La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/12/2001 | FRANCE | N°JURITEXT000006939354

France | France, Cour d'appel de Paris, 13 décembre 2001, JURITEXT000006939354


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 13 DÉCEMBRE 2001

(N , 11 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2001/06669 Pas de jonction Décision dont recours : Décision N°00-D-85 du Conseil de la concurrence en date du 20/03/2001 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : REJET PARTIEL - INFIRMATION PARTIELLE DEMANDERESSE AU RECOURS : Société Anonyme GAMMVERT prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 83/85, avenue de la Grande Armée 75016 PARIS représentée par la SCP LAGOURGUE, avoués, 19 Boulevard de Séba

stopol 75001 PARIS assistée de Maître M.-C. VILMART, avocat, 111 Boulevard Pérei...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 13 DÉCEMBRE 2001

(N , 11 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

2001/06669 Pas de jonction Décision dont recours : Décision N°00-D-85 du Conseil de la concurrence en date du 20/03/2001 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : REJET PARTIEL - INFIRMATION PARTIELLE DEMANDERESSE AU RECOURS : Société Anonyme GAMMVERT prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 83/85, avenue de la Grande Armée 75016 PARIS représentée par la SCP LAGOURGUE, avoués, 19 Boulevard de Sébastopol 75001 PARIS assistée de Maître M.-C. VILMART, avocat, 111 Boulevard Péreire 75017 PARIS, Toque P 0069 DEMANDERESSE INCIDENTE : Société Anonyme LEROY-MERLIN prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège Rue Chanzy - LEZENNES 59712 LILLE CEDEX 9 représentée par la SCP LAGOURGUE, avoués, 19 Boulevard de Sébastopol 75001 PARIS assistée de Maître V. LEDOUX, 3, Place des Victoires, 75001 PARIS, Toque L0301 DEFENDERESSE AU RECOURS : Société Anonyme MULTI-APPROS venant aux droits de la S.A. SANE-DAGRIL prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 193, rue Paul Sabatier - Parc d'Activités du Pré la Dame - BP110 - 54715 LUDRES CEDEX représentée par la SCP M. X..., avoué, 21 rue du Mont Thabor 75001 PARIS assistée de Maître X. DE ROUX, 26, cours Albert 1er, 75008 PARIS, Toque T03 EN PRESENCE : du Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget, Représenté aux débats par Monsieur Philippe Y..., muni d'un mandat régulier. COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Madame KAMARA, Président Madame BREGEON, Conseiller Monsieur MAUNAND, Conseiller GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt :

Madame JAGODZINSKI MINISTERE Z... :

Monsieur A..., Substitut Général ARRET : Prononcé publiquement le TREIZE DÉCEMBRE DEUX MILLE UN, par Madame KAMARA, Président, qui a signé la minute avec Madame

JAGODZINSKI, Greffier.

Saisi par lettre enregistrée le 17 avril 1996 du ministre délégué aux finances et au commerce extérieur de pratiques mises en oeuvre dans le secteur des désherbants et plus précisément dans la distribution du chlorate de soude, le Conseil de la concurrence a, par décision n° 00-D-85 du 20 mars 2001, dit que la société Celloplast, dénommée société Mayenne de produits chimiques depuis le 28 juillet 2000, avait enfreint les dispositions des articles L. 420-1 et L. 420-2 du code de commerce et que seize autres sociétés, parmi lesquelles les sociétés Sane Dagril, aux droits de laquelle vient la société Multi-Appros, Gamm Vert et Leroy Merlin, avaient enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et a infligé des sanctions pécuniaires à neuf d'entre elles, et notamment de 200 000 francs à la société Multi-Appros, de 100 000 francs à la société Leroy Merlin et de 100 000 francs à la société Gamm Vert.

LA COUR,

Vu le recours en annulation, ou subsidiairement en réformation, formé le 11 avril 2001 par la société Gamm Vert à l'encontre de cette décision,

Vu les moyens déposés le 7 mai 2001 par lesquels la société Gamm Vert demande à la cour d'annuler ou, à tout le moins, de réformer la décision entreprise en ce qu'elle lui a infligé une sanction pécuniaire pour avoir enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce, de dire qu'il n'est pas établi qu'elle aurait enfreint ces dispositions et de la décharger de toutes sanctions

pécuniaires,

Vu le recours incident en annulation, ou subsidiairement en réformation, formé le 11 mai 2001 par la société Leroy Merlin à l'encontre de la décision du 20 mars 2001,

