COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRÊT DU 1er AVRIL 2003 (N , 14 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :
2002/18762 2002/18856 Décision dont recours : décision de la Commission des opérations de bourse en date du 24/09/2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : REJET DEMANDEURS AU RECOURS :
- Monsieur X... Y... ... par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoués, 22 rue Berger - 75009 PARIS Assisté de Maître O. METZNER, 100 rue de l'Université - 75007 PARIS - Monsieur Z... A... ... par la SCP MONIN, avoué, 1 rue de la Néva - 75008 PARIS Assisté de Maître K. LEVINE, 51 avenue Montaigne - 75008 PARIS EN PRÉSENCE DE : - LA COMMISSION DES OPÉRATIONS DE BOURSE, 39-43 quai André Citroùn - 75015 PARIS Représentée aux débats par Monsieur B..., muni d'un mandat régulier. COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Monsieur BREILLAT,
Président Madame C...,
Président Monsieur LE D...,
Conseiller GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt, Madame PADEL,
Greffier MINISTÈRE PUBLIC : Monsieur E...,
Substitut général, DÉBATS : A l'audience publique du 18 Février 2003, ARRÊT : Prononcé publiquement le PREMIER AVRIL DEUX MIL TROIS, par Monsieur BREILLAT, Président, qui en a signé la minute avec Madame PADEL, greffier.
* * * Après avoir, à l'audience publique du 18 février 2003, entendu les conseils des requérants, le représentant du Président de la
Commission des opérations de bourse en ses observations, et le Ministère Public, les conseils des requérants ayant eu la parole en dernier. * * *
La société JET MULTIMÉDIA développe une activité consistant principalement à héberger des serveurs Minitel et Internet et à fournir au public un accès à Internet. Ses actions sont admises aux négociations du second marché de la Bourse de Paris.
Par accord en date du samedi 16 septembre 2000, ses principaux actionnaires se sont engagés irrévocablement à apporter à l'opérateur français 9 TÉLÉCOM, filiale de l'opérateur italien TÉLÉCOM ITALIA, 2 054 225 actions représentant 20,27 % du capital et 28,34 % des droits de vote de la société JET MULTIMEDIA.
Le lundi 18 septembre 2000, la société 9 TÉLÉCOM a déposé une offre publique d'achat amicale sur les 79,73 % du capital de la société JET MULTIMÉDIA répartis dans le public. Le prix proposé pour l'action JET MULTIMÉDIA (83 euros) représentait une prime de 12 % par rapport au dernier cours coté (74,10 euros). L'offre valorisait JET MULTIMÉDIA à 887 millions d'euros.
A partir du 14 août 2000, le titre JET MULTIMÉDIA avait connu une activité soutenue et constante : alors qu'à cette date, le titre cotait 41,8 euros, il atteignait 74,1 euros le 15 septembre 2000, soit une augmentation de 77 % en l'espace d'un mois.
Dans ces circonstances, le Directeur général de la Commission des Opérations de Bourse (ci-après C.O.B.) décidait, le 15 février 2001, d'ouvrir une enquête sur le marché du titre JET MULTIMÉDIA à compter du 1er juin 2000.
L'enquête a permis d'établir que deux cadres financiers de très haut niveau de la société TÉLÉCOM ITALIA, M. Y... X... , Directeur financier, et M. A... Z..., responsable de la trésorerie, avaient acquis, par l'intermédiaire d'une banque luxembourgeoise et d'une
banque suisse, respectivement 10 000 et 6 000 titres JET MULTIMÉDIA à partir du 5 septembre 2000 et jusqu'au 15 septembre 2000, veille de l'engagement d'apports des principaux actionnaires.
Le résultat de ces investigations a conduit le Directeur général de la C.O.B., en application de l'article 5 du décret N° 90-263 du 23 mars 1990 relatif à la procédure de sanctions administratives prononcées par la C.O.B. modifiée par le décret N° 2000-721 du 1er août 2000, à demander à son Président, par lettre du 16 novembre 2001, de désigner parmi les membres de la Commission un rapporteur chargé, après examen du dossier, de notifier d'éventuels griefs à la ou les personnes mises en cause. Le 14 décembre 2001, le Président de la Commission a nommé M. Christophe F... en qualité de rapporteur.
Par lettres du 25 février 2002, le rapporteur de la C.O.B. a notifié à M. X... et à M. Z... les griefs liés à l'utilisation d'une information privilégiée par des personnes la détenant notamment à raison des fonctions qu'ils exerçaient au sein d'un tel émetteur, sur le fondement des articles 1 à 5 du règlement 90-08 de la C.O.B., relatif à l'utilisation d'une information privilégiée.
En réponse à la notification des griefs, M. X... a soutenu dans un mémoire daté du 27 mai 2002 que les manquements relevés n'étaient pas constitués puisqu'il n'avait passé aucun ordre d'achat de titres JET MULTIMÉDIA à partir de ses comptes suisses et luxembourgeois ; qu'il n'avait été informé du projet d'offre publique d'achat de 9 TÉLÉCOM sur JET MULTIMÉDIA que deux ou trois jours avant la réunion du 14 septembre 2000, soit durant la phase finale des négociations ; qu'il ne bénéficiait d'aucune information précise avant la date de fixation du prix, soit le 16 septembre 2000 ; que M. Z... ne l'avait
informé des achats de titres qu'il avait effectués pour son compte que le lendemain de l'OPA et que l'information relative à une opération visant JET MULTIMÉDIA était devenue publique antérieurement au 5 septembre 2000.
M. Z... a fait valoir dans son mémoire en défense du 3 mai 2002 que l'information relative à l'opération JET MULTIMÉDIA était publique au moins depuis la mi-août 2000 ; qu'elle n'était pas suffisamment précise pour que l'on puisse la considérer comme une information privilégiée et que la preuve du fait qu'il aurait été en possession d'une information privilégiée n'était nullement établie.
Le 12 septembre 2002, M X... a adressé des observations complémentaires insistant, sans véritable nouveauté, sur l'idée que " M. Z... a agi à l'insu de M. X..." et qu'il n'aurait été informé des achats effectués par M. Z... à son bénéfice que le 19 septembre 2000. Il a souligné aussi que l'information exploitée n'aurait pas pu être privilégiée puisque la rumeur d'une offre publique sur les titres de la société JET MULTIMÉDIA aurait circulé sur le marché depuis plusieurs semaines.
Le 20 septembre 2002, M. Z... a adressé de nouvelles observations soutenant en particulier que le principe de la présomption d'innocence, prévu à l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (C.E.D.H.), n'aurait pas été respecté du fait que la "construction du dossier " aurait été faite à partir du "postulat" selon lequel M. Z... aurait nécessairement utilisé une information privilégiée.
Retenant que Messieurs Y... X... et A... Z... avaient eu connaissance d'une information privilégiée et l'avait utilisée en contrevenant aux dispositions des articles 2 et 5 du règlement de la C.O.B. N° 90-08 et de l'article L. 621-14 du Code monétaire et financier, la C.O.B. a, par décision du 24 septembre 2002, prononcé à
l'égard de M. X... une sanction pécuniaire d'un montant de 300 000 euros, de M. Z... une sanction pécuniaire d'un montant de 150 000 euros et ordonné la publication de la décision à son Bulletin mensuel et au Journal Officiel de la République Française.
Le 30 octobre 2002, M. X... a formé un recours en annulation et, subsidiairement, en réformation à l'encontre de cette décision.
