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28/02/2002 | FRANCE | N°2001/04343

France | France, Cour d'appel de Paris, 28 février 2002, 2001/04343


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 28 FEVRIER 2002

(N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/04343 Pas de jonction Décision dont appel : Ordonnance de non-conciliation rendue le 23 janvier 2001 par le J.A.F. du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS Affaires familiales (Section B, cabinet 5) RG n° :

2000/42262 Date ordonnance de clôture : 24 janvier 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANTE :

Madame Teresa X... épouse Y...

demeurant Avenue Ramon Y Cajal n° 1 - 3 Izq

20036 M

ADRID

(Espagne)

Représentée par la S.C.P. BERNABE - CHARDIN -

CHEVILLER, avoué

As...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 28 FEVRIER 2002

(N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/04343 Pas de jonction Décision dont appel : Ordonnance de non-conciliation rendue le 23 janvier 2001 par le J.A.F. du TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS Affaires familiales (Section B, cabinet 5) RG n° :

2000/42262 Date ordonnance de clôture : 24 janvier 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANTE :

Madame Teresa X... épouse Y...

demeurant Avenue Ramon Y Cajal n° 1 - 3 Izq

20036 MADRID

(Espagne)

Représentée par la S.C.P. BERNABE - CHARDIN -

CHEVILLER, avoué

Assistée de Maître Ninon RAUH,

avocat à la Cour (R 192) INTIME :

Monsieur Pedro LOPEZ Z...

né le 20 août 1945 à SANTA CLARA (Cuba)

de nationalité américaine

demeurant 112 Plaza Merenque

27 de Febrero Esq. Tiradentes

SAINT DOMINGUE

(République Dominicaine)

Représenté par la S.C.P. Patricia HARDOUIN, avoué

Assisté de Maître CHAUVEAU,

avocat à la Cour (B 759)

COMPOSITION DE LA COUR :

lors des débats et du délibéré

Président : Madame A...

Conseiller : Monsieur B...

Conseiller : Monsieur C...

GREFFIER

lors des débats et du prononcé

de l'arrêt : Mlle D...

MINISTERE PUBLIC

Représenté aux débats par Monsieur E...,

Avocat Général.

DEBATS

à l'audience du 31 janvier 2002

tenue en chambre du conseil

ARRET - CONTRADICTOIRE

prononcé publiquement par Madame A...,

Président, qui a signé la minute avec

Mlle D..., Greffier. * * *

Mme Teresa X... et M. Pedro Lopez Z..., tous deux de nationalité américaine, se sont mariés en septembre 1971 en Floride, où ils ont résidé jusqu'en 1991, époque à laquelle les époux, qui n'ont eu aucun enfant de leur union, se sont installés en Espagne, à Madrid.

M. Pedro Lopez Z... a saisi le 30 octobre 2000 le Tribunal de grande instance de Paris d'une requête de divorce pour faute sur la base du domicile de son épouse à Paris depuis 1995, année de la séparation du couple. L'ordonnance de non-conciliation rendue le 23 janvier 2001, en l'absence de Mme Teresa X..., régulièrement convoquée, a été frappée d'appel par cette dernière le 5 février 2001.

Mme Teresa X... conclut à l'incompétence des juridictions françaises et à la nullité de l'ordonnance de non-conciliation. Elle soutient n'avoir aucune résidence habituelle à Paris, où elle n'effectue que des séjours sporadiques. Elle dit n'être ainsi ni locataire, ni propriétaire, de l'appartement à l'adresse duquel elle a été assignée. Elle déclare être en revanche domiciliée à Madrid, où elle est titulaire d'un bail depuis septembre 1998. Elle précise qu'elle a d'ailleurs assigné son époux en divorce devant les tribunaux madrilènes en janvier 2001. Mme Teresa X... estime que le juge aux affaires familiales a violé le contradictoire et porté atteinte aux droits de la défense, protégés par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme établie par un arrêt du 24 février 1995, ainsi que les articles 15 et 16 du nouveau code de

procédure civile, notamment parce qu'elle n'a pu prendre connaissance des requêtes en divorce et aux fins de mesures conservatoires présentées par son époux qu'après le prononcé de l'ordonnance de non-conciliation. Mme Teresa X... dit que M. Pedro Lopez Z... veut la placer devant le fait accompli d'une procédure montée de toutes pièces devant un tribunal manifestement incompétent sur la base d'allégations fallacieuses et de mensonges, ce qui aurait dû amener le juge aux affaires familiales à renvoyer l'affaire comme elle le demandait, au lieu de statuer par une décision non motivée sur cet incident, en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile. Elle conclut à la condamnation de M. Pedro Lopez Z..., outre aux dépens, à lui verser la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

