COUR D'APPEL DE PARIS 15è chambre, section B ARRET DU 2 FEVRIER 2001 (N , 9 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1997/15270 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 12/05/1997 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 16/è Ch. RG n : 1996/54635 Date ordonnance de clôture : 8 Décembre 2000 Nature de la décision :
CONTRADICTOIRE Décision : CONFIRMATION APPELANTE : S.A.R.L. ROYAL TAPIS prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 58 avenue de Wagram 75017 - PARIS représentée par la SCP BOMMART-FORSTER, avoué assistée de Maître C. SITBON, Toque P 59, Avocat au Barreau de PARIS INTIMEE : S.A. CREDIT COMMERCIAL DE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 103 avenue des Champs Elysées 75008 - PARIS représentée par la SCP TEYTAUD, avoué assistée de Maître B. CHABENAT, Toque C 924, Avocat au Barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats et du délibéré, Président : Monsieur SALZMANN X... : Monsieur BINOCHE X... : Madame LE GARS Y... : à l'audience publique du 14 décembre 2000 GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Monsieur Z... agent du secrétariat-greffe ayant prêté le serment de Greffier ARRET : Contradictoire, prononcé publiquement par Monsieur SALZMANN, Président, lequel a signé la minute du présent arrêt avec Monsieur G. Z..., Greffier.
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La Cour statue sur l'appel formé suivant déclaration remise au Secrétariat-Greffe de la Cour le 19 Juin 1997 par la S.A.R.L. ROYAL
TAPIS à l'encontre du jugement rendu le 12 Mai 1997 par la 16° Chambre du Tribunal de Commerce de PARIS, qui, sur l'assignation de celle-ci, a : - vu l'article 2078 du Code Civil, déclaré valable le nantissement consenti par acte du 22 Juillet 1994, - débouté en conséquence la société ROYAL TAPIS de l'ensemble de ses demandes, - fait attribution au profit du Crédit Commercial de France de l'intégralité du principal et des intérêts gagés, objet du compte à terme numéro 5183092 en ses livres et appartenant à la société YORK 77 - ROYAL TAPIS, - condamné la société ROYAL TAPIS au paiement au C.C.F. de la somme de 10.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et des dépens, - ordonné l'exécution provisoire, sauf en ce qui concerne l'application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, déboutant du surplus des demandes. LES ÉLÉMENTS DU LITIGE
La Cour se réfère au jugement qui lui est soumis pour l'exposé des faits de la cause et de la procédure, sous réserve des points suivants, essentiels à la compréhension de l'affaire ; il est renvoyé, au sujet des demandes et prétentions des parties, pour un plus ample exposé des moyens, aux écritures échangées devant elle.
Le Tribunal a retenu pour l'essentiel que le gage portait sur la somme déposée à la Banque, et non sur le compte à terme proprement dit, modalité du dépôt, et que sa durée n'était pas limitée dans la commune intention des parties à un mois, eu égard au délai prévu de préavis pour le dénoncer.
Relevant la qualité de gérant de la société garante de M. Edmond A..., il n'admettait pas que celui-ci ait pu ignorer la situation financière exacte de la société garantie dont il était encore le gérant quelques semaines auparavant. PRÉTENTIONS ET MOYENS DES
PARTIES EN APPEL
Les parties ayant conclu en dernier lieu respectivement les 28 et 30 Novembre 2000, seules ces écritures seront prises en compte par la Cour quant aux prétentions et moyens présentés, en application des dispositions de l'article 954 OE 2 du Nouveau Code de Procédure Civile, tel que modifié par le Décret 98-1231 du 28 Décembre 1998 ;
La société ROYAL TAPIS demande à la Cour l'infirmation du Jugement, statuant à nouveau de constater l'inexistence de l'acte de nantissement en date du 22 Juillet 1994, pour défaut de respect des formalités légales, et de prononcer sa nullité pour dépassement de l'objet social ; elle demande encore de dire qu'en l'absence de signification au débiteur de la créance donnée en gage le créancier n peut exercer aucun des droits reconnus au créancier gagiste, et subsidiairement de constater l'extinction du nantissement le 22 Août 1994.
