Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
X... DU 10 MARS 2006
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 04/03160 Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Novembre 2003 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 200116817 APPELANT Monsieur Thierry Y... ... par Me Louis-Charles HUYGHE, avoué à la Cour assisté de Me Charlotte POSSE DE MUZQUIZ, substituant Me Christine MENDES ANTUNES, avocat au barreau de PARIS, toque : C 379 INTIMEES SOCIETE BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS anciennement dénommée BICS BANQUE POPULAIRE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 55 avenue Aristide Briand - BP 549 - 92542 MONTROUGE CEDEX représentée par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT, avoués à la Cour assistée de Me Jean Robert CAMPANA, avocat au barreau de PARIS, toque : P 309 SOCIETE CREDIT COOPERATIF venant aux droits de la BANQUE FRANCAISE DE CREDIT COOOPERATIF, elle-même aux droits de la BANQUE POMMIER FININDUS prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 33 rue des Trois Fontanot 92000 NANTERRE représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avoués à la Cour assistée de Me Michel BACHELOT, avocat au barreau de PARIS, toque : E 955 COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 3 Février 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président
Madame Evelyne DELBES, conseiller
Monsieur Louis DABOSVILLE, conseiller qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : Madame Violaine PALOQUE X... :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Madame Evelyne DELBES, conseiller
- signé par Madame Evelyne DELBES, conseiller par suite d'un empêchement du président, et par Madame Marie-Claude HOUDIN, greffier présent lors du prononcé.
Selon acte du 28 novembre 1995, la Banque Industrielle et Commerciale Région Sud de Paris (ci-après "BICS") a consenti à la SCI SEGUR 95, ayant pour seules associées Mesdames Florence Z... et Brigitte A..., un prêt de 3,5 millions de francs.
A la garantie du remboursement de ce prêt, la banque a, par actes du même jour, obtenu les cautionnements solidaires de Mesdames Z... et A...
La SCI SEGUR 95 n'ayant pas respecté ses engagements, la déchéance du terme du prêt est intervenue et la BICS a assigné, les 5 décembre 1997 et 6 janvier 1998, l'intéressée et les cautions devant le tribunal de grande instance de Paris pour obtenir le paiement des sommes qu'elle estimait lui être dues.
En échange d'une caution bancaire de 1 466 000 francs, la BICS a cependant accepté d'accorder un délai de paiement à la SCI SEGUR 95. La Banque Pommier Finindus a accepté de donner cette garantie bancaire demandée, à la condition que son client, M. Thierry Y..., accepte de nantir à son profit 1 466 000 francs de titres.
Le 28 septembre 1998, M Y... a signé en sa faveur une déclaration de gage de deux comptes d'instruments financiers.
Par acte du 29 septembre 1998, la Banque Pommier Finindus s'est donc portée caution solidaire au profit de la BICS des sommes dues par la SCI SEGUR 95 à hauteur de 1 466 000 francs.
Par télécopie du 7 octobre 1998, Me LE DOUARIN , avocat, a "à la demande de M. Thierry Y..." demandé qu'il soit ajouté à cet acte de caution une clause aux termes de laquelle il serait précisé qu'il se substitue au cautionnement donné à la BICS par Mme A... et que la Banque Pommier Finindus renonce à toute subrogation dans les droits de la BICS à l'égard de celle-ci.
La Banque Pommier Finindus a intégré cette clause dans l'acte de caution par elle signé le 29 septembre 1998.
Par jugement du 24 mars 1999, le tribunal de grande instance de Paris a donné acte à la BICS de son désistement d'action à l'égard de Mme A... et condamné solidairement la SCI SEGUR 95 et Mme Z... à payer à la BICS la somme de 1 489 013,18 francs.
La Banque Pommier Finindus s'est acquittée de ses obligations en remettant à la BICS un chèque de 1 466 000 francs.
Les titres nantis par M. Y... ont été vendus au profit de la Banque Pommier Finindus.
Par acte du 12 octobre 2001, M. Y... a assigné la BICS et la BFCC, celle-ci venant aux droits de la Banque Pommier Finindus, en nullité du gage soutenant n'avoir jamais consenti à la libération de Mme A... et arguant de ce Me LE DOUARIN n'était pas son avocat et ne pouvait donc écrire en son nom.
Par jugement contradictoire du 12 novembre 2003, le tribunal de grande instance de Paris a : - rejeté la demande de M. Y... tendant à voir dire nul pour absence de cause et d'objet et pour dol et erreur le gage par lui consenti le 28 septembre 1998 au profit de la Banque
Pommier Finindus, - rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration du 19 décembre 2003, M. Y... a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 11 avril 2005, le conseiller de la mise en état a rejeté la demande d'audition de témoin formée par le Crédit Coopératif, venant aux droits de la BFCC, et désigné Mme B... en qualité d'expert avec mission de fournir à la Cour tous éléments techniques et de fait permettant de déterminer si la signature figurant sur une télécopie du 25 septembre 1998 pouvait ou non être attribuée à M. Y...
L'expert a déposé son rapport le 26 juillet 2005.
Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, ont été déposées : - le 2 décembre 2005 pour M. Y..., - le 29 novembre 2005 pour le Crédit Coopératif, - le 11 janvier 2006 pour la Banque Populaire Rives de Paris, anciennement dénommée BICS.
M. Y... demande à la Cour de : - infirmer le jugement entrepris, - dire qu'il n'est pas le signataire de la lettre datée du 25 septembre 1998, - constater que la Banque Pommier Finindus a actionné le gage sur instruments financiers du 28 septembre 1998 en s'appuyant sur un cautionnement intervenu le 29 septembre 1998, - dire que ce gage est donc dépourvu de cause et d'objet, - constater qu'aux termes du cautionnement du 29 septembre 1998, soit postérieurement au gage par lui consenti, la Banque Pommier Finindus s'est substituée à Mme A... en qualité de caution de la SCI SEGUR 95 et a renoncé à toute subrogation dans les droits de la BICS à l'égard de l'intéressée, - constater qu'il n'a pas eu connaissance, avant l'octroi du gage, des termes du cautionnement et des renonciations par la Banque Pommier Finindus à ses droits et poursuites contre Mme A..., - constater
qu'il n'aurait pas consenti un gage s'il avait su que celui-ci porterait sur un acte de cautionnement comportant une telle renonciation contre la seule associée solvable de la SCI SEGUR 95, en conséquence, - prononcer la nullité pour dol et erreur dolosive du gage du 28 septembre 1998, à titre subsidiaire, - dire que les agissements fautifs de la Banque Pommier Finindus et de la BICS lui ont causé un préjudice certain, - condamner solidairement le Crédit Coopératif et la Banque Populaire Rives de Paris à lui payer la somme de 223 490,25 euros, par lui versée en vertu du gage, à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du 29 juin 1999, la somme de 22 867,35 euros à titre de dommages et intérêts pour manoeuvres dolosives et la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - débouter le Crédit Coopératif et la Banque Populaire Rives de Paris de toutes leurs demandes.
Le Crédit Coopératif conclut à la confirmation du jugement déféré et réclame paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La Banque Populaire Rives de Paris demande à la Cour de confirmer le jugement du 12 novembre 2003 et de condamner M. Y... à lui payer la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. CELA ÉTANT EXPOSÉ LA COUR : Sur la nullité alléguée du gage
Considérant que M. Y... argue de l'absence d'obligation de nature à donner cause et objet au gage à la date de sa souscription, le 28 septembre 1998, dans la mesure où le cautionnement de la Banque Pommier Finindus en faveur de la BICS qu'il était censé garantir n'a été souscrit que le lendemain ;
Considérant que la garantie d'une dette non encore née est valable dès lors que celle-ci est suffisamment déterminée ;
Qu'en l'espèce, le gage précise qu'il a été signé en garantie de l'engagement de caution de 1 466 000 francs pris par la Banque Pommier Finindus au profit de la BICS ; que le 28 septembre 1998, M. Y... a signé un questionnaire aux termes duquel il demande à la Banque Pommier Finindus une caution bancaire de 1 466 000 francs ayant pour objet "les engagements de la SCI SEGUR vis-à-vis de la BICS" avec pour garantie le nantissement d'un compte sur lequel sont transférées des parts de Courcelles Finance C et de Sécurité Portefeuille C ; que par fax du 28 septembre 1998, dont il ne conteste pas non plus la signature, M. Y... a écrit à la Banque Pommier Finindus :
