Grosses délivrées
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
X... DU 24 FÉVRIER 2006
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 03/16047 Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Juin 2003 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG no 200144945 APPELANTE S.N.C. PHARMACIE DE L'AVENUE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 76 avenue d'Italie 75013 PARIS représentée par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER, avoués à la Cour assistée de Me Valérie PLOUTON, avocat au barreau de LYON, toque :515 INTIMÉES S.A. BARCLAYS BAIL prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 27 rue de la Ville l'Evêque 75008 PARIS représentée par la SCP BERNABE - CHARDIN - CHEVILLER, avoués à la Cour assistée de Me Jean-Emmanuel TOURREIL, avocat au barreau de PARIS, et Me RAPHAEL LEYGUES DE YTURBE Anne, avocat au barreau de PARIS, toque : R 034 S.C.P. TADDEI-FUNEL, ès qualités de mandataire liquidateur de la société CEC (CONCEPT ELECTRONIC CANADIEN) prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 54 rue Gioffredo 06000 NICE Assignée - défaillante COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 04 Novembre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :
M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président
Madame Evelyne DELBES, Conseiller
Monsieur Louis DABOSVILLE, Conseiller qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : Mme Violaine PALOQUE X... :
- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par M. Patrick HENRY-BONNIOT, Président
- signé par M. Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Mme Violaine PALOQUE, greffier présent lors du prononcé.
La SNC PHARMACIE DE L'AVENUE (ci-après "le pharmacien") a été démarchée par la société CONCEPT ELECTRONIC CANADIEN (ci-après "CEC") afin de mettre en place dans son officine un matériel d'affichage électronique programmable permettant de diffuser, à l'adresse de la clientèle, des messages publicitaires ou d'information. Ces messages, choisis par le pharmacien en fonction de ses stocks, étaient actualisés mensuellement au moyen de disquettes programmées et fournies par la société CEC.
Le pharmacien a signé : - le 29 décembre 1999, un bon de commande du matériel, - le 20 janvier 2000, un contrat de crédit-bail auprès de la société BARCLAYS BAIL pour une durée de 48 mois moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 1 780 francs HT, - le même jour, un contrat de prestation de service aux termes duquel la société CEC s'est engagée à lui verser la somme de 7 500 francs HT par an pendant quatre ans en contrepartie d'une étude de marché, la somme de 6 000 francs HT pour le parrainage de deux autres pharmaciens et la somme de 3 000 francs HT pour chaque parrainage supplémentaire.
Par jugement du 8 février 2001, le tribunal de commerce de Nice a prononcé la liquidation judiciaire de la société CEC, Me Jean-Marie TADDEI étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.
Par actes des 5 juin 2001, le pharmacien, arguant de l'inexécution
par la société CEC de ses obligations contractuelles relatives à la fourniture mensuelle des disquettes et au versement des rémunérations promises et invoquant l'indivisibilité des conventions en cause, a assigné Me TADDEI, ès qualités de mandataire liquidateur de la société CEC, et la société BARCLAYS BAIL devant le tribunal de commerce de Paris aux fins d'obtenir la résolution du contrat de prestation de service conclu avec la société CEC et la résiliation du contrat de crédit-bail. En cours d'instance, il a également sollicité la résolution du contrat de vente du matériel.
Par jugement réputé contradictoire du 6 juin 2003, le tribunal de commerce de Paris a : - dit irrecevables les demandes du pharmacien dirigées contre Me TADDEI, ès qualités, - débouté le pharmacien de ses demandes dirigées contre la société BARCLAYS BAIL, - constaté la résiliation du contrat de crédit-bail aux torts du pharmacien et condamné celui-ci à restituer le matériel, - condamné le même à payer à la société BARCLAYS BAIL la somme de 10 592,83 euros avec les intérêts au taux contractuel de 10% à compter du 5 septembre 2002 et la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - débouté les parties de toutes leurs autres demandes.
Par déclaration du 21 juillet 2003, le pharmacien a interjeté appel de cette décision.
Le 7 septembre 2004, il a remis au greffe de la Cour une déclaration d'appel visant la SCP TADDEI-FUNEL désignée par une ordonnance du juge commissaire en date du 17 janvier 2003 en qualité de mandataire liquidateur de la société CEC en remplacement de Me TADDEI.
Cette procédure a été jointe le 2 mars 2005 à l'instance principale. Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au
titre de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, ont été déposées : - le 21 novembre 2003 pour le pharmacien, - le 25 août 2005 pour la société BARCLAYS BAIL.
Le pharmacien demande à la Cour de : - le dire recevable à agir à l'encontre de la SCP TADDEI-FUNEL, ès qualités, aux fins de voir prononcer la résolution du contrat de vente et de prestation de service conclu avec la société CEC, - constater que la société CEC a manqué à ses obligations contractuelles, - en conséquence, prononcer la résolution du contrat de vente et de prestation de service, - dire qu'il n'a souscrit un contrat de crédit-bail auprès de la société BARCLAYS BAIL qu'en considération de la prestation de service offerte par la société CEC, d'une part, de la rétrocession financière promise par celle-ci, destinée à compenser le coût du crédit-bail, d'autre part, de sorte que les deux contrats ne peuvent s'exécuter l'un sans l'autre, - en conséquence, dire et juger que ces contrats sont indivisibles, - dire que cette indivisibilité doit entraîner la résiliation du contrat de crédit-bail à la date de la signification de l'acte introductif d'instance, comme conséquence directe du prononcé de la résolution du contrat de vente et de prestation de service, - dire qu'il ne pourra être tenu que des loyers échus jusqu'au jour de la date de la résiliation judiciaire, - ordonner l'enlèvement du matériel aux frais et sous la seule responsabilité de la société BARCLAYS BAIL, - dire que la clause de garantie prévue par l'article 8-3 du contrat de crédit-bail constitue une clause abusive, dès lors que son application aurait pour effet de faire échapper la convention aux conséquences de l'interdépendance des contrats, - en conséquence, rejeter la demande en paiement formulée par la société BARCLAYS BAIL sur le fondement de cette clause, - condamner la société BARCLAYS BAIL à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de
l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La société BARCLAYS BAIL demande à la Cour de : - confirmer le jugement entrepris, - y ajoutant, - dire que la condamnation du pharmacien à restituer le matériel objet du contrat de crédit-bail sera assortie d'une astreinte de 150 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir, - à titre subsidiaire, si la Cour faisait droit aux demandes du pharmacien et vu les articles 1134 et suivants et, subsidiairement, 1991 et suivants du Code civil, condamner l'intéressé à lui payer la somme de 10 592,83 euros au titre de la garantie prévue par l'article 8-3 du contrat de crédit-bail ou à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice que lui causent les manquements du pharmacien à ses obligations de mandataire, - en tout état de cause, condamner le pharmacien à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La SCP TADDEI-FUNEL, ès qualités, assignée à personne le 14 février 2005, n'a pas constitué avoué. Le présent arrêt sera donc réputé contradictoire. CELA ÉTANT EXPOSÉ LA COUR : Sur la recevabilité des demandes du pharmacien
Considérant que le pharmacien sollicite la résolution du contrat de vente et de prestation de services conclu avec la société CEC en raison de l'inexécution par l'intéressée de ses obligations relatives à la fourniture des disquettes et au versement des rémunérations promises ;
Considérant que la société BARCLAYS BAIL estime cette demande irrecevable, motif pris de ce que, formée au cours de la procédure de première instance, elle n'avait pas été signifiée à Me TADDEI, alors mandataire liquidateur de la société CEC, qui n'avait pas constitué avocat, et de ce que la procédure de première instance n'avait pas été régularisée à l'égard de la SCP TADDEI, nommée le 17 janvier 2003
en remplacement de Me TADDEI ;
Considérant que le pharmacien ayant attrait dans l'instance d'appel la SCP TADDEI, ès qualités, et fait signifier ses écritures à l'intéressée, qui n'a pas constitué avoué, cette fin de non-recevoir ne peut prospérer ;
Considérant que la société BARCLAYS BAIL soutient encore que la demande du pharmacien formée postérieurement au jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire de la société CEC se heurte à l'arrêt des poursuites individuelles imposé par l'article L 621-40 du Code de commerce ;