Elle demande encore, au visa de l'article 1116 du Code Civil, de dire le nantissement nul pour dol, et d'ordonner en conséquence la restitution des fonds déposés, soit la somme de 326.256,90 francs au 30 Avril 1996, outre les intérêts légaux à compter de l'assignation le 3 Juin 1996.
Elle sollicite en outre l'allocation de la somme de 10.000 francs à titre de dommages et intérêts pour rétention abusive de fonds lui appartenant, de débouter l'intimée de ses demandes, et sa condamnation au paiement d'une somme de 20.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et des dépens.
Elle fait d'abord valoir que la Banque ne pouvait ignorer la différence d'objet social entre les deux sociétés, que le nantissement constituait un excès de pouvoir au sens de l'article 1849 OE 1 du Code Civil, et de l'article 49 de la Loi du 24 Juillet
1966, en raison du dépassement de l'objet social, et que la Banque doit être assimilée à un tiers de mauvaise foi, qui ne poursuivait que son propre intérêt, eu égard à l'état de cessation des paiements de la société YORK 34.
Elle soutient ensuite que le privilège ne peut exister que pour autant que le gage a été mis en possession du créancier ; s'agissant du solde créditeur d'un compte à terme, la signification préalable au sens de l'article 2075 du Code Civil était à son sens nécessaire à la Banque elle-même, en qualité de débiteur de la créance donnée en gage, l'acte de nantissement n'ayant pas été enregistré.
Elle demande de dire à titre subsidiaire que le gage est éteint, les fonds n'ayant été bloqués que pour un mois, sans que le dépôt ait été renouvelé, le gage, accessoire du compte à terme, le principal, ayant suivi son sort ; elle invoque les dispositions de l'article 1162 du Code Civil pour l'interprétation de l'obligation.
Elle invoque encore le manquement de la Banque à contracter de bonne foi, la société ROYAL TAPIS ayant été laissée dans l'ignorance de la dénonciation des concours par la Banque à la société YORK 34 et de sa situation irrémédiablement compromise ; elle fait valoir que M. A... n'était plus ni dirigeant ni associé de la société garantie depuis plusieurs mois.
Le Crédit Commercial de France demande à la Cour la confirmation du Jugement, de débouter la société ROYAL TAPIS de toutes ses demandes, et de la condamner au paiement d'une somme de 10.000 francs sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile et des dépens.
Elle fait valoir d'abord que l'enregistrement de l'acte de nantissement n'est pas obligatoire, et n'est pas une condition de sa validité.
Quant au défaut de signification, elle n'est en tout état de cause sanctionnée que par l'inopposabilité aux tiers, restant valable entre les parties, la dépossession résultant du versement sur un compte spécial.
S'agissant du terme, elle observe que le nantissement porte sur une somme d'argent, 300.000 francs, toujours entre ses mains, et qui ne peut être considérée comme perdue ; l'acte ne prévoyait qu'un délai de préavis de trois mois pour dénoncer le gage, la durée d'un mois étant relative à la réglementation imposant que les fonds soient bloqués pendant une durée d'un mois au moins, un dépôt à terme se renouvelant par tacite reconduction, et le gage portant sur la somme de 300.000 francs et non sur le compte à terme.
Il n'est pas démontré à son sens que le C.C.F. connaissait l'état de cessation des paiements de la société YORK 34 le 22 Juillet 1994, lequel ne peut se déduire du dépassement du découvert, et que M. A... lui-même ignorait la situation tendue de la société en question.
Quant au dépassement de l'objet social, elle soutient que les pièces communiquées à ce sujet ne permettent pas de s'assurer qu'elles se rapportent à la société concernée, ou qu'elles ne sont pas contemporaines des faits.
Elle fait valoir que l'article 1849 du Code Civil n'est pas applicable aux sociétés à responsabilité limitée, et le fait que la garantie litigieuse était précédée d'une autre non remise en cause, circonstances permettant légitimement de ne pas douter que l'objet social n'était pas dépassé.
