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14/03/2002 | FRANCE | N°1999/22551

France | France, Cour d'appel de Paris, 14 mars 2002, 1999/22551


COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section B ARRET DU 14 MARS 2002

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1999/22551 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 07/07/1999 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 21è Ch. RG n : 1997/55748 Date ordonnance de clôture : 14 Décembre 2001 Nature de la décision :X... Décision : ARRET AU FOND APPELANTE : S.A.R.L. Y... prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 22 route Nationale 152 4126O LA CHAUSSEE SAINT VICTOR représentée par Maître RIBAUT, avoué assisté de Maître JOURDAN,

Toque A616, Avocat au Barreau de PARIS APPELANT : Monsieur Y... Z... ... ...

COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section B ARRET DU 14 MARS 2002

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1999/22551 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 07/07/1999 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 21è Ch. RG n : 1997/55748 Date ordonnance de clôture : 14 Décembre 2001 Nature de la décision :X... Décision : ARRET AU FOND APPELANTE : S.A.R.L. Y... prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 22 route Nationale 152 4126O LA CHAUSSEE SAINT VICTOR représentée par Maître RIBAUT, avoué assisté de Maître JOURDAN, Toque A616, Avocat au Barreau de PARIS APPELANT : Monsieur Y... Z... ... par Maître RIBAUT, avoué assisté de Maître JOURDAN, Toque A616, Avocat au Barreau de PARIS APPELANTE : Madame A... B... épouse Y... ... par Maître RIBAUT, avoué assisté de Maître JOURDAN, Toque A616, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : S.A.R.L. ESSO S.A.F. prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 2 rue des Martinets 925OO RUEIL MALMAISON représentée par la SCP TAZE-BERNARD-BELFAYOL-BROQUET, avoué assistée de Maître RENAUDIN, Toque P209, Avocat au Barreau de PARIS, (SCP LAFARGE FLECHEUX CAMPANA) COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats et du délibéré Monsieur MAIN: Président Madame C...: Présidente de chambre Monsieur D...: Conseiller DEBATS à l'audience publique du 24 JANVIER 2002 GREFFIER Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Madame LAISSAC ARRET X... prononcé publiquement par Monsieur MAIN, Président, lequel a signé la minute avec Madame LAISSAC, greffier La société Y..., ayant pour co-gérants Monsieur Z... Y... et Madame B... A..., son épouse, ont exploité successivement, comme locataires-gérants et mandataires de la société ESSO pour la vente des carburant, en exécution de contrats conclus

respectivement le 23 mars 1987, le 28 septembre 1992 et le 18 mai 1993, des stations-service sises à Meaux, puis à Aubervilliers (93), enfin à la Chaussée Saint Victor (41). Le dernier contrat, conclu pour 3 ans, a pris fin au terme convenu. La société Y... et les époux Y... ont, le 26 mai 1997, assigné la société ESSO en remboursement des pertes d'exploitation, paiement d'une prime de fin de gérance pour l'exploitation des stations service de Meaux et de La Chaussées Victor et paiement de dommages-intérêts, à raison notamment de la violation des dispositions de la loi du 31 décembre 1989 dite loi "Doubin", tant à la SARL Y... qu'aux époux Y... personnellement. Par jugement du 7 juillet 1999 le Tribunal de commerce de PARIS a débouté les demandeurs de leurs prétentions relatives aux contrats d'exploitation des stations-service de Meaux et Aubervilliers et, pour celles relatives au contrat d'exploitation de la station-service de La Chaussée Saint Victor, a, avant dire droit nommé expert Monsieur E... avec mission d'apprécier la réalité et le montant des partes d'exploitation alléguées par la société Y..., en tenant compte du droit des époux Y... à une rémunération équitable et de faire les comptes entre les parties, a ordonné l'exécution provisoire et réservé les dépens. La société Y... et les époux Y... ont fait appel de ce jugement. Vu les dernières écritures des appelants, signifiées le 3O novembre 2OO1, demandant à la Cour de - confirmer le jugement quant à la mesure d'instruction ordonnée et le réformer pour le surplus, - dire que la société ESSO n'a pas fourni l'information pré-contractuelle exigée par la loi "Doubin" et les accords interprofessionnels, préalablement à la signature des contrats relatifs aux stations-service d'Aubervilliers et de La Chaussée Saint Victor, - dire que le consentement de la société Y... a été vicié par l'erreur et par le dol imputable à la société ESSO, notamment pour le dernier de ces