Vu les moyens déposés le 22 mai 2001 par lesquels la société Leroy Merlin demande à la cour d'annuler ou, à tout le moins, de réformer la décision entreprise en ce qu'elle a dit qu'elle avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et lui a infligé une sanction pécuniaire, de dire que les faits sont prescrits en application de l'article L. 462-7 du code de commerce, à titre subsidiaire de dire qu'il n'est pas établi qu'elle aurait adhéré à l'entente sur les prix mise en oeuvre par la société Celloplast et qu'elle aurait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et, à titre infiniment subsidiaire, de dire qu'il n'y a pas lieu de lui infliger une sanction pécuniaire,

Vu le mémoire en date du 11 juillet 2001 par lequel la société Multi-Appros, venant aux droits de la société Sane Dagril, demande à la Cour de dire que les faits sont prescrits et d'annuler la décision du Conseil de la concurrence n° 00-D-85 du 20 mars 2001,

Vu les observations écrites déposées le 26 juillet 2001 par le Conseil de la concurrence,

Vu les observations en date du 17 août 2001 par lesquelles le ministère chargé de l'économie demande à la cour de confirmer la décision entreprise, sauf en ce qui concerne l'imputabilité des pratiques à la société Gamm Vert et la sanction prononcée à son encontre,

Vu le mémoire additionnel de la société Multi-Appros et les conclusions additionnelles des sociétés Gamm Vert et Leroy Merlin,

Le ministère public ayant été entendu à l'audience en ses observations tendant, à titre principal, à la nullité de

l'instruction et de la décision déférée au motif que la saisine du Conseil n'est pas conforme aux prescriptions de l'article L.462-5 du code de commerce dès lors que la lettre signée par le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur ne comporte aucune référence à une délégation de signature du ministre chargé de l'économie seul habilité à saisir le Conseil et, à titre subsidiaire, si la cour validait la modalité de saisine du Conseil, au rejet du moyen tiré de l'acquisition de la prescription triennale,

Vu les notes en délibéré des sociétés Gamm Vert et Leroy Merlin en réponse aux observations du ministère public,

Les requérantes ayant eu la parole en dernier,

SUR CE,

Considérant que, dans son mémoire déposé le 11 juillet 2001, la société Multi-Appros, venant aux droits de la société Sane Dagril, poursuit l'annulation à son égard de la décision du Conseil de la concurrence n° 00-D-85 du 20 mars 2001 alors qu'elle n'a pas formé de recours dans les formes prévues par l'article 6 du décret du 19 octobre 1987 à l'encontre de cette décision ; que ses prétentions doivent en conséquence être déclarées irrecevables ;

Sur la saisine du Conseil de la concurrence

Considérant qu'en application de l'article L. 462-5 du code de commerce, le Conseil de la concurrence peut être saisi par le ministre chargé de l'économie de toute pratique mentionnée aux articles L. 420-1, L. 420-2 et L. 420-5 dudit code ; qu'en l'espèce, la lettre de saisine a été signée par M.Yves B..., ministre délégué aux finances et au commerce extérieur ; qu'aux termes du décret n° 95-1248 du 28 novembre 1995, publié au Journal officiel du 29 novembre 1995, M. B... exerçait les attributions qui lui étaient confiées par le ministre de l'économie et des finances relatives à la consommation, à la concurrence, aux marchés publics et

au commerce extérieur; que, pour l'exercice de ses attributions et dans la limite de celles-ci, il avait notamment autorité sur la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes et recevait délégation du ministre de l'économie et des finances pour signer, en son nom, tous actes, arrêtés et décisions ; que M. B... était donc habilité à saisir le Conseil de la concurrence des pratiques dénoncées dans la lettre enregistrée le 17 avril 1996 ;

Sur les moyens tirés de l'acquisition de la prescription triennale

Considérant qu'en vertu de l'article L. 462-7 du code de commerce, le Conseil de la concurrence ne peut être saisi de faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur sanction ;

Considérant que les requérantes font tout d'abord valoir que les faits sont prescrits dans la mesure où c'est la date de la lettre de saisine du Conseil de la concurrence par le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, soit le 5 avril 1996, qui fait courir le délai de prescription et non la date d'enregistrement de cette lettre au Conseil, soit le 17 avril 1996, et qu'aucun acte interruptif de prescription n'est intervenu avant la notification des griefs du 7 avril 1999, reçue par les sociétés Gamm Vert et Leroy Merlin le 8 avril 1999 ;

Mais considérant que la date à retenir comme constituant le point de départ de la prescription triennale est celle à laquelle la lettre de saisine arrive au Conseil de la concurrence dès lors que c'est à cette date que les faits dénoncés sont portés à sa connaissance ;

Qu'en l'espèce, la lettre signée par le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur est arrivée au Conseil de la concurrence le 17 avril 1996, date à laquelle elle a été enregistrée ; que la notification des griefs faite aux sociétés Gamm Vert et Leroy Merlin

le 7 avril 1999 et reçue par elles le 8 avril 1999, soit moins de trois ans après la saisine du Conseil, a valablement interrompu la prescription triennale de l'article L 462-7 du code de commerce ;

Considérant, de surcroît, que, par décision n° 98-DSA-15 du 13 octobre 1998 du président du Conseil de la concurrence, relative au secret des affaires, ont été retirées du dossier, à la demande de la société Celloplast, les pièces cotées 00095 à 00107 ; que, contrairement à ce que soutient la société Gamm Vert, cette décision constitue un acte interruptif de prescription à l'égard de toutes les parties, au sens de l'article L. 462-7 du code de commerce, dans la mesure où elle a une incidence directe sur la constatation des faits puisque les documents écartés des débats ne peuvent servir à étayer les griefs ;

Considérant qu'il convient, en conséquence, de rejeter les moyens tirés de l'acquisition de la prescription triennale ;

Sur les autres moyens de procédure

Considérant que la société Gamm Vert soutient que la décision relative au secret des affaires du 13 octobre 1998 porte atteinte au principe de l'égalité des parties, au respect du contradictoire et aux droits de la défense dès lors que les parties autres que la société Celloplast ne connaissent pas la nature des documents effectivement couverts par le secret des affaires, la requérante se prévalant de surcroît d'une mauvaise pagination des annexes du rapport administratif ;

Mais considérant que l'objet même de la procédure prévue à l'article L.463-4 du code de commerce est de soustraire, à la demande d'une entreprise, certains documents à la connaissance des autres parties qui sont le plus souvent des concurrents ; que les parties sont placées sur un pied d'égalité dès lors qu'elles peuvent toutes demander au président du Conseil de la concurrence le retrait des

pièces les concernant ; qu'il n'y a pas de rupture dans l'égalité des armes puisque la décision est opposable à toutes les parties en cause et qu'aucune d'entre elles ne peut faire état des pièces retirées du dossier ; qu'il n'y a pas davantage de violation du principe du contradictoire ni des droits de la défense dans la mesure où les pièces ainsi retirées n'ont pas été utilisées dans la procédure ; qu'enfin, les développements de la société Gamm Vert sur une éventuelle erreur de pagination sont inopérants dès lors que les documents retirés par la décision du 13 octobre 1998 sont bien ceux qui avaient été fournis par la société Celloplast et avaient été annexés au rapport administratif et que ces documents n'ont pas été utilisés dans la procédure ; que ce moyen ne peut en conséquence prospérer ;

Considérant qu'à supposer excessive la durée de la procédure au regard de la complexité de l'affaire, la sanction qui s'attache à la violation de l'obligation pour le Conseil de la concurrence de se prononcer dans un délai raisonnable résultant de l'article 6 alinéa 1 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas l'annulation de la procédure ou sa réformation, mais la réparation du préjudice résultant éventuellement d'un tel délai ;

Sur le marché pertinent et les pratiques relevées

Considérant que le chlorate de soude appartient à la famille des désherbants totaux qui sont commercialisés, au stade du détail, par les grandes surfaces à dominante alimentaire, les grandes surfaces spécialisées et les coopératives agricoles ; que le marché du chlorate de soude constitue cependant un marché spécifique dans la mesure où ses qualités particulières, notamment ses caractéristiques techniques et chimiques, sa notoriété, son bon rapport qualité prix et ses normes strictes de stockage, en font un produit qui se distingue des autres désherbants totaux et qui n'est pas substituable

à ces derniers ;

Considérant que l'enquête a établi que la société Celloplast, filiale à 100% de la société Elf-Atochem, occupait une position dominante sur le marché du chlorate de soude puisque sur quatre années, de juillet 1991 à juin 1995, sa part de marché était de l'ordre de 70 % des ventes totales en France, les autres intervenants étant les sociétés Biodis, Chimie Espagne France, Parcour et MFR-Jardin ; que la société Celloplast n'a formé aucun recours contre la décision déférée en ce qu'elle lui a infligé une sanction pécuniaire pour avoir abusé de sa position dominante sur ce marché en usant de pratiques aboutissant, d'une part, à interdire toute concurrence par les prix entre les revendeurs et à fixer le prix d'un produit n'ayant pas de substitut à un prix supérieur à ce que serait le prix de marché, d'autre part, à dissuader les grossistes et détaillants, dont les marges étaient ainsi artificiellement protégées contre les pressions éventuelles de leurs concurrents, de référencer le chlorate de soude proposé par d'autres fabricants et, enfin, à exploiter sa notoriété pour jeter le discrédit sur les produits de la société BIODIS au moyen d'une allusion au non-respect des normes ;

Considérant que le Conseil de la concurrence a estimé constitutif d'une entente à l'encontre des centrales d'achat et de référencement, parmi lesquelles figurent les sociétés Gamm Vert et Leroy Merlin, le fait d'avoir volontairement appliqué le prix de revente unique qui leur était prescrit par la société Celloplast, en période de promotion du chlorate de soude, alors qu'elles connaissaient au moment de la fixation des prix de campagne, avec certitude, le montant de tout ou partie des ristournes de fin d'année auxquelles elles avaient droit ;

Considérant que l'enquête a établi que, dans le but d'obtenir un prix public uniforme pour le chlorate de soude conditionné en pot de 5 kg

pendant la période promotionnelle de vente de ce produit, correspondant à la fin de l'hiver et au début du printemps, soit 49,90 francs en 1993 et 1994 et 45 francs en 1995, la société Celloplast déterminait le prix de vente au détail de ce produit et s'assurait de son respect par l'ensemble des intervenants, notamment sous la menace de suppression des remises différées en cas de non-respect du prix proposé ; que, pour ce faire, elle ne laissait aucune marge de manoeuvre aux grossistes distributeurs de proximité dans la mesure où elle discutait les conditions commerciales directement avec chaque centrale d'achat et où les distributeurs de proximité ne jouaient plus qu'un rôle de prestataires de service rendu nécessaire notamment à raison des conditions particulières de stockage du produit ; que cette pratique s'inscrivait dans la politique commerciale de la société Celloplast quant à la fixation d'un prix de vente minimum, mais apportait également une garantie aux distributeurs dans la mesure où elle leur procurait une assurance de non-concurrence sur les prix tout en leur garantissant une marge minimale ;

Considérant qu'en ce qui concerne la société Leroy Merlin, le Conseil de la concurrence a relevé que, comme un certain nombre d'autres distributeurs, elle connaissait avec certitude le montant de tout ou partie des ristournes ou remises auxquelles elle avait droit et qu'elle aurait pu tenir compte de ces dernières dans la fixation de ses prix de promotion, y compris dans les catalogues qu'elle éditait ; qu'il a retenu que c'était donc volontairement qu'elle s'était conformée aux injonctions de la société Celloplast de pratiquer un prix uniforme ;

Considérant qu'à l'appui de son recours, la société Leroy Merlin fait valoir que le prix pratiqué en période promotionnelle sur la boîte Elf-Atochem de 5 kg, soit 49,90 francs en 1993 et 1994 et 45 francs

en 1995, correspondait au prix coûtant, soit celui auquel la société Celloplast vendait son produit augmenté de la taxe sur la valeur ajoutée, remises de pré-saison le cas échéant déduites ; qu'elle soutient que l'information donnée par la société Celloplast sur les prix pour les saisons 1994 et 1995 ne peut pas être considérée comme étant la preuve d'un accord donné par le distributeur pour appliquer ces prix et que les remises qui lui étaient consenties ne pouvaient pas être intégrées dans le calcul du seuil de revente à perte dans la mesure où elles avaient un caractère conditionnel ;

Considérant que M. C..., chef de produit de la société Leroy Merlin, confirmait tout d'abord dans le procès-verbal d'audition du 14 septembre 1995 les éléments recueillis au cours de l'enquête, à savoir que "la facturation est effectuée par les grossistes distributeurs de chlorate de soude directement aux magasins sur la base du tarif communiqué par Celloplast" ; qu'il n'est par ailleurs pas contesté que les lettres par lesquelles la société Celloplast confirmait les conditions commerciales consenties à la société Leroy Merlin pour les années 1994 et 1995 comportaient une mention indiquant le prix de vente au détail du chlorate de soude en période de promotion sous conditionnement de 5 kg ; que, pour l'année 1994, la correspondance de la société Celloplast du 24 septembre 1993 comportait, en effet, la mention suivante : "Comme vous me l'avez demandé, je vous confirme que le prix de vente couramment constaté sur 5 kg est de 49,90 francs en période de promotion" ; que celle du 29 septembre 1994, confirmant les conditions commerciales consenties pour l'année 1995, indiquait :

