COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section C ARRET DU 14 FEVRIER 2002
(N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/22363 Pas de jonction Décision dont appel : Ordonnance d'exequatur rendue le 27 septembre 2000 par le délégataire du Président du T.G.I. de CRETEIL déclarant exécutoire en France le jugement rendu le 30 octobre 1998 par le tribunal de Paix de Luxembourg. Date ordonnance de clôture : 10 janvier 2002 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : AU FOND APPELANT :
Monsieur Jean-Yves Z...
né le 2 octobre 1961 à SHANDONG
de nationalité française
demeurant ...
75116 PARIS
Représenté par la S.C.P. BERNABE - CHARDIN -
CHEVILLER, avoué
Assisté de Maître A...,
avocat à la Cour (L 271) INTIME :
Maître Marc Y...
demeurant ...
L 2240 LUXEMBOURG
Représenté par la S.C.P. BOMMART - FORSTER, avoué
Assisté de Maître Myriam B...,
avocat à la Cour (D 634)
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats et du délibéré
Président : Madame PASCAL
Conseiller : Monsieur MATET
Conseiller : Monsieur HASCHER
GREFFIER
lors des débats et du prononcé
de l'arrêt : Mlle FERRIE
MINISTERE PUBLIC
Représenté aux débats par Monsieur PEROL,
Avocat Général, qui a été entendu en ses explications.
DEBATS
à l'audience publique du 17 janvier 2002
ARRET - CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par Madame PASCAL,
Président, qui a signé la minute avec Mlle FERRIE, Greffier. * * *
Par ordonnance du 27 septembre 2000, le délégataire du Président du tribunal de grande instance de Créteil a, au visa des conventions de Bruxelles du 27 septembre 1968 et de Luxembourg du 9 octobre 1978,
déclaré exécutoire en France le jugement rendu le 30 octobre 1998 par le tribunal de paix de Luxembourg dans l'instance opposant Marc Y... à Ismaùl Ghalimi et à Jean-Yves Z....
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Appelant de cette ordonnance, Jean-Yves Z... demande à la Cour de - vu les pièces visées aux débats, - vu la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 et notamment ses articles 3, 6, 26 et 27, - constater qu'il n'est pas justifié que la décision rendue par le tribunal de paix de Luxembourg le 30 octobre 1998 lui ait été régulièrement signifiée, - constater qu'il n'est pas justifié de son caractère exécutoire dans des conditions conformes à la Convention Européenne des Droits de l'Homme, - constater que la procédure suivie au Luxembourg est irrégulière parce que violant les règles de compétence internationales, - infirmer la décision d'exequatur rendue par le tribunal de grande instance de Créteil le 27 septembre 2000, - condamner Marc Y..., outre aux dépens, au paiement d'une somme de 1 525 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il conteste la notification du jugement qui lui a été faite à une adresse à laquelle il n'habitait pas par lettre recommandée avec accusé de réception. Il prétend tirer des pièces communiquées la certitude qu'en droit luxembourgeois la signification des jugements s'opère par huissier et ajoute que l'absence de mention des voies de recours dans la notification est contraire à l'article 6.1 de la CEDH.
Il ajoute que la juridiction luxembourgeoise a violé les règles les
plus élémentaires de compétence internationale dans la mesure où il a été attrait devant un tribunal qui n'est pas celui de son domicile et où les règles relatives aux demandes en garantie ou en intervention n'ont pas été respectées.
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Marc Y... conclut à la confirmation de l'ordonnance et à la condamnation de Jean-Yves Z..., outre aux dépens, à lui payer une somme de 3 812 euros au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Il indique avoir, en l'état de conclusions d'incident de Jean Yves Z..., communiqué en originaux : la grosse du jugement, l'acte de signification du jugement à la société Globalsys, une enveloppe expédiée en recommandé par M° Thill, huissier de justice et un certificat de non appel.
Il soutient qu'en application des dispositions des articles 10 et suivants de la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 relative à la signification et à la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires, les notifications peuvent être faites par la poste sauf réserves des Etats parties et sans qu'il soit nécessaire de justifier de la réception par le destinataire. Il précise qu'aux termes de l'article 31 de la Convention de Bruxelles la décision doit être exécutoire dans l'Etat d'origine, au vu des règles procédurales de cet Etat. Il dit que, selon les articles 155 et suivants du nouveau code de procédure luxembourgeois, la signification des jugements à l'étranger se fait, sauf convention contraire, par l'intermédiaire d'un huissier qui adresse par lettre
recommandée avec accusé de réception une copie de l'acte au domicile ou à la résidence du destinataire à l'étranger, que la signification, qui n'a pas à indiquer les délais et voies de recours, est réputée faite le jour de la remise.
Il affirme que la Convention de Bruxelles exclut de façon expresse la vérification de la compétence internationale du juge d'origine ainsi que celle de la loi appliquée sauf dans le cas particulier de l'article 27-4 qui n'est pas réalisé en l'espèce. Sur ce, la Cour,
Considérant que la reconnaissance d'une décision rendue dans un Etat contractant de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 ne peut être refusée que pour l'une des causes énumérées en son article 27 ; qu'aucune d'entre elles n'est invoquée en l'espèce ;
Considérant qu'hors les cas, non allégués ici, de compétences exclusives définis par la Convention, il ne peut être procédé par le juge de l'Etat requis au contrôle de la compétence des juridictions de l'Etat d'origine ; que le moyen soulevé de ce chef doit être écarté ;
Considérant que, pour s'opposer à l'exequatur, l'appelant prétend essentiellement qu'il n'est justifié ni d'une signification de la décision conforme à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ni de son caractère exécutoire ;
Considérant qu'en vertu de l'article 47 de la Convention, la partie qui demande l'exécution doit produire tout document de nature à établir que, selon la loi de l'Etat d'origine, la décision est exécutoire et a été signifiée ; que la signification de la décision étrangère est régie par la loi de l'Etat d'origine, le fait que la
notification ne comporte pas l'indication des voies de recours dans cet Etat n'étant pas contraire à l'ordre public procédural de l'Etat requis ;
Qu'en l'espèce, Marc Y... produit : - un acte de signification du jugement dressé, le 4 décembre 1998, par M° Thill, huissier de justice à Luxembourg, intégrant le récépissé de dépôt d'un envoi recommandé dont le destinataire est Jean-Yves Z..., ... B 9 , F - 94200 Ivry sur Seine, - une copie de la lettre recommandée revenue avec la mention : NPAI soit n'habite pas à l'adresse indiquée, - une copie des dispositions du nouveau code de procédure civile du Luxembourg et en particulier de l'article 156 selon lequel :
"A l'égard des personnes domiciliées ou résidant à l'étranger, la signification est faite dans les formes de transmission convenues entre le Luxembourg et le pays du domicile ou de la résidence du destinataire. A défaut d'une autre procédure de transmission prévue par une convention internationale, l'huissier de justice adresse, par lettre recommandée avec avis de réception, une copie de l'acte au domicile ou à la résidence du destinataire à l'étranger. Si l'Etat étranger n'admet pas la transmission par voie postale d'actes judiciaires à des personnes établies sur son territoire, l'huissier de justice adresse la copie de l'acte par lettre recommandée avec accusé de réception au Ministère des affaires Etrangères aux fins de signification ou de notification de l'acte à son destinataire par la voie diplomatique.
La signification est réputée faite le jour de la remise de la copie de l'acte à l'autorité compétente pour l'expédier ou le jour de la remise à la poste, ou, en général, le jour où toute autre procédure autorisée de signification à l'étranger a été engagée. - un
certificat de non appel délivré le 8 juin 2000 par le greffier en chef du tribunal de Paix au vu d'une attestation de Maître Marc X... du 6 juin 2000 ;
Considérant que la France n'ayant pas fait de réserves aux dispositions de l'article 10 de la Convention de la Haye du 15 novembre 1965 permettant d'adresser directement, par la voie de la poste, les actes judiciaires aux personnes se trouvant à l'étranger, la signification de la décision est bien régulière au regard du droit luxembourgeois, Jean-Yves Z... qui a comparu devant le tribunal de paix n'ayant pas fait connaître d'autre adresse que celle à laquelle la lettre recommandée avec accusé de réception lui a été adressée ;
Que le certificat de non appel établit que la décision est exécutoire ; que Jean-Yves Z... ne justifie en effet ni avoir sollicité un relevé de forclusion en application de l'article 16 de la Convention du 15 novembre 1965 ni même remplir les conditions pour éventuellement le faire ; que, par suite, l'ordonnance doit être confirmée ;
Considérant que l'équité commande d'allouer une somme de 1 500 ä à Marc Y... au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;
Par ces motifs, - confirme l'ordonnance déférée, - condamne Jean-Yves Z... à payer à Marc Y... une somme de 1 500 ä au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamne Jean-Yves Z... aux dépens et admet la SCP Bommart-Forster au bénéfice de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT