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28/03/2002 | FRANCE | N°2001/00558

France | France, Cour d'appel de Paris, 28 mars 2002, 2001/00558


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 28 MARS 2002

(N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/00558 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 12 septembre 2000 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (1ère chambre, 1ère section) RG n : 1998/7359 Date ordonnance de clôture : 20 décembre 2001 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANT :

Monsieur Moulay Souleimane X...

né le 22 février 1966 à RABAT

de nationalité marocaine

demeurant Tarik Magouna Souissi

RABAT (Maroc)

Représenté par Maître PAMART, avoué

Assisté de la S.C.P. NORMAND - SARDA

plaida...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 28 MARS 2002

(N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/00558 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 12 septembre 2000 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (1ère chambre, 1ère section) RG n : 1998/7359 Date ordonnance de clôture : 20 décembre 2001 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANT :

Monsieur Moulay Souleimane X...

né le 22 février 1966 à RABAT

de nationalité marocaine

demeurant Tarik Magouna Souissi

RABAT (Maroc)

Représenté par Maître PAMART, avoué

Assisté de la S.C.P. NORMAND - SARDA

plaidant à l'audience par Maître Renaud LE GUNEHEC,

avocat à la Cour (P 141) INTIMEE :

Madame Nadia Y...

née le 11 septembre 1957 à RABAT (Maroc)

de nationalité française

demeurant 47bis, route de Florissant

1206 GENEVE (Suisse)

Représentée par Maître MELUN, avoué

Assistée de la S.C.P. LEVY - REZLAN

plaidant à l'audience par Maître REZLAN,

avocat à la Cour (P 507)

COMPOSITION DE LA COUR :

lors du délibéré

Président : Madame Z...

Conseiller : Monsieur A...

Conseiller : Monsieur B..., ce dernier appelé d'une autre chambre pour compléter la Cour, en remplacement des autres membres de cette chambre légitimement empêchés.

GREFFIER

lors des débats et du prononcé

de l'arrêt : Mlle C...

MINISTERE PUBLIC

Représenté aux débats par Monsieur D...,

Avocat Général, qui a été entendu en ses explications

DEBATS

à l'audience du 28 février 2002,

tenue en chambre du conseil, Monsieur A...,

Magistrat chargé du rapport, a entendu les plaidoiries,

les avocats ne s'y étant pas opposés. Il en a rendu

compte à la Cour dans son délibéré.

ARRET - CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par Madame Z...,

Président, qui a signé la minute avec Mlle C..., Greffier. * * *

M. Moulay X..., de nationalité marocaine, est appelant d'un jugement rendu le 12 septembre 2000 par le Tribunal de grande instance de Paris qui, sur l'action en recherche de paternité naturelle de Mme Nadia Y..., a, faisant application de la loi française désignée par l'article 311-14 du code civil, ordonné une mesure d'expertise comparée des sangs des parties et de l'enfant Ilyane, née le 15 juin 1997 à Genève en Suisse, et sursis à statuer sur les autres demandes.

M. Moulay X... conclut à l'infirmation de cette décision. Il soutient que la loi marocaine est seule applicable à ce litige, en tant que loi personnelle de toutes les parties et compte tenu du rattachement exclusif du litige au Maroc. M. Moulay X... expose que rien ne permettait au Tribunal d'appliquer la loi française alors que la mère et l'enfant possèdent toutes deux la nationalité marocaine, qui est leur seule nationalité effective. Il ajoute que la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes, applicable aux doubles nationaux comme Mme Nadia Y... et sa fille, dont la valeur est supérieure au droit interne français, fait prévaloir la nationalité commune des parties sur toute autre qui ne serait pas partagée, et à ce titre, désigne, en application de son article premier, la loi marocaine.

Or, l'article 83-2° de la Moudawana, ou code du statut personnel et des successions marocaines, n'autorise qu'une action en recherche de maternité naturelle mais ne permet pas d'établir un lien de filiation naturelle à l'égard du père. D'après M. Moulay X..., le statut personnel marocain en matière de filiation n'est pas manifestement contraire à l'ordre public international français au sens notamment de l'article 4 de la Convention franco-marocaine du 10 août 1981, dans la mesure où la demande de Mme Nadia Y... ne porte pas tant sur l'établissement d'un droit en France que sur l'établissement d'une filiation au Maroc, contre un marocain, en faveur d'un enfant qui ne réside pas en France.

M. Moulay X... demande à la Cour de déclarer Mme Nadia Y... irrecevable en son action, de la condamner, outre aux dépens, à lui payer la somme de 50.000 F en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Mme Nadia Y... demande à la Cour la confirmation du jugement du Tribunal de grande instance de Paris. Elle revendique, au titre des articles 3 et 311-14 du code civil, l'application de la loi française qu'elle estime également commandée par la Convention franco-marocaine du 10 août 1981, aucun argument ne permettant d'écarter le droit français pour un ressortissant français. Elle indique qu'en toute hypothèse, la loi marocaine doit être évincée au profit de la loi française par suite de sa contrariété à l'ordre public international français en raison de l'impossibilité d'établir sous son empire un lien de filiation paternelle naturelle. Mme Nadia Y... demande ensuite à la Cour, au vu des résultats de l'expertise, de déclarer M. Moulay X... père de l'enfant Ilyane, de condamner ce dernier à

lui verser la contre-valeur en francs français à la date de la décision de la somme de 96.000 dollars américains en remboursement de la moitié des frais qu'elle a engagés pour l'entretien et l'éducation de l'enfant, de condamner M. Moulay X... à lui verser également la contre-valeur en francs français de 12.000 dollars américains par mois au titre de sa participation pour l'avenir aux frais d'entretien et d'éducation jusqu'à ce que l'enfant ne soit plus à sa charge. Subsidiairement, elle demande la condamnation au titre de l'article 342 du code civil de M. Moulay X... à lui verser ces mêmes sommes en tant que subsides. Dans tous les cas, Mme Nadia Y... demande au surplus la condamnation de M. Moulay X... à lui verser, en réparation du préjudice moral qu'il lui a causé, la contre-valeur au jour du jugement en francs français de la somme de 100.000 dollars américains. Mme Nadia Y... conclut enfin à la condamnation de M. Moulay X..., outre aux dépens, au paiement de la somme de 75.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE LA COUR :

Considérant que la Convention franco-marocaine du 10 août 1981 relative au statut des personnes et de la famille et à la coopération judiciaire qui prévoit notamment à son article 1 que l'état et la capacité des personnes sont régis par la loi de celui des deux Etats dont ces personnes ont la nationalité, n'entend régir que la famille légitime et ne traite ni de la filiation ni de l'action à fins de subsides, que les premiers juges ont ainsi à bon droit déclaré la Convention précitée inapplicable ;

Considérant qu'en matière de filiation, l'article 311-14 du code

civil aux termes duquel la filiation est régie par la loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant, si la mère n'est pas connue, par la loi personnelle de l'enfant, retient en l'espèce un rattachement à la loi de Mme Nadia Y... dont est issu l'enfant Ilyane et qui l'a reconnu le 4 juillet 1997 ;

Considérant que M. Moulay X... soutient que la nationalité effective de Mme Nadia Y... est la nationalité marocaine et non la nationalité française, que dès lors la loi personnelle désignée par la règle de conflit de l'article 311-14 du code civil est la loi marocaine, le litige n'opposant d'ailleurs entre eux que des ressortissants marocains et l'enfant ayant également cette dernière nationalité ;

Considérant que pour l'application directe de la règle de conflit de lois donnant compétence à la loi nationale, le juge français ne doit prendre en considération que la loi française sur la nationalité, que la loi française déterminant en effet qui est français, le juge français est tenu de l'appliquer même quand une loi étrangère attribue sa nationalité à un individu que la loi répute français, qu'au demeurant, comme le relève Mme Nadia Y..., l'article 3 alinéa 3 du code civil, en soumettant à la loi française l'état et la capacité des français, même résidant à l'étranger, ne fait pas de distinction selon que les français possèdent ou non une autre nationalité ;

Considérant en outre que seul le facteur de rattachement à la loi personnelle de la mère étant retenu par la règle de l'article 311-14 du code civil en raison, dès lors que la mère est connue, de la certitude de sa maternité, les arguments de M. Moulay X... sur

les liens multiples et exclusifs du litige avec le Maroc qui conduisent à renoncer au fondement de la règle de conflit doivent être écartés ;

Considérant que selon un certificat de nationalité délivré le 8 décembre 1998 par le service de la nationalité à Mme Nadia Y..., celle-ci est française en application des dispositions de l'article 17 du code de la nationalité dans sa version issue de la loi du 9 janvier 1973 comme étant née d'une mère française, qu'il n'y a donc pas lieu à choisir entre la loi française et la loi marocaine, le jugement du Tribunal de grande instance de Paris ayant appliqué le droit français à l'action en recherche de paternité naturelle devant être confirmé de ce chef ;

Considérant que l'expertise biologique est, en matière de filiation, de droit, sauf quand il existe des motifs graves de ne pas l'ordonner, ce que M. Moulay X... n'allègue pas, qu'il convient de confirmer à nouveau le jugement du Tribunal de grande instance de Paris ayant, après avoir reconnu l'existence de présomptions et indices graves de la paternité de M. Moulay X..., commis un expert aux frais avancés de Mme Nadia Y... ;

Considérant que Mme Nadia Y... demande encore à la Cour de statuer, au vu des résultats de l'expertise, sur le montant de la contribution due par M. Moulay X... au titre de l'entretien et de l'éducation de l'enfant, ou, subsidiairement, sur le montant de la pension à titre de subsides, ainsi que sur la réparation de son préjudice moral ;

Considérant que si l'article 568 du nouveau code de procédure civile

prévoit que lorsque la Cour d'appel est saisie d'un jugement qui a ordonné une mesure d'instruction, ou qui, statuant sur une exception de procédure, a mis fin au litige, elle peut, après avoir ordonné elle-même, le cas échéant, une mesure d'instruction, évoquer les points non jugés, ce droit d'évocation constitue une simple faculté dont la Cour, d'après ce même texte, peut user à sa discrétion dès lors qu'elle estime de bonne justice de donner à l'affaire une solution définitive, qu'une telle condition n'étant pas, en l'espèce, réalisée, il n'y a pas lieu à évocation ;

Considérant que M. Moulay X..., qui succombe en son appel, supporte les dépens et ne peut prétendre à une indemnité sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile au titre duquel l'équité commande en revanche de le condamner à verser à Mme Nadia Y... une somme de 4.000 ä ;

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 12 septembre 2000,

Condamne M. Moulay X... à verser à Mme Nadia Y... la somme de 4.000 ä par application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne M. Moulay X... aux dépens et accorde à Me Melun, avoué, le droit prévu par l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2001/00558
Date de la décision : 28/03/2002

Analyses

CONFLIT DE LOIS - Statut personnel - Filiation - Etablissement - Loi applicable - Loi personnelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant

En application des dispositions des articles 311-14 et 3 alinéa 3 du Code civil, la filiation est régie par la loi personelle de la mère au jour de la naissance de l'enfant sans qu'il y ait lieu de distinguer bien que française, elle possède une autre nationalité.Il résulte de ces constatations, qu'une mère de nationalité ma- rocaine et française peut introduire une action en recherche de paternité natu- relle en application du droit français


Références :

Articles 311-14 et 3 alinéa 3 du Code civil

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-03-28;2001.00558 ?
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