deux contrats, - annuler en conséquence les dits contrats ou leur entier ou, subsidiairement, en celles de leurs dispositions relatives à la fixation d'une commission forfaitaire et à la renonciation prétendue au bénéfice de l'article 2OOO du Code civil, - dite que, dans ces cas, l'expert nommé aura pour mission de dresser un compte de remise en état sans préjudice ni bénéfice pour aucune des parties, à charge pour la société ESSO de payer à la société Y... la valeur du service rendu par l'exécution des contrats nuls, subsidiairement -dire que la société ESSO doit combler les pertes d'exploitation nées de l'exécution du mandat, incorporant une légitime rémunération pour les consorts Y..., tenant compte des sujétions d'exploitation, du personnel qu'il ont dû remplacer faute de pouvoir le rémunérer et des responsabilités prises au travers de la SARL Y..., - dire nulle à raison d'un vice du consentement la stipulation d'une rémunération forfaitaire, - constater que la société ESSO n'a jamais émis de critiques à propos de la gestion de la société Y... , - condamner la société Y... à payer une provision de 1.092.997 francs au titre du déficit né de l'exécution du mandat, avec les intérêts au taux légal à compter de l'introduction de la demande, au besoin à titre de dommages intérêts supplémentaires, en application de l'article 2OO1 du Code civil, - condamner la société ESSO à payer aux époux Y..., en réparation du préjudice causé par la faute quasi délictuelle commise à leur égard, la somme de 300.000 francs à titre de dommages- intérêts, - condamner la société ESSO, outre les dépens et les frais d'expertise complémentaires, à payer à la société Y... 160.000 francs en vertu de l'article 7OO du nouveau Code de procédure civile, Vu les dernières écritures de la société ESSO S.A.F., intimée et incidemment appelante, signifiées le 16 novembre 2OO1, demandant à la Cour de - infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné une expertise à l'effet d'apprécier les pertes d'exploitation de la

station-service de La Chaussée Saint Victor, - déclarer la société Y... irrecevable et à tout le moins mal fondée en ses demandes relatives à l'exploitation des stations de Meaux et Aubervilliers, en raison des transactions intervenues entre les parties respectivement le 28 septembre 1992 et le 9 mai 1993, - débouter la société Y... et les époux Y... de toutes leurs prétentions relatives à l'exploitation de la Station de La Chaussée Saint Victor, les parties ayant valablement dérogé aux dispositions de l'article 2OOO du Code civil, cependant que la loi "Doubin" n'est pas applicable en l'espèce, qu'en tout état de cause la preuve d'un vice du consentement n'est pas rapportée, pas plus que n'est démontrée l'inexactitude volontaire des informations et comptes prévisionnels remis à la société Y... pour la station de La Chaussée Saint Victor, - subsidiairement, débouter en toute hypothèse les époux Y..., faute par eux de justifier d'un préjudice personnel distinct de celui qu'aurait subi la société dont ils étaient les gérants, - condamner solidairement les appelants à lui payer 50.000 francs en vertu de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Sur l'exception de transaction Considérant que, s'agissant du contrat relatif à l'exploitation de la station-service de Meaux, le premier en date, les appelants ne remettent pas en cause la disposition du jugement déféré qui les a déboutés de leurs demandes, en se fondant au demeurant sur l'existence d'une transaction qui rendait celles-ci irrecevables, et ne forment devant la Cour aucune demande de ce chef ; Considérant que le contrat relatif à l'exploitation de la station-service d'Aubervilliers, conclu pour 3 ans le 28 septembre 1992, a été résilié avant son terme, à compter du 9 mai 1993, par un avenant signé le 1O mai 1993 ; que, le 19 novembre 1993, la société ESSO et la société Y..., après avoir exposé en préambule qu'"un différent (était) susceptible de naître à la suite de ces relations

commerciales et de leur cessation, la Société a demandé à la société ESSO de procéder à l'examen des comptes pour l'ensemble de la période", ont conclu une transaction dans les termes suivants : "Les parties se sont rapprochées et sont convenues de mettre fin à titre définitif et transactionnel à tout différend ultérieur aux conditions suivantes: 1. Esso accorde à la Société une indemnité forfaitaire de cent quatre vingt dix mille francs, hors TVA (F 19O.OOO hors TVA), qui sera versée au crédit de son compte, sur production d'une facture. Cette indemnité couvre toute somme pouvant lui être due à quelque titre que ce soit, tant à l'occasion des relations commerciales concernant le fonds de commerce susvisé que leur cessation; 2. Les parties se reconnaissent remplies de tous leurs droits et renoncent en conséquence à exercer toute action de quelque nature que ce soit, au titre des relations commerciales ayant existé entre elles pour l'exploitation dudit fonds de commerce et de leur cessation, 3. Le présent accord vaut transaction au sens des articles 2O44 et suivants du Code civil" ; Considérant que l'article 2O52 du Code civil dispose que les transactions ont, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort ; que la société ESSO oppose aux appelants cette fin de non-recevoir, cependant que la société Y... soutient que la transaction ainsi invoquée est nulle pour violence, laquelle résulte de la contrainte économique qu'elle subissait à l'époque de sa signature du fait que son capital social était plusieurs fois absorbé, que le dépôt de bilan était inéluctable à défaut d'une aide financière d'Esso et que ses associés risquaient de perdre non seulement le fruit de leur travail mais même l'emploi de distributeur de carburants auquel ils avaient consacré une partie de leur existence ; Considérant que la transaction a été conclue six mois après la résiliation du contrat auquel elle se rapporte, alors que la société Y... exploitait déjà depuis plusieurs mois la

station-service de La Chaussée Saint Victor ; qu'il résulte de la "situation d'exploitation" au 9 mai 1993, du compte de résultat et du bilan au 31 mai 1993, établis par l'expert-comptable de la société Y... et versés aux débats que l'exploitation de la station-service d'Aubervilliers a dégagé un résultat courant négatif de 19O.248 francs; qu'on ne voit pas dès lors en quoi le consentement de la société Y... aurait pu être vicié par la contrainte économique qu'elle invoque,sans au demeurant démontrer qu'elle atteignait un niveau tel qu'elle puise être regardée comme une violence, au sens de l'article 2O53 du Code civil, puisqu'elle a obtenu de sa cocontractante une indemnité couvrant les pertes subies ; que la société Y... s'abstient au demeurant de préciser les raisons pour lesquelles elle n'aurait pas conclu une telle transaction si elle avait été plus libre, n'établissant pas en quoi l'accord intervenu serait déséquilibré, désavantageux pour elle ou sacrifierait sans contre partie suffisante ses intérêts ; Qu'il y a lieu en conséquence de déclarer irrecevables les demandes de la société Y... en ce qu'elles se rapportent au contrat conclu pour l'exploitation de la station-service d'Auberviliers ; Que seules seront examinées les demandes relatives au contrat conclu pour l'exploitation de la station-service de La Chaussée Saint Victor; Considérant en premier lieu que les appelants soutiennent que ce contrat est nul pour dol et aussi pour erreur, comme ayant été conclu sans qu'ait été fournie à la société Y... une information pré-contractuelle répondant aux exigences de la loi "Doubin" du 31 décembre 1989 et des accords inter-professionnels ; Sur le dol Considérant que, selon les appelants, la société ESSO s'est rendue coupable de dol en ayant fourni, concernant la station-service de La Chaussée Saint Victor, des renseignements inexacts et en ayant dissimulé le lourd déficit du précédent exploitant et l'indemnité versée à celui-ci pour couvrir ce

déficit ; Mais considérant que, pour preuve de l'inexactitude des éléments d'information qui lui ont été fournis : documents intitulés "déclaration mensuelle diversification par station- année 1992", la société Y... se borne à produire un récapitulatif de ses résultats, sur la base duquel elle conteste aussi la sincérité et le sérieux du compte d'exploitation prévisionnel qui lui avait été remis; que cette seule comparaison ne peut suffire à démontrer le caractère sciemment inexact, ni même seulement erroné des documents remis par la société ESSO, alors que les différences constatées peuvent avoir toutes sortes d'explications, tenant notamment à la gestion de la société Y... ; que ne peut être regardée comme une manoeuvre dolosive l'omission d'indiquer les indemnités versées au précédent exploitant pour combler ses pertes, alors que la SARL Y..., qui négociait alors avec la société ESSO pour obtenir des indemnités de même nature pour Meaux et Aubervilliers, n'a sollicité aucune information à ce sujet pour La Chaussée Saint Victor ; qu'aucun litige n'a opposé la société DUCHEMIN à la société ESSO ; Sur l'obligation d'information pré-contractuelle Considérant que la convention conclue entre les parties le 18 mai 1993 pour l'exploitation de la station-service ESSO de La Chaussée Saint Victor associe un contrat de location-gérance du fonds de commerce, comprenant la marque, l'enseigne, la clientèle, l'achalandage, le droit à la jouissance des lieux, le matériel et les immobilisations, et un contrat de mandat pour la vente des produits énergétiques énumérés au paragraphe 4 des conditions particulières (carburants et fioul domestique), ces deux contrats constituant un ensemble indissociable ; que la convention unique ainsi conclue l'a été dans l'intérêt commun des deux parties et comportait, de la part de la société Y..., un engagement de quasi exclusivité pour l'exercice de son activité globale, dès lors qu'elle prévoit, aux termes des articles 4.1 et 5.1. de ses conditions générales, que

l'exploitant de la station "se réapprovisionne directement et exclusivement auprès d'Esso", s'agissant des produits énergétiques et "s'approvisionne exclusivement auprès d'Esso pour les lubrifiants utilisés dans la station-service - y compris pour le mélange 2 temps", la liberté de choix des fournisseurs ne concernant, selon l'article 5.2, que les autres produits et pour autant qu'est respectée la destination du fonds ; que la condition d'exclusivité ou quasi-exclusivité visée à l'article1er de la loi du 31 décembre 1989 dite loi " Doubin" devenu l'article L33O-3 du Code commerce , est donc précité est donc remplie en l'espèce, sans qu'il y ait lieu de rechercher les parts respectives exactes des ventes de produits ESSO et des ventes de produits provenant d'autres fournisseurs dans la marge dégagée par l'exploitation du fonds, dès lors qu'à l'évidence la vente de carburants et de lubrifiants utilisés dans la station-service constituait l'essentiel de l'activité de l'exploitant, exercée sous l'enseigne ESSO ; que confirmation en est apportée, s'il en était besoin, par l'article 9 "Exclusivité " de l'accord inter-professionnel du 25 juillet 199O, auquel se référent expressément en leur article 3, les conditions générales du contrat du 18 mai 1993, qui précise que la liberté du choix par l'exploitant de ses fournisseurs, limitée aux produits et articles autres que "les produits pétroliers et assimilés nécessaires au fonctionnement des moteurs de véhicules ou à usage de combustibles", s'exerce sous la condition que "la nature et l'importance des produits, articles et services offerts dans la station-service ne modifient pas la destination du fonds de commerce donné en exploitation, ne soient pas préjudiciables à la vente des produits pétroliers qui constitue l'activité de base de la station- service"... et que "l'exploitant ne vende pas des produits ou articles commercialisés sous la marque principale d'une société pétrolière concurrente de celle de la

Société si cette dernière commercialise elle-même un produit équivalant sous sa propre marque"; Considérant que les quelques éléments -déclarations mensuelles " diversification par station année 1992" et compte prévisionnel- remis par la société ESSO à la société Y... avant la signature du contrat relatif à l'exploitation de la station de La Chaussée Saint Victor sont insuffisants au regard des exigences des articles 1er de la loi du 31 décembre 1989 et 1 er du décret du 4 avril 1991; Mais considérant que la méconnaissance par une partie des dispositions susvisées ne peut entraîner la nullité de la convention conclue qu'autant qu'elle a eu pour effet de vicier le consentement, du cocontractant, ce que celui-ci a la charge de prouver ; Qu'en l'espèce, à la date à laquelle elle a signé le contrat pour l'exploitation de la station de La Chaussée Saint Victor, la société Y... avait exploité pendant plus de six années des stations-service ESSO, dans des environnements fort différents, à Meaux puis à Aubervilliers et avait été à même d'apprécier les chances et les risques d'une telle exploitation ; qu'elle a en particulier pu constater que l'exploitation des stations-service de Meaux et Aubervilliers avait été déficitaire, ces déficits ayant au demeurant donné lieu ultérieurement au versement par ESSO d'indemnités transactionnelles de 23.000 francs et 190.000 francs et n'ayant pas encore reçu les primes de fin de contrat,d 'un montant total de 200.206,39 francs , qui ont été définitivement arrêtées le 28 mai 1993 sur des bases conformes à la demande de l'exploitant ; qu'à supposer que l'exploitation de la station service "moyenne" soit déficitaire, ainsi que le soutient la société Y... en s'appuyant sur une étude "Eurodata" reprise par le rapport de l'expert E... mais non pertinente au demeurant au regard du présent litige en ce qu'elle porte sur les stations-service de toutes les compagnies pétrolières et non seulement sur celles de la société

ESSO, la société Y... aurait eu tout le loisir de s'en rendre compte, tant à travers sa propre expérience que par l'information susceptible d'être recueillie auprès d'autres exploitants du même réseau ou des organisations professionnelles représentant les intérêts des exploitants de stations-service, en particulier la Commission nationale des locataires-gérants et mandataires des station-service, signataire de l'accord interprofessionnel du 25 juillet 199O ; Qu'en cet état la société Y... ne prouve pas que son consentement a été vicié lors de la conclusion du contrat du 18 mai 1993 ; que sa demande en nullité dudit contrat doit donc être rejetée; Sur le caractère forfaitaire de la rémunération et la couverture des pertes Considérant que la société Y... soutient que la stipulation d'une rémunération forfaitaire et la renonciation par le mandataire au bénéfice de l'article 2000 du Code civil seraient nulles ou inopposables, la première en raison d'un vice du consentement tenant à la croyance erronée dans laquelle elle était que la commission forfaitaire prévue permettrait de couvrir les charges d'exploitation, la seconde en ce qu'elle serait impossible dès lors que le mandant s'était réservé la fixation du prix des carburants et, par là, du litrage et de la commission à verser au mandataire, en ce que celui-ci n'était pas en mesure d'apprécier les pertes auxquelles il était censé renoncer et en ce que la dite clause de renonciation serait en contradiction avec la disposition des accords inter-professionnels prévoyant la couverture des pertes lorsque l'exploitant s'est comporté en bon commerçant ; Mais considérant que les parties sont libres de déroger aux dispositions des articles 1999 et 2000 du Code civil , qui ne sont pas d'ordre public, prévoyant le remboursement au mandataire des avances et frais faits pour l'exécution du mandat et l'indemnisation des pertes essuyées par le mandataire à l'occasion de sa gestion ; que c'est ce

qu'ont fait en l'espèce la société Esso et la société Y..., l'article 3 des conditions générales du contrat du 18 mai 1993 énonçant que "ce contrat est soumis aux dispositions de la loi du 2O mars 1956 ainsi qu'aux dispositions de l'Accord interprofessionnel du 25 juillet 199O relatif aux exploitants- mandataires de stations-service et, pour la distribution des produites énergétiques, aux articles 1984 et suivants du Code civil, à l'exception des articles 1999 et 2OOO", cependant que l'article 4.5. des mêmes conditions générales prévoit que le mandataire percevra une "commission, dont le montant couvre forfaitairement la rémunération et l'ensemble des frais et pertes de la société",comprenant une partie fixe, s'élevant à 7.3OO francs hors TVA par mois et une partie variable, calculée en fonction du volume vendu ; Considérant que ces dispositions contractuelles sont claires, dépourvues d'ambigu'té et ne nécessitent aucune interprétation; que la société Y... n'est pas fondée à soutenir qu'elles seraient atteintes par un vice du consentement en elles-mêmes, indépendamment du contrat dont elles font partie, alors que les deux précédents contrats qu'elle avait conclus comportaient des clauses semblables et qu'elle avait donc été à même d'en mesurer le sens et la portée, cependant qu'elle disposait, ainsi qu'il a été dit, d'éléments d'information suffisants, quant aux données économiques essentielles et à la rentabilité de l'exploitation, pour lui permettre de donner un consentement éclairé ; Que la société Y... n'est pas davantage fondée à soutenir que la rémunération versée dépendait de la seule volonté de la société ESSO, dès lors qu'une partie fixe était prévue et que le volume vendu dépend de bien des facteurs autres que le prix fixé, tels le dynamisme commercial du distributeur ou la qualité de l'accueil et du service dans la station ; Que l'accord inter-professionnel du 25 juillet 199O, auquel se réfère le contrat

du 18 mai 1993, en énonçant en préambule que "la gestion d'une station-service... suppose que l'exploitant, s'il se comporte en bon commerçant, dégage un résultat d'exploitation équilibré" et que "en conséquence les sociétés pétrolières s'engagent à étudier le cas de toute station qui pourrait leur être soumis par un exploitant qui estimerait ne pas dégager un tel résultat", n'a pas mis à la charge des compagnies pétrolières l'obligation d'indemniser le mandataire, hors tout forfait et dans les conditions prévues par l'article 2000 du Code civil , des pertes effectives essuyées à l'occasion de sa gestion; que la dérogation critiquée aux dispositions de l'article 2000 précité, dont il n' importe qu'elle ne comporte pas le mot "renonciation", n'est nullement inconciliable avec l'accord inter-professionnel invoqué ; Qu'enfin la circonstance que la société ESSO a librement décidé de combler en tout ou partie les pertes nées de l'exécution des précédents contrats conclus avec la société Y... n'est pas en contradiction avec une clause qui exclut que le mandataire puisse se prévaloir d'un droit à cet égard ; Considérant que la société Y... n'est donc pas fondée à prétendre au remboursement de ses pertes éventuelles ; Considérant que les époux Y..., ne rapportent, à la charge de la société ESSO, la preuve d'aucune faute, qui serait contractuelle à l'égard de la société Y... et délictuelle à leur égard, qui leur aurait causé un préjudice personnel et direct, de sorte qu'ils ne peuvent qu'être déboutés de leur demande en paiement de dommages intérêts ; Considérant que la société Y... et les époux Y..., qui succombent, devront supporter les dépens de première instance et d'appel, ce qui entraine le rejet de leur demande fondée sur l'article 7OO du nouveau Code de procédure civile ; qu'il est équitable, en application de ce texte, de les condamner à payer à la société ESSO 3.OOO euros ; PAR CES MOTIFS - Infirme le jugement

attaqué et, statuant à nouveau, - Constate que la société Y... et les époux Y... ne forment aucune demande relativement au contrat du 23 mars 1987 concernant l'exploitation de la station-service de Meaux, - Déclare la société Y... et, en tant que de besoin, les époux Y..., irrecevables en leurs demandes relatives au contrat du 28 septembre 1992 concernant l'exploitation de la station-service d'Aubervilliers, - Déboute la société Y... et les époux Y... de leurs autres demandes, - Les condamne in solidum à payer à la société ESSO S.A.F. la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, - Les condamne in solidum aux dépens de première instance ainsi qu'aux dépens d'appel et admet la S.C.P TAZE Z... et BELFAYOL BROQUET, avoué, au bénéfice de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Le Greffier Le Président.


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1999/22551
Date de la décision : 14/03/2002

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Consentement - Dol - Réticence.

A l'occasion de la conclusion d'un nouveau contrat de location gérance d'un fonds de commerce, pour l'exploitation d'une station service et de mandat pour la vente de produits énergétiques, l'omission d'indiquer les indemnités versées au précédent exploitant pour combler ses pertes, n'est pas constitutive de manoeuvre dolosive émanant du mandant

TRANSACTION - Nullité.

Si une transaction peut, en application de l'article 2053 du Code civil, être annulée pour cause de violence, laquelle peut résulter d'une contrainte économique que l'un des contractants subissait au jour de sa signature, encore faut-il que celui-ci établisse en quoi l'accord intervenu serait déséquilibré, désavantageux pour lui, ou sacrifierait sans contrepartie suffisante ses intérêts. En présence d'une indemnité couvrant les pertes subies, il n'est pas démontré un tel vice du consentement résultant d'une contrainte économique


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-03-14;1999.22551 ?
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