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09/01/2001 | FRANCE | N°2000/14612

France | France, Cour d'appel de Paris, 09 janvier 2001, 2000/14612


COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 9 JANVIER 2001 (N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/14612 2000/15555, 2000/15978 Décision dont recours : Decision 00-D-34 du Conseil de la concurrence en date du 18/07/2000 Nature de la décision : RÉFORMATION Décision : CONTRADICTOIRE DEMANDERESSES AU RECOURS : - S.A. D'ETUDE ET D'ENTREPRISES ELECTRIQUES (SEEE) prise en la personne de son Président du conseil d'administration ayant son siège 40, rue La Pérouse 75116 PARIS Représentée par la SCP GARNIER, avoué,21, rue du Mont Thabor 75001 PARIS. Ass

istée de Maître POUX JALAGUIER, avocat,51, avenue Raymond Poin...

COUR D'APPEL DE PARIS 1ère chambre, section H ARRET DU 9 JANVIER 2001 (N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 2000/14612 2000/15555, 2000/15978 Décision dont recours : Decision 00-D-34 du Conseil de la concurrence en date du 18/07/2000 Nature de la décision : RÉFORMATION Décision : CONTRADICTOIRE DEMANDERESSES AU RECOURS : - S.A. D'ETUDE ET D'ENTREPRISES ELECTRIQUES (SEEE) prise en la personne de son Président du conseil d'administration ayant son siège 40, rue La Pérouse 75116 PARIS Représentée par la SCP GARNIER, avoué,21, rue du Mont Thabor 75001 PARIS. Assistée de Maître POUX JALAGUIER, avocat,51, avenue Raymond Poincaré 75116 PARIS,Toque C 955 - S.A. ALSTOM ENTREPRISE prise en la personne de son Président Directeur Général ayant son siège 25, avenue Kléber 75116 PARIS Représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, avoué,23, rue du Louvre 75001 PARIS Assistée de Maître L. DONNEDIEU DE VABRES, 87, avenue Kléber 75116 PARIS, Toque 040 - SOCIETE NORMANDE DE TRAVAUX ELECTRIQUES (SNTE),S.A. prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège rue d'Argence - BP 988 27009 EVREUX CEDEX Représentée par Maître PAMART, avoué,4, rue Lincoln 75008 PARIS Assistée de Maître M. X..., Avocat au Barreau de l'Eure, 12 rue Président Huet, 27000 EVREUX DEMANDERESSE INCIDENTE : SOCIETE L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE (EI), S.A. prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 2, allée Jacques Brel 92240 MALAKOFF Assistée de Maître O.MEYUNG-MARCHAND,avocat,23, avenue Foch 75116 PARIS, Toque B 0108 PARTIE INTERVENANTE : S.A.ELECTRIFICATION, ADDUCTION D'EAU, TRAVAUX PULICS (EATP) prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 1, route de Mesliers 28120 ILLIERS-COMBRAY Assistée de Maître F.PINGEON, avocat,SCP TREMBLAY,du Barreau de Chartres. EN PRESENCE : du Ministre de l'Economie, des Finances et du Budget, Représenté aux débats par Madame Y..., munie d'un mandat régulier.

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Monsieur LACABARATS, Président Madame BREGEON, Conseiller Madame PENICHON, Conseiller GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt :Madame Z... MINISTERE A... : Monsieur B..., Substitut Général ARRET :

Prononcé publiquement le NEUF JANVIER DEUX MILLE UN, par Monsieur LACABARATS, Président, qui a signé la minute avec Madame Z..., Greffier.

Par lettre enregistrée le 9 février 1998, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a saisi le conseil de la concurrence pour des faits susceptibles de constituer une entente illicite relevés à l'occasion de marchés d'électrification rurale dans le département de l'Eure-et-Loire.

Sept appels d'offres ont en effet été lancés durant la période du 31 octobre au 19 décembre 1995 par six syndicats intercommunaux électriques (S.I.E) et une société d'intérêt collectif agricole d'électricité (S.I.C.A.E), à savoir les S.I.E. du pays Drouais, d'Auneau-Maintenon, du Pays Dunois, du Perche, de la Région d'Anet, du Pays Beauceron et la S.I.C.A.E du Prouais-Rosay.

