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07/02/2006 | FRANCE | N°JURITEXT000006948677

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0175, 07 février 2006, JURITEXT000006948677


Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section H

ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2006

(no 5, 11 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2005/15051 Décision déférée à la Cour : no 05-D-38 rendue le 05 juillet 2005 par le Conseil de la Concurrence DEMANDERESSE AU RECOURS : - la société EUROPÉENNE POUR LE DÉVELOPPEMENT DES TRANSPORTS PUBLICS -TRANSDEV- prise en la personne de ses représentants légaux dont le siège social est : 6, plac

e Abel Gange 92652 BOULOGNE BILLANCOURT représentée par la SCP BOLLING-DURAND-LALLEMENT, avoués associés près la Cour...

Grosses délivrées

RÉPUBLIQUE FRANOEAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section H

ARRÊT DU 07 FÉVRIER 2006

(no 5, 11 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2005/15051 Décision déférée à la Cour : no 05-D-38 rendue le 05 juillet 2005 par le Conseil de la Concurrence DEMANDERESSE AU RECOURS : - la société EUROPÉENNE POUR LE DÉVELOPPEMENT DES TRANSPORTS PUBLICS -TRANSDEV- prise en la personne de ses représentants légaux dont le siège social est : 6, place Abel Gange 92652 BOULOGNE BILLANCOURT représentée par la SCP BOLLING-DURAND-LALLEMENT, avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS assistée de Maître Xavier LACAZE et Maître Claude LUCAS de LEYSSAC, avocats au barreau de PARIS DS AVOCATS 46, rue de Bassano 75008 PARIS DEMANDERESSES AU RECOURS INCIDENT : - la société KEOLIS, SA prise en la personne de son représentant légal 9, rue Caumartin 75320 PARIS CEDEX 09 représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués associés près la Cour d'Appel de PARIS assistée de Maître Arlette GASTALDY et Maître Marianne MOUSSEON, avocats au barreau de PARIS SCP RAMBAUD MARTEL 25, avenue de l'Amiral Bruix 75782 PARIS CEDEX 16 - la société CONNEX, SA prise en la personne de ses représentants légaux dont le siège social est : 163/169, avenue Georges Clémenceau 92000 NANTERRE représentée par Maître François TEYTAUD, avoué prés la Cour d'Appel de PARIS assistée de Maître Loraine DONNEDIEU DE VABRE-TRANIE, avocat au

par une délibération du Conseil de communauté du 17 décembre 2004, qui est directement concernée par les pratiques imputées aux sociétés Keolis et Connex par la décision déférée, qui n'était pas partie à la procédure suivie devant le Conseil de la concurrence, et qui demande la publication de l'arrêt dans un journal local, est donc recevable ; * sur les observations du Conseil de la concurrence en cause d'appel Considérant que la faculté offerte au Conseil de la concurrence par l'article 9, alinéa 1er, du décret du 19 octobre 1987, de présenter, dans la procédure du recours contre ses décisions, des observations écrites qui seront portées à la connaissance des parties, ne porte pas atteinte aux droits de l'entreprise poursuivie à un procès équitable, dès lors que cette dernière dispose de la faculté de répliquer par écrit et oralement à ces observations, étant du reste observé que cette disposition a précisément pour objet de permettre au Conseil d'apporter à la cour les éclaircissements qu'appellent les moyens et arguments articulés par les parties au soutien de leurs recours, en se référant au besoin à des éléments qui n'auraient pas été mentionnés dans la décision ;

Qu'au surplus, et contrairement à ce qu'allègue la société Connex, les observations déposées le 24 octobre 2005 précisent qu'elles sont présentées par le Conseil réuni en commission permanente, ce dont il résulte, conformément à l'article L 461-3, alinéa 1er, du Code de commerce, que le Conseil était composé du président et des trois vice-présidents ;

Que les moyens des sociétés Transdev et Connex présentés à ce titre doivent donc être écartés ;

