Grosses délivrées
REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
15ème Chambre - Section B
X... DU 3 FEVRIER 2006
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 03/06044 Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Janvier 2003 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 2001/10077 APPELANT Monsieur Claude Y... ... par Me Michel BLIN, avoué à la Cour assisté de Me Philippe-Adrien BONNET, avocat au barreau de BORDEAUX INTIMEE S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 19 rue des Capucines 75001 PARIS représentée par Me François TEYTAUD, avoué à la Cour assistée de Me Philippe CHEMOUNY, de l'Association SONIER-POULAIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R179 COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 Décembre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président
Madame Claire DAVID, conseiller
Madame Evelyne DELBES, conseiller qui en ont délibéré Greffier, lors des débats : Madame Violaine PALOQUE X... :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président - signé par Monsieur Patrick HENRY-BONNIOT, président et par Madame Violaine PALOQUE, greffier présent lors du prononcé.
Le 14 décembre 1989, par acte notarié dressé à Monaco, le Crédit Foncier de France a consenti à la SCI Adriana, dont Monsieur Z... était le président directeur général, une ouverture de crédit en compte courant d'un montant de 5 000 000 francs (762 245,09 ç), sur une durée de 24 mois, à échéance au 30 novembre 1991, avec une possibilité de prolongation d'échéance ne pouvant excéder une année. Ce crédit a été destiné au financement d'une opération immobilière.
L'acte notarié stipule que ce crédit est constitué sous la forme d'un compte courant au nom de l'emprunteur, centralisant tous les mouvements de l'opération immobilière.
Par le même acte, Monsieur Claude Y... et la société RESO se sont portés cautions solidaires de la société Adriana envers le Crédit Foncier de France, à hauteur du montant du crédit en principal, intérêts, frais et autres accessoires.
Par jugement du 15 octobre 1996, le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens a constaté que l'acte notarié du 14 décembre 1989 n'avait pas la qualité d'un acte authentique, le notaire n'ayant pas compétence pour établir un tel acte sur le territoire de la Principauté de Monaco. Le tribunal a décidé que l'acte était un acte sous seing privé et a annulé en conséquence le commandement aux fins de saisie immobilière, délivré le 24 janvier 1996 à M. Y... à la diligence du Crédit Foncier de France ; le cautionnement de M. Y... a également été déclaré valable.
Par arrêt du 5 octobre 1998, la Cour d'appel de Toulouse a dit irrecevable l'appel de M. Y... contre ce jugement.
Par arrêt du 21 septembre 2000, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé à l'encontre de l'arrêt. Le jugement du tribunal de grande instance de Saint-Gaudens du 15 octobre 1996 a donc acquis force de chose jugée à l'encontre du Crédit Foncier de France pour voir débouter la banque de toutes ses demandes de paiement, a ordonné son dessaisissement au profit du tribunal de grande instance de Paris. Cette ordonnance a été confirmée par arrêt du 31 janvier 2001 par la Cour d'appel de Bordeaux.
Par jugement du 28 janvier 2003, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance de Paris a débouté M. Y... de l'intégralité de ses demandes et l'a condamné à payer au CFF la somme de 1.342.853, 93 euros avec intérêts conventionnels depuis le 31 décembre 2001, outre la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Par déclaration remise au greffe de la Cour le 27 février 2003, M. Y... a interjeté appel de cette décision.
Par arrêt du 2 juillet 2004, la Cour a confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris en ce qu'il a décidé : - que la contestation élevée par M. Y... contre la validité de son cautionnement se heurtait à l'autorité de la chose jugée, - que le Crédit Foncier de France n'avait pas libéré des fonds en dehors des dispositions contractuelles.
En revanche, la cour a infirmé le jugement déféré en ce qu'il avait décidé que le Crédit Foncier de France n'avait pas manqué à son devoir d'information à l'égard de la caution conformément à l'article L. 313-22 du Code monétaire et financier et a jugé que, dans ses rapports avec M. Y..., le Crédit Foncier de France était déchu de tous intérêts, à l'exception des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure qu'il lui a adressée.
En outre, la cour a sursis à statuer sur le surplus et, avant dire
droit, a désigné en qualité d'expert M. François A..., avec mission de fournir tous éléments lui permettant de déterminer la créance du Crédit Foncier de France à l'égard de M. Y..., en vérifiant notamment les articles du compte courant ayant fonctionné entre la S.C.I. Adriana et le Crédit Foncier de France, critiqués par M. Y..., et en contrôlant que le Crédit Foncier de France avait déduit de sa demande tous les intérêts dont il était déchu. La Cour a fixé le délai de dépôt du rapport de l'expert au 28 janvier 2005.
L'expert désigné a signé son rapport le19 janvier 2005. La date du dépôt du rapport au greffe de la cour n'a pas été conservée par la cour, celle qui est mentionnée sur le rapport -le 15 mars 2005- étant une date interne, de réception par le service central de contrôle des expertises ; les parties s'accordent sur une date de dépôt proche de celle de la signature, à tout le moins antérieure au 3 mars 2005, date des conclusions d'incident.
En effet, par conclusions signifiées le 3 mars 2005, M. Y... a soulevé un incident d'expertise sur le fondement de l'article 234 du nouveau Code de procédure civile afin d'obtenir la réouverture des opérations d'expertise et la récusation de M. A... en sa qualité d'expert. Le rapport de l'expert ayant été déposé avant le dépôt de ces conclusions, l'incident n'a pas donné lieu à une ordonnance puisque la récusation ne peut être sollicitée après le dépôt du rapport.
Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 22 novembre 2005, Monsieur Claude Y..., appelant, demande à la Cour : sur l'incident : - d'ordonner la réouverture des opérations d'expertise, - de révoquer Monsieur A... de sa mission d'expert, - de désigner tel expert qu'il plaira en vue d'exécuter la mission fixée par l'arrêt du 2 juillet 2004, au fond :
- de prononcer la nullité du rapport
d'expertise de Monsieur A..., - de débouter le Crédit Foncier de France de l'ensemble de ses demandes, à titre subsidiaire : - de déduire du capital restant dû la somme de 609 796 ç (soit environ 4 000 000 francs) ou, à défaut, la somme de 221 356 ç (soit 1 452 000 francs), à l'échéance de septembre 1993, - de lui donner acte de son offre de régler la somme principale de 115 006,12 ç avec intérêts au taux légal non capitalisés à compter du 1er janvier 1999, - de condamner le Crédit Foncier de France au paiement de la somme de 10 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, Dans ses dernières écritures, au sens de l'article 954 du nouveau Code de procédure civile, déposées le 1er décembre 2005, le Crédit Foncier de France, intimé, demande à la Cour : - de condamner M. Y... à lui payer la somme de 961 891,55 ç, en sa qualité de caution solidaire de la S.C.I. Adriana au titre du contrat de prêt du 14 décembre 1989, assortie des intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2005, - d'ordonner la capitalisation des intérêts sur cette somme conformément à l'article 1154 du Code civil, - de condamner M. Y... à lui payer la somme de 10 000 ç au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des faits et des moyens et prétentions des parties à la décision entreprise et aux dernières conclusions.
CELA ETANT EXPOSÉ,
LA COUR : Sur la validité du rapport d'expertise
Considérant tout d'abord que la révocation de l'expert sollicitée par M. Y... ne peut être examinée puisque le rapport est déposé, que la récusation n'est possible que tant que l'expert est en charge de la mission ;
Considérant qu'à l'appui de sa demande de nullité des opérations
d'expertise et de désignation d'un autre expert avec la même mission, M. Y... fait valoir que : - l'expert n'a pas rempli sa mission puisqu'il n'a pas procédé à la vérification des articles en compte courant ayant fonctionné entre la SCI Adriana et le Crédit Foncier de France et qu'il n'a pas correctement vérifié la déduction de l'ensemble des intérêts dont est déchu le Crédit Foncier de France, - l'expert s'est fondé sur les seules affirmations du Crédit Foncier de France, en faisant dire à M. Y... que le solde du compte courant hors intérêts au 22 juin 1994 s'élèverait à 2 296 080,80 francs alors que M. Y... n'a jamais accepté cette somme, celle-ci ne figurant sur aucun des rapports de M. Colombani, conseiller financier de M. Y... et expert près la cour d'appel d'Aix-en-Provence, - l'expert a délibérément violé le principe du contradictoire :
* en acceptant le dire noIII du Crédit Foncier de France le 7 janvier 2005, date de la clôture des débats qu'il avait fixée, ce dire contenant 4 pages de moyens avec les relevés de comptes du Crédit Foncier de France depuis janvier 1990, objets du litige, et la communication - pour la première fois- des frais justificatifs de justice, ainsi qu'un ensemble de lettres,
* en lui refusant, par lettre du 11 janvier 2005, une prorogation de délai jusqu'au 31 janvier 2005 pour pouvoir répondre aux dire et pièces communiquées par le Crédit Foncier de France,
* en refusant d'annexer dans son rapport d'expertise son dire noIII cependant adressé avant le dépôt du rapport d'expertise à la Cour, - il existe une collusion entre l'expert et le Crédit Foncier de France, ce dernier se comportant non pas en qualité de partie mais en qualité de défenseur de M. A..., en formulant une appréciation subjective sur sa mission ;
Considérant que les griefs tenant à la violation de la mission pour absence de vérification des articles en compte courant ou pour
absence de déduction des intérêts dont est déchu le Crédit Foncier de France mettent en cause la qualité technique des avis donnés par l'expert, ce que la cour examinera, s'il y a lieu, avec les demandes ;
Considérant que la violation du principe du contradictoire conduit à l'annulation du rapport si elle est établie ; que M. Y... l'estime démontrée à travers la gestion par l'expert des observations des parties à ses "notes de réflexion" préalables au dépôt du rapport ;
Considérant, en effet, que l'expert a, dès réception de la mission confiée par la cour, fixé des règles inspirées de celles de la mise en état afin de permettre aux parties d'exprimer leurs observations au fur et à mesure de l'évolution de ses travaux ; qu'il a précisément rendu compte de ces procédures au début de son rapport ; qu'ainsi, après avoir reçu les documents des deux parties, l'expert leur a adressé une première "note de réflexion" datée du 29 septembre 2004 leur demandant de lui faire part de leurs observations pour le 22 octobre 2004 ; qu'il a tenu une réunion avec les parties et leurs conseils le 5 novembre 2004, résumé les débats de cette réunion dans une seconde "note de réflexion" du 8 novembre 2004 puis adressé aux parties une troisième "note de réflexion" du 16 novembre 2004 précisant le calendrier de procédure "accepté par les deux parties lors du rendez-vous du 5 novembre 2004" et précisant les dates de commentaires à sa troisième "note de réflexion" ;
Que l'observation du déroulement des opérations d'expertise montre que l'expert a respecté la calendrier convenu ; qu'il a reçu un "dire" du Crédit Foncier de France puis un "dire" de M.Cambou et enfin un autre "dire" du Crédit Foncier de France, lesquels sont joints à son rapport ;
Que l'expert n'a pas tenu rigueur aux parties de ne pas avoir, l'une et l'autre, précisément respecté le calendrier défini, M. Y...