L'ordonnance de clôture était prononcée le 8 Décembre 2000. C E C I E T A N T E X P O B... E, SUR LES FAITS
Considérant qu'il convient au préalable de préciser, la société ROYAL TAPIS étant associée de la société YORK 77 à objet similaire, cette
dernière se trouvait dissoute et son patrimoine transmis au profit de son unique associé, ROYAL TAPIS, par décision du 18 Novembre 1993 ;
Que précédemment, le 15 Septembre 1993, la société YORK 34, de création récente, dans le capital de laquelle YORK 77 possédait 25 % des parts, voyait ses engagements garantis par l'affectation à titre de gage de titres, à hauteur de la somme de 900.000 francs ;
Que la Banque affirme sans être contredite sérieusement que de manière concomitante, ce gage était réalisé, ce qui permettait à celle-ci d'être remboursée d'un prêt consenti à la société YORK 34, et le gage litigieux souscrit par affectation de la somme restant disponible à un compte à terme ; SUR LE DÉPASSEMENT DE L'OBJET SOCIAL Considérant tout d'abord qu'il n'est pas contesté que les deux sociétés concernées, ROYAL TAPIS et YORK 34, sont commerciales ; que les dispositions applicables en ce qui concerne le dépassement de l'objet social allégué sont celles de l'article 49 OE 4 de la Loi du 24 Juillet 1966, s'agissant d'une société à responsabilité limitée ; Que l'activité de la société YORK 34 était relative au prêt-à-porter en gros, demi-gros et détail ;
Que la pièce numérotée 20 communiquée par l'appelante ne comporte que des extraits de statuts d'une société non identifiable, ne faisant pas ressortir l'objet social ; que la pièce n°21 représentent bien les statuts de la S.A.R.L. ROYAL TAPIS, mais il s'agit de sa version telle que mise à jour le 25 Octobre 1994, de sorte qu'il n'est pas démontré qu'à la date où le gage était consenti, celui-ci dépassait l'objet social, en ce que celui-ci pouvait être différent de celui de la société YORK 34, d'autant que l'habillement de sport et le prêt-à-porter mentionnés représentent des activités proches ; que les circonstances tenant à la situation financière de la société garantie
lorsque le nantissement était consenti sont à cet égard inopérantes ; Que ce premier moyen sera écarté ; SUR LA MISE EN POSSESSION
Considérant que l'acte du 22 Juillet 1994 emportait affectation à titre de nantissement de la somme de 300.000 francs, outre intérêts, pour garantie de toutes sommes dues au Crédit Commercial de France par la société YORK 34;
Que l'absence d'enregistrement ne peut emporter aucune conséquence dans les rapports des parties entre elles, par application des dispositions de l'article 2074 du Code Civil ;
Que s'agissant de l'absence de signification au débiteur de la créance donnée en gage, elle n'emporte pour conséquence que l'inopposabilité aux tiers du contrat de gage ; qu'au surplus, la mise en possession au sens de l'article 2076 du Code Civil ayant été opérée simultanément par affectation de la somme dans un compte à terme, et donc bloquée, le moyen tiré de l'absence de signification se trouve en tout état de cause inopérant ;
Que ce moyen sera également écarté ; SUR LE TERME
Considérant que comme précisé plus haut, c'est bien la somme de 300.000 francs qui était affectée en gage ;
Que si la durée prévue pour le compte à terme était d'un mois, il était expressément prévu dans l'acte qu'en cas de renouvellement du compte, les sommes comprises dans celui-ci entreraient de plein droit dans l'assiette du nantissement ; qu'il prévoyait la dénonciation à tout moment de l'engagement sous réserve d'un préavis de trois mois ; qu'il en résulte clairement que le blocage de la somme nantie dans un compte à terme ne représentait que la modalité de l'engagement ;
Que même à considérer que le blocage de la somme en compte ait pris fin, l'appelante ne peut en tirer pour autant la conséquence que le nantissement avait cessé de produire ses effets ;
