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06/02/2003 | FRANCE | N°2000/00512

France | France, Cour d'appel de Paris, 06 février 2003, 2000/00512


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section B ARRET DU 6 FÉVRIER 2003 (N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/00512 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 30/09/1999 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 2/2è Ch. RG n :

1998/24345 Date ordonnance de clôture : 15 Novembre 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : CONFIRMATION PARTIELLE APPELANT : MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES DE PARIS CENTRE ayant ses bureaux 11 rue de la Banque 75002 PARIS et agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Impôts

92 allée de Bercy 75380 PARIS CEDEX 08 représenté par la SCP DAUTHY...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section B ARRET DU 6 FÉVRIER 2003 (N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/00512 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 30/09/1999 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 2/2è Ch. RG n :

1998/24345 Date ordonnance de clôture : 15 Novembre 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : CONFIRMATION PARTIELLE APPELANT : MONSIEUR LE DIRECTEUR DES SERVICES DE PARIS CENTRE ayant ses bureaux 11 rue de la Banque 75002 PARIS et agissant sous l'autorité de Monsieur le Directeur Général des Impôts 92 allée de Bercy 75380 PARIS CEDEX 08 représenté par la SCP DAUTHY-NABOUDET, avoué et à l'audience par Monsieur Farouk X..., Inspecteur principal, muni d'un pouvoir de la Direction Générale des Impôts INTIME : S.A. GRAND COLBERT prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 4 rue Vivienne 75002 PARIS représenté par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué assisté de Maître LESCURE, avocat au Barreau de Paris, B522 COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré Président : Monsieur GRELLIER Y... : Madame BRONGNIART Y... : Monsieur DIXIMIER Z... : lors des débats Z... : Madame A... et du prononcé de l'arrêt Z... : Madame B... MINISTERE C... : à qui le dossier a été préalablement communiqué : représenté aux débats par Madame D..., Substitut général, qui a présenté des observations orales. DEBATS : A l'audience publique du 12 décembre 2002 ARRET : prononcé publiquement par Monsieur GRELLIER, Président, qui a signé la minute avec Madame B..., Z.... Par une convention d'occupation et d'exploitation d'espaces de restauration du 4 octobre 1989, l'Etat, représenté par le Préfet de Paris, a confié à la société Publications Willy Fischer (société PWF) l'exploitation des activités de restauration et de débit de boissons dans les locaux de la Bibliothèque Nationale. Par

courrier du 6 avril 1992, la société PWF a demandé une révision des conditions de la redevance. Le 20 août 1992, trois factures, d'un montant global de 8.776.399 francs, ont été émises par la société PWF pour avoir paiement par la société LE GRAND COLBERT de prestations de service et de cession de matériels. Par avenant du 3 septembre 1992 conclu entre l'Etat, représenté par le Préfet de Paris, la société Publications Willy Fischer et la société LE GRAND COLBERT, cette dernière a été substituée, à compter du 24 août 1992, à la société PWF dans l'ensemble de ses droits et obligations prévus à la convention du 4 octobre 1989. La cour statue sur l'appel interjeté par Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de Paris Centre du jugement rendu le 30 septembre 1999 par le tribunal de grande instance de Paris qui a : - dit la procédure de redressement engagée à l'encontre de la société LE GRAND COLBERT irrégulière et prononcé l'annulation des avis de mise en recouvrement émis les 21 novembre 1994 et 10 février 1997 au titre des droits d'enregistrement et des pénalités y afférentes, - condamné l'Administration à payer à la société LE GRAND COLBERT la somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par arrêt du 25 octobre 2001, la cour a invité les parties à conclure sur la qualification donnée par le tribunal de grande instance de Paris (11éme chambre correctionnelle) dans sa décision définitive du 17 février 1998. Par arrêt du 7 mars 2002, la cour a déclaré l'appel recevable et, après avoir constaté que la procédure ne concernait pas la cession d'un fonds de commerce, a prononcé la réouverture des débats pour voir produire l'avis de mise en recouvrement 97 01 05066 du 10 février 1997 qui a été effectivement adressé à la société LE GRAND COLBERT en exécution du redressement notifié le 8 novembre 1995, dans l'avis de mise en recouvrement versé aux débats, les droits appelés correspondaient à des droits d'enregistrement sur une

cession de fonds de commerce et de clientèle, selon le régime normal de l'article 719 du Code général des impôts. Vu les conclusions par lesquelles Monsieur le DIRECTEUR des SERVICES FISCAUX de PARIS CENTRE demande à la cour de - le déclarer recevable et bien fondé en son appel, - infirmer la décision entreprise, - débouter la société LE GRAND COLBERT de toutes ses demandes fins et conclusions, - la déclarer irrecevable en sa demande tendant à l'application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, l'imposition étant justifiée, - la condamner en tous les dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. Vu les conclusions par lesquelles LE GRAND COLBERT demande à la cour de - déclarer l'Administration irrecevable en son appel, subsidiairement - déclarer la procédure irrégulière, plus subsidiairement - déclarer que les dispositions de l'article 720 du Code général des impôts étaient inapplicables et que, en conséquence, l'Administration est mal fondée en ses conclusions, en tout état de cause - confirmer la décision entreprise en ce qu'elle prononce l'annulation des avis de mise en recouvrement des 21 novembre 1994 et 10 février 1997, - condamner l'Administration à lui payer la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - la condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code. SUR CE, LA COUR, se référant pour un plus ample exposé des faits, des moyens et prétentions des parties à la décision entreprise et aux dernières conclusions échangées en appel ;

Considérant que par arrêt du 7 mars 2002, la cour a déclaré recevable l'appel de l'Administration fiscale ; qu'il n'y a pas lieu de répondre aux fins de non recevoir soulevés postérieurement à cet arrêt ;

Considérant que les pièces versées ne seront analysées que pour autant qu'elles concernent les droits d'enregistrement ;

Que le 16 mai 1994, à la suite d'une vérification de comptabilité, la Direction des Services Fiscaux de Paris Centre a notifié au GRAND COLBERT divers redressements notamment en matière de droits d'enregistrement ; que le redressement de ces droits a été notifié, selon la procédure contradictoire prévue à l'article L 55 du Livre des Procédures Fiscales, sur une base de 5.429.021 francs correspondant à une facture de cession de matériel, mobilier et agencements et avec mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit sur une base de 3.347.379 francs correspondant à la facturation d'études (2.965.000 francs) et de formation du personnel (382.379,44 francs) présentant un caractère fictif ; que par application du barème progressif, les droits d'enregistrement ont été globalement redressés à hauteur de 1.203.249 francs ;

Que par courrier du 20 juillet 1994, la Direction des Services Fiscaux de Paris Centre a réservé une suite favorable à la demande formulée le 15 juin 1994 par LE GRAND COLBERT tendant, au niveau de la mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit, à la saisine du Comité consultatif ("... et conformément à votre demande, le Comité consultatif des abus de droit sera saisi.") ;

Que par courrier du 31 octobre 1994, la Direction des Services Fiscaux de Paris Centre a informé LE GRAND COLBERT que la procédure serait reprise dans le cadre de la procédure de redressement contradictoire de droit commun, les services centraux de la Direction Générale des Impôts ayant estimé qu'il n'y avait pas lieu, au cas particulier, d'employer la procédure de répression des abus de droit ;

Que le 21 novembre 1994, a été émis un avis de mise en recouvrement n° 94 11 MO 185 en exécution de la notification de redressements du

16 mai 1994 pour avoir paiement, au visa de l'article 720 du Code général des impôts, des droits d'enregistrement sur une convention de successeur d'un montant de 727.920 francs outre les majoration, pénalités et intérêts de retard ; que par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 décembre 1994, LE GRAND COLBERT a demandé le dégrèvement de ces droits ;

Que le 8 novembre 1995, la Direction des Services Fiscaux de Paris Centre a notifié des redressements suivant la procédure de l'article L 55 du Livre des Procédures Fiscales notamment pour des droits d'enregistrement fondés sur les dispositions de l'article 720 du Code général des impôts ; que dans cette notification, pour les rappels déjà notifiés selon la procédure de redressement contradictoire de droit commun, il a été précisé qu'aucune modification n'était à apporter à la notification du 16 mai 1994 qui conservait toute sa valeur et tous ses effets ; que pour arrêter à 475.329 francs, le redressement des droits d'enregistrement faisant l'objet de cette notification, la Direction des Services Fiscaux de Paris Centre a calculé les droits sur la base de 8.776.400 francs soitun rappel de droits de 1.203.249 francs sous déduction des rappels notifiés selon la procédure de redressement contradictoire le 16 mai 1994 pour montant de 727.920 francs déjà mis en recouvrement ;

Que le 10 février 1997, un nouvel avis de mise en recouvrement n° 97 01 05066 a été émis ; que dans cet avis, a été visée la notification de redressement du 8 novembre 1995 ; que les droits appelés correspondaient pour 394.991 francs à des droits d'enregistrement sur cessions de fonds de commerce et de clientèles, selon le régime normal de l'article 719 du Code général des impôts, pour 46.863 francs à une taxe départementale additionnelle au profit de la ville de Paris (article 1595) et pour 33.475 francs à des taxes additionnelles des articles 1584, 1595 et 1595 bis pour les intérêts

de retard et les majorations soit en principal, la somme totale de 475.329 francs ;

Que le 14 mai 1997, LE GRAND COLBERT a demandé la décharge des droits d'enregistrement réclamés par avis de mise en recouvrement 97 01 05066 du 10 février 1997 en rappelant sa réclamation du 26 décembre 1994 ;

Que par décision du 17 août 1998, les réclamations portant sur les avis de mise en recouvrement n° 94 11 MO 185 du 21 novembre 1994 et 97 01 05066 du 10 février 1997 ont été rejetées ;

Que le 15 octobre 1998, LE GRAND COLBERT a assigné la Direction des Services Fiscaux de Paris Centre devant le tribunal de grande instance de Paris qui a rendu le jugement déféré ;

Considérant que Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de Paris Centre critique le jugement entrepris en ce qu'il a retenu que l'abus de droit était applicable pour l'ensemble des prestations fournies par la société PWF à la société LE GRAND COLBERT ; qu'il entend démontrer que l'acte litigieux c'est-à-dire la convention de successeur ne rentrant dans aucune des catégorie de l'article L 64 du Livre des Procédures Fiscales, c'est à juste titre que l'Administration a abandonné cette procédure pour la remplacer par une procédure de droit commun prévu à l'article L 55 du Livre des Procédures Fiscales ; que l'ensemble des garanties prévues par cette procédure a été respecté (débat contradictoire, saisine de la commission départementale) ; que l'Administration qui s'était placée dans le cadre de la procédure régie par l'article L 57 du Livre des Procédures Fiscales n'avait pas à saisir le comité de répression des abus de droit ; que la décision d'abandonner une procédure irrégulière au profit d'une procédure régulière ne fait pas grief à la société ; que les faits positifs reprochés à la société LE GRAND COLBERT - paiement de trois factures émises le 20 août 1992 pour une

somme de 8.776.400 francs donnant le cadre de la convention de successeur existaient toujours et que l'application des "manoeuvres frauduleuses" prévues à l'article 1729 du Code général des impôts était justifiée ;

Que, sur la portée du jugement correctionnel du 17 février 1998, l'Administration, après avoir rappelé que les poursuites pénales ont pour objet a recherche des dissimulations volontaires de sommes sujettes à l'impôt tandis que la procédure administrative tend à la fixation de l'assiette des impositions, soutient qu'elle reconnaît l'autorité de la chose jugée en ce qui concerne l'existence de la convention de successeur et sa matérialisation par l'émission de trois factures et que l'argument du non respect de cette autorité peut être opposé à l'intimée qui refuse d'admettre l'existence de cette convention bien que le tribunal correctionnel a reconnu sa réalité ;

Que la société LE GRAND COLBERT réplique que l'Administration devait utiliser la procédure spécifique prévue pour la répression de l'abus de droit dès lors que le critère d'application de l'article L 64 réside dans le fondement du redressement d'une dissimulation d'un acte par un autre ou plusieurs autres et par une motivation de l'opération résultant de préoccupations fiscales exclusives ; que la motivation utilisée se situe dans le champ de la procédure d'abus de droit, l'Administration invoquant le caractère fictif de deux des factures ; que la société LE GRAND COLBERT observe que la Direction des Services Fiscaux de Paris Centre invoque des actes qui, pour deux d'entre eux ont un caractère fictif et qui, tous les trois, n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation réelle ; que les faits établis par le jugement correctionnel du 17 février 1998

constituent la reconnaissance de l'utilisation par l'Administration de la procédure d'abus de droit ;

Considérant que le fait pour l'Administration d'avoir motivé le redressement fondé sur l'article L 55 du Livre des Procédures Fiscales en reprenant la motivation développée dans le redressement notifié au visa de l'abus de droit ne suffit pas pour établir qu'elle s'est placée, tout au long de la procédure, dans le cadre de la répression de l'abus de droit dès lors qu'elle soutient que les conditions de l'article L 64 du Livre des Procédures Fiscales n'étant pas réunies, cette motivation n'était pas pertinente au regard de ce fondement ; qu'en effet l'Administration motive le redressement par l'existence d'une convention de successeur non écrite conclue entre la société PWF et LE GRAND COLBERT ("les parties ont entendu dissimuler la convention qui a permis à la société LE GRAND COLBERT de poursuivre l'exploitation assurée auparavant par PWF") ; qu'elle n'invoque pas la simulation de la convention de successeur réalisée par un acte juridique (le fait de déguiser la dite convention sous l'apparence d'un autre contrat) mais la dissimulation de la convention de successeur (le fait de cacher cette convention) ; qu'au regard des droits d'enregistrement, l'absence d'acte écrit dissimulant un contrat sous un autre, ne permet pas la mise en oeuvre de l'article L 64 du Livre des Procédures Fiscales ; que le caractère fictif de l'objet des deux factures de prestations de service (facturation de prestations inexistantes) a certes été allégué par l'Administration et retenu par le tribunal correctionnel, mais ces factures ont été analysées non pas comme un acte juridique simulant une convention de successeur mais comme des preuves de l'existence d'un accord caché ;

Que l'existence de manoeuvres frauduleuses ne s'inscrit pas nécessairement dans le champ de la procédure d'abus de droit ;

Que LE GRAND COLBERT qui ne démontre pas avoir été privé des garanties accordées par la procédure contradictoire au contribuable, est donc mal fondée à reprocher à l'Administration d'avoir renoncé à la procédure d'abus de droit pour reprendre le redressement selon la procédure de l'article L 55 du Livre des Procédures Fiscales ;

Qu'en conséquence, c'est à bon droit que l'Administration a eu recours à la procédure de redressement contradictoire de droit commun ; que le jugement entrepris sera réformé en ce qu'il a dit la procédure irrégulière ;

Considérant que LE GRAND COLBERT, en invoquant un arrêt de la cour de Cassation, Chambre commerciale, du 13 janvier 1998 soulève la nullité de l'avis de mise en recouvrement 97 01 05066 qui vise l'article 719 du Code général des impôts au lieu l'article 720 du même code, cette erreur étant substantielle ;

Que Monsieur le Directeur des Services Fiscaux réplique que l'avis de mise en recouvrement produit constitue bien l'avis correspondant à la notification de redressement datée du 8 novembre 1995 et qu'une erreur a été commise dans sa rédaction, l'article 719 du Code général des impôts étant visé alors que l'article motivant le redressement est l'article 720 du même code ; que cette erreur est non substantielle dès lors que par application de l'ancien article R*256-1 du Livre des Procédures Fiscales (en vigueur à la date de l'avis de mise en recouvrement), les éléments de calcul de l'imposition pouvaient être remplacés par le renvoi au document sur lequel ils figuraient lorsque ce document avait été établi ou signé par le contribuable ou son mandataire ou lui avait été notifié antérieurement ; qu'en l'espèce, l'avis de mise en recouvrement fait référence à la notification de redressement qui est un acte de procédure régulier et qui motive les redressements en droit par l'article 720 du Code général des impôts ; qu'enfin cet argument non

soulevé par l'intimé au cours des précédents mémoires tend à corroborer que celui-ci était correctement informé ;

Considérant que l'avis de mise en recouvrement 97 01 05066 précise que les droits appelés ont pour origine la notification de redressements du 8 novembre 1995 et correspondent à des droits d'enregistrement sur une cession de fonds de commerce et de clientèle, selon le régime normal de l'article 719 du Code général des impôts ; que la notification du 8 novembre 1995 en ce qu'elle porte sur des droits d'enregistrement est fondée sur les dispositions de l'article 720 du Code général des impôts ; qu'il existe une contradiction entre la notification du 8 novembre 1995 et l'avis de mise en recouvrement 97 01 05066 ; que cette contradiction constitue une irrégularité qui ne peut pas être redressée par la référence faite à la notification ;

Que les parties pouvant, dans la limite du dégrèvement sollicité, faire valoir tout moyen nouveau, peu importe que ce moyen n'ait pas été soulevé dans les précédents mémoires de l'intimé ;

Qu'en conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a prononcé l'annulation de l'avis de mise en recouvrement 97 01 05066 ; Considérant qu'à titre subsidiaire, l'Administration des Impôts fait valoir que l'avis de mise en recouvrement du 10 février 1997 ne met pas en cause les redressements résultant de l'avis de mise en recouvrement du 21 novembre 1994 ; que le préambule de la notification du 8 novembre 1995 précisant qu'aucune modification n'était apportée à la notification du 16 mai 1994 qui conservait toute sa valeur et tous ses effets ;

Que LE GRAND COLBERT réplique que le recouvrement de l'avis du 21 novembre 1994 ne peut être poursuivi ; qu'il est censé constituer une partie du prix d'une convention de successeur dont l'ensemble est

constitué par trois factures ; que l'abandon de la qualification de convention de successeur pour celle de mutation d'un fonds de commerce pour justifier le redressement opéré sur les factures fictives rend sans justification le redressement opéré sur la première facture ; qu'il eut fallu tout reprendre au titre de fonds de commerce ou de convention de successeur et non pas faire un panachage ;

Considérant que dans la notification de redressements du 16 mai 1994 fondant l'avis de mise en recouvrement du 21 novembre 1994, l'Administration fiscale a d'une part procédé à un redressement selon la procédure contradictoire de droit commun pour une facture de vente des agencements et installations, du matériel d'exploitation d'un montant de 5.429.020,50 francs d'autre part selon celle de l'abus de droit, pour deux autres factures de prestations de service d'un montant de 3.347.379 francs ;

Que pour motiver le redressement notifié selon la procédure de droit commun, l'Administration fiscale a retenu que la vérification de comptabilité du GRAND COLBERT a révélé que la facturation de matériels et autres mobiliers effectuée distinctement des deux autres factures de prestations fictives (alors qu'il s'agissait d'une unique opération) résulte d'un montage juridique dont le seul but était de dissimuler la convention de successeur entre cette société et la société cédante ; que le calcul des droits d'enregistrement arrêtés à 1.203.249 francs a été effectué sur la somme globale de 8.776.400 francs (total des trois factures) puis réparti à proportion du montant respectif des factures outre les intérêts de retard et les pénalités ;

Que l'avis de mise en recouvrement du 21 novembre 1994 qui porte en principal sur des droits d'enregistrement d'une convention de successeur ( article 720 du Code général des impôts) et qui vise la

notification du 16 mai 1994 dans laquelle le redressement est motivé par l'analyse des trois factures en ce qu'elles constituent une opération unique, ne porte que sur les droits redressés selon la procédure de droit commun c'est-à-dire ceux ayant pour assiette la facture de matériels, ce que LE GRAND COLBERT admet dans ses dernières conclusions (page 26 OE 1) ;

Que la notification de redressement du 8 novembre 1995 précise dans un paragraphe remarques liminaires qu'en ce qui concerne les rappels déjà notifiés selon la procédure de redressement contradictoire de droit commun, la notification du 16 mai 1994 conserve toute sa valeur et tous ses effets ;

Que dès lors, LE GRAND COLBERT est mal fondé à prétendre que l'erreur commise dans l'avis de mise en recouvrement 97 01 05066 du 10 février 1997 constitue un abandon de la qualification de convention de successeur pour celle de mutation d'un fonds de commerce rendant sans justification le redressement opéré sur la facture de matériels alors que l'irrégularité, en ce qu'elle est constitutive d'une atteinte aux droits du contribuable, entraîne la nullité du seul avis de mise en recouvrement dans lequel elle a été commise ;

Que l'annulation de cet avis de mise en recouvrement interdit à l'Administration fiscale de réclamer des droits d'enregistrement au titre des factures de prestations de service qui subsistent en tant que telles sans lui interdire de les retenir pour analyser et qualifier les relations entre LE GRAND COLBERT et la société PWF ;

Considérant que comme le fait pertinemment valoir Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de Paris Centre, pour soutenir que contrairement aux dispositions de l'article L 256 du Livre des Procédures Fiscales, les avis de mise en recouvrement n'ont pas été établis au nom du redevable légal, LE GRAND COLBERT fait une confusion entre l'avenant du 3 septembre 1992 à la convention du 4

octobre 1989, convention d'exploitation par laquelle l'Etat lui a donné l'autorisation d'exploiter le fonds et la convention conclue avec la société PWF et exécutée par l'émission des trois factures ; que la procédure de redressement n'a pas pour objet de soumettre aux droits d'enregistrement l'avenant du 3 septembre 1992 à la convention du 4 octobre 1989 ;

Considérant que Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de Paris Centre critique le jugement entrepris en ce qu'il a nié l'existence d'une convention de successeur aux motifs que les conditions d'application de l'article 720 du Code général des impôts ne sont pas réunies alors que la convention conclue entre l'Etat et LE GRAND COLBERT n'est pas la convention en cause dans le présent litige ; qu'il entend démontrer qu'il y a eu deux conventions, une convention d'exploitation conclue entre l'Etat et LE GRAND COLBERT soumise aux dispositions de l'article 739 du Code général des impôts et une convention de successeur conclue entre LE GRAND COLBERT et la société PWF nécessaire à la continuation de l'activité de restaurateur ; qu'il fait observer que dans sa réplique, LE GRAND COLBERT amalgame les deux conventions ; qu'il soutient que l'accord entre la société PWF et LE GRAND COLBERT se manifeste par l'établissement de trois factures représentant le transfert des moyens de continuer l'activité, que c'est cet accord entre les deux sociétés qui constitue la convention de successeur à laquelle la société PWF est partie, que le contrat conclu avec l'Etat est en aval de cette convention de successeur ; que la décision de l'Etat d'autoriser LE GRAND COLBERT à exercer son activité est sans influence sur l'accord entre les deux titulaires successifs ; que cette décision est nécessaire mais pas suffisante ; que le courrier du 9 février 1999 émanant de la Direction des Services Fonciers de Paris ne concerne que la convention accordée par l'Etat et non pas la convention de

successeur entre les deux sociétés ;

Que LE GRAND COLBERT réplique que l'Administration, avant tout litige, avait formellement pris position sur le régime fiscal applicable à la convention du 3 septembre 1992 qui est un avenant à celle du 4 octobre 1989 ; que selon les termes de la convention et de son avenant, l'acte est exonéré de la formalité de l'enregistrement en application de l'article 739 du Code général des impôts ; qu'en cas de prise de position formelle de l'Administration d'une situation de fait au regard d'un texte de droit fiscal aucun redressement n'est possible par application des dispositions combinées des articles L 80A et L 80B du Livre des Procédures Fiscales ;

Qu'au fond la société LE GRAND COLBERT soutient que les conditions d'application de l'article 720 du Code général des impôts n'ont pas été respectées ; que s'il y a identité d'activité entre les gérants successifs du restaurant, la condition tenant au fait que la convention ne doit pas entrer dans les prévisions d'une autre disposition spéciale de la loi fiscale n'est pas remplie, la loi fiscale prévoyant un dispositif particulier pour les mutations de jouissance temporaires d'immeubles ; que le transfert d'activité de gérance d'un café-restaurant domanial n'a pu se réaliser par la seule volonté des parties cédant et preneur ; qu'en l'espèce la licence indispensable pour l'exploitation d'un débit de boisson appartenant à la Bibliothèque Nationale, son transfert n'a été possible qu'avec l'accord de l'autorité concédante ; qu'il n'est pas possible d'exercer et de transférer à un tiers le droit d'exercer une telle activité de gérance d'un établissement domanial sans obtenir l'accord de l'Etat propriétaire et bailleur ; que la société LE GRAND COLBERT invoque le courrier du 9 février 1999 par lequel la Direction des Services Fonciers de Paris a "constat(é) que c'est l'avenant seul du 3 septembre 1992 ... qui a permis à la société LE GRAND COLBERT

d'exploiter à la place de la société PWF l'établissement domanial dénommést l'avenant seul du 3 septembre 1992 ... qui a permis à la société LE GRAND COLBERT d'exploiter à la place de la société PWF l'établissement domanial dénommé le Grand Café Colbert" ; que force est de constater qu'il ressort de l'examen du jugement du 17 février 1998 et de la convention du 3 septembre 1992, que la condition d'application de l'article 720 du Code général des impôts tenant au fait que la convention permettant l'exercice d'une activité identique à celle du précédent titulaire soit une convention conclue entre eux seuls et à titre onéreux n'est pas remplie ; que LE GRAND COLBERT demande le bénéfice de la jurisprudence de l'arrêt TUR aux termes de laquelle n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 720 les conventions au moyen desquelles un concédant de service public opère, à son initiative et aux fins qui lui sont propres, le remplacement d'un concessionnaire par un autre, l'existence de contreparties stipulées étant inopérante ; que les instructions administratives prescrivent aux agents l'application de cette jurisprudence ;

Considérant que par l'avenant du 3 septembre 1992 conclu entre l'Etat, la société PWF et la société LE GRAND COLBERT, cette société a été substituée à compter du 24 août 1992 à la société PWF dans l'ensemble de ses droits et obligations prévus à la convention du 4 octobre 1989 afin de poursuivre l'exploitation du restaurant "le Grand Café Colbert" compris dans l'ensemble immobilier de la Bibliothèque Nationale ; que les articles 9-1 et 13-2 de la convention initiale ont été modifiés avec cette précision que toutes les clauses et conditions de la convention en cours, en date du 4 octobre 1989 qui n'étaient pas modifiées ou abrogées par l'avenant demeuraient expressément en vigueur ;

Que dans son exposé préliminaire, la convention d'occupation et

d'exploitation du 4 octobre 1989 indique qu'elle a été établie afin d'assurer l'exploitation du restaurant ; que la convention définit en son article 1-1 les modalités suivant lesquelles l'Etat confie au bénéficiaire l'exploitation des activités de restauration et de débit de boissons dans divers locaux dépendant de la Bibliothèque Nationale et précise en son article 4 l'étendue de l'autorisation donnée - restauration, débits de boisson, vente de produits alimentaires destinés à la consommation sur place - à l'exclusion de toute autre, et l'exclusivité accordée pour ce faire par l'Etat au bénéficiaire ; Qu'en contrepartie de l'autorisation d'occupation et d'exploitation, le bénéficiaire s'engage à verser à l'Etat une redevance calculée, par application de l'avenant du 3 septembre 1992, sur le chiffre d'affaires hors taxe et hors services c'est-à-dire sur le chiffre d'affaire généré par les activités de restauration et de débit de boissons avec un minimum de 400.000 francs quel que soit le chiffre d'affaires ;

Qu'étant substitué à la société PWF dans l'ensemble de ses droits et obligations, LE GRAND COLBERT a, vis-à-vis de l'Etat, non seulement le droit mais encore l'obligation de poursuivre les mêmes activités de restauration et de débit de boissons c'est-à-dire est tenu de succéder à la société PWF dans toutes ses activités ; que dès lors l'existence de factures émises pour la reprise par lui des moyens permettant la poursuite de l'activité de la société PWF ne suffit pas à rendre applicable les dispositions de l'article 720 du Code général des impôts, la succession de la société LE GRAND COLBERT dans les activités de la société PWF résultant d'un contrat dans lequel l'Etat était partie et non pas du seul accord des sociétés LE GRAND COLBERT et PWF ;

Que Monsieur le Directeur des Services Fiscaux de Paris Centre

invoque vainement un arrêt de la Cour de Cassation du 7 mars 1995 qui soumet aux dispositions de l'article 720 du Code général des impôts le transfert à titre onéreux de matériel et objets mobiliers permettant à l'acquéreur de succéder au cédant dans son activité avec l'accord de l'Administration dès lors que cet accord concernait uniquement l'occupation du domaine public et non pas les modalités de l'exploitation qui devait y être développée contre redevance versée à l'Etat ;

Qu'en conséquence c'est à tort que l'Administration fait application de l'article 720 du Code général des impôts à la reprise par LE GRAND COLBERT du matériel de la société PWF ;

Considérant que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a annulé l'avis de mise en recouvrement n° 94 11 MO 185 du 21 novembre 1994 ;

Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif ;

PAR CES MOTIFS, REFORME le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a dit la procédure irrégulière, DIT n'y avoir lieu à mise en oeuvre de la procédure de répression des abus de droit, CONFIRME le jugement entrepris en ce qu'il a annulé les avis de mise en recouvrement n° 94 11 MO 185 du 21 novembre 1994 et 97 01 05066 du 10 février 1997, CONDAMNE l'Administration à payer à la société LE GRAND COLBERT une somme de 1.600 ä (mille six cents euros) en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, CONDAMNE l'Administration aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile, LE Z...,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2000/00512
Date de la décision : 06/02/2003

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Redressement et vérifications (règles communes) - Redressement contradictoire - Notification - Motifs.

Le fait pour l'Administration d'avoir motivé le redressement fondé sur l'article L 55 du Livre des procédures fiscales en reprenant la motivation développée dans le redressement notifié au visa de l'abus de droit ne suffit pas pour établir qu'elle s'est placée, tout au long de la procédure, dans le cadre de la répression de l'abus de droit dès lors qu'elle soutient que les conditions de l'article L 64 du Livre des procédures fiscales n'étant pas réunies. Cette motivation n'était pas pertinente au regard de ce fondement. Par conséquent, la procédure de redressement contradictoire de droit commun est régulière et la procédure de répression des abus de droit ne doit pas être mise en oeuvre

IMPOTS ET TAXES - Recouvrement (règles communes) - Avis de mise en recouvrement - Annulation.

L'avis de mise en recouvrement précise que les droits appelés ont pour origine la notification de redressements et correspondent à des droits d'enregistrement sur une cession de fonds de commerce et de clientèle, selon le régime normal de l'article 719 du Code général des impôts. Or cette notification est fondée sur les dispositions de l'article 720 du Code général des impôts. Il existe donc une contradiction entre la notification et l'avis de mise en recouvrement. Cette contradiction constitue une irrégularité qui ne peut pas être redressée par la référence faite à la notification. L'avis de mise en recouvrement est donc nul


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2003-02-06;2000.00512 ?
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