Le 31 octobre 2002, M. Z... a formé un recours en annulation et subsidiairement en réformation à l'encontre de la décision de la C.O.B.. Il a sollicité également la condamnation de la C.O.B. à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et les dépens. * * *
Vu le mémoire déposé le 29 novembre 2002, dans lequel M. X..., requérant, soutient à l'appui de son recours, à titre liminaire, que la décision de la C.O.B. n'a pas été prise par une formation impartiale et, à titre subsidiaire, d'une part que l'information relative à l'OPA de 9 TÉLÉCOM sur JET MULTIMÉDIA ne correspondait pas, le 5 septembre 2000, à une information privilégiée, d'autre part qu'il n'en a eu connaissance que postérieurement au 5 septembre 2002, et enfin que les actes litigieux ont été commis sans qu' il en ait eu connaissance ;
Vu le mémoire déposé le 29 novembre 2002, dans lequel M. Z..., requérant, soutient à l'appui de son recours, à titre principal, que d'une part la décision de la C.O.B. a été prise en violation du principe du respect de la présomption d'innocence et de manière partiale en ce qui concerne la charge de la preuve, d'autre part que l'information n'était pas une information privilégiée, et qu'il ne la détenait pas, à titre subsidiaire, que la règle de proportionnalité de la sanction pécuniaire n'a pas été respectée ;
Vu les observations écrites de la C.O.B. produites le 17 janvier 2003 tendant au rejet des recours ;
Vu le mémoire récapitulatif déposé par M. X... le 10 février 2003 ;
Vu le mémoire en réponse déposé par M. Z... le 10 février 2003 ;
Ou' les observations du Ministère Public à l'audience du 18 février tendant au rejet des recours ; SUR CE, SUR LES MOYENS TENDANT À L'ANNULATION DE LA PROCÉDURE ET DE LA DÉCISION DÉFÉRÉE :
Considérant que selon l'article 6.1° de la C.E.D.H., toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement par un tribunal indépendant et impartial ;
Que ces prescriptions s'appliquent à la procédure de sanctions prévue par les articles L. 621-14 et L.621-15 du Code monétaire et financier qui, bien que de nature administrative, visent comme en matière pénale, par leur montant et la publicité qui leur est donnée, à punir les auteurs de faits contraires aux normes générales édictées par les règlements de la Commission et à dissuader les opérateurs de se livrer à de telles pratiques ;
Qu'aux termes de l'article 9, alinéa 3, du décret du 23 mars 1990 relatif à la procédure d'injonctions et de sanctions administratives prononcées par la C.O.B., modifié par le décret du 1er août 2000, la décision est prise en la seule présence du président, des membres autres que le rapporteur et du secrétaire de la Commission ;
Que ces dispositions ont pour finalité d'assurer l'indépendance et l'impartialité de la C.O.B. lorsqu'elle prononce des injonctions ou des sanctions administratives ;
Considérant qu'invoquant l'ensemble des textes précités, Messieurs X... et Z... dénoncent un manquement à la stricte séparation entre les autorités d'instruction et de jugement en faisant valoir que la lecture de la décision de la C.O.B. du 24 septembre 2002 revèle que la Commission s'est contentée de reprendre in extenso le rapport de M. F... en date du 9 juillet 2002 ; qu'ils soulignent
que si le rapporteur chargé de l'instruction était certes absent physiquement lors du délibéré, il apparaît néanmoins que la C.O.B. a purement et simplement adopté son rapport en l'intégrant mot à mot dans sa décision de sanction, 7 des 11 pages de la décision ayant été empruntées au rapporteur à une ou deux phrases ou paragraphes près, ce constat rendant "illusoires" les prévisions de la réforme du décret du 1er août 2000 ;
Mais considérant qu'aucun texte n'interdit à la Commission de s'approprier, lorsqu'elle les tient pour pertinents, des motifs figurant dans le rapport du rapporteur ;
Considérant que, en second lieu, M. Z... dénonce la violation du principe de présomption d'innocence résultant de l'étude, même superficielle, tant du rapport d'enquête sur le marché du titre JET MULTIMÉDIA émanant du Chef de Service de l'Inspection que de celui du rapport du rapporteur et de l'ensemble des pièces du dossier ; qu'il déduit de ces éléments qu'aucun élément de preuve pertinent n'ayant été rapporté à son encontre par la C.O.B., la Commission n'a pas examiné la procédure de manière impartiale ;
Mais considérant que contrairement à ce que soutient M. Z..., la décision fait état de certains éléments à décharge contenus dans le rapport d'enquête de l'Inspection et dans le rapport de synthèse rédigé par le rapporteur après instruction contradictoire du dossier et qu'à juste titre, la décision de sanction de la C.O.B. répond à l'argument avancé par M. Z..., selon lequel les manquements auxquels concluaient le rapporteur ne seraient pas prouvés, en énonçant " Que néanmoins M. Z... ne critique aucun point particulier de la procédure d'enquête et de sanction de la Commission ; qu'il ne fait que déduire de la prétendue absence de démonstration d'un manquement, un argument présenté comme ressortant de la procédure mais qui est un argument de fond " ; SUR LE FOND :
Considérant qu'à l'appui de leurs recours MM.
X... et Z... font valoir qu'à la date du début des achats litigieux de titres, le 5 septembre 2002, l'information en cause de projet d'offre publique d'achat n'était pas privilégiée, n'étant pas suffisamment précise et étant connue du public depuis plusieurs semaines ; SUR LE CARACTÈRE PRÉCIS DE L'INFORMATION
Considérant que les requérants, pour justifier le caractère imprécis du projet, soutiennent qu'à l'époque de leurs acquisitions, leur information sur le titre JET MULTIMÉDIA "opéable" était amputée d'un élément essentiel, à savoir le prix de l'offre dans la mesure où, jusqu'au 14 septembre au moins, l'initiateur de l'offre publique, la société 9 TÉLÉCOM n'avait pas encore fixé la fourchette de son offre de prix et n'avait aucune certitude de l'acceptation par le vendeur, la société JET MULTIMÉDIA, d'une telle offre ;
Considérant toutefois que la notion de précision implique un projet d'offre publique suffisamment défini entre les parties pour avoir des chances raisonnables d'aboutir, peu important l'existence d'aléas inhérents à toute opération de cette nature quant à la réalisation effective de ce projet et sans qu'il soit nécessairement arrêté un prix ;
Considérant, dès lors, qu'il convient de rechercher en l'espèce, si au moment des achats litigieux, des acquéreurs potentiels de la société cible avaient déjà engagé des pourparlers avec la société JET MULTIMÉDIA et défini précisément leur projet ;
Que sur ce point, la décision de la C.O.B. a pu justement relever, au vu des documents produits,
"Que certes, M. G... a déclaré : "jusqu'au 16 septembre 2000, l'issue des négociations a été extrêmement incertaine, de nombreux différents ayant existé jusqu'au bout .... Je tiens à dire que
jusqu'au 16 au matin, personne n'aurait pu miser une lire sur la réussite de ces négociations" ; qu'ils n'en demeure pas moins que dès le début septembre on se trouvait, dans la phase finale de l'opération, celle des négociations" ;
"Qu'en effet, comme le note M. X... en page 3 de son mémoire, c'est dès "le 22 juin 2000 qu'a été émis le premier mémorandum d'évaluation de JET MULTIMÉDIA, établi sur des informations externes" ; que selon Mme H..., supérieur hiérarchique de M. G... à la tête de la direction corporate development, la lettre d'exclusivité de négociations de TÉLÉCOM ITALIA avec la direction et les principaux actionnaires de JET MULTIMEDIA a été signée "entre fin juillet et début août";
"Que selon un tableau des "réunions et conférences téléphoniques", établi par LEHMAN BROTHERS, conseil de TÉLÉCOM ITALIA et de sa filiale 9 TÉLÉCOM avec la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE, une réunion "d'analyse de l'évaluation" s'est déroulée dans les locaux de TÉLÉCOM ITALIA les 27 et 28 juillet 2000 ; qu'une "discussion téléphonique sur l'évaluation" a eu lieu le 31 juillet en présence de salariés de TÉLÉCOM ITALIA ; qu'une "présentation d'une première évaluation est intervenue le 22 août" ;
" Que toujours selon Mme H..., "l'évaluation a été faite au cours des semaines qui ont précédé la négociation du prix (dernière semaine d'août et première semaine de septembre)", même si elle n'a été "établie" que lors de la réunion de la semaine du 11 septembre " ;
"Que d'après un autre tableau de LEHMAN BROTHERS, "la préparation et la négociation de la documentation d'offre (contrats, engagements d'apporter, projet de note d'information, lettres de dépôts)" sont également intervenus "début septembre" ;
"Qu'au moment de la réunion du 5 septembre, à laquelle participait M.
