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02/05/2001 | FRANCE | N°2001/04523

France | France, Cour d'appel de Paris, 02 mai 2001, 2001/04523


COUR D'APPEL DE PARIS 14è chambre, section A ARRET DU 2 MAI 2001

(N , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/04523 - 2001/04525 Décision dont appel : Ordonnances de référé rendues le 26/01/2001 et 12/02/2001 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS - RG n : 2001/05835 - Monsieur BLANCHARD, Président Procédure à jour fixe Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANTE : La Société LABORATOIRES BESINS INTERNATIONAL SA prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 5 rue du Bourg l'Abbé - 75003 PARIS représent

ée par Maître KIEFFER-JOLY, avoué assistée de Maître J. Dominique TOURAILL...

COUR D'APPEL DE PARIS 14è chambre, section A ARRET DU 2 MAI 2001

(N , 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2001/04523 - 2001/04525 Décision dont appel : Ordonnances de référé rendues le 26/01/2001 et 12/02/2001 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS - RG n : 2001/05835 - Monsieur BLANCHARD, Président Procédure à jour fixe Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANTE : La Société LABORATOIRES BESINS INTERNATIONAL SA prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 5 rue du Bourg l'Abbé - 75003 PARIS représentée par Maître KIEFFER-JOLY, avoué assistée de Maître J. Dominique TOURAILLE, Toque P 445, SCP BAER Mc KENZIE INTIMEE : La Société LABORATOIRES HRA PHARMA SA prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 19 rue Frédéric Lemaître - 75020 PARIS représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué assistée de Maître Stephen MONOD, Toque D 141 COMPOSITION DE LA COUR lors des débats et du délibéré :

Président : M. LACABARATS X... : Mme Y... et M. PELLEGRIN Z... : aux débats et au prononcé de l'arrêt, Mme LEBRUMENT A... : à l'audience publique du 3 avril 2001 ARRÊT : contradictoire Prononcé publiquement par M. LACABARATS, Président, lequel a signé la minute de l'arrêt avec Mme LEBRUMENT , greffier. Par contrat du 22 février 1999, la société HRA qui a mis au point un produit contraceptif dit "pilule du lendemain" dénommé NORLEVO, a confié à la société BESINS la commercialisation de ce nouveau produit en France et autre pays francophones, à titre exclusif et pour une période de 10 années. Se plaignant du non respect par BESINS de certaines obligations mises à sa charge par le contrat, HRA a informé courant janvier 2001 son cocontractant de ce qu'elle suspendait l'application de la clause d'exclusivité et a décidé de procéder désormais à la mise sous boîte du produit en faisant apparaître le nom de HRA en qualité d'"exploitant" à la place de celui de BESINS. Saisi par la

société BESINS, le président du tribunal de commerce de Paris a, par ordonnance de référé prononcée le 26 janvier 2001 :

rejeté une exception d'incompétence soulevée par la société HRA

donné acte à celle-ci de ce qu'elle entend poursuivre sans interruption les approvisionnements de la société BESINS en qualité de distributeur du NORLEVO

prononcé pour une période de 90 jours à compter de la signification de l'ordonnance l'interdiction pour la société HRA d'effectuer toute démarche destinée à effectuer l'exécution du contrat du 22 février 1999, sauf à y avoir été autorisé expressément par décision de justice

dit qu'à l'intérieur de la période de 90 jours, toute infraction à l'interdiction donnera lieu à une astreinte de 150.000 francs. BESINS ayant refusé de prendre livraison d'une précédente commande de NORLEVO en raison du fait que sur l'étui du produit HRA a été substituée à BESINS comme exploitant du médicament, le président du tribunal de commerce, saisi cette fois par HRA, a , par ordonnance de référé du 12 février 2001 :

autorisé HRA, jusqu'à prise de position du juge du fond sur le sort du contrat du 22 février 1999, à distribuer librement sur le territoire de la France métropolitaine le produit NORLEVO, sauf à ce que BESINS ait déclaré prendre l'initiative de mettre en oeuvre sans restriction les termes de la précédente ordonnance,

dit qu'une telle initiative rétablira, au profit de la société BESINS, l'exclusivité de la distribution du NORLEVO, pendant la période de 90 jours définie par l'ordonnance du 26 janvier, sans que les dispositions arrêtées par l'Agence Française de Sécurité Sanitaire des produits de santé (AFSSPS) puissent être remises en cause par tout autre que l'Agence elle-même,

condamné BESINS à payer à HRA la somme de 10.000 francs au titre de

l'article 700 du nouveau code de procédure civile. La société BESINS a interjeté appel des deux ordonnances le 19 février 2001. Par ses dernières conclusions du 3 avril 2001, elle demande à la cour :

- de confirmer l'ordonnance du 26 janvier 2001 prononçant l'interdiction pour HRA d'effectuer toute démarche destinée à affecter l'exécution du contrat du 22 février 1999

- d'infirmer l'ordonnance du 12 février 2001

- d'interdire sous astreinte à HRA, jusqu'à l'issue de la procédure au fond introduire par celle-ci le 5 février 2001 devant le tribunal de commerce de Paris, d'effectuer toute démarche destinée à affecter l'exécution du contrat du 22 février 1999

- d'ordonner sous astreinte à HRA, jusqu'à l'issue de la procédure au fond, d'exécuter et de respecter le contrat en toutes ses dispositions, notamment celle donnant à BESINS la qualité d'exploitant du NORLEVO et définissant les obligations en découlant

- de donner injonction à HRA , dans le cadre du maintien du contrat, de procédure aux démarches nécessaires auprès de l'AFSSPS pour que la qualité d'exploitant de BESINS soit rétablie

- à titre subsidiaire, en cas de confirmation des deux ordonnances, de proroger jusqu'au prononcé d'une décision au fond exécutoire l'interdiction prononcée par l'ordonnance du 26 janvier 2001

- de condamner HRA à payer la somme de 100.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Par conclusions du 3 avril 2001, la société HRA demande à la cour :

de constater l'incompétence du juge judiciaire au profit de la juridiction administrative pour statuer sur les demandes de la société BESINS

subsidiairement, de dire ces demandes irrecevables et mal fondées

de réformer pour le surplus les ordonnances des 26 janvier et 12 février 2001, d'autoriser HRA à promouvoir et distribuer le NORLEVO

sur le territoire de la France métropolitaine

de condamner la société BESINS au paiement de la somme de 50.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. * * * Considérant qu'il y a lieu de joindre, en raison de leur connexité, les affaires n° 2001/4523 et 2001/4525 ; Sur la compétence Considérant que pour justifier l'exception d'incompétence qu'elle a soulevée, la société HRA fait valoir que la désignation de BESINS comme exploitant de NORLEVO ressort de l'autorisation de mise sur le marché de ce produit prise le 16 avril 1999, que la désignation de la société HRA comme exploitant dudit produit ressort d'une modification intervenue le 24 janvier 2001 de l'autorisation de mise sur le marché précitée et que les juridictions administratives sont exclusivement compétentes pour apprécier cette modification ; Considérant cependant que l'incompétence évidente des juridictions judiciaires pour se prononcer sur les décisions à caractère administratif prises par l'AFSSPS n'exclut pas qu'elles puissent en revanche connaître d'un litige opposant deux sociétés commerciales sur le maintien des effets d'un contrat de droit privé ; que l'exception d'incompétence a dès lors été rejetée à juste titre par le juge des référés ; Sur le bien-fondé des demandes Considérant que l'inexécution de ses obligations par l'une des parties à un contrat est de nature à affranchir l'autre partie de ses obligations corrélatives et autorise celle-ci, non seulement à poursuivre en justice la résolution du contrat, mais aussi à refuser provisoirement de fournir les prestations qui lui incombent, sans que l'exercice de cette faculté soit subordonné à l'autorisation et au contrôle préalable d'un juge ; que si l'article 873 du nouveau code de procédure civile donne pouvoir au juge des référés d'ordonner la reprise des relations contractuelles, c'est seulement lorsque le contractant a mis en oeuvre l'exception d'inexécution dans des conditions constitutives

d'un trouble manifestement illicite ou si le droit du cocontractant au maintien des effets du contrat n'est pas sérieusement contestable ; Considérant qu'en contrepartie du bénéfice d'un droit de distribution exclusive comme exploitant du produit contraceptif dénommé NORLEVO, la société BESINS a souscrit lors de la signature du contrat du 22 février 1999 et de ses annexes ou avenants divers engagements ; qu'elle devait notamment informer HRA dans les deux jours de tout dommage ou de tout effet secondaire du produit dont elle aurait connaissance, assurer les opérations de promotion et de publicité des produits en recueillant néanmoins l'accord préalable et écrit du fabricant pour la diffusion de toute information et/ou indication de nature médicale ou scientifique ; Considérant que par deux lettres recommandées avec accusé de réception des 3 et 10 janvier 2001, la société HRA a notifié à la société BESINS sa décision de suspendre l'application des clauses du contrat relatives à l'exclusivité de distribution consentie à BESINS et à la prise en charge par celle-ci de la promotion du NORLEVO en motivant cette décision, d'une part par la défaillance du distributeur dans son obligation d'information en matière de pharmacovigilance, d'autre part par divers manquements se rapportant à la promotion du produit, enfin par la violation de la clause relative au territoire d'attribution du droit de distribution ; Considérant que, quelles que soient les explications et contestations dont les manquements allégués peuvent faire l'objet, ils n'apparaissent pas néanmoins manifestement dénués de tout fondement ; qu'il convient de relever en particulier qu'avisée le 16 mars 2000 d'un cas de grossesse ectopique survenue malgré la prise de NORLEVO, BESINS n'a informé HRA de cet incident que le 29 mars suivant, soit au-delà du délai de deux jours fixé par la convention des parties ; qu'indépendamment du différend opposant les parties quant à la réalité des efforts promotionnels

