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06/06/2002 | FRANCE | N°2001/19131

France | France, Cour d'appel de Paris, 06 juin 2002, 2001/19131


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 6 JUIN 2002

(N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/19131 Pas de jonction Décision dont appel : Ordonnance rendue le 25 mai 2001 par le J.A.F. du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (Section A, cabinet 3) RG n° : 2001/32130 Date ordonnance de clôture : 14 mars 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANTE :

Madame Lilach X... épouse Y...

née le 27 octobre 1969 à HADERA (Israùl)

de nationalité française

demeurant Place Immeuble Atta P

rès du Stade

Félix Houphouet Boigny 6ème étage porte B 63

ABIDJAN (COTE D'IVOIRE)

Repré...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 6 JUIN 2002

(N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/19131 Pas de jonction Décision dont appel : Ordonnance rendue le 25 mai 2001 par le J.A.F. du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (Section A, cabinet 3) RG n° : 2001/32130 Date ordonnance de clôture : 14 mars 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANTE :

Madame Lilach X... épouse Y...

née le 27 octobre 1969 à HADERA (Israùl)

de nationalité française

demeurant Place Immeuble Atta Près du Stade

Félix Houphouet Boigny 6ème étage porte B 63

ABIDJAN (COTE D'IVOIRE)

Représentée par la S.C.P. VERDUN - SEVENO, avoué

Assistée de Maître MARTIN,

avocat à la Cour (A 0230) INTIME :

Monsieur Antony Y...

demeurant Plateau Immeuble Tropique 3

Appartement D 2101 BP 6449

ABIDJAN 01

COTE D'IVOIRE

Représenté par la S.C.P. FANET - SERRA - GHIDINI, avoué

Assisté de Maître BRANCHE,

avocat à la Cour (R 194)

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats et du délibéré

Président : Madame Z...

Conseiller : Monsieur A...

Conseiller : Monsieur B...

GREFFIER

lors des débats et du prononcé

de l'arrêt : Mlle C...

MINISTERE PUBLIC

Représenté aux débats par Monsieur D...,

Avocat Général, qui a été entendu en ses explications.

DEBATS

à l'audience du 7 mai 2002

tenue en chambre du conseil

ARRET - CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par Madame Z...,

Président, qui a signé la minute avec

Mlle C..., Greffier. * * *

Anthony Y... et Lilach X..., tous deux de nationalité française, se sont mariés le 1er mars 1994 à Shfayim (Israùl). Deux enfants sont issus de cette union, Leroy né le 8 septembre 1994 et Gary né le 11 juillet 1998.

Lilach X... épouse Y... a déposé, le 28 octobre 2000, une requête en divorce pour faute sur le fondement de l'article 242 du code civil, devant le juge aux affaires familiales de Paris.

Anthony Y... a conclu à l'incompétence de ce juge au motif qu'une procédure en divorce avait été introduite précédemment par lui devant le tribunal d'Abidjan. Lilach X... épouse Y... a, au contraire, invoqué le bénéfice du privilège de juridiction pour revendiquer la compétence des juridictions françaises.

Suivant ordonnance du 25 mai 2001, le juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Paris a décliné sa compétence, au motif que le juge ivoirien avait déjà été saisi et s'était déclaré compétent.

Appelante de cette ordonnance dont elle poursuit l'infirmation, Lilach X... épouse Y... demande de :

- vu les articles 14 et 15 du code civil,

- vu son absence de renonciation au privilège de juridiction,

- déclarer le juge aux affaires familiales de Paris compétent,

- renvoyer les parties devant ce juge pour organiser les mesures relatives à la conciliation,

- condamner Anthony Y... à lui payer la somme de 750 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle soutient qu'étant de nationalité française, elle est en droit de revendiquer la compétence des juridictions françaises.

Elle souligne que l'introduction d'une procédure devant le tribunal d'Abidjan par son conjoint ne saurait faire échec à cette règle. Elle ajoute qu'au cours de la procédure ivoirienne elle s'est toujours

opposée à la compétence de cette juridiction et a revendiqué celle du juge français.

Elle précise que lorsque les parties sont domiciliées hors du territoire national, il est de principe que le juge compétent territorialement est celui qui respecte les conditions d'une bonne administration de la justice, et qu'en l'espèce le tribunal de Paris répond à ce critère, les époux y ayant vécu.

Anthony Y... conclut à la confirmation de la décision entreprise, demande de constater que le tribunal de Première instance d'Abidjan est déjà saisi et de renvoyer Lilach X... épouse Y... devant cette juridiction. Il réclame la condamnation de l'épouse au paiement de la somme de 700 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Anthony Y... fait valoir qu'alors qu'il avait introduit une procédure en divorce devant le tribunal de première instance d'Abidjan, l'épouse a saisi le juge aux affaires familiales de Paris créant un conflit de juridictions. Il invoque donc une exception de litispendance internationale, au visa de l'article 100 du nouveau code de procédure civile et considère que Lilach X... épouse Y... doit être renvoyée devant le tribunal d'Abidjan, premier saisi. Il précise que ce tribunal s'est déclaré compétent pour connaître de la procédure en divorce, suivant jugement du 3 janvier 2001 confirmé par arrêt de la cour d'appel d'Abidjan.

Il prétend qu'en application de l'article 1070 du nouveau code de procédure civile étendu à l'ordre international, le domicile conjugal étant à Abidjan, les enfants mineurs y résidant comme Lilach X... épouse Y..., le juge ivoirien est compétent.

Il explique qu'ayant renoncé au privilège de juridiction de l'article 15 du code civil en introduisant une action devant un tribunal étranger, il ne saurait être attrait devant les juridictions

françaises.

Il allègue que le privilège de juridiction a un caractère subsidiaire et doit être écarté toutes les fois où une juridiction étrangère s'est reconnue compétente. Il indique que le tribunal d'Abidjan étant désigné par les règles internes françaises de compétence comme le tribunal du lieu du domicile conjugal, il n'existe aucune raison pour que les tribunaux français se déclarent compétents.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 mars 2002.

Anthony Y... a signifié et déposé le 3 mai 2002 de nouvelles écritures et produit deux nouvelles pièces sous les numéros 7 et 8.

Il fait valoir qu'il existe une cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture tirée des attestations de plumitif d'un arrêt rendu par la cour d'appel d'Abidjan le 12 avril 2002 et de celui du jugement de non conciliation du tribunal de Première instance d'Abidjan du 15 mai 2001.

Sur ce, la cour

Considérant d'une part que l'attestation de plumitif établie le 1er juin 2001 en suite du jugement du tribunal d'Abidjan du 15 mai 2001 aurait pu être produite bien avant la clôture et d'autre part qu'Anthony Y... n'explique pas en quoi la seconde attestation de plumitif aurait une incidence sur l'instance en cours ayant trait à la portée des articles 14 et 15 du code civil, dès lors que le fait qu'une procédure en divorce ait été engagée par Anthony Y... devant les juridictions ivoiriennes n'est nullement contesté ; qu'il n'existe donc aucune cause grave justifiant de révoquer la clôture et de produire des pièces postérieurement à son prononcé ; qu'il convient donc de rejeter les conclusions et pièces produites postérieurement ;

Considérant que l'exception de litispendance peut être reçue devant un juge français, en raison de l'instance engagée devant un tribunal

étranger également compétent ; qu'elle est cependant irrecevable si la décision à intervenir à l'étranger n'est pas susceptible d'être reconnue en France ;

Considérant que le privilège de juridiction de l'article 14 n'appartient qu'au demandeur de nationalité française ; que cette règle de compétence étendue à toutes les matières est subsidiaire, car ne permettant au demandeur français de saisir le tribunal de son choix que lorsqu'aucun critère ordinaire de compétence territoriale n'est réalisé en France ; qu'elle s'impose au juge français et ne peut être écartée, si son bénéficiaire ne renonce pas à s'en prévaloir, que par un traité international ; qu'elle est exclusive, rendant radicalement incompétente une juridiction étrangère et empêchant donc la reconnaissance en France d'une décision rendue à l'étranger ;

Considérant qu'en l'espèce, les époux sont tous deux de nationalité française et que Lilach X... épouse Y...- qui admet que la juridiction ivoirienne a été saisie la première- fonde la compétence du juge aux affaires familiales de Paris sur l'article 14 du code civil et établit, par la production du jugement ivoirien qui répond à son exception d'incompétence et par l'appel de la décision rejetant cette exception, qu'elle n'a pas renoncé à son privilège de juridiction mais bien au contraire a soulevé l'incompétence du juge étranger ;

Considérant qu'à la date de la requête en divorce, aucun critère de compétence ordinaire n'étant réalisé en France, il convient, infirmant l'ordonnance entreprise, de dire le juge aux affaires familiales de Paris seul compétent en application de l'article 14 du code civil ;

Considérant qu'il convient de condamner Anthony Y... à payer à Lilach X... épouse Y... la somme de 750 euros au titre de

l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Par ces motifs

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture,

Rejette les conclusions signifiées et les pièces 7 et 8 produites par l'intimé le 3 mai 2002,

Infirme l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau,

Dit que la juridiction française a une compétence exclusive pour connaître de la requête en divorce de Lilach X... épouse Y...,

Renvoie l'affaire et les parties devant le juge aux affaires familiales du Tribunal de grande instance de Paris,

Condamne Anthony Y... à payer à Lilach X... épouse Y... la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Condamne Anthony Y... aux entiers dépens de première instance et d'appel et admet la SCP Verdun Seveno au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2001/19131
Date de la décision : 06/06/2002

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Privilège de juridiction

Le privilège de juridiction édicté par l'article 14 du Code civil, appartenant au demandeur de nationalité française, s'impose au juge français et ne peut être écarté, si son bénéficiaire ne renonce pas à s'en prévaloir, que par un traité international. Cette règle de compétence est exclusive, rendant radicalement incompétente une juridiction étrangère et empêchant donc la reconnaissance en France d'une décision rendue à l'étranger. En l'espèce, l'épouse de nationalité française se prévalant du privilège de juridiction pour introduire une requête en divorce devant le juge aux affaires familiales français, bien qu' admettant que la juridiction ivoirienne ait été saisie la première, fonde la compétence du juge aux affaires familiales de Paris sur l'article 14 du Code civil et établit, par la production du jugement ivoirien qui répond à son exception d'incompétence et par l'appel de la décision rejetant cette exception, qu'elle n'a pas renoncé à son privilège de juridiction mais bien au contraire a soulevé l'incompétence du juge étranger. Il en résulte que le juge aux affaires familiales de Paris est seul compétent en application de l'article 14 du Code civil


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-06-06;2001.19131 ?
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