Considérant que la société BARCLAYS BAIL, partie au contrat de vente et confrontée à une demande de résiliation du contrat de crédit-bail consécutivement à la résolution du contrat de vente et de prestation de service, justifie d'un intérêt à soulever cette fin de non-recevoir qui repose, d'ailleurs, sur une règle d'ordre public;
Mais considérant que les actions non initiées pour cause de défaut de paiement d'une somme d'argent ne sont pas soumises à l'arrêt des poursuites individuelles ; que la règle de l'article L 621-40 du Code de commerce n'affecte en outre pas les actions tendant à la constatation, après jugement d'ouverture, de l'acquisition, antérieurement au dit jugement, de la résolution d'une convention et ce même si l'action en résolution est fondée sur le défaut de paiement d'une somme d'argent ;
Considérant que les demandes dirigées par le pharmacien contre la SCP TADDEI, ès qualités, se présentent en ces termes et échappent donc à l'arrêt des poursuites individuelles ;
Considérant que la résiliation du contrat de crédit-bail prononcée par la société BARCLAYS BAIL du fait du non paiement des loyers, en application de la clause résolutoire, ne peut quant à elle faire obstacle à l'action en résiliation judiciaire de ce même contrat
consécutivement à la résolution de conventions prétendument indivisibles engagée par le pharmacien ;
Considérant que celui-ci est, en conséquence, recevable en ses demandes ; Sur les liens entre les contrats
Considérant que le bon de commande signé par le pharmacien porte, en ses mentions imprimées, sur la fourniture du matériel et, aux termes de l'article 2 des conditions générales de vente figurant au verso, la programmation mensuelle gratuite des disquettes nécessaires à l'utilisation de celui-ci ;
Considérant que le contrat de crédit-bail et la prestation de service relative à la fourniture des disquettes mensuelles nécessaires à l'approvisionnement du matériel en données informatiques, objet de l'une des clauses du contrat de vente et à laquelle se réfère également le contrat de location, sont indivisibles ; que cette interdépendance est illustrée par l'attitude de la société BARCLAYS BAIL qui, après le prononcé de la liquidation judiciaire de la société CEC, a transmis au pharmacien la proposition de reprise de la fourniture des disquettes émanant de la société EFICOM et offert de diminuer le montant des loyers à due concurrence du coût de la prestation de l'intéressée ;
Considérant que le bon de commande mentionne, en outre, de façon manuscrite, sous la rubrique "Conditions spéciales", la rémunération promise au pharmacien par le fournisseur en contrepartie d'études de marché et de parrainages ; que ces conditions spéciales ont donné lieu, le 20 janvier 2000, à la signature, entre la société CEC et le pharmacien, d'un document distinct qui les reprend ;
Considérant que la brochure de présentation du matériel décrit celui-ci comme un outil de promotion du métier de pharmacien auprès de la clientèle et un moyen de susciter des achats spontanés et non comme un équipement devant être exploité par le fournisseur ; que le
contrat de crédit-bail vise et se rapporte uniquement à la vente du matériel, sans référence aux conditions spéciales manuscrites du bon de commande reprises dans le document du 20 janvier 2000 ; que ces conventions spéciales ne se réfèrent elles-mêmes pas au financement du matériel par la société BARCLAYS BAIL ; qu'il n'existe aucune concordance entre la date d'échéance et le montant des loyers et ceux des rémunérations promises par la société CEC ;
Considérant qu'il n'est pas établi que le crédit-bailleur ait pu connaître les accords décrits par les mentions manuscrites du bon de commande avant d'être formalisés aux termes d'un document séparé et savoir, en conséquence, que le matériel qu'il finançait ferait accessoirement l'objet de prestations de service autres que la fourniture de disquettes ; que le pharmacien ne démontre pas que toutes les conventions lui auraient été présentées par le même agent commercial qui aurait reçu mandat de la société BARCLAYS BAIL ; qu'à cet égard, l'attestation établie par un démarcheur de la société CEC qui vise un autre crédit-bailleur, la société BNP LEASE, est inopérante ; que le pharmacien ne justifie pas de l'existence du moindre accord de partenariat entre la société CEC et la société BARCLAYS BAIL qui s'avère n'avoir pas été l'unique établissement appelé à financer l'achat de l'équipement proposé par la société CEC ;
