COUR D'APPEL DE PARIS 8è chambre, section B ARRET DU 8 MARS 2001
(N , 5 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/13688 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 13/06/2000 par le JUGE DE L'EXECUTION DU TGI de PARIS. RG n : 2000/81711 (Juge :
M. X...) Date ordonnance de clôture : 25 Janvier 2001 Nature de la décision : contradictoire. Décision :
REOUVERTURE DEBATS par arrêt du 23 novembre 2000 ARRET AU FOND :
CONFIRMATION. APPELANTE : S.A. VENS prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège Zone Industrielle de la Pilaterie 59700 MARCQ EN BAROEUIL représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué assistée de Maître GAULTIER, avocat, R 17, INTIMEE : SOCIETE SCHNENBERGER FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège ACTICENTRE Bâtiment L Centre de Gros Rue D 59810 LESQUIN représentée par Maître HUYGHE, avoué assistée de Maître ZELLER, avocat plaidant pour l'association BMM AVOCATS, R216. COMPOSITION DE LA COUR, lors des débats et du délibéré : Président : Monsieur ANQUETIL, Conseiller désigné pour présider cette Chambre par ordonnance du Premier Président en l'absence et par empêchement du Président de cette Chambre, Conseillers : Madame Y... et Madame Z.... DEBATS : à l'audience publique du 31 janvier 2001 GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt, Madame A.... ARRET :contradictoire. Prononcé publiquement par Monsieur ANQUETIL, Président, qui a signé la minute avec Madame A..., Greffier. PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
La société VENS a interjeté appel d'un jugement, en date du 13 juin 2000, par lequel le juge de l'exécution du Tribunal de Grande Instance de PARIS a : - dit recevable et bien fondée la demande de la société SCHONENBERGER, - annulé en conséquence la vente aux enchères des brevets français n° 81 23 603 et n° 84 18 781 et de la portion française du brevet européen n° 88 106 420 0 intervenue le 6 août
1999 en l'étude de Maître PARGADE, notaire à Paris, - condamné la société VENS aux dépens et à payer à la société SCHONENBERGER FRANCE la somme de 4.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 4 octobre 2000, elle demandait d'infirmer le jugement en soutenant que la vente est intervenue dans un délai régulier et qu'il n'a pas été porté atteinte à la liberté des enchères et sollicitait l'allocation d'une somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
La société SCHONENBERGER FRANCE demandait de confirmer le jugement, de constater la nullité de la vente aux enchères en raison du non-report du délai d'un mois imparti par le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 23 mars 1994 et de la violation du principe de la liberté des enchères et sollicitait l'allocation d'une somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par arrêt du 23 novembre 2000, la Cour a ordonné la réouverture des débats pour recueillir les observations sur la compétence du juge de l'exécution pour statuer sur la régularité de la vente aux enchères publiques de brevets et du cahier des charges qui en fixait les conditions.
Par conclusions du 18 janvier 2001, la société VENS soutient que selon l'article 615-21 du code de la Propriété Intellectuelle, le créancier saisissant doit se pourvoir devant le tribunal de la saisie, c'est-à-dire le Tribunal de Grande Instance qui, la loi n'imposant aucune modalité particulière pour la vente aux enchères des brevets saisis, peut organiser lui-même ces modalités, qu'en ordonnant la vente aux enchères à la barre du tribunal, il a entendu, comme en matière de vente immobilière, appliquer la règle selon laquelle seul un avocat peut porter des enchères, que le président de
la Chambre des Notaires, désigné pour établir le cahier des charges, n'était que son délégué mais que la vente devait se dérouler comme si elle s'effectuait à la barre du tribunal, que le juge de l'exécution n'est pas compétent pour mettre en cause les conditions dans lesquelles s'effectue la vente aux enchères publiques ordonnée par un jugement du Tribunal de Grande Instance, demande d'infirmer le jugement et sollicite l'allocation d'une somme de 30.000 francs au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.
Par dernières conclusions du 18 janvier 2001, la société SCHONENBERGER FRANCE demande de confirmer le jugement en soutenant que la disposition spécifique du code de la propriété intellectuelle ne concerne que la saisie proprement dite mais non sa vente forcée, qui relève des dispositions générales en matière d'exécution, que les compétences spécifiques du juge des brevets n'apparaissent pas nécessaire pour résoudre les difficultés qui s'élèvent à l'occasion de la vente forcée. SUR CE, LA COUR :
Considérant qu'en l'absence de texte réglementaire de portée générale applicable à la saisie, ou de dispositions spécifiques à la saisie de certains droits incorporels saisissables, il est possible, sous le contrôle du juge de l'exécution, de transposer pour les opérations de saisie et pour la vente des biens mobiliers incorporels, les dispositions du décret du 31 juillet 1992 sur la saisie des droits d'associés et des valeurs mobilières ; que, pour la saisie des brevets, un texte particulier, l'article L 613-21 du code de la propriété intellectuelle, que la loi du 9 juillet 1991 n'a pas abrogé, doit s'appliquer ; que ce texte prévoit, à peine de nullité de la saisie, que le créancier saisissant doit se pourvoir devant le tribunal en validité de la saisie et aux fins de mise en vente du brevet ; que, cependant, il ne règle que les modalités de la saisie et de sa validation par le tribunal qui peut ordonner la vente du
brevet aux enchères publiques ; qu'à défaut de texte particulier sur les modalités de la vente par adjudication, il convient d'examiner la contestation de la société VENS au regard des dispositions générales relatives aux voies d'exécution et particulières sur la vente des droits d'associés et valeurs mobilières ; qu'en conséquence, la vente aux enchères des brevets et ses modalités peuvent être contrôlées par le juge de l'exécution, comme concernant la mise en oeuvre de la vente ordonnée, conformément à l'article L 311-12-1 du code de l'Organisation Judiciaire ;
Considérant qu'en l'occurrence, le Tribunal de Grande Instance de Paris dans son jugement du 23 mars 1994, confirmé par arrêt de la Cour d'Appel de PARIS du 24 février 1999, a dit qu'il pourra être procédé à la vente des brevets par adjudication aux enchères publiques à la barre du Tribunal aux frais du saisi, dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement et a désigné pour y procéder le Président de la Chambre départementale des Notaires de Paris, qui établira la cahier des charges ; que la société SCHONENBERGER FRANCE n'a pas été autorisé à porter des enchères en son nom ou en celui de la société qu'il représente ; qu'en raison de ce grief, la société SCHONENBERGER FRANCE a un intérêt à agir en nullité à l'encontre de la vente sur adjudication ; qu'elle est donc recevable en sa contestation ;
Considérant que le tribunal a dit qu'il pourra être procédé à la diligence de la société VENS à la vente par adjudication aux enchères publiques des brevets, à la barre du tribunal dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement ; que le jugement n'était pas assorti de l'exécution provisoire ; qu'il en a été interjeté appel et il a été confirmé par arrêt du 24 février 1999 ; que le délai d'un mois qui prenait effet à compter de la signification de l'arrêt, n'est assorti, par la décision de première instance ou
l'arrêt d'appel, d'aucune sanction ; qu'il ne peut être considéré qu'il s'agissait d'un délai de forclusion ; qu'en conséquence, la vente n'encourt aucune nullité en raison de la date à laquelle il y a été procédé ;
Considérant que le principe pour les ventes sur adjudication est le libre concours du public aux enchères ; que ce principe ne souffre exception que lorsqu'un texte légal ou réglementaire impose le recours obligatoire au ministère d'un avocat, comme c'est le cas en matière de vente sur adjudication des immeubles, dans laquelle l'article 704 de l'ancien code de procédure civile dispose que les enchères sont portées par ministère d'avocat ; qu'en matière de vente de droits d'associés et valeurs mobilières, aucun texte de la loi du 9 juillet 1991 ou du décret du 31 juillet 1992, notamment parmi les articles 189 et suivants du décret, auxquels il convient de se référer, ne prévoit l'obligation de porter enchères par le ministère d'avocat ; qu'en conséquence, le cahier des charges de la vente rédigé par Maître PARGADE, portait une restriction illicite, d'autant que la vente aux enchères s'est déroulée devant ce notaire et non pas à la barre du Tribunal, comme celui-ci l'avait ordonné ; que la société SCHONENBERGER FRANCE a subi un préjudice de cette restriction en ne pouvant participer aux enchères et, en conséquence, la vente sur adjudication des brevets doit être déclarée nulle ;
Considérant que le jugement entrepris doit être confirmé;
Considérant que l'équité commande de rembourser la société SCHONENBERGER FRANCE des frais exposés pour cette procédure à concurrence de la somme forfaitaire de 20.000 francs en application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile; PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la société VENS à payer à la société SCHONENBERGER FRANCE la somme forfaitaire de 20.000 francs en remboursement de frais,
Condamne la société VENS aux dépens d'appel dont le montant pourra être recouvré par Maître HUYGHE, avoué, selon les modalités de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,