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28/02/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006948089

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0115, 28 février 2006, JURITEXT000006948089


RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre D

ARRET DU 28 février 2006

(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/05556 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 mars 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris section industrie RG no 03/05996

APPELANT Monsieur Jean-Claude X... 116, rue de Stalingrad 93100 MONTREUIL représenté par Me Dominique PETAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 15 INTIMEES SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE 22-30, avenue de Wagram 75008 PARIS

SOCIETE GAZ DE FRANCE 23, rue Philibert Delorme 75017 PARIS représentées par Me Jean-Louis LEROY,...

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

18ème Chambre D

ARRET DU 28 février 2006

(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/05556 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 mars 2005 par le conseil de prud'hommes de Paris section industrie RG no 03/05996

APPELANT Monsieur Jean-Claude X... 116, rue de Stalingrad 93100 MONTREUIL représenté par Me Dominique PETAT, avocat au barreau de PARIS, toque : P 15 INTIMEES SOCIETE ELECTRICITE DE FRANCE 22-30, avenue de Wagram 75008 PARIS SOCIETE GAZ DE FRANCE 23, rue Philibert Delorme 75017 PARIS représentées par Me Jean-Louis LEROY, avocat au barreau de PARIS, toque : G891 COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 janvier 2006, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Alexandre LINDEN, président

Mme Michèle Y..., conseillère

Mme Annick Z..., conseillère

qui en ont délibéré Greffier : Mlle Chloé FOUGEARD , lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Mme Michèle Y..., conseillère

- signé par Mme Michèle Y..., conseillère, et par Mlle Chloé FOUGEARD greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE Jean Claude X... est salarié des sociétés Electricité de France et Gaz de France (sociétés EDF-GDF). Le 30 avril 2003, soutenant que l'astreinte d'action immédiate qu'il a assurée constituait un temps de travail effectif et devait être rémunéré en totalité en heures supplémentaires, M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Paris de demandes tendant au paiement d'heures supplémentaires, de congés payés afférents et d'une allocation de procédure. Par jugement du 11 mars 2005, le conseil de prud'hommes, statuant en formation de départage, relevant que le salarié avait pris les astreintes en question à son domicile, a débouté M. X... de ses demandes. M. X... a interjeté appel de cette décision. Il demande à la cour d'infirmer le jugement et : - de condamner les sociétés EDF-GDF à lui payer :

- 161 180 euros à titre d'heures supplémentaires,

- 16 118 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés,

- 10 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect des repos quotidiens et hebdomadaires,

- 600 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - subsidiairement, d'ordonner une expertise aux frais de l'employeur aux fins de vérifier son décompte. Les sociétés EDF-GDF opposent la prescription quinquennale des articles L.143-14 du Code du travail et 2277 du Code civil et concluent à l'infirmation du jugement et au débouté du salarié. Pour plus ample exposé de la

procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 2 janvier 2006, dont elles ont repris les termes lors de l'audience. Motifs de la décision Sur le principe des heures supplémentaires M. X... sollicite le paiement d'heures supplémentaires correspondant au temps passé en position d'astreinte d'action immédiate, qu'il estime être en réalité du temps de travail effectif. Il est acquis aux débats que les agents assuraient cette astreinte, soit à leur domicile si celui-ci se trouvait dans une zone d'habitat d'astreinte (ZHA) déterminée, soit dans un "studio d'exploitation" mis à leur disposition pour la durée de l'astreinte par l'employeur à proximité de leur lieu de travail. En cause d'appel, les sociétés EDF-GDF concluent au débouté du salarié en soutenant que le fait que l'astreinte soit prise à domicile ou en studio d'exploitation n'en modifie pas la nature et qu'il ne s'agit pas d'un temps de travail effectif dans les deux cas. Aux termes de l'article L.212-4 du Code du travail, "la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et doit se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles". Selon l'article L.212-4 bis du même code, "une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, a l'obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d'être en mesure d'intervenir pour effectuer un travail au service de l'entreprise, la durée de cette intervention étant considérée comme un temps de travail effectif". L'astreinte fait l'objet, dans la réglementation interne des sociétés EDF-GDF, de la circulaire Pers 530 du 12 mai 1969, laquelle la définit comme "une sujétion de service imposée à domicile en dehors des heures normales de travail" (article 11) et distingue deux types d'astreinte. L'astreinte d'action immédiate,

objet du litige, y est définie comme celle pour laquelle "l'agent astreint a l'obligation, indépendamment de son temps de travail normal, de rester, d'une façon permanente, à son domicile ou à proximité immédiate, pour répondre à tout appel" (article 121). La rémunération de cette astreinte obéit à des règles spécifiques prévues à la circulaire (article 14) et se calcule en pourcentage du taux horaire de base. Toute heure d'intervention pendant le cours de l'astreinte entraînant un travail effectif est considérée comme une heure supplémentaire ; la rémunération horaire de l'astreinte et celle des interventions se cumulent. M. X..., qui n'avait pas initialement son domicile en ZHA, a assuré les astreintes d'action immédiate en studio d'exploitation mis à sa disposition par l'employeur à proximité de son lieu de travail. Ayant postérieurement établi son domicile en ZHA, il a pris ces astreintes à domicile. Ainsi, dans une première période, le salarié était tenu pendant la durée de l'astreinte, non pas de demeurer à son domicile ou à proximité de celui-ci comme le prévoit l'article L.212-4 bis du Code du travail, mais de rester dans un local imposé par l'employeur à proximité immédiate du lieu de travail afin de répondre sans délai à toute demande d'intervention. Une telle contrainte l'empêchait par ailleurs de vaquer librement à des occupations personnelles. Il s'ensuit que les astreintes d'action immédiate assurées par M. X... en studio d'exploitation, ne sont pas des temps d'astreinte au sens de l'article L.212-4 bis du Code du travail mais constituent des temps de travail effectif devant être rémunérés en heures supplémentaires. En revanche, lorsqu'il assure l'astreinte à domicile, l'agent demeure à son domicile ou à proximité, dans son environnement privé ; il peut donc se livrer à un certain nombre d'occupations personnelles ou familiales et n'est pas à la disposition permanente de l'employeur. Les restrictions apportées à

sa liberté de déplacement en ce cas sont celles inhérentes, par définition, à toute astreinte. Les circonstances que le domicile de l'appelant se trouve dans une zone géographique proche du site, déterminée par l'employeur, obligation en contrepartie de laquelle il bénéficie de certains avantages, ou qu'il lui soit demandé de répondre aux demandes d'intervention dans de brefs délais, ne sont pas de nature à modifier cette analyse. Il s'ensuit que, pendant le temps d'astreinte d'action immédiate pris à son domicile, le salarié n'est pas en temps de travail effectif. M. X... doit donc être débouté de ses demandes en ce qu'elles concernent cette période. Le jugement sera par conséquent infirmé en ce sens. Sur le montant des demandes M. X... produit, à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, un décompte inexploitable sur lequel il ne fournit aucune explication. Il ne s'explique sur aucun des moyens soulevés par l'employeur pour contester le montant de ses demandes. Il convient d'ordonner, dans les termes du dispositif ci-dessous, la réouverture des débats afin que les parties fournissent des explications et pièces complémentaires nécessaires à la solution du litige. Par ces motifs La cour Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau, Dit que les astreintes d'action immédiate prises par M. X... à son domicile sont des temps d'astreinte au sens de l'article L.211-4 bis du Code du travail et non du temps effectif de travail ; Déboute M. X... de ses demandes relatives aux astreintes d'action immédiate prises à domicile ; Dit que les astreintes d'action immédiate assurées par M. X... en studio d'exploitation ne sont pas des temps d'astreinte au sens de l'article L.212-4 bis du Code du travail mais constituent des temps de travail effectif devant être rémunérés en heures supplémentaires ; Réserve à statuer pour le surplus ; Ordonne la réouverture des débats et renvoie l'affaire à l'audience du 12 juin 2006 à 13h30, la notification du présent arrêt

valant convocation pour cette audience, afin que : 1o) M. X... : - indique la période exacte pendant laquelle il a pris des astreintes d'action immédiate en "studio d'exploitation", - indique s'il prend toujours des astreintes d'action immédiate ou précise la date à laquelle il a cessé d'en prendre, - produise, pour la seule période où il a pris les astreintes d'action immédiate en "studio d'exploitation", un décompte détaillé et commenté de chacune des sommes qu'il réclame, spécialement au titre des heures supplémentaires et des congés payés, ces décomptes précisant les mois concernés, - s'explique sur le moyen tiré de la prescription, 2o) les sociétés EDF-GDF : - produisent des décomptes détaillés et commentés de ce qui pourrait être dû selon elles pour les périodes en question, pour chacun des postes considérés, 3o) chacune des parties s'explique sur les différences constatées entre ses décomptes et ceux produits par la partie adverse ; Réserve les dépens.

LE GREFFIER P/ LE PRÉSIDENT empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0115
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006948089
Date de la décision : 28/02/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2006-02-28;juritext000006948089 ?
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