I..., collaborateur de M. X..., comme l'indique expressément le tableau établi par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE précisant qu'elle avait pour objet la "présentation de l'opération envisagée", on se situait selon Mme H... "vers la fin du projet, " la phase finale du projet JET MULTIMÉDIA ayant commencée entre la fin du mois d'août et la première semaine du mois de septembre" ;
"Qu'en résumé, M. G..., principal négociateur de l'accord a identifié la période du "1er contact" (mai 2000) ; celle des "pourparlers" du 27 juin (date à laquelle une réunion entre dirigeants des sociétés JET MULTIMÉDIA et TÉLÉCOM ITALIA a eu lieu pour "discuter la logique d'une offre publique)" au 31 août ; celle des "négociations à proprement parler "... "à partir du début septembre" et, sans que l'on perçoive bien leurs différences avec les précédentes, celles des "négociations au sens strict ", "du 12 au 16 septembre" ;
"Qu'en conséquence, si le prix de la transaction n'était pas fixé dès le 5 septembre 2000, la société TÉLÉCOM ITALIA disposait des éléments nécessaires à la négociation finale et envisageait le succès de l'opération au point d'avoir fait préparer la documentation utile" ; Que dans ces conditions, et contrairement à ce qu'affirment les requérants, les négociations en cours n'étaient plus à l'époque litigieuse à un stade encore trop embryonnaire pour ne donner lieu à une information précise ; SUR LE CARACTÈRE PUBLIC OU NON DE L'INFORMATION
Considérant que les requérants, pour faire obstacle à la qualification d'information privilégiée de l'information en cause, prétendent qu'il existait lors de la période incriminée des rumeurs précises, concordantes, évoquant une prochaine OPA sur la société JET MULTIMÉDIA ; qu'ils invoquent à cet égard d'une part, plusieurs
témoignages de presse ou d'investisseurs, d'autre part, "l'activité constante et soutenue" du titre JET MULTIMÉDIA à partir du 14 août 2000, le cours moyen étant entre le 15 août 2000 et le 15 septembre 2000 passé de 44,3 euros à 74,5 euros dans des volumes en augmentation ;
Considérant toutefois, ainsi que le souligne la C.O.B. et qu'il l'a été ci-dessus rappelé, l'information n'est privilégiée que parce qu'elle porte sur un projet suffisamment défini pour donner des chances d'aboutir à une opération entre un acquéreur et un vendeur ; Qu'en l'espèce, il est démontré dans les coupures de presse ou déclarations communiquées que le public n'a pas été informé sur ces points et en particulier sur l'identité de l'acquéreur la société 9 TELECOM puisque notamment "soit les recommandations à l'achat invoquées ne faisaient pas référence à une offre publique ultérieure - c'est le cas des recommandations auxquelles renvoie la déclaration d'AGF Asset Management au service de l'Inspection de la C.O.B.- soit elles y faisaient référence de manière vague ;
Que dans ces conditions, il ne peut être déduit des rumeurs qui circulaient dans le public dès le mois d'août 2000, que ce public avait connaissance d'un projet d'OPA suffisamment précis sur la société JET MULTIMÉDIA, émanant plus particulièrement de la société 9 TÉLÉCOM et qui pourrait avoir une incidence sur le cours de la valeur ;
Qu'il ne peut non plus être déduit, comme le suggère à tort M. Z... de l'analyse pertinente des cours de l'action à partir du 17 août 2000, par certains analystes financiers consistant à anticiper l'OPA, l'existence d'une information publique ; qu'au surplus et de manière surabondante, les requérants cherchent vainement et paradoxalement à
démontrer que l'information dont ils ont connaissance, si elle est insuffisamment vague et imprécise pour des investisseurs avertis, n'en serait pas moins très précise au stade de la rumeur publique ;
Qu'en conséquence, l'information litigieuse relative à l'offre sur la société JET MULTIMÉDIA répondant aux critères de précision et de non publicité doit être qualifiée d'information privilégiée ; SUR LA DÉTENTION DE L'INFORMATION POUR M. X...