"J'ai bien noté que suite à ma demande de caution, vous procédiez à l'ouverture d'un compte nanti (...). Je vous autorise à y transférer 533 parts de Courcelles Finance C et 326 parts de Sécurité Portefeuille C" ;
Considérant qu'il est, dès lors, démontré, sans qu'il soit nécessaire d'avoir égard à la télécopie du 25 septembre 1998 arguée de faux, que M. Y... a lui-même sollicité le cautionnement de la Banque Pommier Finindus en faveur de la BICS à la garantie des engagements de la SCI SEGUR 95 et qu'il avait une parfaite connaissance de la portée et de l'étendue de l'engagement qu'il prenait lui-même en souscrivant, le 28 septembre 1998, le contrat de gage en cause ; que la Cour observe que le faux n'est d'ailleurs pas établi, l'expert ayant conclu que M. Y... est l'auteur de la signature de la télécopie datée du 25 septembre 1998 qui comporte, à l'adresse de la Banque Pommier Finindus, la même demande de garantie bancaire que le document daté du 28 septembre 1998 ci-dessus décrit ;
Considérant que M. Y... soutient que la Banque Pommier Finindus, qui a obtenu le gage avant de s'engager elle-même, ne l'aurait pas informé que son cautionnement se substituerait à celui de Mme A... et qu'elle renoncerait à toute subrogation dans les droits de la BICS
à l'égard de celle-ci, alors qu'elle savait que la débitrice principale ne pourrait pas rembourser le prêt et que son gage serait donc nécessairement mis en oeuvre ; qu'il expose qu'il n'aurait pas consenti le gage s'il avait connu la renonciation stipulée dans le cautionnement de la Banque Pommier Finindus qui le privait de tout recours contre Mme A..., seule associé solvable de la débitrice principale ; que son consentement a donc été surpris par un dol qui l'a induit en erreur sur la cause de l'engagement qu'il souscrivait ; Considérant que la Banque Pommier Finindus expose que la clause litigieuse a été insérée dans son engagement de caution à la suite de la réception par elle d'un courrier du conseil de M. Y..., Me LE DOUARIN ; qu'elle verse aux débats une lettre datée du 7 octobre 2000 aux termes de laquelle Me LE DOUARIN, avocat, écrit : "A la demande de M. Y..., je vous prie de bien vouloir ajouter à l'acte de caution qu'il se substitue aux garanties fournies à la BICS par Mme A... et qu'il emporte renonciation de la Banque Pommier à toute subrogation dans les droits de la BICS à l'égard de Mme A..." ;
Considérant que M. Y... n'établit pas que Me LE DOUARIN n'était pas son conseil et, en tout cas pas que la Banque Pommier Finindus ou la BICS aient eu la moindre raison de douter du mandat dont se réclamait l'intéressé qu'il s'est abstenu d'attraire dans la présente instance s'il estimait pourtant que, comme il le prétend, il avait agi sans mandat de sa part, et à l'audition duquel il s'est opposé dans le cadre de l'incident soumis au conseiller de la mise en état ;
Considérant que M. Y... n'établit donc pas l'existence du dol ou de l'erreur dolosive dont il prétend avoir été victime ; qu'il convient de le débouter de sa demande en nullité du gage ; Sur la demande de dommages et intérêts de M. Y...
Considérant que les fautes dont M. Y... fait grief aux banques à l'appui de sa demande de dommages et intérêts correspondent aux agissements qu'il qualifiait de dolosifs dans le cadre de sa demande en nullité et dont il a été vu qu'ils n'étaient pas établis ;
Considérant que M. Y... recherche donc en vain la responsabilité des intimées ;
Considérant qu'il convient de confirmer le jugement déféré;
Considérant que l'équité commande de condamner M. Y... à payer au Crédit Coopératif, d'une part, à la Banque Populaire Rives de Paris, d'autre part, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Condamne M. Y... à payer à la Banque Populaire Rives de Paris, d'une part, au Crédit Coopératif, d'autre part, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Le condamne aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT