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07/12/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006947402

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0089, 07 décembre 2005, JURITEXT000006947402


Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES DECISION DU 7 DECEMBRE 2005 Numéro du répertoire général : 04/20994 Nous, Martine X..., Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles Y..., Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante : Statuant sur la requête déposée le 21 octobre 2004 par Monsieur Philippe Z... ... ; Vu les pièces joi

ntes à cette requête ; Vu les conclusions de l'Agent judiciaire du Trésor notifiées par lettre recomman...

Grosses délivrées

REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section N

REPARATION DES DETENTIONS PROVISOIRES DECISION DU 7 DECEMBRE 2005 Numéro du répertoire général : 04/20994 Nous, Martine X..., Conseillère à la Cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Gilles Y..., Greffier lors des débats et du prononcé, avons rendu la décision suivante : Statuant sur la requête déposée le 21 octobre 2004 par Monsieur Philippe Z... ... ; Vu les pièces jointes à cette requête ; Vu les conclusions de l'Agent judiciaire du Trésor notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ; Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ; Vu les lettre recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 9 novembre 2005 à 9h30 ; Vu l'absence de Monsieur Z... ; Ou' Maître Charly BENSARD, avocat représentant Monsieur Philippe Z... et Maître Renaud LE GUNEHEC, avocat plaidant pour la SCP NORMAND et associés, représentant Monsieur l'Agent judiciaire du Trésor, ainsi que Madame A..., Avocat Général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le 9 novembre 2005 ; Vu les articles 149, 150 et R. 26 à R. 40-7 du code de procédure pénale ; Attendu que Monsieur Philippe Z..., mis en examen pour subornation de témoins par un juge d'instruction du

tribunal de grande instance de Saint Brieuc, a été placé en détention provisoire le 27 octobre 1994 et remis en liberté le 10 novembre suivant par la chambre d'accusation de la cour d'appel de Rennes ; que par arrêt du 17 août 2000, la Cour de cassation a dessaisi le juge d'instruction de Saint Brieuc de cette procédure au profit d'un juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris qui a rendu une ordonnance de non lieu le 3 mai 2004 ; que Monsieur Philippe Z... a subi une détention provisoire de 16 jours ayant pris fin le 10 novembre 1994 ; qu'il sollicite les sommes suivantes : - 80.000 ç au titre de son préjudice subi du fait de l'incarcération elle-même, - 280.000 ç au titre du préjudice matériel, - 50.000 ç au titre de son préjudice psychologique et moral ; que l'Agent Judiciaire du Trésor conclut au débouté des demandes d'indemnisation au titre de l'incarcération et du préjudice matériel formées par Monsieur Philippe Z... et sollicite que l'indemnisation du préjudice moral soit ramenée à de plus justes proportions ; Attendu que la demande, déposée dans les délais et formes de la loi, est recevable ;

Sur le préjudice subi du fait de l'incarcération :

Attendu que Monsieur Philippe Z... précise, à l'appui de cette demande, que pendant toute la durée de sa détention, il a été dans l'impossibilité absolue d'exercer sa profession d'avocat et que cette situation a été d'autant plus délicate que son associée Maître PEIGNE avait démissionné depuis le 30 juin 2003 ; Mais attendu qu'en vertu de l'article 149 du code de procédure pénale, seuls peuvent être réparés les préjudices de la personne détenue directement liés à la privation de liberté, à l'exclusion de ceux qui sont la conséquence des poursuites pénales elles-mêmes, des mesures d'instruction autres que la détention provisoire, du retentissement public de l'affaire ou qui ont été causés à des proches ou à des tiers ; Qu'au vu des

précisions que le requérant apporte dans ses écritures, ce préjudice "subi du fait de l'incarcération" qu'il invoque correspond en réalité au préjudice économique dont il demande également réparation ; que cette prétention ne peut donc être que rejetée ; Sur le préjudice économique : Attendu que Monsieur Philippe Z... fait valoir qu'avocat au barreau de Saint Brieuc depuis 1976, il a été privé, du fait de son incarcération, de l'exercice de son activité professionnelle et qu'il a dû faire face à la suspicion de sa clientèle ; qu'il soutient que sa détention a généré une nette diminution de ses revenus professionnels et que la publicité faite autour de la mesure prise à son encontre a eu pour effet de ruiner, au moins pour plusieurs années, son cabinet d'avocat ; qu'il indique à cet égard que les résultats fiscaux ont chuté - par rapport à 1993 - de plus de 15% en 1994, de plus de 70% en 1995, de plus de 80 % en 1996 et de plus de 90 % en 1997 ; que la valeur de cession de sa clientèle de l'ordre de 1,5 et 2 millions de francs en 1994 a perdu progressivement toute sa valeur ; que s'il a été amené à comparaître devant le tribunal correctionnel de Rennes le 18 juin 1998 pour une autre affaire, cette comparution n'explique pas la baisse de la clientèle, cette dernière ayant été informée au dernier moment de cette procédure ; qu'il précise que l'instance qu'il a initiée en 2000 contre l'Agent Judiciaire du Trésor - ayant abouti à un jugement du 11 septembre 2002 l'ayant débouté de sa demande au titre de son préjudice économique - l'a été sur le fondement de l'article L781-1 du Code de l'organisation judiciaire du fait d'un dysfonctionnement du service public de la justice sans rapport avec la présente instance ;

Que le requérant évalue, au vu des résultats fiscaux de la SCP des années 1992 à 1994, à 280.000 ç le préjudice économique qu'il a subi ; Mais considérant que s'il est constant que Monsieur Philippe Z...

a été privé pendant seize jours de l'exercice de son activité d'avocat, il n'est pas démontré, au regard des seules pièces produites, que l'incarcération qu'il a subie ait eu une incidence sur le chiffre d'affaires et les résultats de son cabinet ; que les éléments qu'il produit contredisent ses affirmations ; qu'en effet, au cours de l'année 1995, soit l'année suivant son incarcération, dont la presse s'est fait l'écho, les résultats fiscaux de son cabinet ont été (en milliers de francs) de 3.359 pour 3.906 en 1993 et que ce n'est qu'en 1997/ 1998 que les recettes ont connu une importante baisse (2.282 en 1997 et 1.240 en 1998) ; qu'il en résulte que la preuve d'un lien de causalité entre l'incarcération et la diminution des résultats n'est pas rapportée ; que la demande au titre du préjudice économique doit être purement et simplement écartée ; Sur le préjudice moral : Attendu que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue est, notamment, fonction de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention déjà effectuées en exécution de condamnations antérieures ; Que, par ailleurs, si les effets de l'écho donné par la presse écrite aux poursuites engagées ne constituent pas en eux-mêmes un motif d'indemnisation, il en est différemment lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, le requérant démontre que l'atteinte à sa réputation résulte, au moins pour partie, de son placement en détention et non des seules poursuites exercées contre lui ; qu'il convient, enfin, de relever que Monsieur Z... a été incarcéré dans la ville de Saint Brieuc là où il exerçait sa profession d'avocat ; Qu'enfin, les certificats médicaux établis par le Docteur B... les 1er septembre et 4 octobre 1997 n'établissent l'existence ni d'un état dépressif dont aurait souffert le requérant et n'établissent ni d'un lien de causalité entre une dépression et la détention provisoire

intervenue trois années plus tôt ; qu'il en est de même pour les deux autres certificats du même médecin en date des 28 janvier 2002 et 3 septembre 2004 évoquant un arrêt de travail entre juillet 1997 et mai 1998 pour un état dépressif lié à une incarcération subi huit à dix ans plus tôt ; Qu'en considération de ces éléments et de la durée de la détention subie, il convient d'allouer à Monsieur Z..., qui n'avait pas été détenu avant l'incarcération visée dans la procédure, la somme de 10.000 ç en réparation de son préjudice moral ; Attendu que l'article 700 du nouveau code de procédure civile est applicable aux demandes d'indemnisation à raison d'une détention provisoire ; qu'il convient, de fixer l'indemnité due à ce titre à la somme de 1000 ç ; PAR CES MOTIFS, ALLOUONS à MonsieurPhilippe Z... une indemnité de 10.000 ç (dix mille ç) en réparation de son préjudice moral ; REJETONS le surplus des demandes de Monsieur Philippe Z... ; CONDAMNONS L'AGENT JUDICIAIRE DU TRÉSOR à payer à Monsieur Philippe Z... la somme de 1.000 ç en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; DISONS que les dépens de la présente instance seront à la charge du Trésor public. Ainsi fait, jugé et prononcé par le magistrat délégué soussigné, le 7 décembre 2005, où étaient présents : Madame Martine X..., Conseillère, Madame Lydia A..., Avocat Général et Monsieur Gilles Y..., Greffier. LE GREFFIER LA CONSEILLERE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0089
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006947402
Date de la décision : 07/12/2005

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2005-12-07;juritext000006947402 ?
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