Pour ces marchés qui portaient sur des travaux d'entretien ou d'extension des réseaux électriques ruraux, les entreprises étaient invitées à proposer leur prix par rapport à un bordereau de prix unitaires (B.P.U) établi par la direction départementale de l'agriculture et de la forêt de l'Eure-et-Loire, maître d'oeuvre.

Par décision n°00-D-34 du 18 juillet 2000, le Conseil de la concurrence a retenu que les sociétés ALSTOM ENTREPRISE (anciennement

dénommée CEGELEC), Robert DHENNIN, E.A.T.P, Entreprise Industrielle, Forclum Val de l'Eure, SEEE, SNTE et Etablissements C..., ainsi que le syndicat des entrepreneurs de réseaux et de constructions électriques (SERCE) avaient enfreint les dispositions de l'article 7 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (devenu l'article L 420-1 du Code de Commerce) par la mise en oeuvre d'une concertation illicite lors de la refonte du B.P.U et a en conséquence infligé les sanctions pécuniaires suivantes :

11 000 000 F à la société ALSTHOM ENTREPRISE

30 000 F à la société Robert DHENNIN

25 000 F à la société EATP 450 000 F à la société EI 65 000 F à la société FORCLUM VAL DE L'EURE 550 000 F à la société SEEE 30 000 F à la société SNTE 40 000 F à la société Etablissements C... 10 000 F au SERCE

Le 4 août 2000, la société ALSTOM ENTREPRISE, la société SEEE et la société SNTE, ont formé un recours contre la décision du conseil de la concurrence. Un recours incident a également été formé contre cette décision le 30 août 2000 par la société l'ENTREPRISE INDUSTRIELLE.

Par mémoire déposé au greffe le 20 septembre 2000, la société SEEE demande à la cour d'infirmer la décision du conseil de la concurrence ou subsidiairement de réduire dans de notables proportions la sanction prononcée, en soutenant que la concertation incriminée ne constitue pas une entente prohibée et n'a pas affecté le jeu de la concurrence.

Par un mémoire déposé au greffe le 21 septembre 2000, la société l'ENTREPRISE INDUSTRIELLE demande à la cour d'infirmer la décision du Conseil de la concurrence en faisant valoir que la discussion sur le contenu du B.P.U a eu pour origine une demande du maître d'oeuvre, qu'elle a été trompée sur l'objet de cette demande et ne peut donc se

voir imputer une entente prohibée, qu'en toute hypothèse la mise à jour d'un B.P.U est dépourvue d'effet concurrentiel.

Par un mémoire déposé au greffe le 22 septembre 2000, la société S.N.T.E. demande à la cour de réformer la décision du Conseil de la concurrence en soutenant que les conditions d'élaboration du nouveau B.P.U sont exclusives de toute entente prohibée et que le travail effectué sur ce B.P.U n'a eu aucune incidence sur le jeu de la concurrence.

Par un mémoire déposé au greffe le 26 septembre 2000, la société ALSTOM ENTREPRISE demande à la cour, à titre principal de prononcer l'annulation de la décision du Conseil de la concurrence, d'ordonner le remboursement des sommes versées assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement et de la capitalisation desdits intérêts, à titre subsidiaire de prononcer la réformation de la décision sur le montant de la sanction et de réduire celle-ci de façon substantielle, d'ordonner le remboursement du trop-perçu assorti des intérêts au taux légal à compter du paiement et de la capitalisation desdits intérêts, de condamner le ministre chargé de l'économie au paiement d'une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

La société ALSTOM ENTREPRISE soutient que l'existence d'une concertation anticoncurrentielle lors de la refonte du bordereau des prix unitaires n'est pas établie, que l'étude effectuée par les entreprises n'a pas eu d'effet anticoncurrentiel, même potentiel, qu'en tout hypothèse le montant de la sanction prononcée est disproportionné.

Par un mémoire déposé au greffe le 25 octobre 2000, la société EATP demande notamment à la cour de lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice sur le bien fondé des recours.

Par des observations écrites déposées le 26 octobre 2000, le ministre chargé de l'économie demande à la cour de confirmer la décision du

Conseil de la concurrence en soutenant que le travail effectué en commun par les entreprises incriminées en vue de l'élaboration d'un nouveau B.P.U. excédait le mandat qui leur avait été confié, que les entreprises en cause ne peuvent sérieusement prétendre ne pas avoir librement consenti à une concertation prohibée, que la matérialité d'un échange d'informations entre les entreprises est établie, que les sanctions infligées sont justifiées.

A la même date du 26 octobre, le Conseil de la concurrence a déposé des observations écrites tendant également au rejet des moyens soulevés contre sa décision, en soulignant que la pratique prohibée retenue contre les sociétés en cause réside dans les échanges d'informations lors d'un travail réalisé en commun pour l'élaboration d'un nouveau B.P.U.

Le 7 novembre 2000, les sociétés ALSTOM ENTREPRISE, ENTREPRISE INDUSTRIELLE et SEEE ont déposé des conclusions en réplique.

Le même jour, la société l'ENTREPRISE INDUSTRIELLE a déposé un mémoire complémentaire tendant à l'annulation de la décision attaquée, faute de toute participation de sa part aux réunions et échanges d'informations critiqués, et subsidiairement à sa réformation, la sanction prononcée ne respectant pas les critères définis par l'article 13 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 (L 464-2 du Code de Commerce).

Le 7 novembre 2000, un autre mémoire en réponse a été déposé au greffe pour la société SEEE, tendant à l'infirmation de la décision attaquée.

A l'audience du 14 novembre 2000, Monsieur l'Avocat Général, a conclu dans ses observations orales au rejet des recours.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré pour être jugée le 09 janvier 2001. * * *

Considérant qu'il est constant, comme le soulignent le Conseil de la

Concurrence et le Ministre de l'Economie dans leurs observations écrites, qu'une entente anticoncurrentielle peut-être caractérisée de diverses manières, notamment par une coordination des offres présentées par les entreprises en cause, mais aussi par un simple échange d'informations antérieurement au dépôt de ces offres, portant sur l'exixtence des compétiteurs, leur nom, leur importance, leur disponibilité en personnel ou en matériel, leur intérêt ou leur absence d'intérêt pour le marché considéré ou sur les prix qu'ils envisagent de proposer ; qu'il importe cependant, pour que la pratique puisse être sanctionnée sur le fondement des articles L 420-1, L 462-6 et L 464-2 du Code de Commerce, que les entreprises aient librement et volontairement participé à une action concertée, en sachant qu'elle avait pour objet ou pouvait avoir pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence sur le marché ;

Considérant qu'en l'espèce la concertation incriminée n'a pas eu lieu au moment des appels d'offres effectués à l'automne 1995 mais à une date antérieure, lors de la refonte du B.P.U. ;

Considérant que le B.P.U. est un document technique et financier qui définit l'ensemble des prestations auxquelles peut donner lieu l'éxécution des travaux envisagés et affecte à chacune de ces prestations un prix ; que l'appel d'offre a alors pour objet d'obtenir des entreprises intéressées une proposition de rabais ou de majoration par rapport au B.P.U., celui-ci étant joint au réglement de l'appel d'offre soumis à la consultation des entreprises ;

Considérant que le dernier bordereau applicable aux travaux d'électrification rurale dans le département d'EURE-ET-LOIR remontant à plusieurs années, son actualisation est apparue nécessaire pour l'adapter à l'évolution des techniques, notamment à l'accroissement de la part des travaux d'enfouissement des lignes ; que par lettre du

3 août 1995, C. D..., agissant pour le compte de la direction départementale de l'agriculture, s'est adressé à Christian C..., pris en sa qualité de "représentant et interlocuteur (du) syndicat professionnel pour les affaires électriques concernant le département d'EURE-ET-LOIR", l'objet de cette correspondance, relative selon son intitulé à la "modification du bordereau des prix d'EURE-ET-LOIR", étant une invitation à une rencontre "pour discuter du bordereau des prix unitaires à mettre en oeuvre afin de renouveler les marchés de clientèle du département arrivant à terme en fin d'année" ; qu'il a ensuite transmis au même destinataire un document appelé "nouveau bordereau de prix unitaires de réglement" que Christian C... a communiqué aux entreprises concernées par une lettre du 8 septembre 1995 ainsi libellée :

"En vue de notre prochaine réunion, je vous prie de trouver ci-joint le projet de bordereau que Monsieur D... nous demande de chiffrer" ; Considérant que, selon une attestation envoyée aux enquêteurs et une note de son ancien supérieur hiérarchique, C. D... ne se serait adressé qu'à Christian C..., pour une consultation limitée aux "articles du B.P.U.";

Considérant cependant que les documents produits aux débats ne confirment pas cette analyse et ne démontrent pas non plus que les entreprises mises en cause ont été au-delà de la demande formulée par le maître d'oeuvre ;

Considérant en effet que si C. D... ne s'est pas directement adressé aux enteprises déjà détentrices des lots d'électrification rurale dans l'EURE-ET-LOIR, il a néanmoins choisi comme interlocuteur le représentant local du syndicat des entrepreneurs de réseaux et de constructions électriques et n'a en aucune manière exclu dans sa

lettre du 3 août 1995 invitant à une concertation sur le B.P.U. que les entreprises concernées puissent travailler à son actualisation ; Considérant en outre que le prix des prestations est l'un des éléments essentiels du B.P.U. ; que la lettre du 3 août 1995 ne comportait aucune restriction et n'indiquait ou ne suggérait nullement que la discussion proposée devait être limitée à la définition des prestations techniques insérées au bordereau ; que les entreprises intéressées étaient d'autant plus fondées à croire que cette discussion pouvait valablement porter sur l'ensemble des rubriques du document qu'elles ont reçu de la Direction Départementale de l'Agriculture elle-même un projet de B.P.U. actualisé comportant non seulement une liste des prestations mais aussi leur prix unitaire hors taxe ; qu'informé par ces entreprises de leurs propres suggestions de prix, C. D... s'est borné à en prendre acte et à indiquer qu'il se réservait une entière liberté pour la fixation définitive des prix du nouveau B.P.U., sans relever que ses interlocuteurs se seraient mépris sur la teneur exacte du travail qui leur était demandé ;

Considérant enfin qu'outre celle du maître d'oeuvre, l'indépendance ou l'autonomie de décision des entreprises a également été préservée, aucune pièce du dossier ne démontrant d'un manière concrète l'existence entre ces entreprises d'un échange d'informations et d'une concertation illicite sur les rabais ou majorations de prix susceptibles d'être ultérieurement proposés, lors de la divulgation des éléments du nouveau B.P.U. avec les appels d'offres ;

Considérant en définitive que, dès lors que la seule concertation incriminée, relative à la fixation des prix du nouveau bordereau, a eu pour origine une demande du maître d'oeuvre de l'opération d'actualisation et ne procède pas d'une initiative ou de l'action

délibérée des entreprises concernées, il n'y a pas lieu à sanction ; que la décision du Conseil de la Concurrrence doit en conséquence être réformée ;

Considérant que si la Cour peut ordonner la restitution d'une somme d'argent versée à tort, encore faut-il que la preuve du paiement indu soit fournie ; qu'elle ne saurait en revanche accueillir la demande de la société ALSTOM tendant au remboursement des sommes "éventuellement" versées ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu de donner à EATP l'acte demandé, une telle décision étant dépourvue d'effet juridique ;

Considérant que les circonstances de l'affaire ne justifient pas l'application de l'article 700 du NCPC au profit d'ALSTOM ; PAR CES MOTIFS Réforme la décision déférée, en ce qu'elle a prononcé des sanctions pécuniaires contre les sociétés ALSTOM ENTREPRISE, SEEE, SNTE et L'ENTREPRISE INDUSTRIELLE. Dit n'y avoir lieu à sanction contre ces sociétés. Rejette toutes autres demandes. Laisse les dépens à la charge du Trésor A... LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 2000/14612
Date de la décision : 09/01/2001

Analyses

CONCURRENCE - Pratique anticoncurrentielle - Entente - Conditions - Entrave à la concurrence - Appréciation - Pratique licite

L'existence d'une entente illicite lors de la refonte du bordereau des prix unitair- es à mettre en oeuvre dans un département déterminé n'est pas établie lorsque ladite concertation procède, non pas d'une initiative ou de l'action délibérée des entreprises concernées, mais de la demande du maître d'oeuvre de l'opération d'actualisation


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2001-01-09;2000.14612 ?
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