COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 29 AVRIL 2003 (N , 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2002/20067 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 27 mars 2002 par le J.A.F. du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS - Affaires Familiales (Section D, cabinet 10) RG n : 2001/39094 Décision : AU FOND APPELANT :
Monsieur Cyril X...
né le 12 septembre 1981 à CHATEAUROUX (Indre)
demeurant chez Me ANDRE-SIMONET
3, Place des Victoires
75001 PARIS
Ayant pour avocat Maître Mathieu ANDRE-SIMONET
du barreau de PARIS (E 1572)
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats et du délibéré
Président : Monsieur PÉRIÉ
Conseiller : Monsieur Y...
Conseiller : Monsieur Z...
GREFFIER
lors des débats et du prononcé
de l'arrêt : Mlle A...
MINISTERE PUBLIC
Auquel le dossier a été préalablement communiqué.
Représenté aux débats par Monsieur B...,
Avocat Général, qui a été entendu en ses explications.
DEBATS
à l'audience du 21 mars 2003
tenue en chambre du conseil
ARRET
prononcé hors la présence du public
par Monsieur PÉRIÉ, Président,
qui a signé la minute avec Mlle A..., Greffier. * * *
Cyril X... est né le 12 septembre 1981 de Paul X... et de Béatrice Delègue qui l'ont reconnu respectivement les 12 septembre 1981 et 29 septembre 1981.
Par requête déposée le 31 janvier 2001 au tribunal de grande instance de Paris, Cyril X... a sollicité la substitution du nom de sa mère à celui de X..., sur le fondement de l'article 334-3 du code civil. Le ministère public a fait valoir que la procédure relève de la
matière contentieuse et a invité le demandeur à saisir la juridiction par la voie contentieuse.
Le tribunal de grande instance a, par jugement du 27 mars 2002, pris au visa des articles 334-3 du code civil et 54 du nouveau code de procédure civile, constaté que Cyril X... l'a saisi par simple requête, l'a déclarée irrecevable au motif que, la procédure étant contentieuse, il aurait dû être saisi par la voie d'une assignation, et mis à la charge de Cyril X... les dépens de l'instance.
Appelant de ce jugement Cyril X... en poursuit l'infirmation et demande de dire que sa demande est de nature gracieuse et que son nom sera remplacé par celui de Delègue, avec modification de son acte de naissance.
Il conteste devoir user de la voie contentieuse pour changer de nom expliquant qu'il ne souhaite pas que son père soit informé de sa démarche, craignant qu'il ne se venge physiquement sur lui ou sur l'un de ses proches.
Il affirme que les conditions de l'article 25 du nouveau code de procédure civile déterminant les affaires gracieuses sont réunies en l'espèce, puisqu'il n'existe pas de litige et que la matière relève de celle soumise au contrôle du juge.
Il articule que la demande de changement de nom par déclaration conjointe concerne une hypothèse particulière et que, dans les autres cas, se pose la question de savoir si la demande est gracieuse ou contentieuse ; que lorsque l'enfant est devenu majeur, il n'existe plus de litige entre les parents sur le nom, et le jeune majeur peut demander seul la modification de son patronyme par requête ; qu'il dit que la direction des affaires civiles et du sceau du ministère de la Justice partage son analyse.
Il ajoute que le cas d'un jeune majeur souhaitant changer de nom ne peut pas être assimilé à celui d'un mineur dont les deux parents sont
en désaccord sur la substitution du nom.
Il expose, sur le fond de sa demande, que ses parents se sont séparés lorsqu'il avait cinq ans, et que pendant toutes les années de vie commune, Paul X... s'est montré extrêmement violent à l'égard de Béatrice Delègue, laquelle a décidé en 1988 de s'expatrier au Japon avec son fils mineur où il vit encore et a toujours été connu sous le nom de sa mère.
Sur ce, la Cour,
Considérant qu'aux termes de l'article 25 du nouveau code de procédure civile le juge statue en matière gracieuse lorsqu'en l'absence de litige, il est saisi d'une demande dont la loi exige, en raison de la nature de l'affaire ou de la qualité du requérant, qu'elle soit soumise à son contrôle ;
Considérant que selon l'article 334-1 du code civil l'enfant naturel acquiert le nom de celui de ses deux parents à l'égard de qui sa filiation est établie en premier lieu,
Qu'en application de l'article 334-2 si les deux parents en font la déclaration conjointe l'enfant naturel dont la filiation a été successivement établie à l'égard de ses deux parents prend, par substitution, le nom de famille de celui de ses deux parents à l'égard duquel sa filiation a été établie en second lieu, et qu'en vertu de l'article 334-3 "dans tous les autres cas, le changement de nom de l'enfant naturel doit être demandé au juge aux affaires familiales. ....L'action est ouverte pendant la minorité de l'enfant et dans les deux années qui suivront, soit sa majorité , soit une modification apportée à son état" ;
Considérant que ces dispositions figurent au Livre 1er titre VII du code civil dans le chapitre III relatif à la filiation naturelle, le nom en constituant un des effets ;
Considérant que si le mode d'acquisition du nom pour l'enfant est
fixé par la loi en fonction de l'ordre chronologique des reconnaissances par ses auteurs, le législateur a toutefois prévu que ses parents pouvaient volontairement y déroger en en faisant la demande conjointe ; qu'en l'occurrence compte tenu des différends opposant les auteurs de Cyril X..., une telle démarche n'a pas été entreprise et, sa mère n'ayant pas agi en substitution du nom de son fils, c'est Cyril X... qui exerce l'action ; que l'exercice de celle-ci par l'enfant naturel devenu majeur est soumis à des conditions strictes de délai, à savoir dans les deux années qui suivent son accession à la majorité, ou qui suivent la modification de son état ; que la loi, en subordonnant l'action à des conditions restrictives, n'a pas entendu ouvrir un libre droit à une modification du patronyme de l'enfant naturel ;
Considérant en l'espèce que si Cyril X... porte le nom de son père, c'est que ses auteurs le lui ont conféré par une manifestation de volonté, en décidant que le père procéderait avant la mère à la reconnaissance de l'enfant ; que seule une autre expression commune de leur volonté aurait permis pendant sa minorité de modifier cette acquisition par requête conjointe ; qu'au demeurant seule cette action relève aux termes de l'article 1153 du nouveau code de procédure civile de la procédure gracieuse ; que "dans les autres cas" de l'article 334-3 du code civil, l'objet de la demande de substitution du nom de l'un des parent par celui de l'autre est litigieux et présente un caractère contentieux dès lors que le nom constitue un des effets de la filiation de l'enfant et que l'action affecte le patronyme que les auteurs de l'enfant naturel ont choisi de lui attribuer ;
Considérant par suite que Cyril X... ayant persisté dans sa volonté d'utiliser la procédure gracieuse, bien qu'invité à procéder par la voie contentieuse, il convient de confirmer le jugement qui a déclaré
irrecevable sa requête ;
Par ces motifs
Confirme le jugement du 27 mars 2002,
Met les dépens à la charge de Cyril X... LE GREFFIER LE PRESIDENT