* sur les pièces saisies

Considérant que, contrairement à ce que soutiennent les sociétés Keolis et Connex, les enquêteurs qui ont procédé à des perquisitions barreau de PARIS cabinet JEANTET ASSOCIES 87, avenue Kléber 75116 PARIS PARTIE INTERVENANTE A TITRE PRINCIPAL : - la COMMUNAUTE URBAINE DE BORDEAUX - CUB prise en la personne de son Président en exercice Esplanade Charles de Gaulle 33076 BORDEAUX représentée par la SCP HARDOUIN, avoués à la Cour assistée de Maître Bernard NOYER, avocat au barreau de Bordeaux plaidant pour la SCP Bernard NOYER-Cyril CAZCARRA, avocats associés EN PRÉSENCE DE : M. LE MINISTRE DE X..., DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE 59 boulevard Vincent Auriol 75703 PARIS représenté par Michel ROSEAU, muni d'un pouvoir COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 décembre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :

- Mme Jacqueline Y..., Présidente

- Mme Brigitte Z..., Conseillère

- Mme Agnès A..., Conseillère

qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : M. Benoît TRUET-CALLU MINISTÈRE B... : représenté lors des débats par M. C..., Avocat Général, qui a fait connaître son avis. ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Mme Jacqueline Y..., Présidente - signé par Mme Jacqueline Y..., présidente et par M. Gilles DUPONT, greffier présent lors du prononcé. * * *

Pour faire assurer l'exécution de transports réguliers dans le cadre du service public des transports, les collectivités publiques peuvent soit passer des marchés publics conformément au Code des marchés publics, soit confier ces services à des entreprises par voie de délégation de service public, cette dernière formule, qui donne également lieu à mise en concurrence depuis la loi no 93.122 du 29 janvier 1993, dite loi Sapin, étant le plus souvent utilisée.

et saisies en vertu de l'ordonnance du président du tribunal de grande instance de Nanterre du 27 novembre 1998 n'ont pas excédé le champ de l'autorisation qui leur était accordée en appréhendant des pièces relatives à des marchés de transport concernant d'autres villes que celles expressément désignées dans l'ordonnance, dès lors que cette dernière décrivait des pratiques d'entente commises par des entreprises dont l'implantation nationale leur a permis d'obtenir des marchés dans des communes situées sur l'ensemble du territoire et que, au-delà des villes nommément désignées par l'ordonnance, était visé l'ensemble du "marché de transport urbain de personnes" qui pouvait être concerné par les pratiques anticoncurrentielles présumées ;

Que, s'agissant du "plan d'action de la CGEA Connex en Lorraine" (OE 49 et suivants de la décision), dont la saisie est contestée par la société Connex, le Conseil retient à juste titre que, si ce document, qui illustre essentiellement une concertation affectant le transport interurbain de personnes, non visé par l'ordonnance, ne peut être utilisé afin de fonder un grief d'entente sur ce marché, il a pu être régulièrement appréhendé par les enquêteurs dès lors qu'il vise aussi

"la perspective d'appels d'offres sur de petits réseaux urbains", marché étroitement imbriqué avec celui du transport interurbain ;

Qu'ainsi, étant établi que les documents saisis se rapportaient aux pratiques visées par l'ordonnance, les moyens doivent être écartés ; * sur la violation des droits de la défense

Considérant qu'au titre du troisième grief, il était reproché à la société Connex, conjointement avec les sociétés Keolis et Transdev, "d'avoir organisé au plan national une concertation pour se répartir les marchés de transport public de voyageurs urbain venus à échéance entre 1994 et 1999. Cette concertation, qui s'est traduite par des rencontres et échanges d'informations entre leurs dirigeants a permis Les demandes émanent, selon les cas, de collectivités territoriales, de syndicats intercommunaux, de districts urbains, de communautés urbaines, ou encore de communautés de villes ou de communes.

Trois grands groupes d'envergure nationale ou internationale se partagent la majeure partie du marché français (61% en 1996, 57% en 1997 et 61% en 1998) et sont susceptibles, à côté d'entreprises indépendantes le plus souvent locales, de répondre aux appels

d'offres des collectivités : - la société VIA-GTI, qui a fusionné en 2001 avec la société Cariane et a pris le nom de société Keolis, - la société CGEA Transport, ayant pour filiale la société CGFTE pour le transport urbain et la CFTI pour le transport interurbain, devenue la société Connex, - la société Transdev.

