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22/02/2005 | FRANCE | N°JURITEXT000006946163

France | France, Cour d'appel de Paris, Ct0175, 22 février 2005, JURITEXT000006946163


COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section H

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2005

(no , 9 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2004/13460 Décision déférée à la Cour : no 04-D-32 rendue le 08 juillet 2004 par le Conseil de la Concurrence DEMANDEUR AU RECOURS :

- la société JC DECAUX agissant par ses dirigeants en exercice dont le siège social est : 17, rue Soyer 92200 NEUILLY SUR SEINE représentée par la SCP DUBOSCQ etamp; PELLERIN, avoués associés assistée de Maître Sophie BLAZY de la SELARL FLECHEUX etamp; ASSOCIES, avocat au bar

reau de PARIS 5, avenue de Messine 75008 PARIS DEMANDEUR AU RECOURS INCIDENT : - M. LE MINISTRE DE...

COUR D'APPEL DE PARIS

1ère Chambre - Section H

ARRÊT DU 22 FÉVRIER 2005

(no , 9 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2004/13460 Décision déférée à la Cour : no 04-D-32 rendue le 08 juillet 2004 par le Conseil de la Concurrence DEMANDEUR AU RECOURS :

- la société JC DECAUX agissant par ses dirigeants en exercice dont le siège social est : 17, rue Soyer 92200 NEUILLY SUR SEINE représentée par la SCP DUBOSCQ etamp; PELLERIN, avoués associés assistée de Maître Sophie BLAZY de la SELARL FLECHEUX etamp; ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS 5, avenue de Messine 75008 PARIS DEMANDEUR AU RECOURS INCIDENT : - M. LE MINISTRE DE X..., DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE 59 boulevard Vincent Auriol 75703 PARIS représenté par M. Michel Y..., muni d'un pouvoir régulier DÉFENDEUR AU RECOURS : - La société CLEAR CHANNEL FRANCE, anciennement dénommée société MORE GROUP FRANCE SA dont le siège social est : 21, boulevard de la Madeleine 75001 PARIS représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoués associés assistée de Maître Jacques-Philippe GUNTHER, avocat au barreau de PARIS 2-4, rue Paul Cézanne 75008 PARIS COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 11 janvier 2005, en audience publique, devant la Cour composée de :

- Mme Z...,

- M. REMENIERAS, Conseiller

- Mme A..., Conseillère

qui en ont délibéré GREFFIER, lors des débats : M. TRUET-CALLU MINISTÈRE B... : représenté lors des débats par M. C..., Avocat

Général, qui a fait connaître son avis. ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Mme Z..., présidente

- signé par Mme Z..., présidente et par M. TRUET-CALLU, greffier présent lors du prononcé.

[*

Après avoir, à l'audience publique du 11 janvier 2005, entendu les conseils des parties, les observations de Monsieur le représentant du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et celles du ministère public, les conseils des parties ayant eu la parole en dernier ; *]

Le groupe Decaux est un groupe international actif dans les secteurs de la publicité extérieure et du mobilier urbain. Depuis 1965, la ville de Rennes lui avait confié l'implantation de mobilier urbain, en lui accordant le droit exclusif de faire de la publicité sur ces équipements.

Le 23 octobre 1995, la ville de Rennes a notifié à la société JC Decaux sa décision de ne pas reconduire leurs relations contractuelles à l'échéance du 31 octobre 1997.

Puis elle a mis en oeuvre une procédure de consultation collective en vue de la passation de marchés publics portant sur la mise à disposition de mobiliers urbains, à l'issue de laquelle, le 17 juillet 1997, l'offre de la société More Group France a été retenue, la société JC Decaux étant informée dès le lendemain que la sienne ne l'était pas.

Le 24 septembre 1998, la société More Group France a saisi le Conseil de la concurrence de pratiques mises en oeuvre par des sociétés du groupe Decaux entravant son implantation à Rennes.

