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21/03/2002 | FRANCE | N°2000/05210

France | France, Cour d'appel de Paris, 21 mars 2002, 2000/05210


COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section B ARRET DU 21 MARS 2002

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/05210 2000/05562 Décision dont appel : Jugement rendu le 10/01/2000 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 1è Ch. RG n : 1997/49955 Date ordonnance de clôture : 7 Février 2002 Nature de la décision :X... Décision : ARRET AU FOND APPELANTE et INTIMEE : Société LOTRA Société par actions simplifiées prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège Zone industrielle de la Passée BALANCES-ORMES 4514O SAINT JEAN DE LA RUELLE représ

entée par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN, avoué assistée de Maître LAVAL, Avocat ...

COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section B ARRET DU 21 MARS 2002

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/05210 2000/05562 Décision dont appel : Jugement rendu le 10/01/2000 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 1è Ch. RG n : 1997/49955 Date ordonnance de clôture : 7 Février 2002 Nature de la décision :X... Décision : ARRET AU FOND APPELANTE et INTIMEE : Société LOTRA Société par actions simplifiées prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège Zone industrielle de la Passée BALANCES-ORMES 4514O SAINT JEAN DE LA RUELLE représentée par la SCP ARNAUDY-BAECHLIN, avoué assistée de Maître LAVAL, Avocat au Barreau d'ORLEANS, (SCP LAVAL FELIX) APPELANTE : La SOCIETE NATIONALE DES CHEMINS DE FER FRANCAIS "S.N.C.F." Etablissement public à caractère industriel et commercial pris en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 34 rue du Commandant Mouchotte 75O14 PARIS et la direction juridique 10 place de Budapest 75436 PARIS CEDEX O9 représentée par Maître RIBAUT, avoué assisté de Maître WATEL FAYARD, Toque E645, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : COMPAGNIE H.D.I. HALFPLICHTVERBAND DER DEUTSCHEN INDUSTRIES prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège Postfach 51.O3.69.3O633 HANNOVRE -ALLEMAGNE- représentée par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avoué aux lieu et place de la SCP MONIN, avoué initialement constitué assistée de Maître MULLER, Toque R259, Avocat au Barreau de PARIS,(SCP BOULOY GRELLET et GODIN) INTIMEE : SNCF SERNAM SERVICE NATIONAL DES MESSAGERIES prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 57 boulevard Vincent Auriol 75O13 PARIS et encore 88 rue Saint LAZARE 75OO9 PARIS représentée par Maître RIBAUT, avoué assisté de Maître WATEL FAYARD, Toque E645, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : COMPAGNIE D'ASSURANCES CGU COURTAGE nouvelle dénomination de Commercial Union Assurances prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 100 rue de

Courcelles 75O17 PARIS représentée par la SCP MONIN, avoué assistée de Maître BIZIEN, Toque p276, Avocat au Barreau de PARIS, (SCP LAROQUE et associés) COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré Monsieur MAIN : Président Madame Y... : Présidente de Chambre Monsieur Z... : Conseiller DEBATS à l'audience publique du 8 FEVRIER 2002 GREFFIER Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Madame LAISSAC ARRET X... prononcé publiquement par Monsieur MAIN, Président, lequel a signé la minute avec Madame LAISSAC, greffier

La Cour est saisie de l'appel interjeté par la SAS LOTRA, entreprise de transport, et la SNCF du jugement contradictoirement rendu le 10 janvier 2000 par le Tribunal de commerce de Paris qui, dans le litige les opposant à la société HALFPLICHTVERBAND DER DEUTSCHEN INDUSTRIES VAG (HDI) et à la société COMMERCIAL UNION ASSURANCES, a : - dit la société HDI subrogée dans les droits de la société ESCOM COMPUTER et donc recevable en son action, - dit recevable l'appel en garantie formé par la SNCF SERNAM à l'encontre de la société LOTRA, - dit que les fautes graves commises tant par le transporteur, la société LOTRA, que par le commissionnaire de transport, la SNCF SERNAM, ont engagé leur responsabilité, - condamné solidairement la société LOTRA et la société SNCF SERNAM à régler à la société HDI la somme de 2.106.463 francs majorée des intérêts au taux légal à compter du 28 mars 1997 et de la capitalisation de ceux-ci conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil, - condamné la société COMMERCIAL UNION à garantir la société LOTRA à hauteur de la somme de 245.000 francs correspondant au montant du plafond contractuel diminué de la franchise de 30 % pour non respect de la clause vol, - rejeté toutes autres prétentions, - condamné solidairement la société LOTRA et la société SNCF SERNAM à verser à la société HDI 30.000

francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - débouté la société HDI de sa demande de remboursement des traductions ne se justifiant pas dans le cadre du litige, - condamné solidairement la société LOTRA et la SNCF SERNAM aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Dans ses dernières conclusions du 28 janvier 2000 la société LOTRA fait valoir : - que, chargée par la SNCF du transport de marchandises expédiées par la société EURO COMPUTER à la société CORA à Saran, son ensemble routier a été, avec cette marchandise d'ordinateurs, dérobé dans la nuit du 30 mars au 1er avril 1996 alors qu'il se trouvait en stationnement devant le domicile de son chauffeur, sur un parking fermé et gardé d'un foyer SONACOTRA, - que, faute pour elle d'avoir eu son attention attirée sur la valeur des marchandises, la "légèreté" qui lui est imputée en ce qui concerne les conditions de stationnement n'est pas constitutive d'une faute lourde, - que si la SNCF, commissionnaire de transport, avait déclaré la valeur de la marchandise, son chauffeur l'aurait prévenue immédiatement afin que des dispositions soient prises pour sauvegarder la marchandise, - que la SNCF ne pouvait ignorer le contenu des colis et se devait de lui fournir toutes les instructions de l'expéditeur, informations nécessaires à l'exécution du contrat, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce, de sorte que la présomption de responsabilité pesant sur elle se trouve anéantie en raison des fautes graves de la SNCF, - qu'il n'y a pas lieu à division de la dette entre les co-défendeurs dans la mesure où elle n'est pas responsable du sinistre, - que c'est à tort que le Tribunal a condamné la société COMMERCIAL UNION ASSURANCE à la garantir à hauteur de la somme de 245.000 francs correspondant au plafond contractuel diminué d'une franchise de 30 % pour non respect de la clause vol alors qu'elle n'a commis aucune

faute lourde et que, ignorant la valeur de la marchandise transportée, elle n'avait pas à s'assurer au-delà de ce qui était convenu.

La société LOTRA prie en conséquence la Cour d'infirmer le jugement déféré et - à titre principal, de débouter la société HDI de ses demandes, de la mettre hors de cause, de déclarer mal fondé l'appel formé par la SNCF et de condamner celle-ci à régler l'intégralité des demandes de la société HDI, à prendre en charge toute autre condamnation en garantie de sa faute grave, laquelle se trouve à l'origine du dommage et à lui payer, solidairement avec la société HDI, 50.000 francs, soit 7.622,45 euros, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - à titre subsidiaire, de condamner la SNCF à la relever de toutes condamnations prononcées à son encontre, à lui payer 50.000 francs, soit 7.622,45 euros, au titre de ses frais irrépétibles et, à défaut, de condamner la société CGU COURTAGE, nouvelle dénomination de la société COMMERCIAL UNION ASSURANCE, à la relever de toutes condamnations et à lui payer 50.000 francs, soit 7.622,45 euros, en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - en tout état de cause, de dire mal fondées les demandes formées à son encontre et de condamner soit la SNCF, soit la société CGU COURTAGE aux dépens.

Dans ses ultimes écritures du 30 janvier 2002 la société CGU COURTAGE soutient : - qu'il appartient à la Cour de vérifier la réalité de la subrogation invoquée par la société HDI au visa de l'article L. 121-12 du Code des assurances, à savoir une indemnisation en vertu des obligations du contrat d'assurance, - que le délai de prescription d'un mois à compter de l'assignation principale édicté par l'article 108 du Code de commerce, aujourd'hui L. 133-6 du

nouveau Code de commerce, pour chaque action récursoire n'a pas été respecté par la SNCF qui, au surplus, ne peut se référer "à titre infiniment subsidiaire" à une division de la dette entre co-débiteurs puisqu'en tant que commissionnaire de transport elle est de plein droit responsable pour le tout, tant pour sa faute personnelle qu'en sa qualité de responsable des faits de son substitué, - qu'il y a lieu, en toute hypothèse, de confirmer le jugement du Tribunal qui a fait application des stipulations limitant sa garantie au profit de son assurée, la société LOTRA.

La société CGU COURTAGE demande d s lors à la Cour: - Sur les irrecevabilités, d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que l'appel en garantie formé par la SNCF à l'encontre de la société LOTRA était recevable et de déclarer en conséquence irrecevable cet appel en garantie - Sur le fond, de débouter la SNCF de son appel, de dire que la responsabilité de celle-ci est pleinement engagée en tant que commissionnaire de transport et de statuer ce que de droit sur la responsabilité de la société LOTRA, - En tout état de cause de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a limité sa garantie à la somme de 245.000 francs, soit 37.350 euros, de débouter la société LOTRA et la SNCF de toutes leurs demandes "plus amples ou contraires" formées à son encontre et de condamner solidairement la société HDI et la SNCF à lui payer 10.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions du 30 janvier 2002 la SNCF fait valoir : - que si, en vertu du contrat le liant à l'expéditeur, le SERNAM a pour obligation de "vérifier la nature, l'état et la qualité des marchandises avant d'en donner décharge au transporteur", il n'a pas obligatoirement connaissance de leur valeur, laquelle n'a pas à figurer sur le bordereau de colisage et n'a pas à être communiquée au transporteur, - que celui-ci, quel que soit la valeur du chargement, doit prendre toutes les précautions pour en assurer la sécurité, ce qui n'a pas été le cas en l'espèce comme l'a relevé l'expert, - que, faute par elle de justifier des règlements dont elle se prévaut pour invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 121-12 Code des assurances, la société HDI doit être déboutée de ses demandes, - que si sa responsabilité est engagée en qualité de commissionnaire, il convient, eu égard aux fautes inexcusables de son chauffeur, de condamner la société LOTRA et son assureur à la relever indemne de toutes condamnations pouvant être prononcées à son encontre, - que la société CGU COURTAGE ne peut prétendre que son appel en garantie est prescrit en application des dispositions de l'article L. 133-6 alinéa 4 du Code de commerce puisque cet appel en garantie a été formé non par voie d'assignation mais par voie de conclusions à l'encontre d'une personne déjà partie au litige, la société LOTRA ayant été assignée dans le même acte que celui à elle délivré,- que si son appel en garantie est jugé irrecevable, elle est fondée à solliciter la division de la dette entre co-débiteurs.

La SNCF prie en conséquence la Cour de réformer le jugement déféré, de juger que sa responsabilité n'est pas engagée dans le dommage subi par la société ESCOM COMPUTER, de la décharger de toute condamnation et de condamner la société HDI à lui rembourser la somme de 323.219,89 euros (2.120.183,51 francs) versée en vertu de l'exécution

provisoire.

A titre subsidiaire elle demande que la société LOTRA, ainsi que son assureur, soient condamnés à la relever indemne de toute condamnation.

A titre infiniment subsidiaire la SNCF demande de fixer la part contributive de chacun des codébiteurs à l'indemnisation du dommage. Elle conclut aussi à la condamnation de la société LOTRA, outre aux dépens, à lui payer 7.622,45 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Dans ses uniques écritures du 23 octobre 2001 la société HDI soutient : - que, ayant, comme elle en justifie, indemnisé son assurée, la société ESCOM COMPUTER, en application de l'article 2 de la police d'assurance souscrite auprès d'elle, elle est légalement subrogée dans les droits de son assurée, - que la SNCF, qui connaissait la nature et la valeur de la marchandise transportée et devait en informer son substitué, a, en sa qualité de commissionnaire de transport, engagé sa responsabilité en raison de ses fautes personnelles et de la faute lourde de la société LOTRA, - que cette société, dont le chauffeur a gravement manqué aux obligations lui incombant en faisant stationner son camion un week-end sur un parking ouvert, isolé et sans surveillance, ne peut soutenir qu'elle n'a pas été informée de la valeur et de la nature des marchandises à elle confiées, alors que son chauffeur a lui-même apposé la mention "produits ordi" sur sa feuille de route et que son représentant a déclaré le vol de "31 palettes de matériel informatique", - que le

point de départ des intérêts légaux se situe le 26 juin 1996, date de la subrogation, - qu'elle justifie de ses frais de traduction pour un montant de 11.818,80 francs.

La société HDI demande dès lors à la Cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné solidairement la SNCF et la société LOTRA, outre aux dépens comprenant les frais d'expertise, à lui payer la somme de 2.106.463 francs avec intérêts au taux légal et capitalisation de ceux-ci, ainsi que celle de 30.000 francs en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle demande en plus à la Cour, "en rectifiant et ajoutant", de dire que l'indemnité allouée portera intérêts au taux légal à compter du 26 juin 1996 et de condamner les appelantes au paiement des frais de traduction s'élevant à 11.818,80 francs et au règlement d'une indemnité de 6.000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. *

*

*

SUR CE :

Considérant que la société ESCOM COMPUTER a chargé un commissionnaire de transport, la SNCF SERVICE NATIONAL DES MESSAGERIES SERNAM, d'acheminer d'Eckolsheim (67) à Saran (45) 455 colis d'ordinateurs;

Que ce commissionnaire en a confié le transport à la société LOTRA dont l'ensemble routier contenant cette marchandise a été volé dans la nuit du dimanche 31 mars au lundi 1er avril 1996 alors qu'il stationnait pour la durée du week-end sur le parking du foyer

SONACOTRA de Saint-Jean-la-Ruelle où demeurait son chauffeur;

Que, consécutivement à ce sinistre, la société HALFPLICHTVERBAND DER DEUTSCHEN INDUSTRIES V.A.G., ci-après HDI, compagnie d'assurance prétendant être subrogée dans les droits de la société ESCOM COMPUTER, a fait assigner la SNCF et la société LOTRA devant le Tribunal de commerce de Paris pour obtenir la réparation de son préjudice;

Qu'en cours de procédure la société LOTRA et la SNCF ont, pour la première, fait assigner la société COMMERCIAL UNION ASSURANCES afin d'être garantie des condamnations pouvant être prononcées à son encontre puis, pour la seconde, sollicité la condamnation du transporteur et de son assureur à la relever des condamnations pouvant être prononcées à son encontre;

1 - Sur la recevabilité des demandes :

A/ Sur la recevabilité des demandes formées par la société HDI :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 121-12 du Code des assurances : "L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur";

Considérant en l'espèce que la société HDI verse aux débats, avec leur traduction : - la copie de la police d'assurance qui, souscrite auprès d'elle le 21 février 1995 par la société ESCOM COMPUTER, propriétaire du matériel ayant été dérobé au cours de l'opération de

transport, prévoit en son article 2 que "sont couverts dans le monde entier, ..., les risques commerciaux du souscripteur, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui (indépendamment du tranfert du risque), concernant ... les produits manufacturés et articles commercialisables du souscripteur ... pendant : tous les transports ..."; - les avis d'exécution de transfert bancaire justifiant du règlement, par la société HDI, d'une partie du sinistre à hauteur de 300.000 DM + 231.993,92 DM; - une télécopie de la société JASPERS INDUSTRIE ASSEKURANZ, courtier de la société ESCOM COMPUTER, informant la société ESCOM COMPUTER le 8 juillet 1996 de ce que le solde de son préjudice, soit 87.306,20 DM, lui était réglé par compensation avec les primes impayées mentionnées avec précision;

Considérant que ces éléments, non sérieusement contestés, desquels il résulte que, conformément à la police d'assurance par elle souscrite, la société ESCOM COMPUTER a été indemnisée de son préjudice à hauteur de 2.106.463 francs, justifient la subrogation de la société HDI dans les droits et actions de son assurée à l'encontre de la SNCF et de la société LOTRA;

B/ Sur la recevabilité des demandes formées par la SNCF à l'encontre de la société LOTRA et de son assureur, la société CGU COURTAGE, nouvelle dénomination de la société COMMERCIAL UNION ASSURANCES :

Considérant qu'aux termes de l'avant dernier alinéa de l'article L. 133-6 du nouveau Code de commerce: "Le délai pour intenter chaque action récursoire est d'un mois. Cette prescription ne court que du jour de l'exercice de l'action contre le garanti";

Considérant en l'espèce que, comme cela résulte du jugement déféré

non critiqué sur ce point, la SNCF, qui a été assignée par la société HDI le 28 mars 1997, a introduit son action en garantie contre la société LOTRA et son assureur par voie de conclusions du 14 octobre 1998, donc plus d'un mois après son assignation, de sorte que ses demandes en garantie formées à l'encontre du voiturier et de la société CGU COURTAGE sont prescrites; que le fait pour la société HDI d'avoir fait assigner le transporteur en même temps que le commissionnaire ne dispensait pas celui-ci du respect du délai d'un mois prévu par le texte précité;

2 - Sur le bien fondé des demandes :

