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16/01/2001 | FRANCE | N°2000/34275

France | France, Cour d'appel de Paris, 16 janvier 2001, 2000/34275


N° Répertoire Général : 00/34275 Sur appel d'un jugement rendu le 9 mars 2000 par le conseil de prud'hommes de X... Section encadrement. CONTRADICTOIRE INFIRMATION 1ére page COUR D'APPEL DE X... 18ème ch. D ARRÊT DU 16 JANVIER 2001 (N° , pages) PARTIES EN CAUSE :

ALITALIA 69 Boulevard Haussmann 75008 X... ALITALIA SPA VIALE ALESSANDRO MARCHETTI 111,00148 ROMA 50136 ITALIE représentées par Maître LECLERCQ, avocat au barreau de représentés par Maître xxxxx, avocat au barreau de DÉBATS : A l'audience publique du 13 novembre 2000. GREFFIER :

Madame Y..., lors des déba

ts. ARRET :

contradictoire - prononcé publiquement par Monsieur LINDEN, Pr...

N° Répertoire Général : 00/34275 Sur appel d'un jugement rendu le 9 mars 2000 par le conseil de prud'hommes de X... Section encadrement. CONTRADICTOIRE INFIRMATION 1ére page COUR D'APPEL DE X... 18ème ch. D ARRÊT DU 16 JANVIER 2001 (N° , pages) PARTIES EN CAUSE :

ALITALIA 69 Boulevard Haussmann 75008 X... ALITALIA SPA VIALE ALESSANDRO MARCHETTI 111,00148 ROMA 50136 ITALIE représentées par Maître LECLERCQ, avocat au barreau de représentés par Maître xxxxx, avocat au barreau de DÉBATS : A l'audience publique du 13 novembre 2000. GREFFIER :

Madame Y..., lors des débats. ARRET :

contradictoire - prononcé publiquement par Monsieur LINDEN, Président, lequel a signé la minute avec Madame Y..., Greffier. Le groupe Alitalia est une entité juridique de dimension mondiale à la tête de laquelle se trouve la société Alitalia Linee aeree italiane S.p.A. (Ci-après Alitalia), compagnie aérienne ayant son siège à Rome ; le capital social de la société Alitalia, divisé en actions, est réparti entre l'Istituto per

la ricostruzione industriale, des salariés et des actionnaires sur le marché. Alitalia France est une succursale de la société Alitalia ; elle n'est pas dotée de la personnalité morale. En raison d'importantes difficultés financières, la direction de la société Alitalia et les organisations syndicales italiennes ont établi en 1996 un plan de restructuration, lequel a été notamment acté par un accord du 19 juin 1996, destiné à régir le volet social de la réorganisation projetée pour la période 1996-2000. La signature de l'accord a été précédée de la tenue, le 18 juin 1996, d'une réunion exceptionnelle du comité d'établissement d'Alitalia France, ayant pour objet de porter le plan de restructuration 1996-2000 à la connaissance du C.E.. Cet accord prévoyait des réductions de coûts importantes, notamment par voie de suppression de postes ; en contrepartie, il était prévu l'ouverture du capital au personnel, moyennant une souscription d'actions ordinaires à la valeur nominale, d'un montant total net de 310 milliards de lires italiennes. Le 15 janvier 1998, l'assemblée générale extraordinaire de la société Alitalia a voté une résolution selon laquelle était décidée l'offre à la valeur nominale, au sens de l'article 2441, dernier alinéa, du Code civil (italien) aux salariés du groupe Alitalia, conformément aux accords syndicaux à ce sujet, d'une émission de 317 000 000 actions. L'accord du 19 juin 1996 a été confirmé dans ses points essentiels par un protocole d'accord conclu le 26 février 1998 par le groupe Alitalia et les syndicats italiens. Le 3 juin 1998, ces mêmes parties ont conclu un accord cadre sur la participation au capital des salariés des sociétés du groupe, selon lequel les actions sont attribuées aux salariés ayant un contrat italien à durée indéterminée, y compris le personnel italien transféré à l'étranger. Ainsi, les salariés de la succursale française, dont le contrat de travail est soumis à la loi française, ont été exclus de la

participation au capital de l'entreprise. S'estimant victimes d'une discrimination illicite, 122 d'entre eux, dont le nom figure dans l'en-tête du présent arrêt, ont saisi le conseil de prud'hommes de X... d'une demande tendant à l'attribution d'actions ; par jugement du 9 mars 2000, le conseil de prud'hommes a fait droit à leurs demandes, en condamnant Alitalia SpA et sa succursale Alitalia Finance (sic) à appliquer l'accord cadre du 3 juin 1998 sur la participation au capital des sociétés du groupe Alitalia à tous les salariés, par l'attribution à chacun d'eux de 10 315 actions Alitalia d'une valeur nominale unitaire de 1000 lires italiennes ; il leur a également été alloué une somme de 600 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. La société Alitalia a interjeté appel. Quatre salariés de la société Alitalia, Mme Z..., MM.Allegra, A... et B..., n'étant pas parties à l'instance devant le conseil de prud'hommes, interviennent devant la Cour, sollicitant pour leur compte personnel l'attribution d'actions. La Cour se réfère aux conclusions des parties du 13 novembre 2000. MOTIVATION Sur la recevabilité de l'appel La déclaration d'appel a été formée par un avocat agissant pour le compte de la société Alitalia S.p.A., dont le siège est à Rome, prise en la personne de son représentant légal, et de la société Alitalia France, succursale d'Alitalia S.p.A. Il n'est pas contesté par les parties qu'Alitalia France n'est pas dotée de la personnalité morale. C... mentions de la déclaration d'appel apparaissent suffisantes pour identifier l'appelante, laquelle est valablement représentée, en vertu de l'article 931 du nouveau Code de procédure civile, par un avocat ; il importe peu à cet égard que l'organe représentant légalement la personne morale ne soit pas indiqué, une telle exigence n'étant pas requise, en vertu de l'article 933 du nouveau Code de procédure civile, dans la procédure sans représentation obligatoire. L'appel

est donc recevable. Sur les interventions Aux termes de l'article 554 du nouveau Code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité. Ces dispositions ne permettent pas à un intervenant en cause d'appel de soumettre un litige nouveau et de demander des condamnations personnelles non soumises aux premiers juges. En l'espèce, les demandes des intervenants, tendant à l'attribution d'actions à leur profit, ne procèdent pas directement des demandes originaires, les litiges concernant chaque salarié étant distincts les uns des autres malgré leur connexité. C... interventions sont donc irrecevables. Sur le fond En vertu de l'article 12 alinéa 1er du nouveau Code de procédure civile, le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables ; par suite, l'argumentation des salariés fondée sur l'opportunité de la décision à intervenir ou le "sentiment d'inégalité" ne peut être prise en considération. Sur la portée de la décision du 15 janvier 1998 de l'assemblée générale des actionnaires L'assemblée générale des actionnaires a décidé le 15 janvier 1998 d'augmenter son capital et d'offrir un certain nombre d'actions aux salariés d'Alitalia ; cette décision se réfère d'une part à l'article 2441, dernier alinéa, du Code civil italien, lequel dispose : Par une décision de l'assemblée prise à la majorité requise par les assemblées extraordinaires, peut être exclu le droit d'option dans la limite d'un quart des actions nouvellement émises, si celles-ci sont offertes en souscription aux salariés de la Société (art. 2349 - 2358). L'exclusion de l'option dans une mesure supérieure au quart doit être approuvée à la majorité prescrite au 5ème alinéa, d'autre part aux accords syndicaux à ce sujet ; à cette date, le seul accord intervenu au sujet de l'attribution d'actions aux salariés était le

