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09/11/2001 | FRANCE | N°1999/17952

France | France, Cour d'appel de Paris, 09 novembre 2001, 1999/17952


COUR D'APPEL DE PARIS 15è chambre, section B ARRET DU 9 NOVEMBRE 2001 (N , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1999/17952 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 20/05/1999 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de CRETEIL 5è Ch. RG n : 1998/00101 Date ordonnance de clôture : 27 Septembre 2001 Nature de la décision :

CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANT : Maître GUILLEMONAT Jean-Yves ès-qualités de mandataire liquidateur de la SOCIETE BAIL VIL INTERNATIONAL demeurant 1 avenue du Général de Gaulle 94007 - CRETEIL CEDEX représenté par la S

CP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué assisté de Maître V. HENDI, Toque D...

COUR D'APPEL DE PARIS 15è chambre, section B ARRET DU 9 NOVEMBRE 2001 (N , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1999/17952 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 20/05/1999 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de CRETEIL 5è Ch. RG n : 1998/00101 Date ordonnance de clôture : 27 Septembre 2001 Nature de la décision :

CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANT : Maître GUILLEMONAT Jean-Yves ès-qualités de mandataire liquidateur de la SOCIETE BAIL VIL INTERNATIONAL demeurant 1 avenue du Général de Gaulle 94007 - CRETEIL CEDEX représenté par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué assisté de Maître V. HENDI, Toque D 882, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : S.A. BANQUE POPULAIRE B.I.C.S. prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 55 avenue Aristide Briand 92120 - MONTROUGE représentée par Maître BOLLING, avoué assistée de Maître J.R. CAMPANA, Toque P 112, Avocat au Barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré, Président : Monsieur POTOCKI X... : Madame GRAEVE X... : Madame DAVID Y... : à l'audience publique du 4 octobre 2001 GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Monsieur Z... agent du secrétariat-greffe ayant prêté le serment de Greffier ARRET : Contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur POTOCKI, Président, lequel a signé la minute du présent arrêt avec Monsieur G. Z..., Greffier.

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Le 24 septembre 1997, la société BAT VIL INTERNATIONAL a, d'une part, conclu une convention cadre, en application de la loi du 2 janvier

1981, avec la BANQUE POPULAIRE BICS et, d'autre part, cédé à cet établissement, par bordereaux Dailly séparés, deux créances de 155.450,75 francs et 123.664,45 francs.

Le 6 novembre 1997, la société BAT VIL INTERNATIONAL a été déclarée en règlement judiciaire. Le même jour, la BANQUE POPULAIRE BICS a porté les deux créances cédées au crédit du compte de la société BAT VIL INTERNATIONAL.

Le jugement plaçant la société BAT VIL INTERNATIONAL en règlement judiciaire a fait remonter la date de cessation des paiements au 23 octobre 1996.

Estimant que les cessions de créances décrites ci-dessus constituaient un paiement préférentiel, Maître GUILLEMONAT, alors représentant des créanciers, a saisi le tribunal de commerce de Créteil pour obtenir la restitution des fonds correspondant à cette opération et la condamnation de la BANQUE POPULAIRE BICS pour avoir contribué aux difficultés de la société BAT VIL INTERNATIONAL.

Par jugement du 20 mai 1999, cette juridiction l'a débouté de ses demandes.

Maître GUILLEMONAT, en qualité de mandataire liquidateur de la société BAT VIL INTERNATIONAL, a fait appel de cette décision, par déclaration du 16 août 1999.

Les dernières écritures, au visa desquelles la Cour statuera, ont été déposée le : - 19 septembre 2001 par Maître GUILLEMONAT, - 22 août 2001 par la BANQUE POPULAIRE BICS.

Maître GUILLEMONAT demande à la Cour de : - condamner la BANQUE POPULAIRE BICS à lui payer 151.711,18 francs et 123.644,65 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 6 novembre 1997, - condamner la BANQUE POPULAIRE BICS à lui payer 500.000 francs à titre de dommages-intérêts, - condamner la BANQUE POPULAIRE BICS à lui payer le montant des découverts d'exploitation enregistrés pendant la

période du 23 octobre 1996, date de cessation des paiements, au 24 septembre 1997, date du jugement d'ouverture, ou, subsidiairement, à partir de telle date antérieure à celle-ci qui sera fixée par la cour d'appel et au plus tard le 24 septembre 1997, - ordonner une mesure d'expertise pour chiffrer ce découvert et condamner dès à présent la BANQUE POPULAIRE BICS à payer une provision de 300.000 francs, - condamner la BANQUE POPULAIRE BICS à lui payer 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La BANQUE POPULAIRE BICS demande à la Cour de confirmer le jugement entrepris et de condamner Maître GUILLEMONAT à lui payer 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. SUR CE LA COUR Sur les deux cessions de créances contestées,

Considérant que l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 dispose que : "Les paiements pour dettes échues effectués après la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis après cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements." ;

Considérant que les deux actes contestés ont été passés le 24 septembre 1997, soit postérieurement à la date de cessation des paiements, fixée au 23 octobre 1996 par le jugement du 6 novembre 1997 ayant ouvert une procédure de règlement judiciaire à l'égard de la société BAT VIL INTERNATIONAL ;

Considérant que, en application de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, peuvent être annulés les actes qui constituent soit un paiement pour dettes échues, soit un acte à titre onéreux ;

Qu'il y a donc lieu de rechercher si les cessions en cause correspondent au moins à l'une de ces qualifications ;

Considérant que la convention-cadre passée entre la BANQUE POPULAIRE BICS et la société BAT VIL INTERNATIONAL distingue les "cessions-escompte", recouvrant "la mobilisation directe des créances

cédées par inscription des sommes correspondantes au crédit du compte courant du client" et les "cessions de créances à titre de garantie", destinées à la "garantie des engagements du client envers la banque", "ces engagements pouvant revêtir la forme d'avance ou découvert en compte courant (...)" ;

Qu'il est précisé, au point 3.4 de cette convention-cadre, que cette garantie est donnée pour tous les engagements du client, "y compris les soldes débiteurs éventuels des comptes courants" ;

Que les deux actes de cession, datés du même jour que la convention-cadre, portent la mention "acte de cession de créances professionnelles en garantie" ;

Que le solde du compte courant de la société BAT VIL INTERNATIONAL auprès de la BANQUE POPULAIRE BICS a été débiteur et l'était encore le 6 novembre 1997, jour de la clôture de ce compte et du jugement d'ouverture de la procédure collective ;

Que, conformément aux stipulations rapportées ci-dessus, la banque a alors porté les cessions en cause au crédit du compte courant pour en garantir le solde débiteur ;

Qu'il en résulte que les cessions de créances litigieuses ne peuvent s'analyser comme des paiements soumis aux dispositions de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Considérant que, à titre subsidiaire, Maître GUILLEMONAT soutient que ces cessions constituent un acte à titre onéreux ;

Que la BANQUE POPULAIRE BICS n'a pas conclu sur ce point ;

Que l'acte à titre onéreux, par opposition à l'acte à titre gratuit, est celui dont l'auteur, dépourvu de toute intention libérale, attend un avantage ou une contrepartie ;

Que lorsque cet acte est un contrat, il se caractérise par le fait que chacune des parties entend en retirer un avantage qu'elle estime équivalent à celui qu'elle consent à son cocontractant ;

Que tel est bien le cas du contrat par lequel un banquier, nécessairement et légitimement attaché à la rentabilité de ses opérations, convient avec son client, désireux d'obtenir ou de maintenir un crédit, que celui-ci lui transmet des créances, afin de se protéger contre le risque que constitue l'existence d'un solde débiteur lors de la clôture du compte courant existant entre eux ;

Qu'ainsi, les cessions de créances contestées constituent un acte à titre onéreux, au sens de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985 ;

Considérant qu'il convient dès lors de rechercher si, à la date où ces actes ont été passés, soit le 24 septembre 1997, la BANQUE POPULAIRE BICS avait connaissance de l'état de cessation des paiements de la société BAT VIL INTERNATIONAL ;

Qu'il convient d'observer, à titre liminaire, que la BANQUE POPULAIRE BICS était le banquier de la société BAT VIL INTERNATIONAL, avec laquelle elle avait passé une convention de compte courant et une convention-cadre de cession de créances professionnelles par bordereaux Dailly ;

Qu'elle entretenait donc avec cette entreprise des relations d'affaires permanentes et suivies ;

Qu'il n'est pas contesté par la BANQUE POPULAIRE BICS qu'une première inscription sur le fonds a été prise par la sécurité sociale le 14 octobre 1996, que 12 autres l'ont été entre le 8 novembre 1996 et le 16 septembre 1997, pour un total de 774.199 francs, que le trésor public a pris des inscriptions à hauteur de 256.880 francs, le 19 février 1997, et à hauteur de 135.750 francs, le 19 août 1997, et que les comptes clôturés le 31 décembre 1996 révélaient une perte de 843.039 francs ;

Que s'il est exact, comme l'affirme la BANQUE POPULAIRE BICS, que ces éléments ne constituent pas la preuve de la connaissance par la

banque d'une situation irrémédiablement compromise, en revanche, ils établissent que l'impossibilité pour la société BAT VIL INTERNATIONAL de faire face à son passif exigible avec son actif disponible était connue de la BANQUE POPULAIRE BICS ;

Que cette connaissance par le banquier, le 24 septembre 1997, de l'état de cessation des paiements de son client est encore confirmée par le fait que le tribunal de commerce de Créteil, statuant le 6 novembre 1997, a considéré que, dès le 23 octobre 1996, soit 11 mois avant la signature des cessions contestées, la société BAT VIL INTERNATIONAL ne payait plus ses cotisations sociales et n'était plus en mesure de faire face à ses dettes courantes, et a fixé à cette date la cessation des paiements ;

Considérant que sont ainsi réunies, au regard de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, les conditions d'une annulation des cessions de créances consenties le 24 septembre 1997 par la société BAT VIL INTERNATIONAL à la BANQUE POPULAIRE BICS ;

Qu'usant du pouvoir d'appréciation qui lui est conféré par ce texte, la Cour considère que les circonstances de faits dans lesquelles s'insèrent ces actes, et notamment la position privilégiée que s'est ménagée le banquier qui connaissait les graves difficultés auxquelles était confronté son client, commandent, en l'espèce, d'annuler ces actes de cession ;

Considérant que les sommes dont le remboursement sera ordonné, en conséquence de cette annulation, porteront intérêt à compter du 20 novembre 1997, date à laquelle l'administrateur judiciaire de la société BAT VIL INTERNATIONAL en a demandé la restitution à la BANQUE POPULAIRE BICS, par lettre recommandée avec accusé de réception ;

Considérant que Maître GUILLEMONAT n'apporte aucun élément précis de nature à établir que, comme il l'affirme, le refus de restitution des créances litigieuses opposées par la BANQUE POPULAIRE BICS a eu pour

conséquence l'impossibilité pour la société BAT VIL INTERNATIONAL de présenter un plan de continuation d'entreprise ;

Que la demande de condamnation de la BANQUE POPULAIRE BICS à lui payer 500.000 francs à titre de dommages-intérêts de ce chef sera rejetée; Sur le reproche de soutien abusif,

Considérant que Maître GUILLEMONAT soutient que la BANQUE POPULAIRE BICS connaissait, ou aurait dû connaître, les graves difficultés rencontrées par la société BAT VIL INTERNATIONAL et cesser de soutenir son activité par le crédit qu'elle lui accordait ;

Que faute par elle de le faire, elle a commis une faute dont les découverts d'exploitation sont la conséquence ;

Considérant qu'une banque commet une faute si l'activité de l'entreprise qu'elle persiste à soutenir en lui renouvelant ou en augmentant ses concours, présente des signes évidents et irréversibles de déclin, c'est à dire si la poursuite de l'activité s'inscrit dans un cadre de difficultés insurmontables ne pouvant objectivement aboutir à un redressement économique ;

Que tel n'est pas le cas en l'espèce ;

Qu'en effet, si la situation de la société BAT VIL INTERNATIONAL était difficile et caractérisait un état de cessation des paiements pour la BANQUE POPULAIRE BICS qui était son partenaire régulier, elle n'était pas pour autant exclusive de toute perspective de redressement ;

Qu'au-delà des arguments comptables et financiers échangés par les parties, il suffit d'observer à ce titre que le tribunal de commerce de Créteil, dans le jugement du 6 novembre 1997 par lequel il a placé la société BAT VIL INTERNATIONAL en redressement judiciaire, a noté que "l'entreprise estime pouvoir présenter un plan de redressement" et à jugé que "en effet, le chiffre d'affaire est en augmentation, le carnet de commande garni permet au dirigeant d'envisager une

poursuite d'activité" ;

Considérant que, compte tenu de l'équité, il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile pour la procédure d'appel ;

Considérant qu'il sera fait masse des dépens qui seront mis par moitié à la charge de chacune des deux parties ;

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement attaqué,

Condamne la BANQUE POPULAIRE BICS à payer à Maître GUILLEMONAT, ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société BAT VIL INTERNATIONAL, 151.711,18 francs (23.128,22 euros) et 123.644,65 francs (18.849,51 euros) avec intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 1997,

Rejette toutes les autres demandes,

Fait masse des dépens et les met pour la moitié à la charge de chacune des parties et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1999/17952
Date de la décision : 09/11/2001

Analyses

ENTREPRISE EN DIFFICULTE - Redressement judiciaire - Patrimoine - Période suspecte - Nullité facultative - Cession de créance professionnelle - Cession postérieure à la date de cessation des paiements

Un acte portant la mention "cession de créances professionnelles en garantie", destiné à garantir des engagements d'un client en redressement judiciaire envers sa banque, et pouvant revêtir la forme d'avance ou de découvert en compte courant, ne s'analyse pas, alors même que la cession serait intervenue postérieurement à la date de cessation des paiements, comme des paiements soumis aux dispositions de l'article 108 de la loi du 25 janvier 1985, pouvant en tant que tels être annulés


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2001-11-09;1999.17952 ?
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