M. Pedro Lopez Z... conclut à la compétence du juge français et à la confirmation de l'ordonnance de non-conciliation attaquée. Il soutient que Mme Teresa X... a frauduleusement saisi le juge espagnol dans le seul dessein d'échapper aux juridictions françaises et pour pouvoir dissiper les biens de la communauté, essentiellement composée de tableaux déposés dans l'appartement parisien occupé par celle-ci. Il rappelle que l'exception de litispendance au profit des tribunaux français qu'il avait soulevée devant le Tribunal de Madrid a été accueillie par celui-ci dans un jugement du 20 septembre 2001 qui a prononcé l'incompétence des juridictions espagnoles à connaître du divorce des époux. M. Pedro Lopez Z... précise que sa femme a abandonné le domicile conjugal en Espagne courant 1995 pour s'installer à Paris avec son concubin après avoir emporté les oeuvres d'art et le mobilier. Il dit dès lors que le juge français est compétent pour connaître de son action en divorce sur la base de l'article 1070 du nouveau code de procédure civile et relève que sa

procédure est antérieure à celle initiée en Espagne par Mme Teresa X.... M. Pedro Lopez Z... déclare que la requête sur les mesures urgentes avait été signifiée à son épouse le 10 novembre 2000 et celle en divorce le 11 décembre 2000 après que Mme X... ait été convoquée par le greffe le 5 décembre pour la tentative de conciliation. Dans ces conditions, M. Pedro Lopez Z... estime que la contradiction et les droits de la défense ont été préservés, le juge n'étant pas tenu de répondre à une demande de renvoi qui n'a été formalisée par écrit qu'après l'audience. Il conclut à la condamnation de Mme Teresa X..., outre aux dépens, à lui payer la somme de 1.525 ä de dommages-intérêts pour procédure abusive, et celle de 2.286,74 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

SUR CE LA COUR : Sur l'appel-nullité :

Considérant qu'aux termes de l'article 1112 du nouveau code de procédure civile, la décision du juge conciliateur en matière de divorce est susceptible d'appel dans les quinze jours de sa notification mais seulement quant à la compétence et aux mesures provisoires, que ce texte toutefois n'exclut pas l'appel d'une ordonnance de non-conciliation lorsqu'il tend non à sa réformation mais à son annulation, l'appel-nullité autonome étant ainsi toujours ouvert lorsqu'un excès de pouvoir a été commis ou un principe fondamental de procédure violé afin de ne pas laisser perdurer des irrégularités de cette gravité sans sanction immédiate ;

Considérant que Mme Teresa X... se plaint d'une violation du principe de la contradiction pour n'avoir pu prendre connaissance avant l'audience de conciliation de la requête en divorce de son

époux s'accompagnant d'un défaut de motivation de la décision du juge conciliateur qui n'aurait pas répondu à sa demande de renvoi ;

Considérant que le respect du contradictoire est un principe directeur du procès civil énoncé à l'article 16 du nouveau code de procédure civile, que ce principe est notamment affirmé, en raison de son caractère de droit naturel, par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales à propos duquel la Cour européenne a jugé dans l'arrêt Mc Michaùl c/ Royaume Uni du 24 février 1995 ayant pour le juge français autorité de la chose interprétée que le droit à un procès équitable et contradictoire implique par principe, pour une partie, la faculté de prendre connaissance des observations ou des pièces produites par l'autre, ainsi que d'en discuter ;

Considérant qu'en application des dispositions de l'article 1108 du nouveau code de procédure civile, Mme Teresa X... a été convoquée le 5 décembre 2000 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, confirmée le même jour par lettre simple, à la tentative de conciliation du 23 janvier 2001, à 11 h, qu'elle a en outre été citée en mairie le 11 décembre 2000 en vue de cette même audience par son mari, la requête en divorce pour faute, dont l'existence lui avait été révélée par la requête de mesures urgentes signifiée à sa personne le 10 novembre 2000, lui ayant été dénoncée avec la citation à comparaître ainsi qu'il ressort du procès-verbal de signification de l'huissier Nakache ;

Considérant que Mme Teresa X..., appelée en temps utile, a été à même de discuter avec le juge aux affaires familiales de tout ce qu'avançait en fait et en droit à l'appui de sa requête en divorce

pour faute au visa de l'article 242 du code civil son mari ;

Considérant que l'appelante soutient encore que le juge aux affaires familiales a refusé la demande de renvoi présentée oralement par l'avocate substituant le jour de la tentative de conciliation son conseil, et a fait sortir celle-ci de son cabinet afin de procéder à la tentative de conciliation avec M. Pedro Lopez Z..., que l'ordonnance de ce magistrat ignorant "ce moyen" a été rendue en violation de l'article 455 du nouveau code de procédure civile sur la motivation des jugements ;

Considérant que l'obligation de motiver est en procédure civile très générale afin de permettre au plaideur de trouver en dehors de tout arbitraire une justification à la décision qui est prise et à la juridiction supérieure d'exercer son contrôle ; que toutefois, l'obligation édictée par l'article 455 du nouveau code de procédure civile d'exposer succinctement les moyens dans le jugement et de motiver la réponse, ne concerne que ceux présentés par les parties ; Considérant qu'il ressort des énonciations de l'ordonnance de non-conciliation qui, en tant qu'acte authentique suivant l'article 457 du nouveau code de procédure civile, fait preuve jusqu'à inscription de faux de ce qui s'est passé en la présence du juge, que "les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience de conciliation à laquelle l'époux demandeur a comparu seul, son conjoint ne se présentant pas, le juge aux affaires familiales a procédé à la tentative de conciliation conformément à la loi, le 23 janvier 2001" ;

Considérant que Mme Teresa X..., qui bien que régulièrement convoquée, n'a pas comparu à l'audience de conciliation ne saurait donc se prévaloir de sa propre défaillance pour reprocher au juge aux affaires familiales, de n'avoir pas exposé et répondu dans sa décision à une demande de renvoi dont il n'est pas établi qu'il ait été réellement saisi ;

Considérant que Mme Teresa X... est donc déboutée de son appel-nullité ; Sur la compétence internationale du juge français :

Considérant que les critères de la compétence territoriale interne servent en principe à déterminer la compétence internationale des tribunaux français, que l'ordre juridictionnel français est en effet suffisamment concerné dès lors que le litige présente avec la France un lien qui permet, dans la matière en cause, d'attribuer compétence à une juridiction française déterminée ; que s'agissant du divorce, l'article 1070 du nouveau code de procédure civile attribue compétence, en l'absence d'enfants, au tribunal du lieu où réside l'époux qui n'a pas pris l'initiative de la demande, autrement dit le tribunal du défendeur ;

Considérant que Mme Teresa X... soutient résider, non à Paris où elle a été assignée, mais à Madrid, où sa présence est ininterrompue depuis 1998 ainsi qu'il résulte en particulier des certificats résidence, à Madrid, 1 Rue Ramon y Cajal, que lui ont délivrés les autorités espagnoles et d'un contrat de bail à Madrid, 32 Rue du Général Péron, établi le 28 septembre 1998 pour une durée de cinq ans ;

Considérant qu'en matière de compétence juridictionnelle, la

détermination de la résidence dépend de la loi du for, laquelle est en droit français définie en fonction d'éléments de fait laissés à l'appréciation souveraine du juge du fond comme étant le lieu où la personne demeure de manière assez stable et habituelle ;

Considérant que Mme Teresa X... ne justifie pas d'un domicile en Espagne au motif qu'un certificat d'inscription de l'intéressée sur le registre municipal des habitants de Madrid daté du 24 janvier 2001 ou qu'une carte de résident valable jusqu'au 16 août 2001 n'indiquent pas qu'elle s'y trouvait domiciliée au jour de la convocation à la tentative de conciliation, d'autant que l'adresse mentionnée sur ces documents est différente de celle du contrat de bail ; que suivant un jugement du Tribunal de Madrid du 20 septembre 2001, saisi par Mme Teresa X... d'une demande de divorce le 11 décembre 2000, le domicile réel de celle-ci se trouve hors d'Espagne, quoique que celle-ci ait obtenu dans ce pays une carte de résident, que les constatations du juge espagnol font preuve de l'absence de résidence en Espagne de Mme Teresa X..., que la domiciliation de celle-ci à Paris est en revanche bien acquise au vu des déclarations de l'huissier qui a signifié à sa personne, 2 Avenue de New York, le 10 novembre 2000, la requête en mesures urgentes présentée le 24 octobre 2000 par M. Pedro Lopez Z... avec l'ordonnance prise à cet égard par le juge aux affaires familiales le 8 novembre 2000 et qui a ensuite, en application de cette décision, effectué l'inventaire du mobilier de Mme Teresa X... au domicile de celle-ci, à l'adresse ci-dessus, où d'après les mentions du procès-verbal du 11 décembre 2000 de signification de la convocation à l'audience de conciliation, le nom de l'appelante figurait sur l'interphone de l'immeuble et cette adresse avait été confirmée par un voisin ;

Considérant qu'il y a lieu de dire en conséquence le juge français compétent pour connaître de l'action en divorce de M. Pedro Lopez Z... ;

Que l'ordonnance de non-conciliation du 23 janvier 2001 doit être confirmée ;

Sur les dommages-intérêts pour procédure abusive, les dépens et l'article 700 du nouveau code de procédure civile :

Considérant que M. Pedro Lopez Z... qui ne rapporte pas la preuve de circonstances ayant fait dégénérer en abus l'appel de Mme Teresa X..., doit être débouté de sa demande en dommages-intérêts ;

Considérant que Mme Teresa X..., qui succombe en son appel, supporte les dépens et ne peut donc prétendre à une indemnité pour frais irrépétibles au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile sur la base duquel l'équité commande en revanche de la condamner à verser à M. Pedro Lopez Z... la somme de 2.286,74 ä ;

PAR CES MOTIFS

Déboute Mme Teresa X... de son appel-nullité à l'encontre de l'ordonnance de non-conciliation du 23 janvier 2001,

Rejette l'exception d'incompétence et dit le juge français compétent pour connaître de l'action en divorce engagée par M. Pedro Lopez Z...,

En conséquence, confirme l'ordonnance de non-conciliation du 23 janvier 2001,

Condamne Mme Teresa X... à payer à M. Pedro Lopez Z... la somme de 2.286,74 ä par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne Mme Teresa X... aux dépens et accorde à la S.C.P. Patricia Hardouin, avoué, le droit prévu à l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2001/04343
Date de la décision : 28/02/2002

Analyses

CONFLIT DE JURIDICTIONS - Compétence internationale - Application des règles françaises internes à l'ordre international

Les critères de la compétence territoriale interne servent en principe à déterminer la compétence internationale des tribunaux français. L'ordre juridictionnel français est en effet suffisamment concerné dès lors que le litige présente avec la France un lien qui permet, dans la matière en cause, d'attribuer compétence à une juridiction française déterminée. S'agissant du divorce, l'article 1070 du nouveau Code de procédure civile attribue compétence, en l'absence d'enfants, au tribunal du lieu où réside l'époux défendeur. En matière de compétence juridictionnelle, la détermination de la résidence dépend de la loi du for, laquelle est en droit français définie en fonction d'éléments de fait laissés à l'appréciation souveraine du juge du fond comme étant le lieu où la personne demeure de manière assez stable et habituelle. Il résulte, en l'espèce, des constatations des juges du fond que les justifications de résidence à l'étranger apportées par la défenderesse à une action en divorce intentée par son mari devant les juridictions françaises, sont insuffisantes eu égard à celles prouvant sa domiciliation sur le territoire français. Il y a lieu de dire en conséquence le juge français compétent pour connaître de l'action en divorce


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-02-28;2001.04343 ?
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