protocole du 19 juin 1996, lequel se bornait à arrêter le principe de cette attribution, sans précisions sur son champ d'application, étant observé qu'il était fait référence à "l'effet des interventions précitées et de la nécessité de procéder à un échange des ressources" sur l'évolution du "nombre de personnel au sol avec contrat italien" entre 1995 et 2000. Ainsi, contrairement à ce que prétendent les salariés, la mise en oeuvre de la décision de l'assemblée générale et les modalités du droit d'option des actions nouvellement émises devaient être déterminées par voie d'accords avec les syndicats. En tout état de cause, la décision du 15 janvier 1998, du fait de son caractère unilatéral et général, ne pouvait avoir pour effet de donner un droit acquis à l'attribution d'actions à l'ensemble des salariés. Sur la portée de l'accord du 3 juin 1998 Compte tenu de ce qui précède, l'accord du 3 juin 1998 n'est pas contraire à la décision de l'assemblée générale des actionnaires du 15 janvier 1998, et la société Alitalia n'a pas commis d'excès de pouvoir en concluant un accord avec les syndicats italiens prévoyant l'attribution des actions nouvellement émises aux seuls salariés titulaires d'un contrat de travail soumis à la loi italienne. Si, en vertu de l'article 3 du Code civil et des principes du droit international privé applicables en matière d'accord collectif, la loi applicable aux conditions de l'adhésion à l'accord du 3 juin 1998 est celle qui régissait les conditions de sa conclusion, lesquelles relevaient de la loi italienne, il convient d'observer que les salariés intimés ne prétendent pas avoir adhéré à l'accord susvisé, mais invoquent le caractère illicite de la discrimination qu'il opère au sein du personnel de la société Alitalia, au regard de la Convention internationale de travail n°111, de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 12 et 39 du Traité de Rome, du Préambule de la Constitution

du 27 octobre 1946, auquel renvoie la Constitution du 4 octobre 1958, de l'article L.122-45 du Code du travail, ainsi que de la Constitution et de la loi italiennes, ces textes prohibant notamment toute discrimination à raison de la nationalité. Il convient donc de rechercher si l'accord du 3 juin 1998 comporte ou non une discrimination fondée sur ce critère. Selon la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes, les articles 6 et 48 du Traité de Rome, aujourd'hui 12 et 39, interdisant à chaque Etat membre d'appliquer, dans le domaine d'application du Traité, son propre droit d'une manière différente selon la nationalité, ne concernent pas les éventuelles différences de traitement qui peuvent découler, d'un Etat membre à l'autre, des divergences existant entre les législations des différents Etats membres, dès lors que chacune de ces législations s'applique à toute personne qui y est soumise, selon des critères objectifs et indépendants de la nationalité. En l'espèce, l'accord du 3 juin 1998 n'établit pas de distinction suivant la nationalité des salariés, étant précisé que l'adjonction "y compris le personnel italien transféré à l'étranger" doit s'interpréter, compte tenu du contexte, comme désignant les salariés titulaires d'un contrat de travail soumis au droit italien et exerçant leurs fonctions hors du territoire italien ; ainsi, les salariés travaillant en Italie et dont le contrat de travail est soumis au droit italien bénéficient des dispositions de l'accord du 3 juin 1998, quelle que soit leur nationalité. Une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas nécessairement une discrimination illicite au sens de l'article L.122-45 du Code du travail ; par ailleurs, en vertu de l'article L.132-19 alinéa 2 du même Code, la négociation collective au sein d'un établissement distinct permet d'établir, par voie d'accord collectif, des différences de traitement entre les salariés de la

même entreprise. Il en résulte que des salariés qui n'entrent pas dans le champ d'application d'un accord d'établissement ne peuvent faire état d'une discrimination au motif qu'ils ne bénéficient pas des dispositions de cet accord. En outre, les syndicats signataires des accords des 19 juin 1996 et 3 juin 1998 sont exclusivement italiens ; ils n'ont pas le pouvoir de représenter les salariés travaillant en France. Enfin, compte tenu notamment de ce que 39 des 122 intimés sont de nationalité italienne, aucun élément ne permet de considérer que la différence de traitement litigieuse constitue une discrimination indirecte fondée en réalité sur la nationalité. C... salariés intimés soutiennent d'une part qu'ils ont été concernés par le plan de restructuration au même titre que leurs collègues travaillant en Italie, d'autre part que l'importance des sacrifices consentis n'est pas un critère opératoire quant à l'attribution des actions ; compte tenu de la situation personnelle de chaque salarié, l'existence de sacrifices ne constitue pas en effet un critère satisfaisant ; l'argumentation développée sur ce point est donc inopérante. En tout état de cause, il résulte des termes de ces accords que l'attribution d'actions aux seuls titulaires d'un contrat de travail de droit italien est la contrepartie des sacrifices acceptés par ceux-ci dans le plan de restructuration de 1996, étant observé que la mention selon laquelle les parties ont affirmé que l'implication de tout le personnel des sociétés du groupe Alitalia est un élément essentiel pour le redressement et le développement de ce même groupe ne démontre pas que le plan ait concerné les salariés en poste en France autant que ceux travaillant en Italie ; d'ailleurs, le procès-verbal de réunion du comité d'établissement du 18 juin 1996 indique que le Président a précisé qu'il n'y avait pas de projet spécifique à ce jour pour AZ France et qu'aucune restructuration avec licenciements n'était prévue pour la France, de

