RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre D
ARRET DU 21 février 2006
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 05/02322 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 décembre 2004 par le conseil de prud'hommes de Créteil industrie RG no 04/00530 APPELANT Monsieur Gérard X... 27-29, rue Lénine 94200 IVRY SUR SEINE représenté par Me Laurent DOUCHIN, avocat au barreau de PARIS, toque : P501 INTIME Monsieur Didier Y... 5, avenue Pierre Brossolette 92350 LE PLESSIS ROBINSON comparant en personne, assisté de Me Isabelle JUVIN-MARLEIX, avocat au barreau de PARIS, toque : C1526 COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du nouveau Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 janvier 2006, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposé, devant Mme Hélène Z..., conseillère faisant fonction de présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Hélène Z..., conseillère faisant fonction de présidente
Mme Michèle A..., conseillère
Mme Annick B..., conseillère
Greffier : Mlle Chloé FOUGEARD, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Mme Hélène Z..., conseillère faisant fonction de présidente
- signé par Mme Hélène Z..., conseillère faisant fonction de présidente, et par Mlle Chloé FOUGEARD, greffier présent lors du prononcé. FAITS ET PROCEDURE M. Didier Y... a été engagé le 24 janvier 1994 en qualité de serrurier par M. Gérard X... exploitant en nom personnel sous l'enseigne X... Métal une entreprise de constructions et menuiseries métalliques employant plus de vingt salariés. Il a été en arrêt de travail pour maladie du 1er août 2001 au 31 janvier 2002. A l'issue de cette période de suspension le médecin du travail par 2 avis exprimés en termes identiques les1er février et 4 mars 2002 l'a déclaré "inapte à son poste : reclassement demandé à un poste sans exposition aux poussières et fumées de métal et soudure". M. X... qui avait envoyé le 18 février 2002 une première convocation à un entretien préalable demeurée sans suite a notifié à M. Y... le 14 mars 2002 l'impossibilité de le reclasser puis l'a convoqué le 2 pour le 5 avril 2002 à une entretien préalable à son licenciement éventuel. Par lettre recommandée envoyée le 5 avril 2002 il l'a licencié pour inaptitude physique à tous les postes de l'entreprise constatée par le médecin du travail rendant son reclassement dans l'entreprise impossible et l'a informé que son solde de tout compte ainsi que les documents légaux seraient à sa disposition le 6 juin 2002. La caractère professionnel de la maladie
dont M. Y... était atteint depuis le 11 août 2001 a été reconnu le 26 septembre 2002 et il lui a été attribué une rente au taux de 15% pour séquelles d'une intoxication au plomb. Le 5 mars 2004 M. Y... a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil pour voir condamner M. X... à lui verser l'indemnité prévue par l'article L.122-32-7 du Code du travail, subsidiairement une indemnité pour nullité de son licenciement, plus subsidiairement une indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement, un rappel d'indemnité de licenciement et la remise de documents rectifiés. Par jugement du 15 décembre 2004 le conseil de prud'hommes a condamné M. X... à lui verser : - 24 530 ç au titre de l'indemnité prévue par l'article L.122-32-7 du Code du travail, - 600 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile , a ordonné la remise d'un bulletin de paie et d'une attestation pour l'Assedic conformes, a pris acte de la remise d'une somme de 694,90 ç de complément d'indemnité spéciale de licenciement et a rejeté le surplus des demandes. M. X... a fait appel. Par conclusions du 18 janvier 2006 il sollicite le rejet des demandes de M. Y... et sa condamnation à une indemnité de procédure de 2 000ç. M. Y... sollicite à titre principal l'élévation à 60 000 ç de l'indemnité allouée au titre de l'article L.122-32-7 du Code du travail, la remise sous astreinte d'une attestation pour l'Assedic rectifiée, la capitalisation des intérêts et la condamnation de M. X... au paiement de 3 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. MOTIVATION M. X... soutient essentiellement qu'il ignorait lors du licenciement le caractère professionnel de la maladie de M. Y..., en sorte qu'il n'était pas tenu de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement. Cependant il convient de constater que M. Y... a adressé à l'inspection du travail le 7 février 2002 une lettre recommandée dénonçant ses conditions de travail dans un atelier
dépourvu d'aspiration pour les fumées de soudure et poussières de meulage et lui demandant une nouvelle fois de venir rapidement visiter les lieux. Si la preuve de l'envoi d'une copie de ce courrier à M. X... n'est pas apportée, les termes explicites de celui-ci démontrent que M. Y... imputait sa maladie à ses conditions de travail et en avait conçu une grande amertume. Le 1er mars 2002 son médecin traitant certifié avoir examiné le 11 août 2001 M. Y... qui présentait des symptômes d'intoxication professionnelle en particulier par CO et plomb. Ce certificat et le formulaire de déclaration de maladie professionnelle ont été envoyés le 15 mars 2002 à la caisse primaire d'assurance maladie qui les a réceptionnés le 22 mars, les a renvoyés à M. Y... pour absence de signature et les a définitivement pris en compte le 27 avril 2002. M. Manteaux conseiller du salarié qui a assisté M. Y... lors de l'entretien préalable atteste de sa surprise en voyant M. X... refuser de les rencontrer et déléguer pour cette tâche sa comptable. Il affirme avoir exposé clairement, avec M. Y..., à cette interlocutrice que son état de santé était la conséquence de ses mauvaises conditions de travail imputables à M. X... par négligence ou incompétence et lui avoir déclaré que l'entreprise se devait de lui trouver un reclassement professionnel. Il affirme enfin que la comptable, qui "n'avait pas l'air enchanté du rôle que sa direction d'entreprise lui faisait jouer", a répondu qu'elle entendait bien leurs arguments et qu'elle en rendrait compte à M. X... C... comptable, Mme D..., déclare qu'il n'a jamais été question des conditions de travail de M. Y... dans l'entreprise mais seulement de son reclassement. Elle ajoute cependant "Nous n'avons évoqué que le problème du chantier "La Tour Eiffel" sur lequel M. Y... a travaillé très peu de temps". La seule mention de ce chantier, également cité par le conducteur de travaux Perolle comme l'un des lieux d'affectation de M. Y...
suffit à démontrer, compte tenu également de la position particulière de Mme D..., placée sous la dépendance de M. X..., que le caractère professionnel de la maladie de M. Y... a bien été évoqué lors de l'entretien préalable comme l'établit également l'attestation du conseiller du salarié, tiers au litige dont la crédibilité n'a pas lieu d'être mise en doute. Enfin dès l'envoi précité de la lettre de licenciement le jour même de l'entretien préalable, le paiement du préavis a été prévu. Celui-ci a été régulièrement réglé, et pour la 1ère fois le 1er mai 2002, avant que M. X... ait été officiellement informé de la déclaration de maladie professionnelle, alors que M. Y... n'était pas en état d'effectuer son préavis et n'en avait pas été dispensé, ce qui démontre également que l'employeur se situait dans le cadre des obligations légales résultant d'un licenciement pour inaptitude consécutive à une maladie professionnelle. De même l'indemnité de licenciement a été à l'évidence calculée selon les dispositions de l'article L.122-32-6 du Code du travail. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que comme l'ont retenu avec raison les premiers juges M. X... avait connaissance du caractère professionnel de la maladie de M. Y... avant le licenciement et de son imputabilité à ses 7 ans et demi de travail dans l'entreprise.
Il était donc tenu de consulter les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement et l'inobservation de cette formalité justifie l'octroi d'une indemnité qui ne peut être inférieure à douze mois de salaire sur la base du salaire moyen prévu par l'article L.122-32-8 du Code du travail. Si M. Y... avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant son arrêt pour maladie il aurait perçu au cours des trois derniers mois un salaire mensuel brut moyen toutes primes, avantages, indemnités et gratifications comprises de 2 203 ç (1 792,14 ç de salaire de base, heures
supplémentaires de la 36ème à la 43ème comprises proratisées et indemnité diverses en sus). A la suite de sa maladie et de son licenciement il a connu un grave épisode dépressif ayant entraîné une hospitalisation de six semaines, et n'a retrouvé après plus d'une année de chômage qu'un emploi d'agent d'entretien pour un salaire inférieur au précédent. La Cour dispose ainsi des éléments suffisants pour fixer à 35 000 ç le montant de l'indemnité due an application de l'article L.122-32-7 du Code du travail. L'attestation pour l'Assedic devra être rectifiée pour faire apparaître les salaires perçus durant les douze derniers mois précédant le dernier jour de travail soit le 11 août 2001. C... obligation sera assortie de l'astreinte ci-après, dont il n'y a pas lieu de se réserver la liquidation. Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts qui ont couru depuis le prononcé du jugement. M. X... devra verser 2 000 ç à M. Y... au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. PAR CES MOTFS Infirme le jugement et statuant à nouveau, Condamne M. X... exerçant sous l'enseigne X... Métal à verser à M. Y... : - 35 000 ç (trente-cinq mille euros) d'indemnité due au titre de l'article L.122-32-7 du Code du travail, Ordonne la capitalisation des intérêts selon les dispositions de l'article 1154 du code civil, Ordonne la remise d'une attestation pour l'Assedic faisant apparaître les salaires versés à M. Y... durant les douze mois précédent le 11 août 2001, sous astreinte de 50 ç (cinquante euros) par jour de retard pendant une durée de 60 jours à compter du 15ème jour suivant la notification du présent arrêt, Condamne M. X... à verser 2 000 ç (deux mille euros) à M. Y... au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Condamne M. X... aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT