Grosses délivrées
RÉPUBLIQUE FRANOEAISE
aux parties le :
AU NOM DU PEUPLE FRANOEAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
1ère Chambre - Section H
ARRÊT DU 17 MAI 2005
(no 18, 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :
2004/23571 Décision déférée à la Cour : no 04-D-60 rendue le 25 novembre 2004 par le Conseil de la concurrence DEMANDEUR AU RECOURS :
- la société G3S, SA Prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration dont le siège est : 26, rue Georges Sand 75016 PARIS représentée par Maître Dominique OLIVIER, avoué près la Cour d'Appel de PARIS assistés de Maître Hervé LEHMAN du Cabinet AVENS LEHMAN etamp; associé, avocat au barreau de PARIS Toque 286 67, boulevard Haussmann 75008 PARIS EN PRÉSENCE DE : - M. LE MINISTRE DE X..., DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE 59, boulevard Vincent Auriol 75703 PARIS représenté par Michel ROSEAU, muni d'un pouvoir régulier COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 Mars 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :
- Mme Y...,
- M. REMENIERAS, Conseiller
- Mme Z..., Conseillère
qui en ont délibéré GREFFIER, lors des débats : M. DUPONT A...
PUBLIC : représenté lors des débats par M. B..., Avocat Général, qui a fait connaître son avis.
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Mme Y...,
- signé par Mme Y..., présidente et par M. TRUET-CALLU, greffier présent lors du prononcé. * * *
La société AGFA-GEVAERT (ci-après AGFA), qui commercialise des appareils assurant la reproduction des clichés obtenus à partir d'appareils d'imagerie médicale et a mis en place un réseau de sous-traitants chargé du service de maintenance vendu avec ces appareils, a conclu en 1998 avec la société G3S un contrat de sous-traitance d'une durée d'un an, régulièrement renouvelé jusqu'en 2002.
En décembre 2002, AGFA a annoncé à ses sous-traitants la mise en place d'un plan de réorganisation intitulé MOZAIC comportant, notamment, une nouvelle délimitation de leurs secteurs d'intervention ainsi qu'un nouveau mode de calcul de leur rémunération, reposant désormais sur une base forfaitaire.
Après avoir proposé à G3S la signature d'un nouvel accord, qui a donné lieu à discussions et négociations, AGFA, par courrier du 22 septembre 2003, a finalement notifié à cette entreprise, qui n'avait pas accepté ses conditions, la résiliation du contrat de sous-traitance.
C'est dans ces conditions que, par lettre du 1er avril 2004, G3S a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en oeuvre par sa partenaire en infraction avec les dispositions de l'article L 420-2 du Code de commerce, qui auraient consisté : - à lui imposer
une clause d'exclusivité lui interdisant de développer une activité de maintenance avec d'autres fabricants, - à résilier le contrat de sous-traitance en lui imposant de nouvelles conditions commerciales inacceptables, - enfin, à détourner les éléments de son fonds de commerce par le débauchage massif de ses salariés et le recours à ses propres sous-traitants.
Par décision no 04-D-60 du 25 novembre 2004, le Conseil, après avoir décidé de faire application des dispositions de l'article L 462-8 du Code de commerce, a rejeté la saisine de G3S.
La COUR,
Vu le recours formé par la société G3S le 23 décembre 2004,
Vu le mémoire, déposé le 25 janvier 2005 à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique déposé le 7 mars 2005, par lequel cette société demande à la Cour : - à titre principal,
- d'annuler la décision frappée de recours pour non respect des délais de procédure et violation du principe du contradictoire, - à titre subsidiaire,
- de dire que les faits dénoncés sont susceptibles de constituer des abus prohibés par l'article L 420-2 du Code de commerce,
En conséquence,
- d'infirmer la décision du Conseil,
En tout état de cause,
- de renvoyer l'affaire devant le Conseil de la concurrence afin de prendre les mesures permettant de sanctionner les pratiques restrictives de concurrence dénoncées ;
Vu les observations du Conseil de la concurrence, déposées le 21 février 2005 ;
Vu les observations du ministre de l'économie, déposées le 21 février 2005, tendant au rejet du recours ;
Vu les observations écrites du ministère public, mises à la disposition des parties à l'audience ;
Ou' à l'audience publique du 29 mars 2005 en leurs observations orales le conseil de la partie requérante, le représentant du ministre chargé de l'économie et le ministère public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer et la société G3S ayant eu la parole en dernier ;
SUR CE
I Sur la procédure
Considérant qu'à l'appui de sa demande d'annulation de la décision déférée, la requérante prétend qu'à l'issue d'une procédure "expresse", le Conseil, devant qui elle n'a pas été régulièrement convoquée, a violé les droits de la défense et le principe du contradictoire en omettant de lui communiquer les motifs du rapporteur à l'appui de sa proposition de rejet de la saisine et, de surcroît, en rejetant cette saisine sur un fondement différent de celui qui a été débattu en séance ;
Mais considérant que le conseil de G3S ayant adressé lui-même la saisine au Conseil et communiqué au rapporteur les précisions demandées à sa cliente, puis assisté son dirigeant lors de son audition par le rapporteur, le Conseil, était fondé à considérer que l'entreprise plaignante avait donné à son avocat mandat de la représenter ;
Que s'il est vrai que le courrier recommandé de convocation daté du 13 octobre 2004 pour la séance du 3 novembre 2004 n'a pas été adressé tout à fait dans le délai de "trois semaines au moins" prescrit par l'article 39 du décret no2002-689 du 30 avril 2002, force est de constater que la requérante qui n'avait soumis aucune contestation de ce chef devant le Conseil ne prétend ni ne démontre à l'appui de son recours avoir, de ce fait, subi un quelconque grief, notamment en
raison de l'impossibilité de présenter des observations en temps utile ;
Que, s'agissant du principe du contradictoire, le Conseil qui n'était pas appelé à statuer sur des pratiques reprochées en vertu d'une notification des griefs était seulement tenu d'examiner, sans établissement préalable d'un rapport, les faits dénoncés par G3S au soutien de la saisine et d'apprécier si ces faits la justifiaient ou devaient conduire à son rejet ; que la séance du Conseil avait de toute façon été précédée par la communication, à l'initiative du rapporteur, d'une série de questions précises et d'une demande de pièces puis d'une audition du dirigeant de G3S à l'occasion de laquelle celui-ci a été invité à fournir des éléments de réponse sur les pratiques alléguées ; qu'informé ensuite, aux termes de la convocation critiquée, que le rapporteur proposerait au Conseil le rejet de la saisine pour absence d'éléments suffisamment probants, le conseil de G3S a été mis en mesure de présenter en séance au cours de débats contradictoires les moyens de nature à soutenir sa demande ;
Considérant, enfin, que le Conseil a statué en application des dispositions de l'article L 462-8 alinéa 2 du Code de commerce en rejetant la saisine pour absence d'éléments suffisamment probants et non, comme le soutient la requérante, sur un motif d'irrecevabilité de cette saisine visé par l'article L 462-8 alinéa 2 du même Code ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande d'annulation de la décision déférée n'est pas fondée ;
II Sur le fond
Considérant que G3S demande à la Cour de réformer la décision du Conseil qui a retenu à tort que les faits dénoncés à l'encontre d'AGFA, entreprise en situation de position dominante, ne constituaient pas les abus prohibés par l'article L 420-2 du Code de commerce ;
1) en ce qui concerne la clause d'exclusivité
Considérant que G3S maintient que cette clause contraignante, d'un caractère absolu, qui lui interdit d'effectuer des opérations de maintenance sur des appareils commercialisés par les concurrents d'AGFA, affecte le jeu de la concurrence ;
Mais considérant que le Conseil a exactement relevé que tel n'était pas le cas en l'espèce dès lors que la clause critiquée, qui reconnaît, de manière générale, au sous-traitant la possibilité d'intervenir sur tous les matériels qui n'ont pas été ou ne sont pas diffusés, prévoit seulement son accord préalable écrit dans le cas où ces matériels seraient concurrents des siens ;
Qu'à cet égard, G3S, dont le dirigeant s'est simplement borné à déclarer au rapporteur que des autorisations, demandées "verbalement", avaient été refusées, n'a pas produit d'éléments de nature à démontrer qu'un tel accord avait été effectivement sollicité puis refusé par AGFA ;
Que le Conseil a, enfin, observé avec pertinence que la durée limitée à un an du contrat de sous-traitance avec une possibilité de tacite reconduction offrait de toute façon à la requérante la possibilité de le dénoncer à intervalles rapprochés, de surcroît sans pénalité ;
2) en ce qui concerne la rupture des relations commerciales
Considérant que G3S soutient encore que le Conseil a commis une autre erreur d'appréciation en refusant de qualifier cette rupture d'abusive alors que celle-ci n'est que la conséquence directe de son refus de se soumettre aux conditions commerciales injustifiées d'AGFA ;
Considérant qu'en l'espèce, cette dernière a mis en oeuvre un plan de réorganisation de son réseau de maintenance consistant en une nouvelle délimitation des zones d'intervention de ses sous traitants et en un nouveau système de rémunération ; que, dans le cadre de ce
plan, AGFA a proposé à ses sous-traitants la signature d'un nouvel accord dont les conditions ont précisément été réfusées par G3S, qui les estimait désavantageuses, ce qui a alors déterminé la résiliation du contrat de sous-traitance dans les formes et délais prévus par cette convention ;
Considérant que le Conseil a justement retenu que la circonstance, mise en exergue par la requérante, selon laquelle les propositions de sa partenaire impliquaient une baisse de son volume d'activité, ne suffit pas à établir le caractère injustifié de telles propositions qui est incriminé par l'article L 420-2 du Code de commerce, dès lors qu'un fabricant est, en effet, libre de modifier comme il l'entend la structure de son réseau de distribution sans que ses cocontractants bénéficient d'un droit acquis au maintien de leur situation ;
3) en ce qui concerne les démissions de techniciens
Considérant que G3S prétend enfin avoir communiqué au Conseil des indices suffisants de débauchage par AGFA de certains de ses salariés, compte tenu de la co'ncidence entre, d'une part, les "suggestions" faites par AGFA sur leur sort dans un courrier et, d'autre part, leurs démissions ;
Mais considérant que, dans le courrier incriminé du 22 septembre 2003, cette entreprise se borne en réalité à répondre aux propres préoccupations de G3S exprimées à l'occasion d'une précédente réunion sur la situation de 11 salariés, en formulant simplement, à sa demande, des suggestions de reclassement auprès de tel ou tel de ses sous-traitants, ce qui ne constitue pas un indice de débauchage ;
Considérant que le Conseil était dès lors fondé à rejeter la saisine en application de l'article L 462-8 du Code de commerce sans avoir à se prononcer sur la délimitation exacte des marchés pertinents ou encore sur l'existence d'un état de dépendance économique ou d'une
éventuelle position dominante, laquelle n'est d'ailleurs alléguée par G3S qu'à partir d'assertions d'AGFA non assorties d'éléments économiques objectifs ;
Considérant qu'il suit de là que le recours de la société G3S doit être rejeté ;
PAR CES MOTIFS
Rejette le recours,
Condamne la société G3S au dépens. LE GREFFIER,
LA PRÉSIDENTE,