Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
2ème Chambre-Section B
ARRET DU 15 SEPTEMBRE 2005
(no310,9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 04 / 18596
Décision déférée à la Cour : jugement du 28 juin 2004-Tribunal de grande instance de PARIS-2ème chambre 1ère section-RG no2002 / 09393
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE
Mme Danielle Rolande Arlette X......
représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU, avoué à la Cour (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2004 / 035858 du 19 / 11 / 2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
assistée de Me Isabelle GUENEZAN, avocat au barreau de PARIS, toque E 725 (bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2004 / 035858 du 19 / 11 / 2004 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
Mme Rolande X......
représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué à la Cour assistée de Me Valérie LATAPY, avocat au barreau de PARIS, toque B 900 substituant Me Jehan-Luc CARDONA, avocat au barreau de PARIS, toque B 265
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 juin 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Françoise KAMARA, Président M. Jean-Louis LAURENT-ATTHALIN, Conseiller Mme Dominique DOS REIS, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Mlle Carole TREJAUT
ARRET :
contradictoire prononcé publiquement par Mme Françoise KAMARA, Président signé par Mme Françoise KAMARA, Président, et par Mlle Carole TREJAUT, Greffier présent lors du prononcé.
Pauline X... est décédée le 15 janvier 1995, laissant comme héritiers sa fille Mme Rolande X... et sa petite-fille, Mme Danielle X..., venant en représentation de son père décédé le 22 novembre 1971.
Aux termes d'un testament olographe, la défunte avait institué sa fille légataire universelle.
Par jugement du 31 janvier 2000, non frappé d'appel, le tribunal de grande instance de Paris a :
-ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Pauline X...,
-constaté l'extinction de l'instance entre Mme Danielle X... et les services postaux,
-dit qu'il appartiendrait au notaire de faire les comptes entre les parties,
-précisé, en tant que de besoin, que :
* Mme Rolande X... pourrait faire admettre au passif les factures réglées par elle-même pour le compte de sa mère de son vivant ou après son décès et pour lesquelles elle devrait établir qu'elles n'ont pas été prises en charge par la Sécurité Sociale, * la facture Dunlopillo devrait être écartée du passif,
-dit que la reconnaissance de dette d'un montant de 34 372 F devait être inscrite au passif,
-dit que Mme Rolande X... devrait rapporter la somme de 20 000 F provenant de la vente du mobilier de la maison de Troissereux, ainsi que celle de 300 000F provenant de la vente de cette maison, pour sa part excédant la quotité disponible,
-ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage.
Le notaire liquidateur a dressé le 20 juin 2002, un procès-verbal de difficultés.
Par jugement du 28 juin 2004, le tribunal de grande instance de Paris a :
-rappelé que les frais engagés pour les funérailles de la défunte seraient inscrits au passif de la succession,
-constaté que la créance de Mme Rolande X... sur la succession s'élevait à 587 625 F, conformément au jugement du 3 janvier 2000,
-dit que les sommes de :
* 300 000 F (45 734 euro),20 000 F (3 049 euro) et 34 372 F (5 240 euro) seraient respectivement inscrites à l'actif et au passif de la succession, pour leur valeur au jour de l'aliénation ou au jour de la reconnaissance de dette, * que les sommes prélevées par Mme Rolande X... sur le livret de sa mère à compter du mai 1991 jusqu'à son décès seraient inscrites à l'actif de la succession,
-rejeté les autres demandes,
-dit que les dépens seraient supportés par les copartageants dans la proportion de leurs droits dans la succession et recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle.
Mme Danielle X... a relevé appel. Elle conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a dit que les sommes de 300 000 F (45 734 euro),20 000 F (3 049 euro) et 34 372 F (5 240 euro) seraient respectivement inscrites à l'actif et au passif de la succession et à l'infirmation pour le surplus.
Elle demande à la Cour de :
-annuler la procuration donnée par sa grand-mère à Mme Rolande X... le 3 septembre 1987,
-ordonner la réintégration à l'actif de la succession de la somme de 119 454,59 euro correspondant aux sommes prélevées sur le compte de la défunte par Mme Rolande X...,
-dire que cette dernière s'est rendue coupable de recel,
-condamner Mme Rolande X... à lui verser 43 000 euro à titre d'indemnité d'hébergement, Mme Rolande X... ayant été hébergée gratuitement par sa mère jusqu'à l'âge de 42 ans,
-ordonner l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession d'Edouard X..., mari de la défunte,
-lui attribuer les décorations de son grand-père,
-désigner un autre notaire que celui chargé des opérations de liquidation,
-lui allouer 5 240 euro à titre de dommages-intérêts et 1 525 euro en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Mme Rolande X... prie la Cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il a dit que la somme de 34 372 (5 240 euro) serait inscrite au passif de la succession, pour sa valeur au jour de la reconnaissance de dette, et dire que cette somme sera réévaluée en fonction de l'indice du coût de la construction et fixée à 75 023 F. Elle demande, en outre, à la Cour de dire que les sommes prélevées par Mme Rolande X... sur le livret de sa mère à compter du mai 1991 et jusqu'à son décès, à intégrer à l'actif de la succession, devront être diminuées de la somme de 320 000 F correspondant au montant de la vente du mobilier et de la maison.
Requérant l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de dommages-intérêts et de celle fondée sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile et en ce qu'il a dit que les dépens seraient supportés par les copartageants dans la proportion de leurs droits dans la succession, elle sollicite la condamnation de Mme Danielle X... à lui verser 7 600 euro à titre de dommages-intérêts,5 000 euro en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et à supporter les dépens de première instance et d'appel.
CELA EXPOSE, LA COUR :
Sur la demande d'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession d'Edouard X... :
Considérant que ce dernier est décédé en 1932 ;
Que cette demande est donc prescrite ;
Considérant que, s'agissant des décorations d'Edouard X..., Mme Rolande X... fait valoir qu'elle n'est pas en possession de celles-ci et que Mme Danielle X... n'établit pas que ces décorations se seraient trouvées en possession de la défunte au jour de son décès ;
Que cette demande sera, en conséquence, rejetée ;
Sur la réévaluation du prix de vente du mobilier et de la maison de Troissereux :
Considérant que la défunte possédait une maison à Troissereux (Oise) qu'elle a vendue au prix de 300 000 F, le 28 décembre 1988, et que cette somme ainsi que celle de 20 000 F représentant le prix de vente du mobilier ont été placées sur un compte sur lequel Mme Rolande X... disposait d'une procuration ; que cette dernière ne remet pas en cause les dispositions du jugement l'ayant déclaré tenue de rapporter ces sommes ; que celles-ci n'ont pas à être réévaluées et portent seulement intérêts à compter du jour de l'ouverture de la succession ;
Sur la procuration donnée par la défunte à sa fille :
Considérant que, par acte notarié en date du 30 septembre 1987, la défunte a donné procuration à son fille d'administrer ses biens ;
Que Mme Rolande X... précise que, si à cette date, sa mère était atteinte de surdité et de cécité, elle était saine d'esprit ;
Que Mme Danielle X... n'établit pas que sa grand-mère ne se serait pas trouvée en mesure de donner un consentement valable, lorsqu'elle a établi cette procuration ;
Que, par suite, sa demande sera rejetée ;
Sur les sommes prélevées par Mme Rolande X... :
Considérant que la défunte possédait un compte d'épargne ouvert à la Poste ; que ce compte fait apparaître divers virements postérieurement à son décès et, le 26 septembre 1995, soit sept mois après le décès de la défunte, un remboursement intégral pour un montant de 6 281 F ;
Que cette somme a été intégrée par le notaire dans le compte de la succession, le 3 octobre 1995, ainsi que cela résulte de son relevé de compte ;
Considérant que le jugement du 3 janvier 2000 a dit, dans son dispositif, que la reconnaissance de dette effectuée par la défunte au profit de sa fille, d'un montant de 34 372 F, devrait être inscrite au passif de la succession ;
Que ce jugement est définitif ;
Que, dans ces conditions, Mme Danielle X... est mal fondée à réclamer cette somme à Mme Rolande X... à titre de dommages-intérêts ;
Considérant, sur les retraits de l'ordre de 8 000 F par mois environ, à compter de 1990, que c'est à bon droit que les premiers juges qui ont relevé que la défunte avait été travailleuse à domicile et que le seul montant de sa pension de retraite, même augmenté de l'allocation supplémentaire pour les vieux travailleurs salariés, ne lui permettait de d'assurer le coût de son hébergement en maison de retraite qui s'élevait à plus de 11 000 F par mois, hors frais annexes et frais pharmaceutiques non remboursés, en ont déduit que la moyenne mensuelle des sommes prélevées qui avoisinait 8 000 F n'était pas exorbitants ;
Que c'est à juste titre que les premiers juges ont ajouté que, le jugement du 3 janvier 2000 ayant décidé que Mme Rolande X... pourrait faire admettre au passif de la succession les factures qu'elle avait réglées pour le compte de sa mère et que ces dépenses ayant été retenues pour un montant de 587 625 F par le notaire liquidateur, les sommes prélevées sur le livret de sa mère à compter du mai 1991 seraient inscrites à l'actif de la succession ;
Que, par suite, Mme Danielle X... sera déboutée de ses prétentions relatives aux prélèvements effectués par Mme Rolande X... sur le compte de la défunte ;
Considérant que la demande de celle-ci tendant à voir juger que le montant des sommes prélevées par elle, à rapporter à l'actif de la succession, doit être diminué de celle de 320 000 F, sera rejetée également ;
Qu'en effet, le jugement du 3 janvier 2000 avait relevé, dans ses motifs, que Mme Rolande X... soutenait avoir utilisé cette somme de 320 000 F dans l'intérêt de sa mère, mais qu'elle n'en justifiait pas ni même n'indiquait sur quel compte avait été virée cette somme, le 30 mars 1989 ;
Que, dans le cadre de la présente procédure, elle ne démontre pas davantage que, comme elle le prétend, le compte de sa mère aurait été alimenté, d'une part, par ses pensions de retraite, d'autre part, par les 320 000 F provenant de la vente de la maison de Troissereux ;
Sur les frais funéraires :
Considérant que le jugement du 3 janvier 2000 n'a pas statué sur la demande de Mme Danielle X... tendant à exclure ces frais du passif de la succession ;
Que cette demande est donc recevable ;
Considérant, toutefois, que l'appelante ne démontre pas que Mme Rolande X... n'aurait pas suivi les derniers souhaits de sa grand-mère ;
Qu'elle est donc mal fondée, pour refuser de voir les frais funéraires inscrits au passif de la succession, à soutenir que la défunte n'aurait pas été enterrée conformément à ses souhaits ;
Sur l'indemnité d'hébergement réclamée par Mme Danielle X... :
Considérant que Mme Danielle X... expose que Mme Rolande X... a vécu jusqu'à l'âge de 42 ans chez sa mère et réclame à Mme Rolande X... la somme de 43 000 euro en contrepartie du désavantage dont aurait été victime son père qui avait quitté le domicile de sa mère en 1949 ;
Mais considérant que Mme Rolande X... réplique que sa mère était travailleuse à domicile alors qu'elle-même était salariée de la Caisse des dépots et consignations, célibataire et sans enfant, et qu'elle avait largement fait profiter sa mère de sa situation ;
Considérant qu'en raison de l'ancienneté des faits, Mme Rolande X... ayant fait l'acquisition d'un appartement en 1964, et eu égard à la circonstance que Mme Rolande X... ne pouvait réclamer de quittance à sa mère, il ne saurait être reproché à l'intimée de ne pas être en mesure de justifier des dépenses qu'elle avait effectuées entre 1945 et 1964 pour le compte de sa mère lorsqu'elles vivaient ensemble, dépenses qui sont toutefois certaines, une jeune fille ne pouvant, à cette époque, refuser de reverser une partie de son salaire à sa mère pour son entretien ;
Que Mme Danielle X... sera déboutée de sa demande ;
Sur la désignation du notaire :
Considérant qu'il n'est pas démontré que le notaire chargé des opérations de compte, liquidation et partage ne remplirait pas correctement sa mission ;
Que, dès lors, la prétention de Mme Danielle X... tendant à voir ce notaire remplacé sera rejetée ;
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Considérant que Mme Rolande X... n'établit pas que Mme Danielle X... aurait agi à son encontre dans l'intention de lui nuire ou avec une légèreté blâmable ;
Que sa demande de dommages-intérêts sera rejetée ;
Considérant que les circonstances de la cause ne commandent pas de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Considérant que les dépens d'appel seront employés en frais privilégiés de partage ;
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement,
Y ajoutant,
Dit que les sommes de 45 734 euro et de 3 049 euro porteront intérêts à compter du jour de l'ouverture de la succession,
Rejette toute autre demande,
Ordonne l'emploi des dépens d'appel en frais privilégiés de partage et rappelle que Danielle X... bénéficie de l'aide juridictionnelle.
Le Greffier Le Président