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25/01/2002 | FRANCE | N°1999/17232

France | France, Cour d'appel de Paris, 25 janvier 2002, 1999/17232


COUR D'APPEL DE PARIS 15è chambre, section B ARRET DU 25 JANVIER 2002 (N , 13 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

1999/17232 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 02/11/1998 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS RG n : 1995/66453 Date ordonnance de clôture : 23 Novembre 2001 Nature de la décision :

CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION PARTIELLE APPELANTE : STE BANQUE TEJARAT prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 184 avenue Taleghani TEHERAN (IRAN) représentée par la SCP MONIN, avoué assistée de Maître B

. CHAMBREUIL, Toque P 121, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : S.A. CREDIT ...

COUR D'APPEL DE PARIS 15è chambre, section B ARRET DU 25 JANVIER 2002 (N , 13 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

1999/17232 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 02/11/1998 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS RG n : 1995/66453 Date ordonnance de clôture : 23 Novembre 2001 Nature de la décision :

CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION PARTIELLE APPELANTE : STE BANQUE TEJARAT prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 184 avenue Taleghani TEHERAN (IRAN) représentée par la SCP MONIN, avoué assistée de Maître B. CHAMBREUIL, Toque P 121, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : S.A. CREDIT LYONNAIS prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 19 boulevard des Italiens 75002 - PARIS représentée par la SCP HARDOUIN, avoué assistée de Maître J.F. MOLAS, Toque P 159, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE :

S.A.E. STE AUXILIAIRE D'ENTREPRISE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 143 avenue de Verdun 92442 - ISSY LES MOULINEAUX CEDEX représentée par la SCP DAUTHY-NABOUDET, avoué assistée de Maître J. COUTURON, Toque E 427, Avocat au Barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré, Président : Monsieur POTOCKI X... :

Madame GRAEVE X... : Madame DAVID Y... : à l'audience publique du 6 décembre 2001 GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Monsieur Z... agent du secrétariat-greffe ayant prêté le serment de Greffier ARRET : Contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur POTOCKI, Président, lequel a signé la minute du présent arrêt avec Monsieur G. Z..., Greffier.

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Le 29 décembre 1975, un contrat portant sur la construction de plusieurs bâtiments a été conclu entre, d'une part, un maître d'oeuvre iranien, la société IRANIAN POLICE COOPERATIVE, représentée par son mandataire, la banque RHANI, devenue depuis lors la banque MASKAN, et, d'autre part, la société SAFRITECNIC, filiale de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE.

Pour garantir la bonne exécution de ce marché, des garanties avaient été fournies au maître d'oeuvre par la BANQUE TEJARAT, bénéficiant elle-même de contre-garanties autonomes fournies par le CRÉDIT LYONNAIS, à qui la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE avait donné sa caution.

Dans le contexte des changements politiques intervenus en Iran, un contentieux est né entre les parties au contrat et différentes instances judiciaires ont été lancées, tant en Iran qu'en France. Notamment, la BANQUE TEJARAT a saisi le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 2 novembre 1998, a : - joint les causes 95066453 et 95082453, - dit l'intervention volontaire de la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISE recevable mais mal fondée et l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes, - dit l'action engagée par la BANQUE TEJARAT non prescrite, - condamné le CREDIT LYONNAIS à payer à la BANQUE TEJARAT la somme de 329.106.587 rials iraniens majorée d'intérêts au taux légal français à compter du l4 janvier l997, avec capitalisation des intérêts dus depuis plus d'une année et la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamné la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES à payer à la BANQUE TEJARAT la somme de 10.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - dit n'y avoir lieu à exécution provisoire, - condamné la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES aux

dépens.

Par déclaration du 12 juillet 1999, la BANQUE TEJARAT a fait appel de cette décision.

Les dernières écritures des parties, prises en compte par la Cour au titre de l'article 954 du nouveau code de procédure civile, ont été déposées : - le 6 novembre 2001 pour la BANQUE TEJARAT, - le 10 octobre 2001 pour le CRÉDIT LYONNAIS, - le 3 mai 2000 pour la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE.

La BANQUE TEJARAT demande à la Cour de : - infirmer le jugement attaqué en ses seules dispositions par lesquelles la condamnation du CREDIT LYONNAIS a été fixée en rials iraniens et assortie des intérêts au taux légal français à compter seulement du l4 janvier l997, - débouter la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES et le CREDIT LYONNAIS de l'ensemble de leurs demandes, et statuant à nouveau, - condamner en conséquence le CREDIT LYONNAIS à payer à la BANQUE TEJARAT la contre-valeur en francs français au 7 novembre l982 de la somme de 329.106.587 rials, soit la somme de 27.437.945,26 francs (soit 4.182.887,80 euros) à compter du 7 novembre l982 et jusqu'à parfait paiement, et ce avec capitalisation, subsidiairement, tout en confirmant le jugement en ses dispositions condamnant le CREDIT LYONNAIS, - l'infirmer partiellement en ses seules dispositions concernant les demandes reconventionnelles présentées par la BANQUE TEJARAT à l'encontre de la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES, - condamner la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES à payer à la BANQUE TEJARAT la différence entre la contre-valeur en francs-français de la somme de 329.106,587 rials à la date du 7 novembre l982 (soit 27.437.945,26 francs ou 4.182.887,80 euros) et la contre-valeur en francs français ou en euros de ladite somme à la date de l'arrêt à intervenir, voire à la date du paiement, - condamner sous la même subsidiarité la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES à payer à la BANQUE

TEJARAT les intérêts au taux légal français sur la somme de 27.437.945,26 francs (soit 4.182.887,80 euros) à compter du 7 novembre l982 jusqu'au l4 janvier l997, et ce, avec capitalisation conformément aux dispositions de l'article ll54 du Code Civil, dans tous les cas, - condamner solidairement la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES et le CREDIT LYONNAIS à payer à la BANQUE TEJARAT la somme de 15.000 euros par application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Le CRÉDIT LYONNAIS demande à la Cour de : à titre principal : - dire que la créance principale invoquée par la BANQUE TEJARAT est prescrite, subsidiairement, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a jugé que le CREDIT LYONNAIS était tenu au paiement de rials iraniens et a prononcé une condamnation en cette monnaie, - l'infirmer en ce qu'il a fixé le point de départ des intérêts à la date du l4 janvier l997, et statuant à nouveau, - fixer le point de départ des intérêts moratoires à la date de l'arrêt à intervenir, très subsidiairement, - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES à relever et garantir le CREDIT LYONNAIS de toutes les condamnations en principal, frais et accessoires qui pourraient être prononcées à son encontre, plus subsidiairement, - constater la prescription des intérêts courus plus de cinq ans avant l'assignation du l8 septembre l995, sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile : - infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné le CREDIT LYONNAIS à verser à la BANQUE TEJARAT une somme de 10.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, - condamner toute partie succombante à payer au CREDIT LYONNAIS une somme de 30.000 francs sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE demande à la Cour de : - confirmer

le jugement attaqué pour ce qui concerne la recevabilité de l'intervention de la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES, - débouter la BANQUE TEJARAT de toutes ses demandes, subsidiairement, - juger que le CREDIT LYONNAIS pourrait se libérer en rials, majorés au taux légal français à compter du l4 janvier l997, avec capitalisation des intérêts dus depuis plus d'une année, - condamner la BANQUE TEJARAT à régler à la SOCIETE AUXILIAIRE D'ENTREPRISES la somme de 100.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE LA COUR :

Considérant que les parties s'opposent essentiellement sur quatre points, à savoir la prescription de la créance dont la BANQUE TEJARAT demande l'exécution, la monnaie dans laquelle devrait s'effectuer le paiement exigé par la BANQUE TEJARAT, le régime des intérêts qui seraient produits par cette somme et, enfin, l'existence, selon la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE, d'une collusion entre les banques et les autorités iraniennes, ainsi qu'une prise de possession illégale de la société SAFRITECNIC par les autorités iraniennes ; Sur la prescription :

Considérant que, par deux télex des 7 et 11 novembre 1982, la BANQUE TEJARAT a fait savoir au CRÉDIT LYONNAIS qu'elle avait été appelée en garantie pour le marché en cause et que, en conséquence, il devait la créditer du montant total de la contre-garantie qu'il lui avait donnée ;

Que c'est donc à cette date que doit être fixé le point de départ de la prescription ;

Que ce n'est que le 7 juillet 1995, soit plus de dix ans après, que la BANQUE TEJARAT a saisi le tribunal de commerce de Paris d'une action au fond, tendant à obtenir la condamnation du CRÉDIT LYONNAIS à lui payer les sommes qu'elle estimait lui être dues à ce titre ;

Considérant que la BANQUE TEJARAT fait valoir plusieurs moyens pour

soutenir que la prescription ne peut cependant pas lui être opposée ; Qu'elle soutient, tout d'abord, que les procédures dont les engagements du CRÉDIT LYONNAIS faisaient l'objet ne la mettaient pas en mesure de faire valoir ses droits et que, en conséquence, par application de l'article 2251 du Code Civil, la prescription n'a pu courir contre elle ;

Considérant que les procédures qu'invoque la BANQUE TEJARAT sont constituées, pour l'essentiel, par des saisines, à l'initiative de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE, du juge des référés et du juge du fond, destinées à s'opposer à la mise en oeuvre des garanties et contre-garanties données par la BANQUE TEJARAT et le CRÉDIT LYONNAIS ;

Que la saisine du juge du fond a abouti à un jugement avant dire droit du 10 octobre 1984, mettant hors de cause la banque MASKAN, ordonnant à IRANIAN POLICE de conclure au fond et disant recevables mais mal fondées les exceptions et fins de non recevoir proposées par IRANIAN POLICE et la BANQUE TEJARAT ;

Qu'aucune conséquence ne peut être tirée de cette décision au regard de la prescription ;

Que par ailleurs, les actions en justice de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE ont conduit le président du tribunal de commerce de Paris à rendre deux ordonnances de référé, le 30 avril 1982 et le 29 décembre 1982, par lesquelles, pour la première, il constituait le CRÉDIT LYONNAIS séquestre des cautions, lettres de garantie et contre-garanties émises par les parties, et pour la seconde, il disait que le CRÉDIT LYONNAIS devait se faire remettre ces garanties et lui faisait défense de payer ;

Que ces deux ordonnances ont été soumises à la Cour d'Appel qui, par arrêt du 20 mai 1987, a ordonné le retrait de l'affaire du rôle puis,

par arrêt du 14 janvier 1997, a infirmé ces deux décisions ;

Que la BANQUE TEJARAT fait valoir qu'elle "ne pouvait agir utilement, et en tout cas obtenir paiement des contre-garanties tant que n'était pas intervenu l'arrêt de la Cour d'Appel infirmant l'ordonnance de référé faisant défense au CRÉDIT LYONNAIS d'exécuter ses engagements" ;

Mais considérant que l'ordonnance de référé est une décision provisoire, qui n'a pas au principal l'autorité de la chose jugée ;

Que dès lors, rien n'empêchait la BANQUE TEJARAT de saisir le juge du fond malgré ces ordonnances ;

Que c'est d'ailleurs ce qu'elle a fait, en assignant le CRÉDIT LYONNAIS devant le tribunal de commerce de Paris, le 7 juillet 1995, soit avant que la Cour d'Appel ne rende son arrêt infirmant les ordonnances de référé ;

Que ce moyen doit donc être écarté ;

Considérant que la BANQUE TEJARAT soutient ensuite que la prescription aurait été interrompue, conformément à l'article 2248 du Code civil, par la reconnaissance que le CRÉDIT LYONNAIS lui-même aurait faite des obligations dont il était tenu à son égard ;

Que la BANQUE TEJARAT estime que cette reconnaissance est contenue dans les conclusions prises par le CRÉDIT LYONNAIS, dans l'instance d'appel des ordonnances de référé ;

Considérant que la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE a saisi le juge des référés, dans le but de faire valoir les difficultés apparues dans les relations contractuelles entre sa filiale, la société SAFRITECNIC, et la société IRANIAN POLICE COOPERATIVE, afin de paralyser la mise en oeuvre des garanties autonomes souscrites par la BANQUE TEJARAT, le CRÉDIT LYONNAIS et elle-même ;

Que le CRÉDIT LYONNAIS s'est opposé à ces initiatives, tant devant le juge des référés, que devant la Cour d'Appel à qui étaient soumises

les ordonnances l'instituant séquestre de ces garanties et lui faisant défense de payer ;

Que devant la Cour d'Appel, cette banque a pris des conclusions, datées du 9 juillet 1985, contenant le passage suivant : "Que les contre-garanties émises par le CRÉDIT LYONNAIS ont un caractère autonome tant par rapport à la garantie de premier rang émise par la BANQUE TEJARAT que par rapport au contrat de base signé entre la société SAFRITECNIC et la banque MASKAN ; Que dans ces conditions le CRÉDIT LYONNAIS ne peut faire que protestations et réserves sur les demandes de la SAE tendant à ce qu'il lui soit fait défense de payer sur le fondement des garanties visées par l'ordonnance du 30 avril 1982" ;

Que par une telle formulation, dénuée de toute ambigu'té, le CRÉDIT LYONNAIS a reconnu le droit de la BANQUE TEJARAT a obtenir de lui l'exécution de la contre-garantie qu'il lui avait consentie et a ainsi fait courir un nouveau délai de prescription, venant à expiration le 9 juillet 1995 ;

Qu'en revanche, les très brèves conclusions prises le 27 juillet 1987 par le CRÉDIT LYONNAIS, et dans lesquelles la BANQUE TEJARAT voit une nouvelle reconnaissance de ses droits, n'ont pour but que d'interrompre la péremption et ne comportent aucun développement consacré à la substance même du litige ;

Que ces écritures n'emportent donc pas interruption de la prescription;

Que, le 12 mars 1993, la BANQUE TEJARAT a pris des conclusions, par lesquelles elle soutenait notamment que "le juge des référés ne pouvait faire défense au CRÉDIT LYONNAIS d'honorer ses engagements de contre-garantie envers la BANQUE TEJARAT qui avait elle-même déféré à l'appel des garanties de premier rang en faveur de leur bénéficiaire"

;

Mais que, même si elles ont été notifiées notamment au CRÉDIT LYONNAIS, pris en sa qualité d'intimé, ces écritures étaient dirigées contre l'action de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE tendant à paralyser la mise en oeuvre des garanties autonomes et non contre le CRÉDIT LYONNAIS pour obtenir paiement de sa part, ;

Qu'elles ne sont donc pas assimilables à une demande en justice dirigée contre ce dernier et, en conséquence, n'ont pas interrompu la prescription ;

Que le 7 juillet 1995, soit deux jours avant que la prescription ne soit acquise, la BANQUE TEJARAT a fait délivrer une assignation en paiement au CRÉDIT LYONNAIS devant le tribunal de commerce de Paris ; Que s'il est exact que cet acte ne comportait pas élection de domicile, conformément aux prescriptions de l'article 885, 2° du nouveau code de procédure civile, cette irrégularité n'a causé aucun grief au CRÉDIT LYONNAIS, qui n'avait pas de difficultés pour identifier et localiser la BANQUE TEJARAT, avec laquelle il était partie à de nombreuses procédures depuis des années ;

Que le CRÉDIT LYONNAIS n'a pas invoqué cette irrégularité dans ses premières conclusions en défense du 3 novembre 1997, mais seulement dans des conclusions ultérieures du 19 janvier 1998, alors que la BANQUE TEJARAT avait déjà fait délivrer une seconde assignation régularisant la première ;

Que dès lors, les droits invoqués par la BANQUE TEJARAT contre le CRÉDIT LYONNAIS n'ont pas été éteints par la prescription ; Sur la détermination de la monnaie de paiement :

Considérant que la BANQUE TEJARAT demande que l'engagement du CRÉDIT LYONNAIS soit exécuté en francs, tandis que celui-ci entend y procéder en rials iraniens ;

Considérant que l'engagement de garantie pris par la BANQUE TEJARAT à l'égard de la BANQUE RAHNI a été souscrit et exécuté en rials;

Que la contre-garantie consentie par le CRÉDIT LYONNAIS à la BANQUE TEJARAT a été souscrite en rials ;

Que les exigences de sécurité et de prévisibilité qui s'attachent aux garanties à première demande commandent de n'en modifier les termes qu'en cas d'impossibilité avérée de les exécuter selon les modalités prévues entre les parties ;

Que le défaut de convertibilité d'une monnaie ne constitue pas cette impossibilité, dès lors que le débiteur de la garantie se dit à même d'en disposer pour effectuer le paiement auquel il est tenu, ce qui est le cas en l'espèce du CRÉDIT LYONNAIS ;

Que la BANQUE TEJARAT, société de droit iranien, ne saurait donc refuser l'exécution en rials et exiger une conversion de cette monnaie qui introduirait dans ses relations avec le CRÉDIT LYONNAIS les aléas des fluctuations monétaires ;

Que la BANQUE TEJARAT ne justifie nullement que le CRÉDIT LYONNAIS ait accepté la substitution du franc au rial comme monnaie de paiement, le simple silence sur ce point à réception d'un télex ne pouvant être interprété comme un accord ;

Considérant que cette solution est sans lien avec les actions intentées par la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE et que, en conséquence, celle-ci ne saurait être condamnée à payer à la BANQUE TEJARAT, qui le demande, la différence entre la contre-valeur en francs français de la somme de 329.106.587 rials à la date du 7 novembre 1982 et la contre-valeur en francs français ou en euros de cette somme à la date de l'arrêt à intervenir ; Sur le point de départ des intérêts de retard :

Considérant que le CRÉDIT LYONNAIS devait procéder au paiement des garanties à première demande dès l'appel fait par la BANQUE TEJARAT

les 7 et 11 novembre 1982 ;

Que, si les intérêts de retard étaient dus dès cette date, l'action en paiement de ces intérêts se prescrit par cinq ans, en application de l'article 2277 du Code civil ;

Que ces intérêts sont donc dus pour les cinq années ayant précédé l'assignation introductive d'instance devant le tribunal de commerce de Paris, soit à compter du 7 juillet 1990 ;

Qu'ils seront capitalisés conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil ;

Considérant que rien ne justifie la demande présentée par la BANQUE TEJARAT tendant à obtenir la condamnation de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE à lui payer ces intérêts à compter à compter du 7 novembre 1982 jusqu'au 14 janvier 1997, et notamment pas le fait que cette société ait saisi le juge des référés, comme elle en avait le droit, aucun abus n'étant établi à son encontre à ce titre ; Sur les demandes de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE :

Considérant que la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE soutient que la mise en oeuvre des garanties doit être écartée, d'une part, parce qu'une concertation frauduleuse serait établie entre les banques et les autorités iraniennes et, d'autre part, parce qu'elles auraient pour conséquence de donner effet en France à la nationalisation sans indemnité de la société SAFRITECNIC, qui constitue une mesure de dépossession contraire à l'ordre public ;

Mais considérant que, pour faire échec au principe d'autonomie des garanties, le caractère frauduleux de l'appel à ces garanties doit être établi sans doute possible ;

Qu'en l'espèce la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE estime cette preuve rapportée par l'effet du rapprochement qu'elle fait entre la situation de l'espèce et trois autres opérations de construction qu'elle a menées en Iran à la même époque ;

Que toutefois, les similarités relevées par la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE, mais contestées par la BANQUE TEJARAT, ne peuvent suffire à rapporter, par simple transposition, la preuve dont elle a la charge;

Que la BANQUE TEJARAT dit avoir payé les garanties de premier rang à la banque MASKAN et produit un bordereau débiteur au soutien de cette affirmation ;

Que, ni la substitution d'administrateurs iraniens aux dirigeants français, à la tête d'une société de droit iranien, ni le caractère public des banques intervenant dans la chaîne des garanties ne suffisent à caractériser la collusion qui les auraient unies au détriment de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE, chacune de ces entités disposant de la personnalité morale et agissant soit devant les juridictions françaises, soit devant le tribunal de Téhéran;

Que la mesure d'expertise, réalisée en Iran et dont les résultats sont interprétés différemment par les parties, se rapporte au contrat de base et non aux garanties appelées par la BANQUE TEJARAT ;

Que, si la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE établit bien que les dirigeants français de la société SAFRITECNIC ont été remplacés par des administrateurs provisoires iraniens, elle ne rapporte la preuve ni que cette mesure ait fait disparaître la société, ni qu'elle en ait transféré la propriété à l'Etat iranien ;

Que les moyens de la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE doivent donc être écartés ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ni pour la procédure de première instance, ni pour la procédure d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Infirme partiellement le jugement attaqué,

Fixe au 7 juillet 1990 le point de départ des intérêts dus par le

CRÉDIT LYONNAIS sur la somme dont il est débiteur à l'égard de la BANQUE TEJARAT,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, ni pour la procédure de première instance, ni pour la procédure d'appel,

Confirme le jugement attaqué pour le surplus,

Fait masse des dépens de première instance et d'appel, dit qu'il seront supportés par moitié par le CRÉDIT LYONNAIS et la SOCIÉTÉ AUXILIAIRE D'ENTREPRISE et qu'il seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1999/17232
Date de la décision : 25/01/2002

Analyses

BANQUE - Garantie à première demande - Obligations du banquier

Les exigences de sécurité et de prévisibilité qui s'attachent aux garanties à première demande commandent de n'en modifier les termes qu'en cas d'impossibilité avérée de les exécuter selon les modalités prévues entre les parties. Le défaut de convertibilité d'une monnaie ne constitue pas cette impossibilité, dès lors que le débiteur de la garantie se dit à même d'en disposer pour effectuer le paiement auquel il est tenu. En l'espèce, si une banque a consenti en faveur d'une autre banque appelée en garantie un engagement de contre-garantie souscrit en rials, monnaie dont elle se trouve en mesure de di- sposer pour effectuer le paiement auquel elle est tenue, la banque bénéficiai- re de l'engagement de contre-garantie ne saurait en refuser l'exécution en rials et exiger une conversion de cette monnaie qui introduirait dans ses relations avec la banque débitrice de la contre-garantie les aléas des fluctuations moné- taires


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2002-01-25;1999.17232 ?
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