Considérant que les pièces produites ne mettent en évidence aucun élément pouvant donc impliquer l'organisation préalable d'une collaboration entre le représentant de la société prestataire de service et le crédit-bailleur ou, au moins, la nécessaire information de celui-ci sur les modalités et la finalité de l'opération envisagée dans sa globalité et sa volonté de consentir son financement en considération des engagements financiers pris en faveur du pharmacien par le fournisseur ; que lesdits engagements relèvent de la seule
politique commerciale de celui-ci et sont indépendants du contrat de vente financé par le contrat de crédit-bail ;
Sur les carences imputées au fournisseur par le pharmacien
Considérant que le pharmacien ne démontre pas que la société CEC ait manqué à son obligation de fourniture des disquettes mensuelles avant sa mise en liquidation judiciaire ; qu'il ne produit aucune lettre de réclamation qu'il aurait pu adresser à ce sujet à la société CEC ou au crédit-bailleur ;
Considérant que dès le mois de mars 2001, le pharmacien a reçu une offre de reprise du service des disquettes émanant de la société EFICOM et de diminution corrélative des loyers de la part du crédit-bailleur ; que cette proposition qui permettait une solution de continuité était de nature à pallier les effets de la faillite de la société CEC ; que le refus par le pharmacien de cette prestation de substitution, qui ne générait pour lui aucun coût supplémentaire et dont il ne démontre pas qu'elle n'aurait pas été conforme, est seul à l'origine de la cessation de l'approvisionnement du matériel en disquettes ; que l'appelant ne peut, en conséquence, se prévaloir de cette cessation pour obtenir la résolution du contrat de vente et la résiliation du contrat de crédit-bail ;
Considérant que le non-respect par la société CEC des engagements financiers qu'elle avait pris à l'égard du pharmacien n'est pas contesté ; qu'en raison de l'indépendance des conventions, cette carence, sans répercussion sur l'utilisation du matériel, ne peut cependant entraîner la résolution du contrat de vente et la résiliation du contrat de crédit-bail, mais seulement celle, acquise avant le jugement d'ouverture, des conventions spéciales conclues les 29 décembre 1999 et 20 janvier 2000 entre la société CEC et le pharmacien ;
Considérant qu'il convient de débouter celui-ci de toutes ses autres
demandes ; Sur les demandes formées par la société BARCLAYS BAIL
Considérant que la société BARCLAYS BAIL produit, à l'appui de sa demande en résiliation du contrat de crédit-bail aux torts du pharmacien, qui a cessé de régler les loyers à compter du mois de septembre 2001, ses vaines mises en demeure de payer, sa lettre de résiliation du 5 septembre 2002 et le décompte détaillé de sa créance à propos duquel l'appelant n'émet aucune contestation ;
Considérant que les premiers juges ont justement fait droit à ses demandes à ce titre ; que leur décision sera, en conséquence, confirmée ;
Considérant qu'il y a lieu d'y ajouter, cependant, la condamnation du pharmacien au paiement, à défaut de restitution du matériel loué dans le mois de la signification du présent arrêt, d'une astreinte de 100 euros par jour ;
Considérant que l'équité commande de condamner le pharmacien à payer à la société BARCLAYS BAIL la somme de 300 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la procédure d'appel ; PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit la SNC PHARMACIE DE L'AVENUE irrecevable en ses demandes dirigées contre la société CEC représentée par son mandataire liquidateur ;
Statuant à nouveau quant à ce,
Dit la SNC PHARMACIE DE L'AVENUE recevable en ses demandes dirigées contre la SCP TADDEI-FUNEL, ès qualités ;
Constate la résiliation aux torts de la société CEC des conventions spéciales qu'elle a conclues avec la SNC PHARMACIE DE L'AVENUE les 29 décembre 1999 et 20 janvier 2000 ;
Déboute la SNC PHARMACIE DE L'AVENUE de ses autres demandes dirigées contre la SCP TADDEI-FUNEL, ès qualités ;
Confirme le jugement déféré en toutes ses autres dispositions ;
Y ajoutant,
Dit que faute par la SNC PHARMACIE DE L'AVENUE de restituer le matériel objet du contrat de crédit-bail dans le mois de la signification du présent arrêt, elle y sera contrainte sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
Condamne la SNC PHARMACIE DE L'AVENUE à payer à la société BARCLAYS BAIL la somme de 300 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile pour la procédure d'appel ;
Rejette toute autre demande ;
Condamne la SNC PHARMACIE DE L'AVENUE aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT