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14/03/2002 | FRANCE | N°2001/15675

France | France, Cour d'appel de Paris, 14 mars 2002, 2001/15675


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 14 MARS 2002

(N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/15675 Pas de jonction Décision dont appel : Ordonnance rendue le 26 juillet 2001 par le Juge aux affaires familiales du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (Affaires familiales, Section E Cabinet 13) RG n° :

2001/38250 Date ordonnance de clôture : 7 février 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANTE :

Madame Johanne X...

demeurant 24, avenue d'Aire

1203 GENEVE (Suisse)

Représ

entée par Maître BODIN-CASALIS, avoué

Assistée de Maître TETREAU-ROCHE,

avocat à la Cour (C...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 14 MARS 2002

(N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/15675 Pas de jonction Décision dont appel : Ordonnance rendue le 26 juillet 2001 par le Juge aux affaires familiales du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS (Affaires familiales, Section E Cabinet 13) RG n° :

2001/38250 Date ordonnance de clôture : 7 février 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANTE :

Madame Johanne X...

demeurant 24, avenue d'Aire

1203 GENEVE (Suisse)

Représentée par Maître BODIN-CASALIS, avoué

Assistée de Maître TETREAU-ROCHE,

avocat à la Cour (C 102) INTIME :

Monsieur Jérôme Y...

demeurant 6, Square du Port Royal

75013 PARIS

Représenté par Maître PAMART, avoué

Assisté de Maître Michèle CAHEN

remplacée à l'audience par Maître LANDAU SULTAN,

avocat à la Cour (D 724)

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats et du délibéré

Président : Madame Z...

Conseiller : Monsieur A...

Conseiller : Monsieur B...

GREFFIER

lors des débats et du prononcé

de l'arrêt : Mlle C...

MINISTERE PUBLIC

Représenté aux débats par Monsieur D...,

Avocat Général.

DEBATS

à l'audience du 14 février 2002

tenue en chambre du conseil

ARRET - CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par Madame Z...,

Président, qui a signé la minute avec

Mlle C..., Greffier. * * *

Pierre-Louis Nicolas Bruno X... est né le 30 novembre 2000 à Paris 5 ème arrondissement de Johanne X... qui l'avait reconnu le 30 juin 2000 et de Jérôme José Y... qui l'a reconnu le 2 décembre 2000.

Les parents ne vivaient pas ensemble à la date de la reconnaissance de l'enfant par le père.

En mai 2001, pour des raisons professionnelles, Johanne X... s'est installée en Suisse, à Genève, avec l'enfant.

Saisi à jour fixe par Jérôme Y... d'abord d'une demande d'interdiction pour la mère de sortir Pierre-Louis du territoire français puis, à l'audience, d'une demande de fixation d'un droit de visite et d'hébergement, le juge aux affaires familiales de Paris, alors que Johanne X... soulevait, en application de la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 (la Convention) concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs, l'incompétence de la juridiction française au profit de la juridiction helvétique de la résidence de l'enfant, a par ordonnance du 26 juillet 2001, prise au motif que la juridiction française était compétente en vertu de l'article 14 du code civil, - vu l'article 372 du code civil, - fixé le droit de visite du père sur Pierre-Louis les première, troisième et quatrième fins de semaine :

+ le samedi de 10 heures à 17 heures,

+ le dimanche de 10 heures à 17 heures, - renvoyé l'examen de la demande relative à l'exercice de l'autorité parentale à une audience ultérieure, - constaté l'exécution provisoire de droit, - partagé les dépens par moitié entre les parties.

*

* *

Appelante de ce jugement dont elle poursuit l'infirmation, Johanne X... demande à la Cour de : - lui donner acte de ce qu'elle se réserve de saisir la juridiction pénale compétente des faux

témoignages qui ont été établis dans l'intérêt de Jérôme Y... et versés aux débats, - vu la Convention du 5 octobre 1961 complétée et modifiée par la Convention de la Haye du 19 octobre 1996, - dire les juridictions françaises incompétentes pour statuer sur les demandes de Jérôme Y..., - le renvoyer à mieux se pourvoir devant les juridictions suisses, - subsidiairement dire inadaptées les mesures prises par le juge aux affaires familiales, - accorder au père un droit de visite n'excédant pas un après-midi par mois, de 14 heures à 17 heures, étant précisé que les visites devront avoir lieu dans un foyer de rencontre, - dire n'y avoir lieu à évocation sur la question de l'autorité parentale, - condamner Jérôme Y..., outre aux dépens, à lui payer une somme de 1829,39 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Elle évoque longuement ses relations avec Jérôme Y... avant la conception de l'enfant, pendant sa grossesse et depuis la naissance de Pierre-Louis, les faits principaux ressortant de cet exposé étant que : - le couple ne vivait plus ensemble lors de la naissance de l'enfant et n'a pas eu de vie commune postérieure à cette naissance, - les relations entre les deux parents sont particulièrement difficiles, aucun accord stable sur un droit de visite n'ayant pu être trouvé, - elle s'est installée avec l'enfant à Genève où elle a obtenu un contrat de travail à durée indéterminée particulièrement intéressant, - elle a contacté le Service de la Protection de la Jeunesse à Genève pour organiser le droit de visite du père.

Elle soutient que les attestations produites par l'intimé sont curieuses, dactylographiées et rédigées en des termes identiques.

Elle conclut à l'incompétence des juridictions françaises dans la

mesure où elle est seule détentrice de l'autorité parentale, où la Convention, qui exclut le jeu des articles 14 et 15 du code civil, est applicable et désigne les autorités du lieu de la résidence de l'enfant pour prendre des mesures tendant à la protection de sa personne ou de ses biens.

Subsidiairement, elle soutient que le droit de visite organisé par le juge aux affaires familiales est inadapté en raison du très jeune âge de l'enfant et du conflit parental et estime qu'il est nécessaire de prévoir une organisation permettant une adaptation progressive de ce droit de visite. Elle sollicite que les visites aient lieu dans un des points de rencontre du Service de la Protection de la Jeunesse et rappelle que des incidents ont émaillé les visites déjà effectuées selon ce schéma.

*

* *

Jérôme Y... demande à la Cour de : - vu les articles 14 et 374 du code civil, - lui donner acte de ce qu'il produira une version manuscrite des attestations versées aux débats si la Cour le juge nécessaire, - dire les juridictions françaises compétentes pour statuer sur sa demande, - confirmer l'ordonnance dans toutes ses dispositions, - rejeter toutes les demandes de Johanne X..., - dire que la question de l'autorité parentale ne donnera pas lieu à évocation - condamner Johanne X..., outre aux dépens, à lui payer une somme de 1 829,40 ä.

Il relate longuement ses relations avec Johanne X... soutenant essentiellement que : - celle-ci a brusquement mis fin à leur relation pendant sa grossesse et a tenté de lui cacher la naissance

de l'enfant, - il n'a vu Pierre-Louis que de façon irrégulière, chez les parents de Johanne X..., pendant les premiers mois de l'enfant, et une médiation a été organisée, - Johanne X... lui a caché son départ pour la Suisse avec Pierre-Louis, qu'il n'a connu qu'a posteriori, alors qu'elle l'avait prévu de longue date.

Il estime que le départ de la mère et de l'enfant en Suisse constitue une manoeuvre frauduleuse destinée à le priver de ses droits en invoquant une compétence des juridictions suisses. Il affirme que Johanne X..., qui a conçu l'enfant pour elle-même, n'a jamais tenu ses engagements relatifs au droit de visite.

Il dit avoir été obligé d'assigner l'appelante au domicile de ses parents car il ignorait son adresse à Genève.

Il invoque le privilège de juridiction de l'article 14 du code civil que selon lui aucune convention internationale n'exclut. Il ajoute que les mesures prises par le juge aux affaires familiales sont bien fondées alors que, depuis sa naissance, il n'a pu voir son fils que quelques heures, la mère lui imposant des contraintes inacceptables. Sur ce, la Cour,

Considérant que la Convention de la Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs, en vigueur en Suisse et en France alors que la Convention de la Haye du 19 octobre 1996 n'a été ratifiée par aucun de ces deux Etats, s'applique à tous les mineurs qui résident habituellement sur le territoire de l'un des Etats contractants, étant précisé qu'est mineur au sens de la Convention, celui qui est considéré comme tel à la fois par sa loi nationale et par la loi de

sa résidence habituelle ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient Jérôme Y... et à l'appréciation du premier juge, les "mesures de protection" au sens de la Convention s'entendent de toute mesure visant à protéger la personne ou les biens de l'enfant, notamment l'exercice de l'autorité parentale et l'attribution d'un droit de garde ou d'un droit de visite et d'hébergement ;

Considérant que l'article 1 de la Convention prévoit la compétence de principe des autorités du lieu de résidence habituelle de l'enfant - lesquelles doivent tenir compte, selon l'article 3, d'un rapport d'autorité résultant de plein droit de la loi interne de l'Etat dont le mineur est ressortissant - et l'article 4 la compétence concurrente, quand l'intérêt de l'enfant l'exige, de la juridiction du pays dont il est ressortissant, à condition que les autorités de l'Etat de la résidence habituelle soient averties ;

Considérant qu'aux termes de l'article 7, les mesures prises par les autorités compétentes en vertu de la Convention sont reconnues dans tous les Etats contractants ; que, par exception, les mesures prises par les autorités de l'Etat dont le mineur est ressortissant remplacent celles éventuellement prises par les autorités du lieu de résidence habituelle ;

Considérant que le système de compétences et de reconnaissance des décisions institué par la Convention, complet et coordonné, exclut le jeu des règles de compétence nationale telles que celles des articles 14 et 15 du code civil ;

Considérant que Jérôme Y... a saisi la juridiction française en raison de la nationalité de Pierre-Louis ; que, conformément à l'article 4 précité, il doit établir que l'intérêt de l'enfant exige que les mesures de protection soient prises par le juge national plutôt que par la juridiction du lieu de résidence du mineur, sachant que l'intérêt de l'enfant est que statue sur son cas le juge le mieux armé pour en connaître ;

Considérant que le père n'apporte aucun élément justifiant de déroger à la compétence de principe de la juridiction suisse ; qu'il ne démontre en particulier pas que l'installation de la mère à Genève constitue une manoeuvre frauduleuse alors qu'elle a obtenu un contrat de travail à durée indéterminée comportant des conditions financières très avantageuses et des horaires compatibles avec l'éducation d'un enfant en bas âge ; qu'en revanche, les juridictions suisses, qui devront tenir compte du rapport d'autorité résultant de plein droit de la loi française, sont les mieux placées, par leur proximité, pour apprécier l'intérêt de Pierre-Louis, né en novembre 2000, et organiser le droit de visite du père, étant précisé que la loi suisse organise un système de protection dont les effets sont comparables à celui de la loi française et que la mère a déjà contacté le Service de la Protection de la Jeunesse de la République et Canton de Genève ;

Considérant par suite que l'ordonnance doit être infirmée et, la juridiction française étant incompétente, Jérôme Y... renvoyé à mieux se pourvoir ;

Considérant dès lors que toutes autres demandes des parties doivent être rejetées, y compris celle de donner acte ; que l'équité impose

de ne pas faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

Par ces motifs, - infirme l'ordonnance déférée et statuant à nouveau, - vu la Convention de la Haye du 5 octobre 1961, - dit que la juridiction française est incompétente pour connaître de la demande, - renvoie Jérôme Y... à mieux se pourvoir, - rejette toute autre demande des parties, - dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamne Jérôme Y... aux dépens et admet M° Bodin-Casalis, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2001/15675
Date de la décision : 14/03/2002

Analyses

CONVENTIONS INTERNATIONALES - Accords et conventions divers - Convention de la Haye du 5 octobre 1961 - Protection des mineurs - Compétence internationale

Il résulte de l'application de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 concernant la compétence des autorités et la loi applicable en matière de protection des mineurs, que sont en principe compétentes les juridictions du lieu de résidence habituelle de l'enfant, autorités les mieux placées par leur proximité afin d'apprécier l'intérêt de l'enfant avant de prendre de telles mesures. Il s'ensuit que les juridictions françaises sont incompétentes pour prendre des mesures de protection à l'égard de mineurs résidant à l'étranger, sauf application éventuelle des dispositions contraires des articles 3 à 5 de la Convention de La Haye du 5 octobre 1961


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-03-14;2001.15675 ?
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