RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
21ème Chambre C
ARRET DU 11 Octobre 2005
(no , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : S 03/38496 Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Juin 2003 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG no 02/05214
APPELANTE 1o - S.A.R.L. ORGANDI exploitant sous l'enseigne "GERARD DAREL" Prêt-à-Porter 130, rue Réaumur 75002 PARIS représentée par Me Jacky BENAZERAH, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1097 substitué par Me Stéphanie ROUBINE, avocat au barreau de PARIS, toque : D 1097 INTIMEE 2o - Madame Halima X... 78 Bd de Creteil 94100 ST MAUR DES FOSSES comparant en personne, assistée de Me Mylène CARNEVALI, avocat au barreau de PARIS, toque : B 423, COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 06 Septembre 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Pierre ROBERT, Président
Madame Irène LEBE, Conseiller
Madame Marie-Christine DEGRANDI, Conseiller
qui en ont délibéré Greffier : Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats, ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par Mme LEBE, Conseiller ayant assisté au délibéré, lequel en l'empêchement du Président, a signé la minute
avec Mme Anne-Marie CHEVTZOFF, greffier présent lors du prononcé. Statuant sur l'appel régulièrement interjeté par la SARL ORGANDI exploitant sous l'enseigne " GERARD DAREL " du jugement du 17 juin 2003, auquel il est renvoyé pour l'exposé des éléments du litige à cette date, par lequel le Conseil de Prud'hommes de PARIS, section commerce, l'a condamnée à payer à Halima X... les sommes de : - 2.591,63 Euros à titre de préavis, - 259,16 Euros à titre de congés payés afférents, - 7.774,89 Euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, - 550 Euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, a ordonné la remise du bulletin de paie et du certificat de travail conformes, et a débouté Mme X... du surplus de ses demandes. L'appelante demande à la cour d'infirmer le jugement déféré, de dire que le licenciement repose sur la faute grave, et ainsi de débouter Mme X... de l'ensemble de ses demandes, et de condamner cette dernière à lui payer la somme de 2.000 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; L'intimée relève appel incident et prie la cour confirmant le jugement en son principe et sur l'indemnité de préavis et les congés payés incidents, de l'infirmer pour le surplus en son quantum, et ainsi de condamner la SARL ORGANDI à lui payer la somme de 20.733, 04 Euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive, et celle de 2.000 Euros en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ; CECI ETANT EXPOSE : Considérant que Mme X... a été engagée le 1er mars 2001, par la SARL ORGANDI exploitant sous l'enseigne Gérard DAREL, en qualité d'employée de bureau ; que convoquée le 25 janvier 2002, à l'entretien préalable, pour le 5 février, elle a été licenciée pour faute grave, par lettre en date du 7 février 2002 aux motifs suivants : " Fautes professionnelles répétées et illustrées par les faits suivants : - mi-décembre, nous avons constaté que les fiches Tissus que vous êtes
chargée de renseigner étaient toutes incomplètes : elles ne comportaient ni le métrage, ni la composition, ni la laize et les références de codes couleurs ne correspondaient en rien à nos références habituelles. Par là-même vous avez rendu votre travail inutile et inutilisable par vos collègues du Bureau de style. - à la veille de Noùl, nous attendions une pièce de Tissus dont la livraison tardait. Des recherches ont été entamées et finalement nous avons localisé cette pièce de tissu qui était bloquée chez le transporteur, lequel refusait de livrer en raison de la fermeture de ses bureaux pendant les fêtes de Noùl. Pour parer à l'urgence, nous avons envoyé notre propre chauffeur pour retirer cette pièce qui était indispensable pour le bon avancement de la collection. Une fois cette pièce livrée à notre siège, bien qu'avertie, vous n'avez pas fait le nécessaire pour qu'elle soit transmise au Bureau de style qui se trouve au siège social et vous avez fait repartir cette pièce à notre entrepôt de Goussainville. Cette négligence a occasionné plusieurs transports inutiles et une perte de temps non négligeable pour le service en pleine période d'élaboration de collection. - le 23 décembre dernier, toujours en raison des fermetures d'usines prévues, il vous a été demandé de commander en urgence deux références de tissus auprès des fournisseurs GUARISCO et INCONTROMODA. Or, vous avez complètement occulté cette demande. Ce n'est que début janvier que nous nous sommes aperçus que vous n'aviez rien fait, retardant ainsi la commande de plus de deux semaines. - le 21 janvier dernier, pour le lancement d'un de nos nouveaux modèles, vous avez fait envoyer la mauvaise pièce de tissu. Le lancement de ce modèle n'a donc pu être fait en temps et en heure et nous avons dû organiser un transport spécial de la pièce initiale à notre entrepôt de Goussainville pour que le modèle puisse être réalisé. - chaque saison, à l'issue de la présentation de la nouvelle collection à nos
agents, ceux-ci travaillent collectivement pendant plusieurs jours afin de faire des modifications définitives de la collection qui sont consignées de façon manuscrite sur un book servant ensuite de book-témoin pour toute la saison. Or, le 21 janvier dernier, nous avons eu le déplaisir de constater que vous aviez gommé toutes les références et annotations du styliste, faisant perdre ainsi le bénéfice de plusieurs jours de travail. - le 5 février dernier, nous vous avons demandé de contrôler et mettre à jour le book des modélistes. Or, le lendemain, nous avons constaté que les rectifications de références n'avaient pas été faites correctement :
ainsi un même modèle portait des références différentes, une page du book correspondant à une référence de tissu manquait, etc... rendant une fois de plus votre travail inutilisable par vos collègues et retardant donc le travail de toute l'équipe. Absence injustifiée : le 4 février dernier, vous avez quitté l'entreprise à 16h30 sans avoir préalablement averti, ni justifié d'une obligation impérieuse, ni avoir eu l'accord de votre responsable. Cette absence n'a fait l'objet d'aucune justification de votre part auprès du service du personnel. Ce n'est pas la première fois que vous nous donnez l'occasion de relever vos manquements professionnels et le peu de rigueur dont vous faites preuve dans l'exécution de vos fonctions administratives (cf LRAR du 24 septembre 2001 et LRAR du 28 septembre 2001)". Considérant que la SARL ORGANDI expose que malgré deux avertissements notifiés les 24 et 28 septembre 2001, Mme X... n'a pas modifié son comportement ; que lui sont reprochées six erreurs dans l'exécution de son travail lequel consistait à s'occuper du suivi administratif des tissus de collection, ce pour lequel elle devait tenir et mettre à jour des " books " d'échantillonnage et des fiches pour chaque tissu choisi ; que l'accumulation de ces fautes et l'absence injustifiée le 4 février 2002, à compter de 16 H 30,
lorsqu'elle a quitté l'entreprise sans en informer le service du personnel et sans autorisation, caractérisent la faute grave ; Considérant qu'à l'appui du caractère abusif de son licenciement, Mme X... soutient que les diverses fautes reprochées ne sont pas démontrées, les attestations versées par la SARL ORGANDI n'étant pas probantes car de pure complaisance dès lors qu'émanant de membres de la famille de l'employeur ou de personnes n'ayant pas pu constater les faits relatés ; que les erreurs reprochées le 23 décembre 2001 sont inexactes dès lors que ce jour là était un dimanche et qu'elle ne travaillait pas ; et qu'à supposer que le jour des faits soit le 24 décembre, elle ne travaillait pas plus, puisque l'entreprise était fermée ; qu'enfin, l'absence prétendue le 4 février 2002, au demeurant veille de l'entretien préalable, n'est pas établie, car elle avait été autorisée par la styliste Y... à quitter plus tôt le travail pour se rendre à l'inspection du travail ; SUR QUOI, LA COUR, Considérant que s'agissant des faits tirés de la non passation d'une commande le 23 décembre 2001, qu'il n'est versé aucun élément probant, alors que le fax du 25 juin 2002 comme la lettre du 15 avril 2003 du client GUARISCO ne sont pas déterminants pour étayer l'erreur imputée à la salariée ; que pour ce qui est de l'autre erreur invoquée à la date du 23 décembre 2001, alors qu'il n'est pas contesté que ce jour était un dimanche, la SARL ORGANDI ne démontre pas par la seule attestation du témoin KIHATARA, qui situe également les faits rapportés le 23 décembre, l'erreur de transmission de la pièce à l'entrepôt plutôt qu'au bureau de style, reproche contesté par Mme X... ; qu'à tout le moins, eu égard à l'explication contradictoire des parties sur la date des faits, il subsiste un doute quant la réalité de l'erreur alléguée, lequel dit profiter à la salariée ; Considérant que l'attestation du témoin GERBI, qui au demeurant n'est pas rédigée de manière manuscrite, n'est pas, à elle
seule, suffisante pour permettre d'établir le grief fait à Mme X... consistant à avoir le 21 février 2001, fait envoyer à l'usine une pièce de tissu qui n'était pas celle demandée, le témoin ne fournissant aucune indication précise de référence comme de nature concernant la marchandise ; que les faits de non tenue satisfaisante, le 6 février 2002, du "book des modélistes" ne sont établis par aucun élément probant ; et que ceux tirés de ce que le 21 janvier 2002, Mme X... aurait gommé les modifications consignées de façon manuscrite sur le "book servant ensuite de book témoin" ne sont pas démontrés par les attestations des témoins MARCIANO Roger et MARCIANO Raphael qui ne précisent pas avoir vus Mme X... agir de la sorte ; que dans ces conditions, l'imputabilité à la salariée d'un tel effacement n'est pas démontrée de manière certaine ; et que si le témoin MARCIANO Roger précise que Mme X... lui a indiqué avoir gommé les informations annotées au crayon de papier, il est formellement contredit par l'intéressée qui affirme que le book témoin n'est pas entre ses mains ; Considérant que s'agissant du reproche consistant en une absence injustifiée le 4 février 2001 à partir de 16 H 30, il est établi que Mme X..., contrairement à ses dires, ne disposait pas d'autorisation de la styliste Y..., ce que cette dernière confirme dans son attestation, dès lors qu'elle indique avoir vue l'intéressée quitter le bureau à cette heure, et à sa question, s'être vue répondre par la salariée "qu'elle devait partir, sans donner plus d'explications" ; que toutefois, ladite absence qui s'est traduite par un départ anticipé du travail, a été de courte durée, alors même que la SARL ORGANDI ne fournit pas les horaires de travail de la salariée ; que pour réel qu'il soit ce manquement n'est pas sérieux ; Considérant que par contre il est établi par l'attestation précise et circonstanciée du témoin Y..., critiquée mais non arguée de faux, que Mme X... n'a pas
renseignées en décembre 2001, de manière complète les fiches tissus, alors que cette tâche entrait dans ses attributions ; Qu'il s'en suit que ce fait perpétré à la suite des deux avertissements notifiés les 24 et 28 septembre 200, pour des motifs cependant différents, est de nature à conférer au licenciement une cause réelle et sérieuse ; Considérant qu'il ne constitue cependant pas, à lui seul, alors qu'aucun des autres griefs invoqués n'est établi, et partant, en l'absence d'accumulation de carences fautives délibérées chez une salariée ayant une faible ancienneté dans l'entreprise, un manquement par Mme X... à ses obligations contractuelles d'une importance telle qu'elle empêchait la poursuite de la relation salariale pendant la période limitée du préavis ; alors que la commission d'une unique erreur postérieurement aux avertissements, si elle légitimait le recours à une sanction plus sévère, en l'occurrence la privation de l'emploi que constitue en soi le licenciement, n'impliquait pas pour autant la nécessité de priver la salariée de ses indemnités de rupture qu'entraîne le congédiement pour faute grave ; Considérant que Mme X... sera en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive, mais non de celles en paiement de son indemnité de préavis et des congés payés incidents, lesquelles ne sont pas utilement contestées en leur quantum ; que le jugement sera confirmé de ces deux derniers chefs ; Considérant qu'il y a lieu, en équité, de confirmer la somme de 550 Euros allouée à Mme X... par les premiers juges en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, mais de débouter les parties de celle qu'elles forment à ce même titre en causé d'appel dès lors qu'elles succombent partiellement en leurs demandes devant la cour ; PAR CES MOTIFS, Reçoit la SARL ORGANDI exploitant sous l'enseigne Gérard DAREL en son appel, et Mme X... en son appel incident, Infirme le jugement entrepris sur le principe de l'absence de cause
réelle et sérieuse du licenciement et sur les dommages-intérêts pour rupture abusive, Statuant à nouveau, Dit le licenciement de Mme X... fondé sur une cause réelle et sérieuse, mais non sur la faute grave, Déboute Mme X... de sa demande de dommages-intérêts pour rupture abusive, Confirme le jugement pour le surplus, Déboute les parties de leur demande d'indemnité en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, Dit qu'elles supporteront pour moitié la charge des dépensLE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,