ayant déposé le dire no2 en réponse à la troisième "note de réflexion" le 30 décembre 2004 au lieu du 15 décembre 2004, le Crédit Foncier de France ayant adressé le dire numéro 3 le 7 janvier 2005 au lieu de le remettre avant cette date, selon ce qui était arrêté ; que, respectant les règles convenues, l'expert a refusé par courrier du 11 janvier 2005 adressé au conseil de M. Y... de reporter le délai fixé afin de respecter le calendrier arrêté d'un commun accord ;
Que M. Y... affirme avoir remis à l'expert un ultime dire avant que le rapport soit déposé ; mais qu'il ne produit aucun courrier de transmission, aucune preuve d'avis de réception de ce dire par l'expert ; que l'expert ne rend pas compte de ce dire même pour constater sa tardiveté ; que la seule indication d'un envoi à l'expert résulte d'une mention manuscrite en bas du dire litigieux dans la communication qui en a été faite au cours des débats ; que cette mention ne constitue pas la preuve de l'envoi à l'expert ;
Considérant que l'expert n'a pas refusé à M. Y... de joindre un dire à son rapport, comme il l'affirme ; qu'en revanche l'expert était tenu de joindre à son rapport un troisième dire du Crédit Foncier de France puisqu'alors le rapport n'était pas déposé ; qu'il n'était pas tenu de bouleverser le calendrier convenu avec les parties pour que M. Y... dispose de délais supplémentaires alors que ces délais avaient été accordés dans le souci des droits des parties, témoignant d'une méthode attentive à l'application constante du principe du contradictoire dont nulle violation n'est établie ;
Considérant que M. Y... affirme que l'expert a fait apparaître son lien d'amitié avec le Crédit Foncier de France mais n'en apporte aucune manifestation, sinon par la reprise des griefs relatifs à l'application du principe du contradictoire, non établis ; que l'appréciation portée par l'expert sur "la simplicité de l'affaire"
ne révèle pas de manquement de sa part à l'obligation d'impartialité ; Sur l'expertise de la créance du Crédit Foncier de France
Considérant que l'expert a reçu dans l'arrêt du 2 juillet 2004 mission de fournir à la cour tous éléments lui permettant de déterminer la créance du Crédit Foncier de France à l'égard de M. Y..., en vérifiant notamment les articles du compte courant ayant fonctionné entre la SCI Adriana et le Crédit Foncier de France, critiqués par M. Y..., et en contrôlant que le Crédit Foncier de France déduisait de sa demande tous les intérêts dont il était déchu ;
Que, pour tenir compte des débats d'ordre juridique entre les parties, relatifs notamment à la date de la mise en demeure, non précisée dans l'arrêt du 2 juillet 2004, à la capitalisation des intérêts, et aux frais de poursuite, l'expert a présenté plusieurs réponses selon les règles juridiques appliquées afin de ne pas les trancher lui-même ; qu'il a résumé ainsi ses travaux : - pour M. Y..., l'arrêt de la Cour doit s'interpréter à la lumière des textes actuels qui, selon lui, prévoient en pareil cas l'imputation prioritaire des versements sur le capital ; si cette position est adoptée, le solde à prendre en compte au 22 juin 1994 est de 350 035,26 ç (2 296 080,80 francs), et de 212 401,51 ç (1 393 262,58 francs) au 31 décembre 2004 en tenant compte des intérêts au taux légal capitalisés, - pour le Crédit Foncier de France, les textes en vigueur à l'époque des faits imposent, selon lui, une affectation prioritaire des versements sur les intérêts ; si cette position est adoptée, le solde à prendre en compte au 22 juin 1994 s'élève à 834 640,15 ç (5 474 880,49 francs), et à 935 806,98 ç (6 138 491,39 francs) au 31 décembre 2004 en tenant compte des intérêts au taux légal capitalisés, - enfin, quel que soit le montant de base retenu par la Cour, si cette dernière décide que les frais de poursuite
réclamés par le Crédit Foncier de France à M. Y... sont dus, il y aura lieu d'ajouter la somme de 26 084,57 ç (171.103,55 francs) au 31 décembre 2004 (soit 130.604,48 francs plus les intérêts capitalisés ou la somme de 164.917, 91 francs avec intérêts au taux légal non capitalisés) ; Sur la date de la mise en demeure
Considérant que par lettre du 5 juillet 1994 M. Y... a accusé réception au Crédit Foncier de France de la lettre du 22 juin 1994 de cet établissement mais qu'il estime que ce courrier d'information n'est pas une mise en demeure en ce qu'elle ne précisait pas être recommandée avec accusé de réception ;
Mais qu'une telle forme n'est pas exigée, une mise en demeure pouvant résulter d'une lettre simple s'il en résulte une interpellation suffisante ; qu'en l'espèce la lettre émane du service contentieux de la banque, rappelle le montant de la dette, demande à la caution de régler la somme et lui précise qu'à défaut il sera procédé au recouvrement par voie judiciaire ; qu'elle constitue une mise en demeure ; Sur la capitalisation des intérêts
Considérant que M. Y... soulève l'irrecevabilité de la demande de capitalisation comme étant nouvelle devant la cour ;
Mais que la demande de capitalisation n'entre pas dans les prévisions de l'article 564 du nouveau Code de procédure civile et constitue une demande accessoire, au sens de l'article 566 de ce code, recevable ; Sur les frais de poursuite
Considérant que les parties s'accordent à reconnaître que des justificatifs des sommes invoquées ont été présentés et débattus devant l'expert ; mais qu'ils ne le sont pas devant la cour, le Crédit Foncier de France ne les ayant pas versés aux débats, nonobstant les contestations élevées par M. Y... contre ces demandes ;
Considérant en effet que M. Y... fait valoir que la condamnation
aux frais de justice (130.604,48 francs) n'est pas fondée alors que ces frais ont déjà fait l'objet d'un jugement, à tout le moins une partie d'entre eux ;
Considérant que le Crédit Foncier de France affirme que la somme de 130.604,48 francs, représentant le montant brut des frais de justice engagés par lui (171.103,55 francs avec capitalisation au 31 décembre 2004), résulte des calculs de l'expert ;
Mais que cet expert a pris soin de mentionner (page 17 de son rapport) que "contrairement à ce qu'affirme dans ses dires Me Bonnet, conseil de M. Y..., ces calculs ne constituent en rien une reconnaissance de ma part du droit du CFF à percevoir ces sommes mais seulement le respect de mon devoir d'expert d'apporter à la cour tous éléments lui permettant de trancher en connaissance de cause" ; qu'il n'a fait état que des frais de poursuite "invoqués" par le Crédit Foncier de France ;
Considérant que les calculs de l'expert sur ces frais de poursuite, imputés sur le compte de la société Adriana, n'ont porté que sur les intérêts au 31 décembre 2004 ; qu'il reste à démontrer si ces frais sont dus dans le cadre de la présente procédure, ce que soutient le Crédit Foncier de France ou s'ils ont déjà donné lieu à des décisions judiciaires dont la cour n'est pas saisie, ce que soutient M. Y... ; mais qu'aucune pièce n'est produite aux débats concernant ces frais ; qu'au surplus les parties expliquent dans leurs écritures que ces frais concernent : - la saisie immobilière annulée par le tribunal de grande instance de Saint-Gaudens dont le jugement a mis les dépens à la charge du Crédit Foncier de France, - les dépens d'appel de l'arrêt de la Cour d'appel de Toulouse à la charge de M. Y..., - les dépens du jugement du juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Cahors à la charge de M. Y..., - les dépens d'appel de l'arrêt de la Cour d'appel d'Agen à la charge de M. Y..., - les
frais de l'inscription d'hypothèque définitive qui a été annulée ;
Que de tels frais ne concernent pas la présente procédure ou ne sauraient être mis à la charge de M. Y... s'agissant de frais d'une procédure annulée, quant bien même cette procédure aurait été diligentée faute de paiement par M. Y... de sa dette, comme le soutient le Crédit Foncier de France alors que le jugement d'annulation met les frais à la charge du Crédit Foncier de France ; Considérant que rien ne permet de considérer que les parties soient convenues de reporter sur la présente procédure l'ensemble des frais d'autres procédures sur lesquels il a déjà été statué ou les déductions de frais prélevés et non dus ; que l'article 17 du contrat liant les parties, relatifs aux frais dont la caution est tenue, ne peut permettre d'accorder un second titre ou de les décompter deux fois ;