Considérant que M X... prétend n'avoir été informé du projet d'OPA que deux ou trois jours avant la négociation du 14 septembre 2000 au cours de laquelle la fourchette de prix pour la négociation a été discutée ; qu'il s'oppose à la conclusion contraire de la C.O.B. se fondant sur les déclarations de Mme H... et de M. I..., sur l'importance de l'opération JET MULTIMÉDIA et le caractère stratégique du poste occupé par M. X... au sein de TÉLÉCOM ITALIA ; qu'il soulève les arguments suivants :
- il ressort du dossier établi par les services de l'inspection de la C.O.B. que l'offre publique d'achat lancée par le biais de la société 9 TÉLÉCOM avait une importance secondaire pour TÉLÉCOM ITALIA, raison pour laquelle, en dépit de son poste de Directeur financier, il n'a été tenu informé de l'opération JET MULTIMÉDIA que dans la phase finale des négociations, aux alentours du 11 septembre 2000, l'opération ayant été négociée et mise en oeuvre au sein de la société TÉLÉCOM ITALIA, par l'équipe de la décision "Corporate Development" à la tête de laquelle se trouvait Mme Giulia H... et M. Francesco G... ;
- le tableau des réunions établi par les banques conseils LEHMAN BROTHERS et SOCIÉTÉ GÉNÉRALE permet d'établir qu'il n'a pas participé à la réunion de 5 septembre 2000 mais à celle du 14 septembre dont l'objet est ainsi libellé : "présentation de l'opération à Monsieur X... ;
Considérant toutefois, ainsi que le souligne la C.O.B., qu'une partie des achats de M. X... est antérieure à la date à laquelle il reconnaît lui-même avoir été informé de l'opération c'est-à-dire "quelques jours avant la réunion du 14 septembre 2000 " ; qu'il a en effet acquis 3 000 titres entre les 12 et 15 septembre 2000 ; qu'ainsi que le relève la décision de la C.O.B., ce n'est pas parce que la société TÉLÉCOM ITALIA a, au cours de l'année 2000, effectué quelques opérations d'acquisitions plus importantes que celle de la cause, que le directeur financier de la société n'est pas nécessairement informé de l'existence de pourparlers avancés concernant une opération dont le coût s'élève à la somme très significative de 900 millions d'euros ;
Qu'il résulte des documents communiqués et notamment des déclarations de Mme H..., que M. I..., en charge du dossier d'acquisition "informait dans les meilleurs délais Monsieur J... et / ou Monsieur X..., des questions dont il s'occupait" ;
Qu'ainsi quand bien même n'aurait-il pas été présent aux réunions de travail avant le 14 septembre 2000, et quand bien même M. I... ne lui aurait-il présenté verbalement ses observations sur l'évaluation de la société JET MULTIMÉDIA que dans la semaine du 11 septembre 2000, les discussions relatives à l'évaluation ayant alors déjà débuté, dans la mesure où M. I... a reconnu avoir participé à la réunion du 5 septembre portant sur "la présentation de l'opération par les conseils", le rapprochement de cette dernière date avec celles des ordres d'achats de M. X... est suffisamment concordant pour ne pas être qualifié de simple co'ncidence et pour établir la détention de l'information privilégiée par M. X..., au moins à partir du 5 septembre 2000, d'autant plus que les hypothèses du business plan ont été discutées par les banques conseil à partir du
23 août, ainsi que cela est mentionné sur un tableau établi par la SOCIÉTÉ GÉNÉRALE et que M I... a lui-même indiqué que ses analyses comprenaient notamment la "vérification des principales hypothèses du business plan formé par les conseils" ; SUR LA DÉTENTION DE L'INFORMATION DE JET MULTIMÉDIA
Considérant que M. Z..., trésorier de la société JET MULTIMÉDIA, conteste d'une part avoir reçu une quelconque information privilégiée de son directeur au sein de l'entreprise, M. X..., d'autre part la pertinence de l'argument de la C.O.B. tiré du fait que des ressortissants italiens et des banquiers ont acheté des titres JET MULTIMÉDIA au cours de la période incriminée et des appels téléphoniques qu'il a pu passer à son gestionnaire de compte, M. K... ;
Considérant toutefois, que la Cour à l'instar de la C.O.B. relève un faisceau d'indices concordants desquels il résulte que seule la transmission de l'information privilégiée détenue par M. X... à M. Z... peut expliquer l'utilisation qu'en a faite ce dernier pour son propre compte :
- le rapprochement de l'information et son exploitation sur le marché ;
- le fait que les achats de M. Z... ont commencé le jour même où M. X... a pu être informé d'une réunion relative à l'état du projet ;
- le fait que M. Z... est à la fois un collaborateur direct de M. X... et un ami si proche qu'il dispose d'une procuration sur le compte- titres de ce dernier, lui ayant précisément permis de réaliser en même temps que pour lui-même les achats litigieux en faveur de M. X... ;
- l'absence de cohérence entre la thèse de la rumeur et le fait que les gestionnaires suisses et luxembourgeois ont immédiatement acheté des titres JET MULTIMÉDIA après que M. Z... leur eut passé des ordres d'achat ;
- la faiblesse de la justification des achats par une rumeur qui n'était ni publique, ni précise, ni déterminante. sans que les arguments développés par M. Z... sur les différents rôles assurés au sein de sa société puisse pour cette opération avoir une quelconque portée ;
Qu'au surplus, le rapport du rapporteur de la C.O.B. (cotes 5189 à 5199) précise sans être utilement contredit que l'investissement litigieux était " le premier d'un montant important réalisé par M. Z... en utilisant la procuration que lui avait accordé M. X... sur son compte en Suisse et même le premier investissement significatif réalisé par M. Z... sur le marché français", et que "ce dernier avait admis en audition ne pas avoir connu le secteur concerné (cote 4906)" ; "qu'une lettre de la Commission de surveillance du secteur financier de Luxembourg du 20 août 2001 indique que les ordres ont été transmis sur le téléphone portable d'un gérant de la Banca Populare di Verona (cote 4809)" ; et que "le cours de l'action JET MULTIMÉDIA avait déjà largement progressé avant les achats litigieux (cote 4864)". SUR L'EXPLOITATION DE L'INFORMATION
Considérant que M. X... prétend que dans la mesure où il n'est pas matériellement intervenu dans les achats litigieux dont il n'a pas été informé, sa responsabilité ne peut être engagée, quand bien même M. Z... aurait agi à partir de ses comptes en se servant notamment de la procuration qu'il lui avait délivrée ;
Qu'il fait valoir que si des échanges téléphoniques entre Messieurs
Z... et K... ont été constatés au cours de l'enquête, la preuve d'aucune correspondance soit écrite, soit orale entre M. X... et les gérants de ses comptes suisses et luxembourgeois, susceptible d'établir l'existence d'ordres d'achats passés par ce dernier n'a pu être rapportée ; qu'il n'a d'ailleurs jamais été en relation avec Messieurs L... ou K..., l'ouverture de ses comptes suisses et luxembourgeois ayant été réalisée par Monsieur A... Z... ; que M. Z... reconnaît n'avoir informé M. X... des ordres d'achats de titres qu'il avait donnés pour son compte que le lendemain de l'OPA, soit postérieurement au 15 septembre 2000 ;
Mais considérant que, pour apprécier si un achat est intervenu, l'article 2 du règlement 90-08 de la C.O.B. ne fait aucune distinction entre un achat réalisé directement par une personne pour son compte et celui réalisé par une "personne interposée" pour le compte de la première ; qu'à défaut il suffirait de recourir à une interposition de interposée" pour le compte de la première ; qu'à défaut il suffirait de recourir à une interposition de personne pour qu'un acheteur initié dégage automatiquement sa responsabilité ; qu'au surplus, le mandant du fait de son devoir absolu d'abstention doit faire en sorte qu'aucune opération ne soit effectuée pour son compte ;
Et considérant que M. Z... a passé, pour le compte de M. X..., des ordres d'achat de titres qui ne s'expliquent que par le fait que comme il a été constaté, celui-ci lui a transmis l'information privilégiée, et ce, nécessairement aux fins d'en tirer un profit personnel dans le cadre du mandat de gestion que le directeur financier de TÉLÉCOM ITALIA avait confié à M. Z... ; qu'en conséquence, l'exploitation de l'information privilégiée est caractérisée à l'encontre de M. X... ;
Considérant par ailleurs, que M. Z... ne conteste pas avoir exploité
l'information que la Cour estime privilégiée en achetant pour son propre compte 6 000 titres JET MULTIMÉDIA entre le 5 et le 8 septembre 2000 via le Luxembourg et la Suisse ; SUR LES SANCTIONS
Considérant que M. X... n'invoque aucun grief contre le montant de la sanction prononcée, conformément au principe de proportionnalité, par des motifs pertinents que la cour fait siens ; Considérant que la Commission a fait une juste application de ce principe en fixant le montant de la sanction pécuniaire prononcée à l'encontre de M. X... à trois cent mille (300.000) euros ;
Considérant que M. Z..., pour démontrer le caractère disproportionné de la sanction de 150.000 euros prononcée à son égard, indique que concernant les titres achetés au Luxembourg, il a acheté 250 actions à 64,5109 euros, 750 actions à 70,1750 euros, 1 000 actions à 68,65 euros et 500 actions à 70,1750 euros, a vendu 2.500 actions à 81,8947 euros, et a dans ces conditions effectué une plus-value de 32.234,05 euros ; que concernant les titres achetés en Suisse, la plus-value réalisée est d'environ 40.000 euros ;
Mais considérant que les manquements relevés à l'encontre du requérant sont d'une particulière gravité dans la mesure où il exerçait des fonctions de haute responsabilité dans la société TÉLÉCOM ITALIA ; que ses achats ont contribué comme ceux de M. X... à fausser le fonctionnement du marché en faisant monter le cours de l'action JET MULTIMÉDIA au détriment d'acheteurs ultérieurs et notamment des sociétés TÉLÉCOM ITALIA et de sa filiale 9 TÉLÉCOM et ont porté atteinte à l'égalité de l'information des investisseurs ; que d'autre part M. Z... a bénéficié d'une plus-value importante du fait de la revente de titres qu'il estime lui-même à plus de 72.000 euros ;
Qu'il résulte de l'ensemble de ces circonstances que la Commission a
fait une juste application du principe de proportionnalité en fixant le montant de la sanction pécuniaire à l'encontre de M. Z... à cent cinquante mille (150.000) euros . PAR CES MOTIFS
Rejette les recours de Messieurs Massino X... et A... Z... ;
Condamne Mr Y... X... et M. A... Z... aux dépens.
LE GREFFIER,
LE PRÉSIDENT,