Que ce moyen, inopérant, sera écarté ; SUR LE VICE INVOQUE
Considérant que la société YORK 34 était créée le 12 Novembre 1993;
Que le 29 Septembre 1993, après que la société YORK 77 ait décidé d'affecter en gage la somme de 900.000 francs, qui, selon la Banque elle-même, permettait ultérieurement à celle-ci d'être remboursée d'un prêt par elle consenti, la société garantie décidait de modifier sa dénomination sociale, pour se dénommer YORK 34, et non plus YORK 77, et de transférer son siège du 98 boulevard Hausmann PARIS 8°, au 34 rue Notre-Dame de Nazareth ;
Que M. Edmond A... était remplacé le 31 Mars 1994 dans ses fonctions de gérant, n'étant à cette date plus titulaire de parts dans le capital de la société YORK 34 ;
Que la Banque, relevant le dépassement réitéré des limites imparties sans son accord, dénonçait ses concours dès le 1° Juin 1994, le solde débiteur du compte atteignant alors 336.513,42 francs ;
Que le dépassement d'un découvert accordé ne saurait démontrer que la Banque était informée de l'état de cessation des paiements, la société YORK 34 ne devant être placée dans les liens d'une procédure collective de liquidation que le 1° Décembre 1994 ; que la fixation par le Jugement au 1° Juillet 1994 de la date de cessation des paiements ne peut avoir valeur qu'indicative d'une situation pouvant le cas échéant être qualifiée d'irrémédiablement compromise; qu'aucun autre élément relatif à la situation financière de la société garantie n'est versé aux débats ; que la Banque, sans attendre l'expiration du délai de préavis expirant le 8 Septembre 1994 pour la dénonciation de ses concours, informait le 25 Août 1994 M. Edmond A... ès-qualités de gérant de ROYAL TAPIS de la situation, invoquant la garantie souscrite ;
Considérant au total qu'il n'est pas démontré que la Banque, eu égard
à l'évolution rapide de la situation de cette société de création fort récente, ait pu considérer celle-ci comme irrémédiablement compromise le 22 Juillet 1994 ;
Qu'en tout état de cause, la concomitance entre la liquidation de la première garantie et la souscription de la seconde par la société ROYAL TAPIS ne pouvait échapper à son dirigeant, la Cour rapprochant le montant du solde débiteur atteint le 1° Juin 1994, soit excédant 300.000 francs, et la limite en montant de la garantie litigieuse ;
Que comme le Tribunal l'a à juste raison considéré, M. Edmond A..., ès-qualités de gérant de la société ROYAL TAPIS, et ancien gérant de la société YORK 34, n'ignorait pas la réalité de la situation ;
Que le moyen tendant à déclarer l'engagement nul pour réticence dolosive ou manquement de la Banque à l'obligation de contracter de bonne foi, ou de loyauté sera écarté ;
Considérant en conséquence que le Jugement sera confirmé en toutes ses dispositions ;
SUR LES AUTRES DEMANDES
Considérant que les dépens exposés en cause d'appel seront laissés à la charge de la S.A.R.L. ROYAL TAPIS qui succombe dans ses prétentions ;
Qu'il serait inéquitable, eu égard aux circonstances de la cause, de laisser à la société Crédit Commercial de France la charge de ses frais irrépétibles exposés devant la Cour ; que la S.A.R.L. ROYAL TAPIS sera condamnée à lui verser la somme de DIX MILLE FRANCS ( 10.000 f ) 1.524,49 euros en application des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ;
P A R C E B... M O T I F B... ,
Statuant par décision contradictoire,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
Condamne la S.A.R.L. ROYAL TAPIS au paiement au Crédit Commercial de France de la somme de DIX MILLE FRANCS ( 10.000 f ) 1.524,49 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,
REJETTE toutes autres demandes plus amples ou contraires,
CONDAMNE la S.A.R.L. ROYAL TAPIS au paiement des dépens exposés en appel, lesquels pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.
LE GREFFIER
LE PRÉSIDENT