incombant à l'exploitant, il est constant que la société BESINS a édité au mois d'août 2000 à l'attention des pharmacies d'officine des brochures contenant des informations médicales et scientifiques jugées insuffisantes ou déficientes par l'AFSSPS, sans pouvoir justifier de l'accord préalable et écrit de HRA requis par le contrat ; que des informations fournies aux mois de juillet et septembre 2000 par la société PHARMALLIANCE, distributeur du NORLEVO en Algérie, sont de nature à établir qu'en violation de la clause territoriale de distribution fixée par le contrat du 22 février 1999, des visiteurs médicaux des Laboratoires BESINS ont remis au corps médical algérien des échantillons du produit ainsi que des prospectus ; Considérant qu'au regard de telles circonstances susceptibles d'affecter des éléments déterminants de la convention des parties, il n'apparaît pas avec l'évidence requise en référé que la société HRA a fait un usage injustifié et disproportionné de ses prérogatives, en limitant la suspension provisoire de ses obligations à l'application des clauses d'exclusivité et de promotion ; Considérant en outre que par décision du 24 janvier 2001, l'AFSSPS a modifié l'autorisation de mise sur le marché du NORLEVO en désignant HRA en qualité d'exploitant à la place de la société BESINS ; que par ordonnance du 12 mars 2001, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la requête de la société BESINS en suspension de la décision du 24 janvier 2001 après avoir relevé que la société BESINS ne justifiait pas du préjudice difficilement réparable auquel elle serait exposée et de l'urgence à laquelle la suspension sollicitée est subordonnée ; que l'existence de cette décision administrative du 24 janvier 2001, exécutoire tant qu'elle n'a pas été annulée par la juridiction compétente, et le sérieux apparent des motifs et modalités adoptés par HRA pour suspendre partiellement ses obligations privent le trouble invoqué par BESINS du caractère manifestement illicite requis

pour justifier une mesure de remise en état au titre de l'article 873 alinéa 1er du nouveau code de procédure civile ; que les mêmes faits ne permettent pas de retenir l'existence pour BESINS d'un droit non sérieusement contestable au rétablissement, sur le fondement de l'article 873 alinéa 2, des conditions initiales du contrat de distribution ; que les demandes de la société appelante ne pouvant dès lors être accueillies en référé, les décisions attaquées doivent, à cet égard, être infirmées ; Considérant que la société HRA ne saurait, malgré le rejet des prétentions de BESINS, obtenir d'une juridiction des référés l'autorisation de promouvoir et distribuer le NORLEVO sur le territoire de la France métropolitaine ; qu'elle bénéficie en effet déjà d'une décision administrative en ce sens ; qu'en outre il est de principe que tout contractant qui décide de suspendre l'exécution de son obligation le fait nécessairement à ses risques et périls, à charge pour les juges du fond de contrôler a posteriori le caractère éventuellement abusif de son action ; qu'à ce point de vue également la décision du 12 février 2001 doit être infirmée; Considérant que les circonstances de l'affaire ne justifient pas l'application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Considérant que les dépens doivent, compte tenu de la solution donnée au litige en cause d'appel, être mis à la charge de la société BESINS qui a pris l'initiative d'une procédure de référé non fondée ; PAR CES MOTIFS Ordonne la jonction des procédure enregistrées sous les numéros 2001/4523 et 2001/4525, Confirme l'ordonnance du 26 janvier 2001, en ce qu'elle a rejeté l'exception d'incompétence soulevée par la société HRA, Infirme pour le surplus l'ordonnance du 26 janvier 2001, Infirme également l'ordonnance du 12 février 2001, Statuant à nouveau : Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes présentées par la société BESINS, Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande

d'autorisation de distribution et de promotion présentée par la société HRA, Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile , Condamne la société BESINS aux dépens de la procédure de référé, lesquels pourront en ce qui concerne ceux d'appel, être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le Z...,

Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2001/04523
Date de la décision : 02/05/2001

Analyses

REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Applications diverses

L'inexécution de ses obligations par l'une des parties à un contrat est de nature à affranchir l'autre partie de ses obligations corrélatives et autorise celle-ci, non seulement à poursuivre en justice la résolution du contrat, mais aussi à refuser provisoirement de fournir les prestations qui lui incombent, sans que l'exercice de cette faculté soit subordonné à l'autorisation et au contrôle préalable d'un juge. Si l'article 873 du nouveau Code de procédure civile donne pouvoir au juge des référés d'ordonner la reprise des relations contractuelles, c'est seulement lorsque le contractant a mis en oeuvre l'exception d'inexécution dans des conditions constitutives d'un trouble manifestement illicite ou si le droit du contractant au maintien des effets du contrat n'est pas sérieusement contestable


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2001-05-02;2001.04523 ?
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