Saisi le 7 juillet 2000 par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie de pratiques relatives à l'exercice de la concurrence dans le secteur public de voyageurs, le Conseil de la concurrence a, par décision no 05-D-38 du 5 juillet 2005, statué comme suit: "Article 1er : il est établi que les sociétés Keolis, Connex et Transdev ont enfreint les dispositions de l'article L 420-1 du Code de commerce et de l'article 81 du Traité CE. Article 2 : sont infligées les sanctions pécunaires suivantes :

. à la société Keolis une sanction de 3 900 000 euros ;

. à la société Connex une sanction de 5 050 000 euros ;

. à la société Transdev une sanction de 3 000 000 euros. Article 3 :

les sociétés Keolis, Connex et Transdev feront publier les visas, les paragraphes 329 à 336 de la présente décision et les articles 1er et

2 du dispositif de celle-ci, à frais communs et à proportion des sanctions pécuniaires, dans une édition de "la Gazette des communes, des départements et des régions" et dans une édition de "Les Echos". Cette publication sera précédée de la mention : "Décision no 05-D-38 du 5 juillet 2005 du Conseil de la concurrence relative à des à ces groupes d'élaborer au plan national des stratégies communes de soumission et d'en suivre l'application au plan local. Cette pratique a eu pour objet de déterminer à l'avance l'entreprise bénéficiaire de marchés et pour effet d'empêcher les autorités organisatrices de transport de faire jouer la concurrence." ;

Que le Conseil de la concurrence n'a pas modifié les termes de ce grief en retenant à ce titre, après avoir analysé les éléments du dossier, une entente nationale procédant de deux ententes bilatérales, entre les sociétés Keolis et Connex d'une part, et entre les sociétés Keolis et Transdev d'autre part, la société Keolis servant d'interface entre les deux ensembles ; qu'il n'a pas davantage violé les droits de la défense en procédant ainsi, ni en relevant, pour souligner la stabilité du cartel mis en place, que les

intéressées s'étaient ménagé la possibilité d'exercer des représailles pour faire pression sur un partenaire récalcitrant, ni enfin en soulignant que cette concertation avait eu un effet de hausse de prix, dès lors qu'il n'est pas allégué qu'il se soit pour ce faire fondé sur des éléments qui n'auraient pas été soumis au débat contradictoire ; que les moyens des sociétés Connex et Keolis ne sont donc pas fondés ; II - Sur le fond * sur les pratiques

Considérant que, pour décider comme il a fait, le Conseil de la concurrence a retenu, par une analyse pertinente que la cour adopte en ses motifs non contraires aux siens, tout d'abord, au titre du troisième grief notifié, que les trois entreprises se sont concertées, deux par deux et la société Keolis servant de pivot, pour coordonner, de manière explicite, au niveau national, leurs comportements en vue de l'attribution des marchés, relevant à ce titre un faisceau de sept indices graves, précis et concordants démontrant leur accord de volonté en ce sens, ensuite que le cartel ainsi mis en place avait un caractère stable et pérenne eu égard aux

pratiques mises en oeuvre par les sociétés Keolis, Connex et Transdev sur le marché du transport public de voyageurs". Article 4 : les sociétés Keolis, Connex et Transdev adresseront, sous pli recommandé, au bureau de la procédure du Conseil de la concurrence, copie des publications prévues à l'article 3, dès leur parution et au plus tard le 2 décembre 2005."

LA COUR :

Vu le recours formé par la société Transdev le 10 août 2005 ;

Vu les recours incidents formés par la société Keolis le 9 septembre 2005 et par la société Connex le 12 septembre 2005 ;

Vu les conclusions d'intervention volontaire déposées par la Communauté Urbaine de Bordeaux-CUB, d'abord à titre accessoire au soutien des observations du ministre de l'économie le 7 novembre 2005, puis à titre principal le 30 novembre 2005 et demandant la publication de l'arrêt à intervenir dans le journal "Sud-Ouest" en application de l'article L 464-2 du Code de commerce et la condamnation des sociétés Connex et Keolis au paiement d'une somme de 5000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu le mémoire déposé le 8 septembre 2005 par la société Transdev à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 21 novembre 2005, par lequel cette dernière demande à la cour : - à titre principal, d'annuler la décision du Conseil, de dire que le principe de l'égalité des armes a été méconnu dans la mesure où les observations du Conseil de la concurrence ont développé des arguments ne figurant pas dans la décision déférée, de dire et juger que le principe du contradictoire a été méconnu dans la mesure où le Conseil estime qu'elle a participé à une entente nationale en prenant appui sur des indices n'ayant pas fait l'objet d'un débat contradictoire dans cette perspective, et même sur un indice n'ayant pas du tout été capacités de surveillance et de représailles dont bénéficiaient ses membres, enfin que l'effet anticoncurrentiel de cette entente résulte du fait que ni les maîtres d'ouvrage ni les autres entreprises n'ont pu faire échec à ces pratiques qui ont permis à leurs auteurs d'imposer des prix élevés aux collectivités publiques ;