"Comme vous me l'avez demandé, je vous confirme que le prix de vente couramment constaté du 5 kg est de 45,00 francs TTC en période de promotion." ; que ces correspondances ne doivent pas être considérées comme une simple information sur le prix "constaté", mais bien comme une fixation du prix de détail dans

la mesure où il est constant que la période de promotion du chlorate de soude se situe à la fin de l'hiver et au début du printemps et où la société Celloplast ne pouvait pas "constater" en septembre 1994 un prix de 45 francs en période de promotion alors que le prix promotionnel du printemps 1994 était de 49,90 francs ; que, pour les années 1993 et 1994, les conditions commerciales consenties à la société Leroy Merlin étaient les suivantes : une remise de fin d'année d'un pourcentage variable selon le palier de chiffres d'affaires atteint au 31 décembre, une remise de suivi de référencement de 1 %, des remises de gamme de 3 % et une remise de 3 % pour référencement exclusif ; qu'il ne peut être fait grief à la société Leroy Merlin de ne pas avoir intégré la remise différée de fin d'année dans le calcul de son seuil de revente à perte pour la détermination du prix catalogue applicable au printemps alors que la requérante est bien fondée à faire valoir que, lors de la définition de ce prix, le premier palier de chiffre d'affaires donnant droit au pourcentage minimum de remises n'était pas encore atteint ; qu'elle ne pouvait pas davantage anticiper le passage des seuils de chiffre d'affaires et considérer que les remises étaient acquises au regard du chiffre d'affaires de l'année précédente alors que le premier palier de chiffre d'affaires donnant lieu en 1994 à une remise différée de 1 %, soit 600 000 francs, n'avait pas été réalisé l'année précédente à la même époque ; que le caractère conditionnel des remises de gamme n'est pas sérieusement contestable dès lors que ces dernières sont subordonnées au respect du suivi complet de la gamme du chlorate de soude Elf-Atochem dans l'ensemble des magasins et tout au long de l'année ; qu'il en va cependant différemment des remises pour référencement exclusif accordées à la société Leroy Merlin en 1993 et 1994 dans le but de fidéliser la centrale d'achat ; que, sur la question de ces remises pour référencement exclusif, M.

C... déclarait le 14 septembre 1995:

"Sur ce créneau de produit, nous n'avons pas besoin d'une gamme large, c'est pourquoi Celloplast est notre seul fournisseur de chlorate de soude ... En 1994 nous avions les conditions suivantes :

une remise de 6 % fonction GSB (grande surface bricolage), correspondant au suivi continu et annuel de la gamme de ce produit (3%) et au référencement exclusif de ce fournisseur en chlorate de soude. A mon sens ces remises sont conditionnelles, puisque liées d'une part au respect sur toute l'année de l'exclusivité d'approvisionnement sur le produit ... En 1995 compte tenu de l'exclusivité de fait relevant de nos relations commerciales avec Celloplast, les conditions 1994 liées à la fonction GSB ne se justifiaient plus et ont disparu." ; que, contrairement à ce qu'elle soutient, la société Leroy Merlin connaissait dès le début de la campagne le montant des remises pour référencement exclusif qu'elle obtiendrait en fin d'année de la société Celloplast ; que ces remises ne présentaient pas un caractère conditionnel dans la mesure où, comme l'indique son chef de produit, la société Leroy Merlin n'avait pas besoin, sur ce créneau, d'une large gamme de produits et qu'un seul fournisseur lui suffisait ; que les propos de M.Cruypeninck sont par ailleurs confirmés par les propres indications de la société Leroy Merlin qui a fait observer qu'avant 1993, son fournisseur de chlorate de soude était la société Biodis et qu'elle avait remplacé celle-ci par la société Celloplast ; qu'il se déduit de ces développements que la société Leroy Merlin n'a pas pour les années 1993 et 1994 fixé le prix promotionnel du chlorate de soude sous sa propre responsabilité et en fonction de son seuil de revente à perte, mais a bien adhéré à l'entente sur les prix mise en oeuvre par la société Celloplast ;

Considérant que la société Leroy Merlin fait valoir, à titre subsidiaire, que les conséquences des faits qui lui sont reprochés

n'auraient pu être que marginales quant au nombre de produits concernés et quant à l'incidence sur les prix ; que, certes, les faits portent sur la commercialisation du chlorate de soude conditionné en pots de 5 kg pendant la période promotionnelle annuelle ; que, cependant, l'entente à laquelle a participé la société Leroy Merlin a eu pour effet d'empêcher la fixation des prix par le libre jeu du marché et de maintenir en période de promotion un prix artificiellement élevé ; qu'au regard des éléments qui précèdent, la sanction de 100 000 francs infligée à la société Leroy Merlin par le Conseil de la concurrence, qui a notamment tenu compte de la marge de manoeuvre très limitée des centrales d'achat, est proportionnée à la gravité des faits commis, à l'importance du dommage causé à l'économie et à la situation de l'entreprise ; que le recours de la société Leroy Merlin sera en conséquence rejeté ;

Considérant qu'en ce qui concerne la société Gamm Vert, le Conseil de la concurrence a relevé que le prix promotionnel du chlorate de soude que cette société mentionnait dans le catalogue édité à l'attention des adhérents à son enseigne pour le printemps 1995, soit 45 francs, correspondait au prix indiqué par la société Celloplast dans sa lettre du 26 septembre 1994 contenant les conditions commerciales de vente pour la saison promotionnelle en cause et que n'avaient pas été portées sur les catalogues les mentions "prix maximum" ou "prix conseillé", alors que la société Gamm Vert connaissait au moment de la fixation des prix de la campagne le montant d'au moins une ristourne de fin d'année ;

Considérant, néanmoins, qu'il ressort de l'enquête que la société Gamm Vert, qui publie un catalogue présentant différents produits en vente dans les magasins à son enseigne, n'a pas elle-même effectivement acheté et revendu du chlorate de soude ; que la société Gamm Vert est une filiale de l'Union nationale des coopératives

agricoles d'approvisionnement qui fournit directement les coopératives appartenant au groupement, mais qu'elle ne distribue pas le produit sur le marché en cause ; que le fait que la mention "prix maximum" ou "prix conseillé" n'ait pas été portée sur les catalogues édités à l'occasion des campagnes promotionnelles des printemps 1994 et 1995 ne constitue pas, à lui seul, un indice suffisant pour qualifier le prix de prix imposé, alors que, d'une part, il n'est pas démontré que les adhérents du groupement n'étaient pas libres de pratiquer le prix de leur choix et que, d'autre part, la société Gamm Vert, qui ne se voyait accorder aucune remise particulière par la société Celloplast, n'avait aucun intérêt à ce que le prix indiqué fût appliqué ; qu'il n'est donc pas établi que la société Gamm Vert aurait adhéré à l'entente sur les prix mise en oeuvre par la société Celloplast et aurait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce ; que la décision n° 00-D-85 du 20 mars 2001 sera en conséquence annulée en ce qui concerne la société Gamm Vert ;

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les prétentions de la société Multi-Appros,

Rejette le recours de la société Leroy Merlin,

Annule la décision n° 00-D-85 du 20 mars 2001 du Conseil de la concurrence en ce qu'elle a dit que la société Gamm Vert avait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce et lui a infligé une sanction pécuniaire de 100 000 francs,

Met les dépens à la charge de la société Leroy Merlin. LE GREFFIER,

LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : JURITEXT000006939354
Date de la décision : 13/12/2001

Analyses

CONCURRENCE

Le fait pour une centrale d'achat et de référencement, filiale de l'Union nationale des coopératives agricoles d'approvisionnement qui fournit directement en chlorate de sodium les coopératives appartenant au groupement mais ne distribue pas le produit sur le marché en cause, ait mentionné dans le catalogue édité à l'attention des adhérents à son enseigne pour le printemps 1995, un prix promotionnel correspondant au prix indiqué par la société occupant une position dominante sur le marché du chlorate de sodium et condamnée pour atteinte à la libre fixation des prix, sans néanmoins porter sur le catalogue la mention "prix maximum" ou "prix conseillé" ne constitue pas, à lui seul, un indice suffisant pour qualifier ledit prix de prix imposé, alors que, d'une part, il n'est pas démontré que les adhérents du groupement n'étaient pas libres de pratiquer le prix de leur choix et que, d'autre part, cette centrale, qui ne se voyait accorder aucune remise particulière par la société dominante, n'avait aucun intérêt à ce que le prix indiqué fût appliqué.Il n'est donc pas établi que la centrale aurait adhéré à l'entente sur les prix mise en oeuvre par cette dernière société et aurait enfreint les dispositions de l'article L. 420-1 du code de commerce.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2001-12-13;juritext000006939354 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award