Considérant, en outre, que M. Y... fait état d'un prélèvement injustifié sur le compte courant faute de crédit correspondant au compte de la SCI Adriana et cite la provision sur honoraires d'avocat de 15.000 francs lequel avocat a restitué la somme de 3.913,76 francs ;
Que le Crédit Foncier de France soutient que le compte de la SCI a été crédité de la somme de 3913,76 francs ;
Que le rapport de l'expert ne contient aucune information relative à ces sommes, sinon la mention non discutée par les parties du débit de la somme de 130.604,48 francs du compte de la SCI Adriana ; que rien ne précise si cette somme contient celle de 3913,76 francs ; que l'annexe 5 du rapport de l'expert, relative aux frais de poursuite, ne la mentionne pas ;
Considérant que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver ; qu'il incombe au Crédit Foncier de France de produire la
preuve du crédit au compte de la SCI de la somme de 3.913,76 francs dont les parties s'accordent à dire qu'elle a été restituée par Me Delenclos, avocat chargé de la procédure de saisie immobilière ; qu'il n'apporte pas cette preuve ;
Considérant ainsi que la demande de la somme de 130.604,48 francs au titre des frais de justice n'est pas justifiée ; Sur la base de calcul
Considérant que M. Y... fait grief à l'expert d'avoir retenu une méthode de calcul consistant, selon lui, à calculer deux fois des intérêts sur les frais de justice et demande de rejeter la base de calcul du Crédit Foncier de France dans la mesure où elle contiendrait des intérêts alors que leur déchéance s'applique même lorsqu'ils ont été inscrits en compte courant ;
Considérant qu'à bon droit le Crédit Foncier de France rappelle que le paiement non intégral s'impute, en application de l'article 1254 du Code civil, d'abord sur les intérêts et que cette règle applicable à l'égard de la débitrice principale, la SCI Adriana, est opposable à la caution, quand bien même le créancier serait déchu des intérêts conventionnels à l'égard de la caution ;
Considérant, en outre, que la dernière phrase de l'article L313-22 du Code monétaire et financier, ajoutée par la loi du 25 juin 1999 sur la sécurité financière, "les paiements effectués par le débiteur principal sont réputés, dans les rapports entre la caution et l'établissement, affectés prioritairement au règlement du principal de la dette", n'est pas applicable à l'espèce, le dernier versement effectué par la SCI Adriana ayant eu lieu en 1994, soit à une date antérieure à celle de l'entrée en vigueur de la loi, le 1er juillet 1999 ;
Qu'ainsi, à tort, M. Y... a imputé dans son calcul de créance l'ensemble des paiements effectués par la SCI directement sur le
capital prêté ;
Considérant que le calcul présenté par M. Y... comporte aussi la déduction des commissions d'engagement ;
Que, suivant l'avis de l'expert, le Crédit Foncier de France estime que cette commission n'est pas un intérêt mais la rémunération de son engagement de mettre à la disposition de l'emprunteur les sommes convenues et qu'elle ne doit donc pas être déduite ;
Considérant que le contrat de prêt distingue la commission d'engagement des intérêts ; que ceux-ci rémunèrent le prêt d'argent ; que tous frais ou commissions accompagnant un prêt effectif seraient assimilés à ce prêt ; mais qu'en l'espèce la commission d'engagement rémunère non l'argent prêté mais la disponibilité potentielle d'argent même s'il n'y a pas d'argent prêté ; que sa nature, opposée à l'intérêt, interdit de l'y assimiler ; qu'à juste titre le Crédit Foncier de France exclut ces commissions de la base de calcul ; Sur le solde
Considérant que M. Y... affirme que les articles du compte courant n'ont pas été vérifiés par l'expert, que le solde est erroné ainsi que la déduction des intérêts ; que la cour n'avait pas demandé à l'expert de donner plusieurs versions des sommes exigibles ;
Mais considérant que l'expert a répondu à la mission en présentant les conséquences des diverses contestations d'ordre juridique opposant les parties ;
Considérant qu'à la suite de l'étude effectuée par M. Colombani à sa demande, M. Y... propose de régler au Crédit Foncier de France la somme de 115 006,12 ç avec intérêts au taux légal non capitalisés à partir du 1er janvier 1999 pour solde de tout compte, et à titre subsidiaire, la somme de 5 000 000 de francs (762.245,09 ç) ;
