COUR D'APPEL DE PARIS 14ème chambre, section B ARRÊT DU 16 FEVRIER 2001
(N , 4 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/22162 Pas de jonction Décision dont appel : Ordonnance de référé rendue le 27/10/2000 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS - RG n : 2000/75719 (M. De X...) Date de l'ordonnance ayant autorisé l'assignation à jour fixe : 01/12/00 Nature de la décision :
CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANTE : SA. AXA CONSEIL VIE, prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 370 rue Saint-Honoré 75001 PARIS représentée par la SCP VARIN-PETIT, Avoué assistée de Maître FOUERE, Toque D.1192, Avocat au Barreau de PARIS INTIMÉE : Société OPTIMA CONSEIL, prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 2 rue Jean Monnet - L 2180 LUXEMBOURG représentée par la SCP FANET-SERRA-GHIDINI, Avoué assistée de Maître JAUZE, Toque P.85, Avocat au Barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats : M. CUINAT, magistrat rapporteur, a entendu les plaidoiries, les parties ne s'y étant pas opposé, puis il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré. Lors du délibéré :
Président : M. CUINAT. Conseillers : MM. Y... et VALETTE. DÉBATS : A l'audience publique du 19 janvier 2001. GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Mme Z.... ARRÊT :
CONTRADICTOIRE, prononcé publiquement par M. CUINAT, Président, lequel a signé la minute avec Mme Z..., Greffier. * La S.A. AXA CONSEIL VIE a relevé appel à jour fixe d'une ordonnance de référé du 27 octobre 2000 rendue par le président du Tribunal de commerce de PARIS qui, faisant droit à la demande de la S.A. OPTIMA CONSEIL, a : - dit l'assignation recevable ; - vu l'article 873, alinéa 2 du NCPC, condamné la S.A. AXA CONSEIL VIE à payer à la S.A. OPTIMA CONSEIL la somme de 8.174.231,83 F à titre de provision ; - dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du NCPC ; - condamné la S.A. AXA
CONSEIL VIE aux dépens. Au soutien de son appel, la S.A. AXA CONSEIL VIE expose dans sa requête à jour fixe jointe à l'assignation qu'elle a fait signifier le 6 décembre 2000 à la S.A. OPTIMA CONSEIL, que cette société de droit luxembourgeois a présenté au paiement des bons afférents à deux contrats de capitalisation émis par la société UAP VIE, aux droits de laquelle vient AXA CONSEIL VIE, dans des conditions telles qu'elle a estimé nécessaire de ne pas procéder aux paiements demandés, en l'absence de justification faisant craindre une infraction douanière et une fraude fiscale permettant au porteur réel d'échapper à l'impôt. Elle invoque son obligation de vigilance en tant qu'organisme financier, et de respect de la loi du 12 juillet 1990 modifiée par celle du 14 mai 1996, relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux. Elle conclut en priant la Cour, au visa des articles 646 et 415 du Code des douanes, des articles 324-1 et 222-38 du Code pénal, de l'article 1729 du Code général des impôts, de : - constater l'existence d'une contestation sérieuse relative à son obligation de paiement ; - infirmer en conséquence l'ordonnance entreprise, en toutes ses dispositions ; - renvoyer la société OPTIMA CONSEIL à mieux se pourvoir ; - débouter en tout état de cause la société OPTIMA CONSEIL de toutes ses demandes ; - condamner la société OPTIMA CONSEIL à payer à AXA CONSEIL VIE une somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel. . . . / Cour d'appel de Paris ARRÊT du 16 FÉVRIER 2001 14ème Chambre, section B RG n° : 00/22162 - 2ème page La S.A. OPTIMA CONSEIL, intimée, objecte par conclusions du 18 janvier 2001 que le remboursement des titres au porteur qu'elle demande à la société AXA CONSEIL VIE de lui verser correspond aux dispositions tant légales que contractuelles, en l'absence de toute opposition régulièrement formée qui n'est du reste possible qu'en cas de perte ou de vol. Elle estime que l'obligation de remboursement
n'est pas sérieusement contestable et que la résistance d'AXA CONSEIL VIE est purement dilatoire, tandis que sa demande de connaître les conditions d'acquisition des bons est contraire tant à la nature de ces bons au porteur qu'aux conditions contractuelles de souscription. Elle ajoute qu'elle est un porteur parfaitement identifié et que la société AXA CONSEIL VIE peut faire toute déclaration de soupçon telle que prévue par la loi contre le blanchiment d'argent, si elle l'estime justifié, mais que c'est en amont, lors de la remise des fonds pour la souscription des contrats, que la suspicion doit s'exercer, et non pas lors du paiement au porteur. Enfin, elle invoque de nombreux exemples de paiement de tels bons à des sociétés luxembourgeoises sans qu'il leur soit demandé un quelconque justificatif, document douanier ou autre. Elle conclut en priant la Cour de : - débouter la société AXA CONSEIL VIE de son appel ; - confirmer l'ordonnance entreprise ; - condamner la société AXA CONSEIL VIE à lui payer la somme de 30.000 F au titre de l'article 700 du NCPC, ainsi qu'en tous les dépens. SUR CE, LA COUR, Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que la S.A. OPTIMA CONSEIL a, le 26 mai 2000, demandé à la S.A. AXA CONSEIL VIE le paiement des bons de deux contrats de capitalisation au porteur, pour une valeur totale d'un montant de 8.174.231,83 F ; que la société AXA CONSEIL VIE fait valoir que OPTIMA CONSEIL ne justifie pas du dépôt de la déclaration en douane imposée par l'article 464 du Code des douanes pour les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger des sommes, titres ou valeurs, sauf dans le cas de transferts dont le montant est inférieur à 50.000 F, ou inférieur à 100.000 F si l'opération est réalisée avec un intermédiaire financier ; que l'absence de justification de cette déclaration en douane est propre à caractériser une infraction douanière, dès lors qu'il n'est pas contesté que les bons dont s'agit ont été souscrits en France ;
qu'il apparaît en outre des éléments du dossier que la société OPTIMA CONSEIL fait profession de présenter au paiement des bons de capitalisation émis en France ; Considérant que l'intérêt pour un particulier ayant souscrit en France des bons de capitalisation au porteur, de passer par une société luxembourgeoise pour en obtenir le paiement à leur échéance, est manifestement de se soustraire à la . . . / Cour d'appel de Paris ARRÊT du 16 FÉVRIER 2001 14ème Chambre, section B RG n° : 00/22162 - 3ème page fiscalité française qui prévoit un taux plus élevé de prélèvements libératoires sur les intérêts des bons anonymes, tandis que la convention entre la France et le Grand-Duché de Luxembourg tendant à éviter les doubles impositions permet de conserver l'avantage acquis du fait de l'imposition plus favorable pratiquée au Luxembourg ; Considérant que si les bons de capitalisation au porteur, qui sont de même nature que les bons de caisse ou les bons anonymes du Trésor, sont payables au porteur du seul fait de sa possession des bons, les conditions d'application de l'article 2279 du Code civil supposent que cette possession soit exercée à titre de propriétaire ; que la société OPTIMA CONSEIL, qui s'était d'abord présentée comme propriétaire des bons dont elle demandait le remboursement, ne s'est plus ensuite réclamée que de la qualité de porteur, sans répondre aux demandes d'AXA CONSEIL VIE sur l'identité du propriétaire des titres ; que la société AXA CONSEIL VIE invoque à juste titre l'article 12 de la loi du 12 juillet 1990 modifiée par celle du 14 mai 1996, relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants, qui fait obligation aux organismes financiers de s'assurer de l'identité de leur client occasionnel ou de la personne au bénéfice duquel l'opération est réalisée ; qu'aux termes de l'article 13 de cette même loi, ces dispositions s'appliquent aux bons et titres visés à l'article 900A du Code général des impôts, qui
comprennent notamment les bons et contrats de capitalisation ; qu'ainsi, AXA CONSEIL VIE, qui soupçonne qu'OPTIMA CONSEIL n'est qu'un intermédiaire offrant à des particuliers un mécanisme frauduleux destiné à soustraire à l'impôt français un revenu taxable en France, est en droit de demander l'identité véritable des personnes au bénéfice desquelles une opération est réalisée, dès lors qu'il apparaît -comme en l'espèce- que le porteur des bons présentés au remboursement n'agit pas pour son propre compte ; que, du fait qu'OPTIMA CONSEIL ne lui fournit pas les renseignements requis -et sans qu'il soit besoin de rechercher si ce comportement est également susceptible de constituer l'une des infractions prévues par les articles 222-38 ou 324-1 du Code pénal, voire 415 du Code des douanes- la société AXA CONSEIL VIE est bien fondée à soutenir que son obligation de rembourser les bons à un tel porteur est sérieusement contestable ; qu'il s'ensuit que l'ordonnance entreprise doit être infirmée en toutes ses dispositions critiquées ; * Considérant que l'équité conduit à condamner la société OPTIMA CONSEIL à verser à la société AXA CONSEIL VIE une indemnité compensant une partie de ses frais irrépétibles ; . . . / Cour d'appel de Paris ARRÊT du 16 FÉVRIER 2001 14ème Chambre, section B RG n° : 00/22162 - 4ème page PAR CES MOTIFS, Déclare la S.A. AXA CONSEIL VIE bien fondée en son appel ; Infirme l'ordonnance entreprise, en toutes ses dispositions critiquées ; Statuant à nouveau : - Dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de provision formée par la S.A. OPTIMA CONSEIL ; - Condamne la société OPTIMA CONSEIL à verser à la société AXA CONSEIL VIE la somme de 10.000 F au titre de l'article 700 du NCPC ; - La condamne également aux dépens de première instance et d'appel ; admet la SCP VARIN-PETIT, avoué, au bénéfice de l'article 699 du NCPC.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT Cour d'appel de Paris ARRÊT du 16 FÉVRIER 2001 14ème Chambre, section B RG n° : 00/22162 - 5ème page