sorte que le fait même de la tenue de cette réunion est en soi dépourvu de portée. La loi applicable aux contrats de travail des salariés d'Alitalia exerçant leurs fonctions hors du territoire italien est déterminée par la Convention de Rome du 11 avril 1980, laquelle prévoit article 3 - Liberté de choix - 1. Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Ce choix doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat (...) article 4 - Loi applicable à défaut de choix - 1. Dans la mesure où la loi applicable au contrat n'a pas été choisie conformément aux dispositions de l'article 3, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits. Toutefois, si une partie du contrat est séparable du reste du contrat et présente un lien plus étroit avec un autre pays, il pourra être fait application, à titre exceptionnel, à cette partie du contrat de la loi de cet autre pays (...) article 6 - Contrat individuel de travail - 1. Nonobstant les dispositions de l'article 3, dans le contrat de travail, le choix par les parties de la loi applicable ne peut avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions impératives de la loi qui serait applicable, à défaut de choix, en vertu du paragraphe 2 du présent article. 2. Nonobstant les dispositions de l'article 4 et à défaut de choix exercé conformément à l'article 3, le contrat de travail est régi : a) par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail, même s'il est détaché à titre temporaire dans un autre pays, ou b) si le travailleur n'accomplit pas habituellement son travail dans un même pays, par la loi du pays où se trouve l'établissement qui a embauché le travailleur, à moins qu'il ne résulte de l'ensemble des circonstances

que le contrat de travail présente des liens plus étroits dans un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable. L'applicabilité au contrat de travail d'une loi déterminée constitue ainsi un critère objectif susceptible de justifier un traitement différent des salariés d'une entreprise ; à cet égard, les contraintes d'ordre technique, juridique et fiscal invoquées par Alitalia constituent un élément pouvant valablement être pris en considération. L'argumentation des intimés selon laquelle ils peuvent bénéficier, en application de l'article 6-1 de la Convention de Rome, de la norme la plus favorable, soit en l'espèce, la loi italienne, n'est pas fondée ; en effet, il n'est pas établi que les parties aient choisi cette loi et, les intéressés accomplissant habituellement leur travail en France, la loi française est applicable, étant observé qu'il ne résulte pas de l'ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec l'Italie. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que les salariés d'Alitalia France ne peuvent prétendre à l'attribution d'actions. Le jugement sera donc infirmé. PAR CES MOTIFS La Cour, Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, Déclare l'appel de la société Alitalia S.p.A. recevable ; Déclare les interventions de Mme Z..., MM.Allegra, A... et B... irrecevables ; Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau, Déboute les salariés intimés de leurs demandes ; C... condamne aux entiers dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2000/34275
Date de la décision : 16/01/2001

Analyses

STATUT COLLECTIF DU TRAVAIL - Accords collectifs - Dispositions générales - Application

Une différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas nécessairement une discrimination illicite au sens de l'art. L. 122-45 du Code du travail ; par ailleurs, en vertu de l'article L. 132-19 alinéa 2 du même code, la négociation collective au sein d'un établissement distinct permet d'établir, par voie d'accord collectif, des différences de traitement entre les salariés de la même entreprise. Il en résulte que des salariés qui n'entrent pas dans le champ d'application d'un accord d'établissement ne peuvent faire état d'une discrimination au motif qu'ils ne bénéficient pas des dispositions de cet accord


Références :

Articles L 122-45 et L 132-19 alinéa 2 du Code du travail

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2001-01-16;2000.34275 ?
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