelants demandent à la cour, vu les articles 1134 et 1135 du Code
civil :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. C... à leur payer la somme de 45.734,71 euros,
- d'assortir cette condamnation des intérêts de retard au taux légal à compter du 16 décembre 2003, date de la mise en demeure,
- d'infirmer le jugement pour le surplus,
- de débouter M. C... de sa demande fondée sur la garantie d'actif et de passif du 18 décembre 2000,
- de le condamner à payer à titre de dommages-intérêts,
. à M. Z... la somme de 46.057,10 euros,
. à M. Y... la somme de 45.848,70 euros,
. à M. X... la somme de 30.635,27 euros,
- de le condamner à payer , à chacun, la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 6 février 2006 par lesquelles M. C..., intimé, demande à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné MM. Z..., Y... et X... à lui payer, respectivement 17.939,44 euros, "17.198,05" et 11.932,57 euros,
- de dire que ces condamnations devront être assorties des intérêts au taux légal à compter du 28 janvier 2004,
- de condamner MM. Z..., Y... et X..., in solidum, à lui payer la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et celle de 30.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile,
- de les débouter de toutes leurs demandes ;
Sur ce :
Considérant que la société anonyme Les Maréchaux, créée en juin 1998, a pour activité l'exploitation d'un restaurant, d'un bar et d'une
discothèque situés à proximité immédiate de la place de l'Etoile à Paris ;
Considérant que par acte du 18 décembre 2000, MM. Z..., Y... et X..., respectivement titulaires de 442, 441 et 294 des 2.500 actions représentant le capital de la société Les Maréchaux, ont cédé, moyennant le prix total de 4.500.000 francs, l'intégralité de leurs participations à M. Gérard C..., déjà titulaire de 1.030 actions et qui exerçait les fonctions de président du conseil d'administration ;
Qu'il était stipulé à l'acte qu'un complément de prix de 300.000 francs (45.734,71 euros) serait payé par le cessionnaire et réparti entre les cédants en proportion des titres cédés dans l'hypothèse où la société réaliserait un bénéfice net après impôts sur les sociétés mais avant imputation des déficits reportables, au cours de l'un ou l'autre des exercices 2001 ou 2002 ;
Qu'il était en outre stipulé que chacun des cédants garantissait le cessionnaire, au prorata de la participation cédée, contre toute diminution de l'actif ou augmentation du passif résultant d'événements à caractère fiscal et/ou social et dont le fait générateur serait antérieur à la date de l'acte de cession ;
Considérant qu'il n'est pas contesté que la société Les Maréchaux a réalisé un bénéfice net dans les conditions prévues à l'acte susvisé au titre de l'exercice 2001 et que MM. Z..., Y... et X... sont, en conséquence, créanciers d'un complément de prix d'un montant total de 45.734,71 euros ;
Considérant que le règlement de cette somme ayant été demandé à M. C..., ce dernier s'est prévalu de la garantie de passif insérée à l'acte du 18 décembre 2000 et s'est prétendu créancier, sur le fondement de cette stipulation, d'une somme totale de 93.505,57 euros représentant la quote-part des cédants, soit 47,08%, calculée sur la
base de leurs participations, du montant afférent à l'exercice 2000 du redressement fiscal notifié le 15 juillet 2003 à la société Les Maréchaux ; qu'il a en conséquence demandé la condamnation des cédants au paiement de la somme de 47.770,86 euros correspondant au solde de sa créance après compensation ; que le premier juge a accueilli cette demande ;
Considérant cependant qu'aux termes de l'article 1134 du code civil, invoqué par les appelants, les conventions doivent être exécutées de bonne foi ;
Or considérant qu'il résulte des pièces mises aux débats, et spécialement de la notification de redressements du 15 juillet 2003, établie à la suite d'une vérification de la comptabilité de la société Les Maréchaux au titre des exercices 2000 et 2001, non couverts par la prescription, et de la réponse des services fiscaux faite le 22 septembre 2003 aux observations de M. C..., ès qualités de représentant légal de ladite société, du 10 août 2003, qu'il n'existait, en 2000 et 2001, aucune billetterie relativement aux entrées à la discothèque et aux recettes des vestiaires du restaurant et de la discothèque et que les produits provenant des entrées à la discothèque et de l'utilisation des vestiaires - retracés jour par jour pour les huit premiers mois de l'année 2001 sur des documents internes à l'entreprise annexés à des documents paraphés par l'expert-comptable de celle-ci, la société DSA - n'ont pas été déclarés aux services fiscaux ; que cette minoration d'une part importante du chiffre d'affaires déclaré, qui visait à éluder les impositions correspondantes, a donné lieu à des rappels de TVA et d'impôt sur les sociétés ainsi qu'à des majorations pour mauvaise foi qui se sont élevés à 198.606,97 euros au titre de l'exercice 2000 ;
Considérant, certes, que l'inspecteur des impôt a admis, en réponse aux observations de M. C..., que ce dernier avait pu ignorer
l'existence des tableaux découverts lors du contrôle et mentionnant de façon journalière le montant des recettes dissimulées et qu'il ne peut être affirmé, au vu des éléments soumis à l'appréciation de la cour, qu'il avait été informé de la fraude fiscale imputée à la société Les Maréchaux ;
Mais considérant que M. C..., dirigeant et principal actionnaire de la société Les Maréchaux et qui aurait dû, dès lors, se montrer particulièrement attentif à la mise en place d'un contrôle des comptes présentant toutes les garanties de fiabilité, alors surtout qu'il était, ainsi qu'il le précise, "très peu présent au sein de la société", laquelle ne représentait "qu'une partie mineure" de l'ensemble de son activité (concl. p. 11) et qu'il ne pouvait cependant ignorer que des irrégularités comptables et notamment l'absence de report en comptabilité d'une partie des recettes sont, comme le rappelait l'inspecteur des impôts dans sa réponse aux observations du contribuable (pièce no 8 de l'intimé), "pratiquées de façon courante dans les établissements exploitant une discothèque", a délibérément exposé la société Les Maréchaux aux risques, qui se sont réalisés, de mise en oeuvre de telles pratiques, à l'origine du redressement fiscal aujourd'hui invoqué au titre de la garantie de passif, et de commission "d'un grand nombre d'irrégularités comptables, telles que la non conservation des justificatifs des caisses, le non respect des règles de facturation, les compensations des comptes, etc..." (pièce no8, p.3) ;
Considérant, en effet, que, comme le rappellent les appelants (concl. p. 9 et 10), et comme cela résulte des constatations des services fiscaux, le commissaire aux comptes de la société Les Maréchaux était, en 2000 et 2001, une personne morale contrôlée à 83,84% par la société d'expertise comptable DSA International, chargée de l'établissement des comptes sociaux, et que la société DSA, qui avait
la même adresse et les mêmes numéros de téléphone et de télécopie que sa filiale, était elle-même détenue à hauteur de 68,92% par M. Jean-Luc D... et de 11,17% par M. Jean-Luc E..., respectivement titulaires de 5,88% et 5,84% des actions composant le capital de la société Les Maréchaux , M. E... étant en outre membre du conseil d'administration de la cette dernière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... ne peut, sans manquer à la bonne foi, se prétendre créancier à l'égard des appelants de la somme de 93.505,57 euros représentant 47,08% du montant du redressement fiscal afférent à l'exercice 2000 ;
Considérant qu'il y a lieu de fixer au 16 décembre 2003, date de la lettre de M. X... valant mise en demeure de payer le complément de prix ;
Considérant, sur la demande des appelants en paiement de la somme totale de 122.514 euros à titre de dommages-intérêts, que ceux-ci ne rapportent d'aucune manière la preuve de leurs allégations selon lesquelles ils ont été trompés sur la valeur de leurs titres, étant au demeurant observé que selon l'article 2.1 de l'acte du 18 décembre 2000, il a été expressément convenu que la valorisation des actions cédées a été "librement négociée par les parties, de manière forfaitaire et sans aucune référence à une quelconque valeur comptable que pourraient avoir ces actions au regard de la situation comptable, économique ou financière de la Société" ;
Considérant qu'il convient d'accueillir partiellement la demande formée par les appelants, au titre de l'instance d'appel, au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; que la demande présentée par l'intimé sur le même fondement, comme celle tendant à l'allocation d'une indemnité pour procédure abusive, ne peuvent qu'être rejetées ;
Par ces motifs :
Réforme le jugement déféré et statuant à nouveau :
Condamne M. Gérard A..., dit C..., à payer à MM. René Z..., José Y... et Bertrand X... la somme totale de 45.734,71 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 16 décembre 2003 ;
Le condamne à payer, à chacun d'eux, la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Le condamne au paiement des dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions prévues à l'article 699 du même code ;
Rejette toute autre demande. LE GREFFIER LE PRESIDENT D. COULON B. CHAGNY