Considérant que M. Y... fait aussi valoir que le Crédit Foncier de France a commis une faute grave dans l'exécution de ses obligations
contractuelles en ne procédant pas à la vérification des présentations de factures ou de situations signées par l'entrepreneur, certifiées par l'architecte et visées par le maître d'ouvrage comme l'exigeait l'article 4 de la convention de prêt et en mettant à la disposition de la SCI Adriana des sommes largement supérieures à celles qu'appelaient la convention des parties ; qu'il en conclut qu'il faudrait déduire du montant de 5 000 000 de francs le montant de la vente des lots en vertu du commandement du 7 septembre 1993, soit la somme de 1 452 000 francs ;
Mais considérant qu'il a été rappelé par l'arrêt du 2 juillet 2004 que la contestation élevée par M. Y... contre la validité de son cautionnement se heurtait à l'autorité de la chose jugée et qu'il a été jugé que le CFF n'avait pas libéré des fonds en dehors des dispositions contractuelles ;
Que l'expert a eu connaissance du rapport de M. Colombani ;
Considérant qu'il résulte du rapport et des explications des parties que la créance du Crédit Foncier de France, certaine, liquide, exigible s'élevait au 22 juin 1994 à la somme de 5 474 880,49 francs (834.640, 15 ç) tenant compte d'une affectation prioritaire des versements sur les intérêts ;
Considérant que cette somme doit être augmentée des intérêts au taux légal à compter de cette date ; que la capitalisation des intérêts réclamée par le CFF est de droit mais dans les conditions de l'article 1154 du Code civil, soit à compter de la demande judiciaire, faute de convention spéciale, et par année entière ; que l'expert a calculé la dette avec intérêts capitalisés au 31 décembre 2004 (6.138.491, 39 francs soit 935.806,98 ç) mais que cette somme ne saurait être retenue en ce qu'il n'est pas démontré par le CFF qu'à cette date la demande judiciaire de capitalisation était présentée ; qu'il ne ressort pas qu'elle l'ait été devant le tribunal dont le
jugement est du 28 janvier 2003, ni même dans les premières conclusions d'appel déposées le 8 octobre 2003, mais dans les conclusions déposées le 12 octobre 2005 ;
Considérant que l'expert a pris soin de mentionner au 22 juin 1994 une dette hors capitalisation d'intérêts ; Sur les autres demandes
Considérant qu'il est partiellement fait droit au recours de M. Y... ; qu'il est rappelé que par jugement du 28 janvier 2003 le tribunal de grande instance de Paris avait condamné M. Y... à payer au Crédit Foncier de France la somme de 1.342.853,93 ç augmentée des intérêts conventionnels depuis le 31 décembre 2003 ; qu'après l'arrêt du 2 juillet 2004 le Crédit Foncier de France ne demande plus la confirmation du jugement mais la condamnation de M. Y... à lui régler la somme de 961.891,55 ç avec intérêts au taux légal à compter du 1er janvier 2005 ; que la condamnation prononcée est de 834.640, 15 ç (5.474.880, 49 francs) avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1994 ; que si les dépens de première instance demeurent à la charge de M. Y..., débiteur, ceux d'appel, comprenant les frais d'expertise, sont partagés par moitié entre les parties ;
Considérant qu'il est équitable de laisser à la charge des parties leurs frais non répétibles de première instance et d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Vu l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 juillet 2004,
Condamne M. Y... à payer à la société Crédit Foncier de France la somme de 834.640, 15 ç en sa qualité de caution solidaire de la SCI Adriana au titre du contrat de prêt du 14 décembre 1989, avec intérêts au taux légal à compter du 22 juin 1994,
Ordonne la capitalisation des intérêts sur cette somme dans les conditions de l'article 1154 du Code civil à compter du 12 octobre 2005,
Rejette toute autre demande,
Condamne M. Y... aux dépens de première instance et partage par moitié entre les parties les dépens d'appel qui comprennent les frais de l'expertise ordonnée dans l'arrêt du 2 juillet 2004, avec distraction au profit des avoués concernés dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT