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07/05/2002 | FRANCE | N°01/38107

France | France, Cour d'appel de Paris, 18ème chambre, section d, 07 mai 2002, 01/38107


COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre, section D
ARRET DU 7 MAI 2002
N Répertoire Général : 01/ 38107
Sur appel d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de Villeneuve Saint Georges section commerce du 18 octobre 2001
CONTRADICTOIRE
PARTIES EN CAUSE
1) Monsieur Thierry X...... 92210 SAINT CLOUD
APPELANT comparant assisté par Maître LEHEUZEY, avocat au barreau de Paris (R94)
2) SOCIETE GARAGE DU BAC 2, rue Lavoisier 94430 CHENNEVIERES SUR MARNE
INTIMEE représentée par Maître VIDAL DAGRON, avocat au barreau de Paris (M105)
COMPOSITION DE LA COUR :

Statuant en tant que Chambre Sociale Lors des débats et du délibéré :

DEBATS : A l'aud...

COUR D'APPEL DE PARIS
18ème Chambre, section D
ARRET DU 7 MAI 2002
N Répertoire Général : 01/ 38107
Sur appel d'un jugement du Conseil de Prud'hommes de Villeneuve Saint Georges section commerce du 18 octobre 2001
CONTRADICTOIRE
PARTIES EN CAUSE
1) Monsieur Thierry X...... 92210 SAINT CLOUD
APPELANT comparant assisté par Maître LEHEUZEY, avocat au barreau de Paris (R94)
2) SOCIETE GARAGE DU BAC 2, rue Lavoisier 94430 CHENNEVIERES SUR MARNE
INTIMEE représentée par Maître VIDAL DAGRON, avocat au barreau de Paris (M105)
COMPOSITION DE LA COUR : Statuant en tant que Chambre Sociale Lors des débats et du délibéré :

DEBATS : A l'audience publique du 25 mars 2002,
ARRET : contradictoire-prononcé publiquement par Monsieur LINDEN, Président, lequel a signé la minute avec Madame DESTRADE, greffier.
FAITS ET PROCEDURE
M. X... a été engagé à compter du 29 juin 1998 par la société Garage du Bac, concessionnaire BMW, en qualité de vendeur qualifié. Le 8 février 2001, l'équipe commerciale a adressé un courrier au " président-directeur général ", M. Y..., avec copie au père de ce dernier, associé majoritaire, à l'inspecteur du travail et à la société BMW, par lequel elle déclarait ne plus pouvoir accepter de continuer à travailler sous l'autorité et la direction de M. Z..., directeur général, du fait de son attitude intolérable se caractérisant
notamment par un comportement agressif et un manque de respect envers le personnel, et sollicitait un rendez-vous. Le 13 février 2001, l'équipe commerciale a déclenché une grève ; le 16 février 2001, ses membres ont adressé au " président-directeur général " un courrier en télécopie par lequel ils attestaient lui avoir exposé leurs griefs concernant le directeur général, à savoir brimades et sanctions injustifiées, entraves au bon fonctionnement des activités commerciales, menaces et chantage de licenciement, harcèlement moral, et indiquaient : nous prenons conscience que vous devez faire un choix entre le directeur général ou l'équipe commerciale. Il a été convenu d'une suspension du pouvoir disciplinaire du directeur général à l'égard du service commercial, dans l'attente d'un projet de modification de l'organisation que la direction générale s'engageait à porter à la connaissance des salariés pour le 28 février ; il a été mis fin à la grève le 15 février. Le16 février, la société Garage du Bac a accusé réception du courrier des membres de l'équipe commerciale ; elle a notamment indiqué : ainsi que vous me l'avez exprimé, l'ultimatum posé à la société consiste donc dans le choix entre le licenciement de M. Z... et le licenciement de chacun des membres ayant fait savoir un refus irréductible de poursuivre l'exécution de son contrat de travail sous la direction de M. Z.... Par lettres du 26 février, la société Garage du Bac a informé chacun des salariés concernés, dont M. X..., de son choix de maintenir M. Z... dans ses fonctions, de l'engagement d'une procédure de licenciement et de la dispense de présence dans l'entreprise jusqu'à la date de l'entretien préalable. M. X... a été licencié le 9 mars 2001 pour les motifs suivants : Le 8 février 2001 vous vous êtes associé à un courrier collectif adressé au président directeur général de la société Garage du Bac, l'avisant de votre refus de continuer à travailler sous l'autorité de M. Bruno Z..., directeur général de la société, dont vous contesté totalement les méthodes de direction du personnel. Vous avez d'ailleurs estimé devoir faire parvenir une copie de ce courrier à la société BMW France au risque de compromettre la pérennité du contrat de concession automobile consenti par ce constructeur à la société Garage du Bac, et partant, de déstabiliser gravement l'entreprise. Vous avez sollicité un entretien en vue d'exposer vos griefs et sans attendre celui-ci, vous avez entrepris un mouvement de grève à compter du 13 février. Cet entretien a eu lieu le 14 février et il vous a été indiqué que la société Garage du Bac vous ferait connaître sa décision le 26 février au plus tard. Dans cette attente vous avez alors décidé de mettre fin à votre mouvement de grève et vous en avez avisé la société par un courrier en télécopie du 15 février. Toutefois par un second courrier collectif en télécopie du même jour, vous avez explicité votre position dans les termes suivants : " nous prenons conscience que vous devez faire un choix entre le directeur général ou l'équipe commerciale sus mentionnée ". Par courrier du 16 février, la société Garage du Bac a donc pris acte de votre décision définitive de ne plus travailler sous la subordination de M. Bruno Z..., et vous a fait connaître le 26 février, les motifs pour lesquels il avait été décidé de maintenir M. Bruno Z... dans ses fonctions, vous avisant que compte tenu de la position expressément exprimée par votre courrier du 15 février, toute disposition allait être entreprise pour envisager de mettre un terme à votre contrat de travail. Vous avez été effectivement convoqué à un entretien qui s'est tenu le 7 mars 2001 et vous vous êtes refusé à toute explication, vous bornant à cette seule déclaration : " tout a été dit ", faisant allusion à votre position antérieurement exprimée. Nous ne pouvons dès lors que constater le caractère irréductible de la mésentente qui vous oppose à votre supérieur hiérarchique qui rend impossible dans ces conditions la poursuite de votre contrat de travail. La rémunération moyenne de M. X... était en dernier lieu de 18 057 F ; la société Garage du Bac occupait habituellement au moins onze salariés. M. X... a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve Saint-Georges de demandes à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages-intérêts pour préjudice moral, de rappel de salaire et de congés payés afférents ; il en a été débouté par jugement du 18 octobre 2001. M. X... a interjeté appel. La Cour se réfère aux conclusions des parties, visées par le greffier, du 25 mars 2002.
MOTIVATION
Sur la validité du licenciement
Il résulte des termes de la lettre de licenciement que le grief essentiel fait à M. X... est d'avoir posé avec ses collègues un ultimatum à la société, en lui demandant de choisir entre M. Z... et eux, et en donnant une certaine publicité à leur action ; aucun élément ne permet de considérer que la grève faite entre le 13 et le 15 février serait à l'origine du licenciement. Par suite, le licenciement de M. X... est valide.
Sur l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement
Il résulte des pièces versées au dossier et des débats les faits suivants. La situation sociale de l'entreprise s'est dégradée aussitôt après l'arrivée de M. Z... en qualité de directeur général, plusieurs salariés ayant même été amenés à quitter leurs fonctions à la suite des pressions qu'ils avaient subies. M. Z... obligeait des salariés à " faire des pompes " dans son bureau pendant un rapport commercial devant toute l'équipe, ou à jeter des pièces de 10 francs dans un gobelet en cas de mauvaise réponse lors d'un questionnaire oral ; il leur disait qu'il allait les pendre au ficus. M. A... atteste que M. Z... lui a tenu les propos suivants : je vais pendre les vendeurs dans le ficus, sortir sa trousse de chasse et nous signaler qu'il peut nous coudre avec l'aiguille servant pour les éventrations de ses chiens. Ma femme doit être chaude et propre quelle que soit l'heure. Mme B... fait état des hurlements, cris et coups de poing de M. Z... qui terrorisent tout le monde, plusieurs collègues en ayant pleuré à plusieurs reprises, ainsi que de ses menaces à l'égard des employés à qui il demande leur démission s'ils ne sont pas satisfaits de leur sort au Garage du Bac ; elle précise que M. Z... répète souvent qu'il finira l'année 2000 avec 15 employés de moins si nécessaire. L'ensemble de ces éléments justifient que l'équipe commerciale, comprenant M. X..., ait fait part du comportement intolérable de M. Z... tant à l'inspecteur du travail qu'à la société BMW, concernée par le conflit ; par ailleurs, la participation à une grève ne peut en tout état de cause constituer une cause de licenciement. Si, en vertu de la liberté constitutionnelle d'entreprendre, l'employeur, responsable de l'entreprise, doit pouvoir choisir ses collaborateurs, il doit également permettre à l'ensemble des salariés d'exécuter leur contrat de travail dans des conditions non susceptibles de porter atteinte à leur dignité, ni d'altérer leur santé ; par ailleurs, la mésentente entre un salarié et tout ou partie du personnel ne peut constituer une cause de licenciement que si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié concerné. En l'espèce, le comportement de M. Z... à l'égard des membres de l'équipe commerciale portait atteinte à la dignité de ceux-ci ; il s'ensuit que les motifs invoqués par la société Garage du Bac ne pouvaient justifier le licenciement de M. X.... Le jugement sera donc infirmé. Les conditions d'application de l'article L. 122-14-4 du Code du travail étant remplies, M. X... peut prétendre à l'indemnité minimale prévue par ce texte, équivalant au salaire des six derniers mois, soit une somme de 16 516, 63 euros ; en l'absence de justification d'un préjudice supérieur, il lui sera alloué ce montant. Celui-ci correspondant à un minimum légal, le point de départ des intérêts doit être fixé au jour de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation. M. X... n'ayant pas perçu d'indemnité de chômage, il n'y a pas lieu d'en ordonner le remboursement.
Sur le préjudice moral
Ayant subi un harcèlement moral de la part de M. Z..., représentant l'employeur, M. X... est en droit d'obtenir réparation du préjudice subi de ce chef ; il lui sera alloué à ce titre une somme de 2 000 euros.
Sur le rappel de salaire
M. X... a été dispensé de se présenter à son poste de travail à compter du 26 février 2001, l'employeur indiquant qu'il maintenait sa rémunération ; la retenue opérée pour absence est donc injustifiée, de sorte que la société Garage du Bac doit être condamnée au paiement de la somme correspondante, soit 444, 25 euros, outre les congés payés afférents.
Sur l'article 700 du nouveau Code de procédure civile
Il sera alloué à M. X..., au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, une somme de 2 500 euros.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau,
Condamne la société Garage du Bac à payer à M. X... :-16 516, 63 euros (seize mille cinq cent seize euros et soixante trois centimes) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2001 ;-444, 25 euros (quatre cent quarante quatre euros et vingt cinq centimes) à titre de rappel de salaire ;-44, 42 euros (quarante quatre euros et quarante deux centimes) au titre des congés payés afférents ;-2 000 euros (deux mille euros) à titre de préjudice moral pour harcèlement ;-2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne la société Garage du Bac aux dépens.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : 18ème chambre, section d
Numéro d'arrêt : 01/38107
Date de la décision : 07/05/2002

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, RUPTURE - Licenciement - Cause - Cause réelle et sérieuse - Applications diverses - Mésentente - Condition

Si, en vertu de la liberté constitutionnelle d'entreprendre, l'employeur, responsable de l'entreprise, doit pouvoir choisir ses collaborateurs, il doit également permettre à l'ensemble des salariés d'exécuter leur contrat de travail dans des conditions non susceptibles de porter atteinte à leur dignité, ni d'altérer leur santé ; par ailleurs, la mésentente entre un salarié et tout ou partie du personnel ne peut constituer une cause de licenciement que si elle repose objectivement sur des faits imputables au salarié concerné. En l'espèce, le comportement du directeur général à l'égard des membres de l'équipe commerciale portait atteinte à la dignité de ceux-ci ;Il s'ensuit que les motifs invoqués par l 'employeur, à la suite de l'ultimatum consistant dans le choix entre le licenciement du directeur général et celui de chacun des membres ayant fait savoir un refus irréductible de poursuivre l'exécution de son contrat de travail sous la direction de celui-ci, ne pouvaient justifier le licenciement d'un des membres de l'équipe commercial


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-05-07;01.38107 ?
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