Par décision no 04-D-32 du 8 juillet 2004, le Conseil de la concurrence a adopté les dispositions suivantes : - article 1 : il

n'est pas établi que le groupe Decaux a enfreint les dispositions de l'article 82 du traité CE et de l'article L 420-2 du Code de commerce en implantant des mobiliers sur des emplacements privés au 177 et au 198 rue de Fougères à Rennes, - article 2 : il n'est pas établi que le comportement du groupe Decaux à l'égard des bailleurs privés a enfreint les dispositions de l'article 82 du traité CE et de l'article L 420-2 du Code de commerce, - article 3 : il est établi que le groupe Decaux a enfreint les dispositions de l'article 82 du traité CE et de l'article L 420-2 du Code de commerce,

. en ayant, en 1997 et 1998, maintenu et exploité le mobilier urbain et publicitaire de Rennes au-delà de l'échéance du contrat,

. en ayant offert, en 1998 et 1999, sur la ville de Rennes, la gratuité de l'affichage sur les panneaux Senior pour 18 campagnes publicitaires et la prise en charge de frais techniques liés à la transformation du format des affiches pour 14 campagnes,

. en ayant, à partir des tarifs 1999 et 2000, permis aux annonceurs de compléter l'achat d'un réseau 2 m en province par des panneaux Senior à Rennes et d'avoir pris en charge, à partir du tarif 2000, les frais techniques liés au changement de format des affiches à Rennes. - article 4 : une sanction pécuniaire de 700 000 euros est infligée à la société JC Decaux SA. LA COUR :

Vu le recours formé par la société JC Decaux SA le 10 août 2004,

Vu le recours incident formé par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie le 10 septembre 2004,

Vu le mémoire déposé le 10 septembre 2004 par la société JC Decaux SA à l'appui de son recours, soutenu par son mémoire en réplique du 6 décembre 2004, par lequel cette société demande à la cour :

- à titre principal, de retenir : - que la procédure d'instruction a méconnu les droits de la défense, - que le Conseil de la concurrence

a excédé le champ de sa saisine en examinant le grief tiré de la gratuité de campagnes publicitaires en 8 m et de la prise en charge de frais techniques sur la ville de Rennes et le grief tiré des tarifs 1999 et 2000, - que les motifs retenus par la décision à son encontre ne sont fondés ni en droit ni en fait, en conséquence d'annuler purement et simplement la décision frappée de recours dans sa totalité,

- à titre subsidiaire, de réformer la décision attaquée en ce qu'elle ne respecte pas les principes de proportionnalité de la sanction,

- de condamner la société More Group France à lui verser une somme de 20 000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec faculté de recouvrement en application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile,

Vu le mémoire en défense déposé le 18 octobre 2004 par lequel la société Clear Channel France, nouvelle dénomination de la société More Group France, poursuit la confirmation de la décision et demande à la cour de condamner la société JC Decaux SA au paiement d'une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ainsi qu'aux dépens avec application de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile, et s'associe au recours incident,

Vu les observations écrites déposées le 5 novembre 2004 par lesquelles le Ministre de l'économie demande à la cour de rejeter le recours formé par la société JC Decaux SA et de réformer la décision en ce qu'elle a écarté le grief concernant l'implantation de deux panneaux publicitaires sur des terrains privés de nature à empêcher l'exploitation commerciale par la société More Group France de deux panneaux précédemment exploités par le groupe Decaux, en conséquence d'aggraver la sanction infligée et de prononcer une injonction de publication de l'arrêt dans un journal économique de diffusion

nationale,

Ou' à l'audience publique du 11 janvier 2005 en leurs observations orales les conseils des parties et les représentants du ministre chargé de l'économie et du ministère public, chaque partie ayant été mise en mesure de répliquer et la société JC Decaux SA ayant eu la parole en dernier,

SUR CE :

1 sur le recours en annulation de la société JC Decaux SA - sur les droits de la défense

Considérant que, faisant valoir que la communication des griefs doit préciser sans équivoque la personne juridique qui sera susceptible de se voir infliger des amendes, la société JC Decaux SA soutient que le Conseil de la concurrence aurait dû annuler la procédure, les droits de la défense des sociétés du groupe ayant été violés dès lors que tous les griefs d'abus de position dominante avaient été notifiés indistinctement à elle-même, société-mère, comme à ses trois filiales, les sociétés JC Decaux Holding, JC Decaux Mobilier Urbain et Decaux Publicité Extérieure, et que les pratiques en cause ne pouvaient être imputées en totalité à chacune d'entre elles ;

Mais considérant que l'atteinte aux droits de la défense doit s'apprécier en la personne de l'entreprise condamnée, soit en l'espèce de la société JC Decaux SA ; qu'ayant relevé, à l'issue de l'instruction, que les pratiques reprochées avaient été mises en oeuvre par les filiales de cette société mais que ces dernières, étant dépourvues d'autonomie, formaient avec elle une unité économique caractérisant une entreprise au sens du droit de la concurrence, le Conseil a décidé de mettre hors de cause les filiales pour ne retenir que la responsabilité de la société JC Decaux SA ; qu'en cet état, la société JC Decaux SA, qui a été mise en mesure d'assurer sa défense en bénéficiant des garanties essentielles que

lui assurait la procédure contradictoire ouverte par la notification des griefs, ne justifie d'aucune violation de ses droits fondamentaux ;

Que le moyen n'est pas fondé ; - sur les limites de la saisine du Conseil

Considérant que la société JC Decaux SA reproche au Conseil d'avoir excédé le champ de sa compétence en sanctionnant, d'une part, des comportements antérieurs à la saisine qui n'étaient pas directement rattachables aux pratiques dénoncées par celle-ci, d'autre part, des comportements postérieurs au 24 septembre 1998 qui n'étaient pas le prolongement d'une pratique dénoncée par la saisine ;

Mais considérant que le Conseil, qui est saisi in rem de l'ensemble des faits et pratiques affectant le fonctionnement d'un marché et n'est pas lié par les demandes et qualifications de la partie saisissante, peut, sans avoir à se saisir d'office, retenir les pratiques révélées par les investigations auxquelles il a procédé à la suite de sa saisine qui, quoique non visées expressément dans celle-ci, ont le même objet ou le même effet que celles qui lui ont été dénoncées ; qu'il peut également retenir, parmi ces pratiques, celles qui se sont poursuivies après sa saisine ;

Qu'en l'espèce, la société More Group France s'était plainte des agissements du groupe Decaux sur le marché de la fourniture de mobilier urbain publicitaire, de la location d'emplacements publicitaires et de l'affichage extérieur, à la suite de la perte du marché de Rennes à son profit, qui l'empêchaient d'exploiter, dans des conditions normales, son nouveau marché de mobilier urbain à Rennes ;

Que le Conseil n'a donc pas excédé sa saisine en retenant à la charge de la société JC Decaux SA, en 1998, 1999 et 2000, des pratiques relatives à la gratuité et au panachage de l'affichage sur des

panneaux grand format (Senior) à Rennes, et à la prise en charge des frais de transformation de format d'affiche, ces pratiques ayant pour objet, notamment, de dissuader les annonceurs désireux d'afficher sur toutes les villes de plus de 100 000 habitants de contracter, pour Rennes, avec la société More Group France ; - sur la définition des marchés et la position dominante

Considérant que, pour contester les énonciations du Conseil selon lesquelles elle est en position dominante sur le marché de fourniture de mobilier urbain publicitaire aux collectivités locales, la société JC Decaux SA soutient qu'il n'y a pas lieu de segmenter le secteur de la fourniture de mobilier urbain aux collectivités locales selon le caractère publicitaire ou non des mobiliers, leur fonction publicitaire étant indifférente au regard de la fonction d'intérêt général recherchée par ces collectivités ;

Mais considérant que, si, comme le fait encore valoir la requérante, une collectivité locale n'est jamais demandeur, à titre principal, de supports publicitaires, les modalités de financement du mobilier urbain conduisent à distinguer celui qui présente un caractère publicitaire, le plus souvent mis gratuitement à la disposition des collectivités locales en contrepartie de l'autorisation donnée à l'entreprise qui les fournit de les exploiter à des fins commerciales, de celui qui en est dépourvu, dont les collectivités doivent supporter le coût, soit de location, soit d'achat ; que, dès lors, pour les collectivités locales tenues par des règles budgétaires et comptables particulières, un mobilier urbain équipé pour recevoir de la publicité n'est pas substituable à un autre mobilier remplissant la même fonction d'intérêt général mais non aménagé ;

Considérant que c'est en vain que la société JC Decaux SA conteste ensuite l'existence d'un lien de connexité entre ce marché, sur

lequel elle exerce une domination, et celui sur lequel les abus ont été relevés, à savoir le marché de la publicité extérieure où elle ne détient que 21% des parts de marché ; qu'en effet, le marché de la publicité extérieure, qui englobe l'affichage traditionnel et la publicité sur mobilier urbain, constitue un marché aval du marché de la fourniture de mobilier urbain ; qu'en outre, c'est la position dominante de la société JC Decaux SA sur le marché du mobilier urbain, qui lui permettait de proposer une prestation en réseau couvrant la quasi-totalité du territoire national, complétée par un affichage grand format à Rennes, qui a rendu possibles les pratiques commises sur le marché aval de l'affichage extérieur ; - sur les pratiques

. sur le grief relatif au maintien et à l'exploitation commerciale des mobiliers au-delà de l'échéance du contrat

Considérant que le Conseil a retenu que la société JC Decaux SA avait volontairement retardé de six mois le démontage des mobiliers et continué à les exploiter commercialement, pour dissuader à la fois les autres collectivités locales de changer à leur tour de fournisseur en augmentant artificiellement le coût du changement de prestataire, et les concurrents de soumissionner aux appels d'offres de mobiliers urbains non publicitaires en privant la société More Group France de recettes et en compromettant l'équilibre financier du contrat ;

Que la société JC Decaux SA conteste ce grief en faisant valoir, tout d'abord, qu'il ne saurait lui être reproché d'avoir été en désaccord sur la date d'expiration des conventions qui la liaient à la ville de Rennes, fixée unilatéralement par cette dernière au 31 octobre 1997, et que l'attribution du marché à la société More Group France ne l'obligeait pas à renoncer à cette contestation, dont elle a d'ailleurs saisi le juge administratif ;

Qu'elle soutient ensuite qu'il était impossible que le mobilier soit démonté au 31 octobre 1997 et que devait nécessairement s'ouvrir, à compter de cette date, une période de négociation avec la société More Group France afin de d'établir un calendrier qui tienne compte des capacités de démontage et de montage de l'une et de l'autre et ne nuise pas aux intérêts des usagers des transports collectifs ;

Qu'elle prétend encore que le calendrier qu'elle a proposé, soit le démontage des abribus en janvier et février 1998 à raison de 60 abris par semaine et par secteur était satisfaisant, et estime que, si les autres mobiliers (8m ) n'ont été démontés qu'en mai 1998, cette situation était pour partie imputable aux insuffisances de la société More Group France qui peinait à livrer les mobiliers qu'elle s'était engagée à fournir ;

Qu'elle objecte enfin qu'il n'est pas démontré que les pratiques qui lui sont reprochées aient eu pour effet de rompre l'équilibre financier du marché récemment conquis par la société More Group France et pour objet de dissuader cette société, ainsi que tout autre concurrent, de se présenter aux appels d'offres que pourraient lancer d'autres collectivités ;

Mais considérant que la société JC Decaux SA, qui revendique à juste titre le droit de contester en justice la date de résiliation de ses contrats, reconnaît elle-même qu'après l'attribution du marché à un concurrent, elle ne pouvait se maintenir sur le domaine public contre la volonté de la ville de Rennes et ne pouvait que saisir le juge administratif d'une demande indemnitaire ;

Qu'ayant été informée dès le 18 juillet 1997 de ce qu'elle avait perdu le marché de la ville de Rennes à l'échéance du 31 octobre 1997, elle avait tout loisir alors d'engager les négociations préalables au démontage, et était encore en mesure d'y procéder dans les délais lorsque la ville lui a adressé un courrier en ce sens le 3

octobre 1997 ;

Qu'au lieu de cela, il résulte des éléments du dossier, justement relatés par la décision (points 56 à 78), en particulier de la déclaration du directeur des rues de la ville de Rennes, que la société JC Decaux SA a, non seulement refusé catégoriquement de respecter la date de résiliation qui lui avait été notifiée (lettre du 16 octobre 1997), mais qu'elle a continué à souscrire de nouveaux contrats publicitaires devant prendre effet après cette date et a délibérément tardé à démonter son mobilier, entravant la coordination entre le démontage et le remontage en refusant tout contact avec son concurrent, puis cédant sous la menace de se voir substituer un tiers mais en imposant à la ville de Rennes, sous peine de démontage immédiat en plein hiver des 577 abribus, un calendrier lui permettant de reporter au mois de mai 1998 le démontage des panneaux 8 m qu'elle a exploités jusqu'à la fin en dépit des mises en garde en sens contraire qui lui étaient adressées par la Ville, cependant qu'elle déployait tous ses efforts pour se constituer un parc de substitution sur le domaine privé ; que cet enchaînement des faits démontre que le retard ainsi subi résulte de l'obstruction délibérée de la société JC Decaux SA et que les difficultés rencontrées par la société More Group France pour fournir tout le mobilier dans les mêmes temps ont eu une incidence négligeable sur le calendrier finalement retenu ;

Qu'enfin, ces pratiques, en ce qu'elles ont retardé de six mois l'installation de la société More Group France sur ses emplacements à Rennes, en la privant des recettes correspondantes et en lui infligeant des frais supplémentaires, notamment de remise en état des abribus (point 56), ont nécessairement causé un préjudice économique et commercial à la société More Group France ; qu'elles ont également nui à la ville de Rennes, contrainte d'intervenir à plusieurs

reprises dans les négociations et de prendre des mesures coercitives pour venir à bout de la résistance de la société JC Decaux SA (pièce 7 produite par cette dernière et points 56 à 72 de la décision) ; que, mises en oeuvre par une entreprise détenant une forte domination sur le territoire national, elles revêtaient un caractère exemplaire et étaient susceptibles de dissuader les concurrents et collectivités locales, éventuellement intéressés, de s'engager dans la voie d'une telle mise en concurrence ;

Que c'est donc à bon droit que le Conseil a retenu ce grief ;

. sur les griefs relatifs à la gratuité de certaines campagnes publicitaires et aux tarifs 1999 et 2000

Considérant que le Conseil de la concurrence a retenu, d'une part, que la société JC Decaux SA a, en 1998 et 1999, offert à dix-huit annonceurs qui achetaient des réseaux 2 m la gratuité de l'affichage en 8 m à Rennes et à seize d'entre eux la prise en charge des coûts techniques liés à la transformation des affiches de 2 m en 8 m , d'autre part, que les tarifs 1999 et 2000 permettaient aux annonceurs, à Rennes uniquement, de compléter leur campagne en 2 m par des panneaux de 8 m situés sur des terrains privés, le tarif 2000 prévoyant encore que les frais techniques engendrés par le changement de format d'affiche seraient pris en charge ; qu'il a estimé que cette pratique, dérogatoire et discriminatoire, et mise en oeuvre par une entreprise détenant un quasi-monopole sur le mobilier urbain pour les villes de cette taille, a eu pour objet de détourner les annonceurs désireux d'afficher sur toutes les villes de plus de 100 000 habitants de contracter, pour Rennes, avec la société More Group France ;

Considérant que la société JC Decaux SA conteste ces griefs aux

motifs, en ce qui concerne les campagnes de 1998 et 1999, que le dossier n'a permis d'établir cette gratuité avec certitude que pour trois des dix-huit campagnes retenues, qu'elle était tenue de faire ce geste commercial aux annonceurs envers lesquels elle avait contracté, de longue date, des engagements pour cette période et que l'ampleur des remises ainsi consenties était minime et n'a pu nuire à la société More Group France qui était alors dans l'impossibilité de proposer une offre en abribus ; qu'elle soutient qu'en tout état de cause, les offres critiquées, qui répondaient à des exigences de transparence et d'information et n'avaient rien d'exceptionnel, n'étaient pas discriminatoires dans la mesure où elles pouvaient bénéficier à tout partenaire désireux d'afficher à Rennes ;

Mais considérant, d'une part, que l'existence de trois campagnes sur les dix-huit retenues suffit à caractériser le premier des griefs contestés ; qu'au demeurant, le Conseil s'est fondé sur la liste produite par l'entreprise elle-même, en ne retenant que les campagnes pour lesquelles aucune facture n'avait été présentée ou qui avaient fait l'objet d'un avoir, tout en relevant que la société JC Decaux SA ne produisait aucun élément établissant qu'elles n'auraient pas eu lieu ; que la requérante, qui n'apporte pas d'élément supplémentaire, ne peut être suivie en sa contestation sur ce point ;

Que, d'autre part, la société JC Decaux SA qui, contrairement à ce qu'elle prétend, a continué à souscrire, en connaissance de cause, des engagements d'affichage en abribus (point 78 de la décision) au-delà de la date d'expiration de ses conventions avec la ville de Rennes, ne peut se prévaloir de la situation où elle s'est délibérément placée ;

Que, si ces offres n'étaient pas discriminatoires en ce qu'elles étaient proposées à tout annonceur intéressé par la ville de Rennes, elle n'en présentaient pas moins un caractère exceptionnel en ce

qu'elles permettaient, uniquement pour Rennes, un panachage entre différentes formes d'affichage et admettaient une diminution de prix, dérogeant ainsi aux strictes conditions de vente habituellement appliquées par la société JC Decaux SA ; qu'elles présentaient un caractère attractif -que la requérante ne nie d'ailleurs pas- de nature à inciter les annonceurs à ne pas négocier séparément avec la société More Group France, et dont l'effet d'éviction était d'autant majoré qu'elles étaient mises en oeuvre par une entreprise largement dominante, seule capable de proposer une offre en réseau ; qu'ainsi mises en oeuvre par une entreprise en position dominante à l'effet d'évincer un concurrent, elles étaient abusives ;

Qu'enfin, il est sans incidence pour la qualification des pratiques que ces offres n'aient représenté qu'un faible montant du chiffre d'affaires de la société JC Decaux SA pour ses campagnes nationales et que ne soit pas déterminé avec précision le préjudice qui en est directement résulté pour la société More Group France ;

2 sur les recours en réformation - sur le recours du ministre de l'économie

Considérant que le ministre soutient que la société JC Decaux SA a abusé de sa position dominante en implantant des mobiliers urbains sur deux emplacements privés au 177 et au 198 de la rue de Fougères à Rennes, empêchant la société More Group France de reprendre et d'exploiter deux autres emplacements précédemment occupés par elle ; Mais considérant que, s'il résulte du dossier que la société More Group France n'a pas pu exploiter les deux emplacements transmis par la société JC Decaux SA dès lors que ses propres panneaux auraient masqué ceux implantés entre-temps par cette dernière, il n'est pas établi que ce comportement de la société JC Decaux SA, qui pouvait légitimement développer son réseau d'affichage traditionnel à Rennes

à la suite de la perte du marché du mobilier urbain, ait eu un objet anticoncurrentiel ; que son effet anticoncurrentiel n'est pas non plus démontré dès lors que le marché obtenu par la société More Group France lui permettait de reprendre 55 mobiliers 8 m , 227 mobiliers d'information 2 m et près de 600 abribus ; qu'enfin, ces agissements sont dénués de relation causale avec la position dominante de la société JC Decaux SA sur le marché du mobilier urbain ;

Que le recours du Ministre, qui tend en conséquence à l'aggravation de la sanction et au prononcé d'une injonction de publication, ne peut être accueilli ; - sur le recours de la société JC Decaux SA

Considérant que, faisant valoir que la sanction prononcée correspond à 0,14% de son chiffre d'affaires pour l'exercice 2003, la société JC Decaux SA prétend que cette sanction n'est pas proportionnée à l'incidence des pratiques, le marché de la fourniture de mobilier urbain n'ayant cessé de s'ouvrir à la concurrence depuis 1997, ni à la gravité des faits, son attitude, dans cette situation nouvelle, ayant été déterminée par la seule volonté de pallier la perte du marché du mobilier urbain à l'égard des annonceurs ;

Mais considérant que c'est par des motifs pertinents (points 174 à 182) que la Cour adopte que le Conseil a retenu que les agissements de la société JC Decaux SA avaient eu pour objet de dissuader les collectivités de faire jouer la concurrence à son égard et avaient porté atteinte à la concurrence sur le marché national de la fourniture de mobilier urbain dans des proportions qu'il a rappelées ; qu'en l'état de ces motifs, la cour n'estime pas devoir amender la sanction prononcée, justement appréciée par référence aux critères énoncés à l'article L 464-2 du Code de commerce ;

Considérant qu'il suit de là que le recours de la société JC Decaux SA doit être rejeté ;

Et considérant que la société More Group France a dû exposer des

frais non compris dans les dépens qu'il serait inéquitable de laisser en totalité à sa charge ; qu'il convient de lui allouer une somme de 15 000 euros à ce titre ;

Qu'enfin, la représentation des parties n'étant pas obligatoire en cette matière, les dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile sont inapplicables à la présente instance ; PAR CES MOTIFS

Rejette les recours de la société JC Decaux SA et du ministre de l'économie,

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la société JC Decaux SA à payer à la société More Group France la somme de 15 000 euros et rejette sa demande,

Condamne la société JC Decaux SA aux dépens ; LE GREFFIER,

LA PRÉSIDENTE,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Ct0175
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006946163
Date de la décision : 22/02/2005

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Mme PEZARD, Présidente

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2005-02-22;juritext000006946163 ?
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