Qu'au titre des indices graves, précis et concordants, le Conseil a relevé :

1o) qu'en 1996 et 1997, les dirigeants de Keolis et de Connex se sont rencontrés à six reprises pour parler de la situation de 22 marchés urbains et qu'une rencontre a eu lieu, le 29 avril 1997, entre le directeur général de Keolis (à l'époque VIA-GTI) et celui de Transdev pour discuter des appels d'offres de Rennes, Saint-Etienne, Nice et Cagnes-sur-mer ;

2o) qu'en 1994 et 1995, Keolis et Connex ont coordonné leurs comportements au plan national pour l'attribution des marchés des villes de Bordeaux à Connex, de Rouen aux filiales de Keolis et de Chateauroux à Connex,

3o) qu'en 1997, Keolis (VIA-GTI) et Transdev ont échangé des informations sur le marché de la ville de Sens préalablement au dépôt des offres et se sont mises d'accord pour "figer les positions" lors de l'attribution de ce marché,

4o) qu'en novembre 1994, Transdev, pour pouvoir négocier à son profit le réseau d'Epernay, a décidé de baisser le niveau de son offre à Bar-Le-Duc et de l'abandonner ainsi à Keolis (VIA-GTI),

5o) qu'en juin 1996, Keolis et Transdev ont échangé le marché de la

ville de Chalon-sur-Saône, qui a été ensuite attribué à Transdev, et celui de la ville de Laval, qui a été attribué à Keolis,

6o) qu'en 1996 et 1997, Keolis et Transdev ont conclu un pacte de non-agression dans le Jura, le Doubs et l'Ain,

7o) qu'en 1997, Connex (CGEA) a conclu avec Keolis (VIA-GTI) un débattu, de juger que les éléments constitutifs retenus par la décision ne suffisent pas à caractériser une entente nationale, en conséquence de juger que sa participation à une pratique anticoncurrentielle n'a pas été régulièrement caractérisée et qu'elle doit être mise hors de cause, - à titre subsidiaire, de juger que les éléments retenus au titre d'une entente nationale et d'ententes locales contre elle sont dépourvus de force probante, qu'elle n'a pas participé à une entente nationale ni à des ententes locales et doit être mise hors de cause,- à titre infiniment subsidiaire, de réformer la décision, de dire que la sanction est disproportionnée par rapport aux éléments de gravité et de dommage à l'économie pouvant être retenus à son encontre, ainsi que par rapport à sa situation, de réduire substantiellement la sanction, - dans tous les cas,

d'ordonner le remboursement des sommes concernées assorties du versement des intérêts au taux légal à compter du prononcé ;

Vu le mémoire déposé le 9 septembre 2005 par la société Keolis à l'appui de son recours, soutenu par ses mémoires en réplique du 21 novembre 2005, par lequel cette dernière demande à la cour : - de rejeter les conclusions de la CUB, - à titre principal, de juger que les pièces qui fondent la décision du Conseil ont été saisies irrégulièrement et doivent être écartées, que la preuve d'un cartel national auquel elle aurait participé n'est pas rapportée, en conséquence d'annuler la décision et la mettre hors de cause, - à titre subsidiaire, de réformer la décision, de dire que les éléments retenus à son encontre au titre des ententes locales sont dépourvus de force probante, qu'elle n'a pas participé à ces ententes et doit être mise hors de cause, - à titre plus subsidiaire encore, de réformer la décision en réduisant substantiellement la sanction prononcée à son encontre eu égard à son extrême sévérité ;

Vu le mémoire déposé le 12 septembre 2005 par la société Connex à

accord tacite de non-agression sur le marché connexe des transports interurbains et scolaires en Lorraine, prolongeant ainsi une situation de non-concurrence entre les deux groupes au-delà du seul marché du transport urbain de voyageurs ;

Qu'il a ensuite ajouté qu'au titre des deux autres griefs notifiés, étaient établies des pratiques constituant autant de manifestations, au plan local, de l'entente mise en oeuvre au plan national -tout en précisant, en toute logique, qu'il ne statuait pas sur ces griefs pour aggraver la situation des entreprises poursuivies mais à seule fin de vider sa saisine- et qui résultaient, d'une part, entre Keolis et Connex, d'échanges d'information à propos du marché du transport urbain de la CUB de Bordeaux en 1994 et, entre Transdev et Keolis (VIA-GTI), d'accords pour se répartir les marchés de Bar-Le-Duc et d'Epernay en 1994-1995, de Laval et de Chalon-sur-Saône en 1996, de Saint-Claude et d'Oyonnax en 1996 et de Sens en avril 1997 ;

Considérant que c'est en vain que la société Transdev critique cette motivation, en faisant valoir de façon inopérante qu'étant entrée récemment sur ce marché, elle n'avait pas d'intérêt à participer à une entente nationale, ou que le Conseil a procédé par approximation,

par amalgame et en déformant la réalité ;

Qu'en effet, ayant relevé l'existence au plan national d'un oligopole constitué par les trois entreprises en cause, qui bénéficiaient de parts de marché stables, étaient susceptibles de répondre aux appels d'offres des collectivités aux côtés de petites entreprises locales et se partageaient la majeure partie de ce marché à l'époque des faits, le Conseil de la concurrence en a déduit à juste titre que le marché pertinent était le marché national du transport urbain de personnes, peu important que ce marché soit constitué d'une juxtaposition de marchés locaux ;

Que, si la note du président de VIA-GTI (Keolis), datée du 2 juin l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 21 novembre 2005, par lequel cette dernière demande à la cour : - de déclarer irrecevable l'intervention volontaire accessoire de la CUB, - d'annuler la décision en ce qu'elle se fonde sur des documents saisis irrégulièrement, en ce qu'elle viole les droits de la défense et le principe du contradictoire, en ce que la procédure devant la cour d'appel de Paris est irrémédiablement viciée dès lors que le

Conseil de la concurrence, réuni dans une formation dont on ignore au surplus la composition complète -seul le nom du président étant mentionné- a développé des éléments qui ne figuraient pas dans la décision attaquée, la privant irrémédiablement de l'efficacité du recours par elle formé, et en ce que n'est pas établie la structure oligopolistique du marché, pas plus que sa participation à un cartel à trois au moyen d'une coordination explicite du comportement sur le marché du transport urbain de voyageurs, ou à une application locale de cette entente nationale prétendue sur le marché du transport urbain de la CUB de Bordeaux, l'affectation du commerce intracommunautaire et par voie de conséquence l'infraction à l'article 81 du traité CE n'étant pas davantage établies, - d'ordonner le remboursement immédiat des sommes par elle versées au titre de la sanction pécuniaire, ainsi que de celles versées au titre de la publication ordonnée, assorties des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, - subsidiairement, de constater que la sanction pécuniaire prononcée à

son encontre n'est pas proportionnée au regard de la gravité des faits reprochés, du dommage à l'économie allégué et de sa situation, contrairement aux exigences de l'article L 464-2 du Code de commerce, par voie de conséquence de réduire substantiellement le montant de la sanction prononcée, d'ordonner le remboursement immédiat du 1997, ne fait référence qu'à un accord avec la société Transdev pour "figer les positions actuelles", sans préciser à quel endroit exactement, il résulte de toute façon des autres documents analysés aux points 76, 77 et 78 de la décision, parmi lesquels des notes du directeur général de cette société qui, le 6 avril précédent, indiquait avoir, à Sens, "pleinement joué le jeu avec Transdev", qu'en réalité, VIA-GTI (Kéolis) avait alors présenté une offre qui permettrait à la société Rapides de Bourgogne, filiale de Transdev, de conserver le marché qu'elle détenait auparavant, la concertation en cause étant ainsi caractérisée ; qu'en tout état de cause, cette appréciation du président, par sa formulation même, constitue l'indice d'une volonté d'entente avec Transdev ;

Que la stratégie d'échange de Transdev quant aux marchés de

Bar-Le-Duc et d'Epernay résulte suffisamment de la mention manuscrite du directeur du développement qui, au pied de la lettre du chargé de mission, M. de Corson, concluant à l'inutilité de présenter une offre qui risquait de ne pas être attractive, insistait pour que le dossier soit néanmoins activé à partir de leur filiale, CDA, "dans la mesure où nous avons besoin de monnaie d'échange avec GTI sur le dossier d'Epernay qui risque d'être âprement discuté" ;

Que, de même, l'échange de Laval contre Chalon-sur-Saône, convenu avec le directeur général de Keolis, est expressément mentionné par M. D..., directeur du développement de Transdev, dans sa note du 3 juin 1996 (point 65) ;

Que les allégations de Transdev, à propos du pacte de non-agression dans le Jura, selon lesquelles la société Monts Jura Autocars ne serait passée sous son contrôle capitalistique qu'à partir de 2000 - outre qu'elles ne peuvent être démontrées par la seule production d'un extrait Kbis de cette société, qui ne contient pas d'information relative à la composition du capital de cette dernière - ne

trop-perçu au titre de cette sanction et de celles versées au titre de la publication ordonnée, assorties des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, - de condamner le ministre de l'économie au paiement d'une somme de 7.700 euros au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens dont distraction en vertu de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile ;

Vu les observations écrites du Conseil de la concurrence en date du 24 octobre 2005 ;

Vu les observations écrites du Ministre chargé de l'Economie, en date du 21 octobre 2005 ;

Vu les observations écrites du Ministère B..., mises à la disposition des parties à l'audience ;

Ou' à l'audience publique du 6 décembre 2005, en leurs observations orales, les conseils des parties ainsi que le représentant du Ministre chargé de l'économie et le Ministère B..., chaque partie ayant été mise en

mesure de répliquer et les conseils des sociétés requérantes ayant eu la parole en dernier ; SUR CE : I - Sur la procédure * sur l'intervention volontaire de la Communauté Urbaine de Bordeaux (ci-après la CUB)

Considérant que les dispositions des articles 328 à 330 du nouveau Code de procédure civile, auxquelles il n'est pas dérogé par le décret du no 97-849 du 19 octobre 1987 et qui ne sont pas incompatibles avec la nature propre du contentieux de la concurrence, sont applicables aux procédures suivies devant la Cour sur les recours exercés contre les décisions du Conseil de la concurrence ; que l'intervention volontaire principale de la CUB, dûment habilitée contredisent pas utilement l'analyse du Conseil selon laquelle, le gérant de la société étant à cette époque le même que celui d'une filiale de Keolis (VIA-GTI), c'était cette dernière qui en était le dirigeant de fait ; que les autres contestations élevées à nouveau par Transdev à propos de ce pacte ont été justement écartées par le Conseil (point 180) ;

Qu'enfin, en admettant même qu'il ne puisse être considéré avec

certitude que la rencontre du 29 avril 1997 entre les directeurs généraux de Keolis et de Transdev avait eu pour objet de traiter, au delà de questions d'intérêts communs représentées par leurs filiales communes à Rennes, Saint Etienne ou Nice, un projet d'entente sur les réseaux de Nice et Cagnes-sur-mer, il n'en demeure pas moins que les autres éléments retenus par le Conseil, notamment les indices 4 à 6, établissent l'existence de pratiques de concertation, au plan national, entre Transdev et Keolis concernant la répartition de marchés locaux ;

Qu'au surplus, le Conseil ayant démontré, à suffisance, l'existence d'une entente impliquant les trois entreprises et la possibilité qu'avaient ces dernières, du fait même de la structure du secteur concerné, de surveiller les marchés et d'exercer des représailles, et ayant constaté à Toulon une illustration de cette faculté de représailles entre Keolis et Connex, il n'importe qu'il n'ait pas, surabondamment, relevé d'agissements particuliers de Transdev à cet égard, étant au demeurant observé que les échanges d'informations relevés entre les responsables locaux et centraux de Transdev,

décrits aux points166, 170, 176 et 177, confirment à tout le moins la participation active de cette dernière à la surveillance des marchés ;