A/ Sur la demande principale de la société HDI à l'encontre de la SNCF et de la société LOTRA :

Considérant d'une part que, débiteur d'une obligation de résultat, le transporteur terrestre de marchandises est présumé responsable de l'inexécution de son obligation de livraison et ne peut être exonéré de toute responsabilité qu'en cas, soit d'un cas de force majeure, soit d'un vice propre de la chose, soit du fait de l'expéditeur, d'autre part que le commissionnaire de transport est le garant des prestations accomplies par le transporteur qu'il a choisi;

Considérant en l'espèce que, à la suite du vol précédemment mentionné, la livraison n'a pu avoir lieu; que les défenderesses n'invoquent ni le fait de la société ESCOM COMPUTER, ni un vice propre de la chose transportée, ni un cas de force majeure; qu'elles seraient d'autant plus mal venues d'invoquer cette cause exonératoire de responsabilité que, comme il sera plus amplement développé ultérieurement, le vol est la conséquence d'une faute de la société

LOTRA;

Considérant dès lors que, en raison des responsabilités de la société LOTRA et de la SNCF qui l'a choisie comme transporteur, la société HDI, subrogée dans les droits de la société ESCOM COMPUTER, est en droit d'obtenir la condamnation in solidum de la SNCF et de la société LOTRA à lui payer la somme de 2.106.463 francs, montant non sérieusement contesté de l'indemnité allouée à la société ESCOM COMPUTER avec intérêts au taux légal à compter de la subrogation qui, au regard des documents communiqués, s'est trouvée réalisée le 11 juillet 1996 et la capitalisation de ceux-ci à compter du 8 novembre 1999, date des conclusions formulant cette demande;

Considérant qu'il est équitable d'allouer à la société HDI une indemnité complémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, somme à laquelle doit s'ajouter celle de 11.818,80 francs en raison des frais de traduction qui, justifiés par une facture de "BT TRADUCTIONS INTERNATIONAL" du 16 juin 1999, ont été exposés par l'intimée en raison du présent litige;

B/ Sur les demandes en garantie formées par la société LOTRA à l'encontre de la SNCF et de son assureur, la société CGU COURTAGE :

Considérant que pour être garantie par la SNCF des condamnations prononcées à son encontre la société LOTRA reproche à ce commissionnaire de transport de ne l'avoir pas informée de la nature et de la valeur de la marchandise transportée;

Considérant toutefois que cette affirmation est démentie par des

salariés de la société ESCOM COMPUTER et de la SNCF SERNAM qui attestent avoir informé le chauffeur de la société LOTRA sur le risque inhérent à la nature du chargement, à savoir des ordinateurs; Que ce chauffeur, qui a lui-même rédigé la lettre de voiture qu'il a signée avec le représentant du commissionnaire, a mentionné dans la case destinée à la "désignation de la marchandise" : "produits ORDI"; Que s'il prétend avoir compris qu'il s'agissait de produits, tels des "consommables", destinés à des ordinateurs, cette circonstance ne justifie en aucun cas la désinvolture avec laquelle la marchandise a été traitée;

Qu'en effet, sans se soucier le moindre instant du chargement, la société LOTRA a, lors de l'arrivée du camion dans ses entrepôts le 30 mars 1996 à 1 heure 30 du matin, demandé à son chauffeur, faute de quai de déchargement disponible, de rentrer chez lui avec sa cargaison et de revenir avec le lundi, jour prévu pour la livraison de la marchandise à Saran;

Que, au vu du rapport d'expertise, le véhicule a été garé pour le week-end sur le parking où il a été volé avec la marchandise transportée;

Considérant que, peu important la nature du chargement litigieux, le transporteur, responsable de celui-ci, se devait de prendre toutes précautions utiles pour en assurer la sauvegarde avant sa livraison, ce qu'il a négligé de faire, que de la sorte, alors qu'elle ne prouve

pas l'existence d'une faute de sa cocontractante, la société LOTRA se trouve être seule responsable du sinistre survenu et doit être déboutée de sa demande à l'encontre de la SNCF;

Considérant en revanche que, ayant souscrit auprès de la société COMMERCIAL UNION ASSURANCES une police à cet effet, le voiturier est en droit d'être garanti de la responsabilité contractuelle qu'il a engagé en cette qualité; que cette garantie est toutefois plafonnée à 350.000 francs pour un transport national (article 2-1 du contrat) et conditionnée, en cas de vol de marchandises lors d'un stationnement supérieur à 24 heures, au respect de certaines précautions, tel un "gardiennage permanent" du véhicule ou sa remise "dans un endroit clos, surveillé ou fermé à clé" (article 5-4 de l'annexe 1 du contrat); que, en raison du non respect de ces obligations, la société CGU COURTAGE est contractuellement en droit de se prévaloir d'une franchise de 30 % venant en déduction du plafond convenu et de limiter en conséquence sa garantie à 245.000 francs, sans se voir opposer le fait, pour la société LOTRA, de son ignorance de la valeur de la marchandise transportée alors que cette circonstance, concernant le voiturier qui ne s'en est pas préoccupée, n'a aucune incidence sur l'application de la police; qu'il y a lieu en conséquence de confirmer sur ce point le jugement critiqué et de condamner la société CGU COURTAGE à payer à son assurée une somme de 245.000 francs avec intérêts au taux légal à compter de son assignation délivrée le 3 juin 1997;

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des appelantes et de la société CGU COURTAGE le montant de leurs frais irrépétibles;

PAR CES MOTIFS :

Confirme le jugement déféré en ses dispositions non contraires au présent arrêt, le réforme pour le surplus et, statuant à nouveau :

Fixe le point de départ des intérêts moratoires dûs à la société HDI au 11 juillet 1996 et de la capitalisation des intérêts par elle sollicitée au 8 novembre 1999,

Condamne in solidum la SNCF et la société LOTRA, outre au paiement de la somme de 321.128,21 euros (2.106.46 francs), à régler à la société HDI une indemnité complémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveaume de 321.128,21 euros (2.106.46 francs), à régler à la société HDI une indemnité complémentaire de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile et la somme de 1.801,76 euros pour frais de traduction,

Déclare irrecevable la demande en garantie formée par la SNCF à l'encontre de la société LOTRA et de son assureur,

Déboute la société LOTRA de ses demandes en garantie formées à l'encontre de la SNCF,

Condamne la société CGU COURTAGE à payer à la société LOTRA la somme de 37.350,01 euros (245.000 francs) avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 1997,

Déboute les parties de toutes autres demandes,

Condamne in solidum les appelantes et la société CGU COURTAGE, cette

dernière pour 1/8 ème, aux dépens de première instance et d'appel, lesquels comprennent les frais d'expertise; admet la SCP DUBOSQ etamp; PELLERIN, Avoué, au bénéfice des dispositions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Le Greffier Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2000/05210
Date de la décision : 21/03/2002

Analyses

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Responsabilité - Exonération.

Débiteur d'une obligation de résultat, le transporteur terrestre de marchandises est présumé responsable de l'inexécution de son obligation de livraison et ne peut être exonéré de toute responsabilité qu'en cas, soit d'un cas de force majeure, soit d'un vice propre de la chose, soit du fait de l'expéditeur. Le commissionnaire de transport est le garant des prestations accomplies par le transporteur qu'il a choisi. En l'espèce, à la suite du vol de la marchandise sur un parking fermé et gardé, au domicile du voiturier, la livraison n'a pu avoir lieu; le commissionnaire qui ne rapporte cependant pas la preuve soit du fait de l'expéditeur, soit un vice propre de la chose transportée ou un cas de force majeure, ne peut être exonéré de sa responsabilité; il serait d'autant plus mal venu d'invoquer cette cause exonératoire de responsabilité que le vol est la conséquence d'une faute du transporteur. Il s'ensuit que le destinataire, subrogé dans les droits de l'expéditeur, est en droit d'obtenir la condamnation in solidum du commissionnaire et de son transporteur désigné

TRANSPORTS TERRESTRES - Marchandises - Responsabilité.

N'est pas fondé à appeler en garantie son commissionnaire, le transporteur qui prétend ne pas avoir été informé de la nature et de la valeur de la marchandise transportée, alors qu'il avait signé la lettre de voiture désignant la marchandise. Par ailleurs, nonobstant la nature du chargement litigieux, le transporteur, responsable de celui-ci, se devait de prendre toutes précautions utiles pour en assurer la sauvegarde avant la livraison, ce qu'il a négligé de faire. Alors qu'il ne prouve pas l'existence d'une faute de sa cocontractante, le transporteur se trouve être seul responsable du sinistre survenu et doit être débouté de sa demande à l'encontre du commissionnaire


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-03-21;2000.05210 ?
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