Considérant que la société Keolis reproche au Conseil de n'avoir relevé que des contacts bilatéraux sans constater de rencontre entre les trois entreprises poursuivies, de s'être s'appuyé uniquement sur des ententes locales pour caractériser une entente nationale et de n'avoir relevé aucun élément établissant que les entreprises s'étaient concertées pour exercer une surveillance du marché et infliger des représailles ;

Mais considérant qu'ayant constaté, sur un marché à la structure oligopolistique, des concertations bilatérales entre les sociétés Keolis et Connex d'une part, et Keolis et Transdev d'autre part, en vue de se répartir les marchés, le Conseil a retenu à juste titre, sans avoir à rapporter la preuve de rencontres tripartites entre les entreprises, que la société Keolis, la plus importante des trois, qui participait aux deux niveaux d'échanges, servait de pivot naturel à l'entente et jouait le rôle d'interface entre les deux autres

entreprises pour coordonner leur stratégie d'ensemble ;

Que c'est également par une exacte appréciation des éléments du dossier qu'il a retenu l'existence d'une entente nationale après avoir relevé que des rencontres avaient eu lieu entre les dirigeants des sociétés Keolis et Connex pour s'entretenir de 22 marchés et que les indices collectés, qui émanaient notamment du président de Connex, du directeur général de Keolis et du directeur du développement de Transdev, révélaient que c'était au niveau central des groupes que s'étaient échangées les informations et que s'étaient conclus les accords prohibés ;

Qu'enfin, la possibilité de surveiller le marché et d'exercer des représailles sur les participants à l'entente qui s'en affranchiraient, relevée par le Conseil, caractérise la stabilité du cartel dont l'existence est établie, sans qu'il soit nécessaire de démontrer l'accord précis des parties sur ces aspects particuliers ; Considérant que c'est à tort également que la société Connex soutient

que n'a pas été démontré un faisceau d'indices graves, précis et concordants concourant à la démonstration d'un cartel stable et pérenne entre elle-même et les sociétés Keolis et Transdev pour coordonner de manière explicite, au niveau national, leurs comportements en vue de l'attribution des marchés de transport public urbain de voyageurs ;

Que, s'il est constant que les 3ème, 4ème, 5ème et 6ème indices ne concernent que l'entente entre Keolis et Transdev, cette circonstance ne prive pas de portée les 1er et 2ème indices, justement appréciés par le Conseil notamment aux points 137, 139, 143 et 156 et qui établissent suffisamment la concertation mise en place au plan national entre Connex et Keolis, ni le 7ème indice qui démontre, sans équivoque, que cette entente s'intègrait dans un vaste pacte de non-agression, incluant notamment les transports interurbains et scolaires, l'auteur du plan d'action de la CGEA Connex en Lorraine concluant son exposé de la situation de la concurrence dans cette zone géographique par le commentaire suivant : "dans le contexte économique précisé plus haut, l'entente actuelle entre les concurrents n'est pas viable dans le temps, surtout si l'avenir voit arriver un nouveau concurrent (Transcet) mais aussi dans la

perspective d'appels d'offres sur des petits réseaux urbains ; les prix pourraient en pâtir..." ;

Qu'enfin, les contestations que la société Connex réitère en cause d'appel à propos du déroulement de la procédure d'attribution du marché de la CUB de Bordeaux ont été écartées avec pertinence par le Conseil ;

Considérant qu'ainsi est établie une entente explicite conclue au niveau national entre les parties requérantes, qui rend inopérantes leurs explications quant à la situation particulière du marché des transports, lequel se singularise effectivement par une concurrence atténuée tenant aux faits que le dépôt d'une candidature constitue une charge lourde et, partant, coûteuse pour l'entreprise soumissionnaire, qu'une implantation locale préalable confère un avantage majeur pour l'entreprise déjà en place, qualifié par les parties de "prime au sortant", enfin que les collectivités publiques disposent d'une plus grande liberté de choix lorsqu'elles recourent à la délégation de service public plutôt qu'au marché public et peuvent retenir l'offre la mieux disante ; que si ces particularités, que le

Conseil n'a pas négligées, rendent difficile l'appréciation concrète des conséquences de l'entente sur le marché en cause, elles ne conduisent pas pour autant à considérer que ces pratiques ont été dénuées de tout effet anticoncurrentiel et, partant, à exempter une entente explicite, ainsi que la société Connex n'hésite pas à le soutenir ; * sur l'affectation du commerce intra-communautaire

Considérant que les articles 81 et 82 du traité CE s'appliquent aux accords horizontaux et verticaux et aux pratiques abusives susceptibles d'affecter le commerce entre Etats membres ; que, selon la communication de la Commission du 27 avril 2004 relative aux lignes directrices relatives à l'affectation du commerce figurant aux articles 81 et 82 du Traité (2004/C 101/07), tel est le cas, en principe, des cartels nationaux qui ont pour effet de consolider les effets de cloisonnement de caractère national et, partant, d'entraver l'interpénétration économique voulue par le traité, les participants à l'entente devant se protéger contre les concurrents d'autres Etats membres (point 78 de la communication) ; que lorsqu'un accord est susceptible, par sa nature même, d'entraver le commerce

intra-communautaire, il est présumé affecter sensiblement le commerce dès lors que le chiffre d'affaires réalisé par les parties avec les produits concernés par l'accord excède 40 millions d'euros (point 53 de la communication) ;

Que le Conseil a donc décidé à juste titre que les pratiques en cause violaient l'article 81 du Traité après avoir relevé (points 305 à 310 ) qu'elles avaient consisté à mettre en oeuvre un cartel national, sur un marché important, par des entreprises d'envergure internationale qui réalisent un chiffre d'affaires largement supérieur à 40 millions d'euros (en l'espèce 800 millions d'euros), et alors qu'il a été constaté que des candidatures avaient été déposées, notamment à Sens, Epernay et Laval, par des entreprises européennes ; * sur les sanctions

Considérant qu'aux termes de l'article L 464-2, alinéa 3, du Code de commerce, les sanctions pécuniaires sont proportionnées à la gravité des faits reprochés, à l'importance du dommage causé à l'économie, à la situation de l'organisme ou de l'entreprise sanctionné ou du groupe auquel l'entreprise appartient et à l'éventuelle réitération

de pratiques prohibées par le présent titre ; qu'elles sont déterminées individuellement pour chaque entreprise ou organisme sanctionné et de façon motivée pour chaque sanction ;

Que le Conseil a relevé avec pertinence, au titre de la gravité des pratiques, la dimension nationale de la concertation, visant un grand nombre de marchés de transport public urbain, mise en oeuvre par des groupes d'envergure internationale qui ne pouvaient ignorer les nouvelles règles de mise en concurrence instituées par la loi du 29 janvier 1993 pour les délégations de service public, et de nature à induire un comportement similaire de la part des filiales locales de leurs auteurs, voire d'entreprises de dimensions plus modestes ;

Que, s'agissant du dommage à l'économie, il a également souligné à juste titre que cette concertation avait eu pour effet de faire obstacle aux bénéfices escomptés de la nouvelle procédure de délégation de service public, soit la diminution du montant des

Fubventions versées par les autorités organisatrices aux entreprises et une amélioration de la part de ces dernières des solutions proposées pour la gestion des transports, finalement bénéfique aux usagers ;

Que c'est par une juste appréciation de la situation individuelle des entreprises et de leur participation au cartel qu'il a prononcé les sanctions pécuniaires en cause, voulues exemplaires, après s'être référé aux chiffres d'affaires réalisés en France par chacune des entreprises poursuivies au titre du dernier exercice connu (2003), le principe de proportionnalité susvisé ayant ainsi été respecté ;

Considérant qu'eu égard aux mesures de publication déjà exécutées, il n'y a pas lieu d'ordonner la mesure de publication supplémentaire demandée par la CUB de Bordeaux ;

Et considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application en la cause des dispositions de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'intervention volontaire principale de la Communauté Urbaine de Bordeaux-CUB ;

Rejette les recours formés par les sociétés Connex, Keolis et Transdev contre la décision no 05-D-38 du 5 juillet 2005 ;

Déboute la Communauté Urbaine de Bordeaux-CUB de sa demande ;

Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

Condamne les sociétés Connex, Keolis et Transdev aux dépens. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0175
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006948677
Date de la décision : 07/02/2006

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2006-02-07;juritext000006948677 ?
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