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16/06/2000 | FRANCE | N°1998/24864

France | France, Cour d'appel de Paris, 16 juin 2000, 1998/24864


COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section C X... DU 16 JUIN 2000

(N , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/24864

Pas de jonction

Décision dont appel : Jugement rendu le 30/04/1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE

INSTANCE de PARIS è Ch. RG n : 1998/01692

Date ordonnance de clôture : 5 Mai 2000

Nature de la décision : CONTRADICTOIRE

Décision : INFIRMATION

APPELANT :

S.A.R.L. SAF SAT

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège

...

34970 LA

TTRES

représentée par la SCP AUTIER, avoué

assistée de Maître Y..., Avocat au Barreau de MONTPELLIER,

INTIME :

S.A FRANCE TELECOM

pris...

COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section C X... DU 16 JUIN 2000

(N , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/24864

Pas de jonction

Décision dont appel : Jugement rendu le 30/04/1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE

INSTANCE de PARIS è Ch. RG n : 1998/01692

Date ordonnance de clôture : 5 Mai 2000

Nature de la décision : CONTRADICTOIRE

Décision : INFIRMATION

APPELANT :

S.A.R.L. SAF SAT

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège

...

34970 LATTRES

représentée par la SCP AUTIER, avoué

assistée de Maître Y..., Avocat au Barreau de MONTPELLIER,

INTIME :

S.A FRANCE TELECOM

prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège

6 Place d'Alleray

75015 PARIS

représentée par la SCP VALDELIEVRE-GARNIER, avoué

assistée de Maître A..., Toque A324, Avocat au Barreau de PARIS

INTIME : U.N.A.F. UNION NATIONALE DES ASSOCIATIONS FAMILIALES, Association Loi 1901 prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège ... représentée par la SCP VALDELIEVRE-GARNIER, avoué assistée de Maître A..., Toque A324, Avocat au Barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats Monsieur BOUCHE, conseiller rapporteur, a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés puis il en a rendu compte à la Cour dans son délibéré. Lors du délibéré, Président : Madame DESGRANGE Conseiller : Monsieur BOUCHE Conseiller : Monsieur SAVATIER DEBATS : A l'audience publique du 11 mai 2000 tenue en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Greffier : Madame BAUDUIN ARRET : Prononcé publiquement par Madame le Président DESGRANGE, qui a signé la minute avec Madame BAUDUIN , Greffier.

*

*

*

La société SAF SAT a pour activité l'exploitation de plusieurs services télématiques offerts au grand public.

Pour chacun de ces services, elle a signé avec la société FRANCE TELECOM un contrat qui comporte des conditions particulières auxquelles s'adjoignent les conditions générales Télétel "dont les souscripteurs reconnaissent avoir reçu un exemplaire"; à ces conditions générales sont jointes des annexes, dont la deuxième concerne les "recommandations déontologiques relatives aux services télématiques".

Le 7 avril 1997 FRANCE TELECOM a requis un huissier de justice pour interroger cinq fournisseurs sur Minitel édités par la société SAF SAT.

Estimant que les messages affichés et les titres de vidéo-cassettes proposés avaient des connotations pédophiles et zoophiles, FRANCE TELECOM a suspendu le 9 avril 1997 sans préavis les cinq codes, sans recueillir l'avis préalable et obligatoire du Comité de Télématique

Anonyme -CTA- au motif que le poste de son président était alors vacant et que le Comité ne pouvait se réunir; il a saisi celui-ci pour avis le 11 avril.

Le 22 avril 1997, à la requête de la société SAF SAT le juge des référés de Montpellier a ordonné à FRANCE TELECOM sous astreinte de rétablir les services suspendus; la Cour d'appel de Montpellier a confirmé le 25 septembre 1997 cette ordonnance, tout en supprimant l'astreinte.

Entre temps, le CTA a fait connaître sa délibération le 1er août; il a reconnu le caractère pédophile et zoophile des services proposés par la société SAF SAT mais a refusé de donner un avis sur la demande de résiliation des contrats, la procédure n'ayant pas été respectée par FRANCE TELECOM.

Autorisée à assigner au fond à jour fixe, FRANCE TELECOM a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande de résiliation judiciaire des cinq contrats et d'allocation de dommages-intérêts; l'Union Nationale des Associations Familiales -l'UNAF- est intervenue volontairement dans la procédure afin d'obtenir également des dommages-intérêts.

Par jugement du 30 avril 1998, ce tribunal a débouté FRANCE TELECOM et l'UNAF de toutes leurs demandes, et a condamné FRANCE TELECOM à payer à la société SAF SAT la somme de un franc de dommages-intérêts et à supporter la charge des dépens à l'exception de ceux d'intervention de l'UNAF.

L société SAF SAT a fait appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions du 26 février 2000 resignifiées le 20 avril qui saisissent la Cour, elle abandonne la plupart de ses moyens et limite désormais son appel au montant des dommages-intérêts.

Elle réclame 1.300.000F de dommages-intérêts et 30.000F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

La société FRANCE TELECOM et l'UNAF demandent à la Cour d'examiner l'ensemble du litige en application de l'article 562 du Nouveau Code de Procédure Civile et concluent par même avoué.

FRANCE TELECOM conclut essentiellement à l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a refusé de prononcer la résolution judiciaire des cinq contrats pour violation des obligations contractuelles relatives aux bonnes mours; elle demande la condamnation de la société SAF SAT à lui payer 900.000F de dommages-intérêts et 20.000F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

L'UNAF réclame 150.000F de dommages-intérêts et 10.000F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile

MOTIFS DE LA COUR

Considérant qu'il n'est plus sérieusement contesté par la société SAF SAT en appel qu'elle a proposé sur cinq de ses serveurs, "Concorde", "Fantas", "Prélud", "PVP" et "Concord-REVP" des publicités pour des vidéo-cassettes pornographiques dont le tribunal a fait un bref énoncé; qu'elle a permis sur ces mêmes codes des dialogues contenant des termes faisant expressément référence à la pornographie et à la zoophilie;

Que ces comportements caractérisent les manquements de la société SAF SAT à ses obligations contractuelles définies par l'article 4-1 des conditions générales et par leur annexe 2 dont elle déclare avoir pris connaissance et qui stipule notamment en son article 3-A: "Le fournisseur de services s'engage à ne pas utiliser ou suggérer la représentation d'activités contraires aux lois en vigueur et de ce

fait à porter atteinte à l'image de FRANCE TELECOM et à celle des fournisseurs de services télématiques. "En particulier, il s'engage à ne pas mettre à la disposition du public des messages à caractère violent ou pornographique, des messages susceptibles par leur nature de porter atteinte au respect de la personne humaine et de sa dignité, de l'égalité entre les hommes et les femmes et à la protection des enfants et des adolescents";

Que la cessation des services litigieux de la société SAF SAT était d'autant plus nécessaire et impérieuse qu'ils étaient accessibles à tout public, et donc aux mineurs.

Considérant que la société SAF SAT fonde sa demande de dommages-intérêts uniquement sur la violation incontestable par FRANCE TELECOM de la procédure préalable aux décablages; qu'elle soutient qu'en n'obtérant pas à l'ordonnance de référé, puis à l'arrêt de la Cour d'Appel de Montpellier, FRANCE TELECOM a attenté à sa liberté, et l'a privée de recettes qu'elle chiffre à 1.300.000F.

Mais considérant que FRANCE TELECOM est fondée à critiquer le jugement déféré en ce qu'il a exclu toute résiliation judiciaire au prétexte que les contrats suspendus comportent une clause résolutoire et que les dispositions de cette clause, qui font la loi des parties, n'ont pas été respectées;

Que l'article 1184 du Code Civil dispose en effet, que :"la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement";

Que la partie qui reproche à son cocontractant une violation de ses obligations a le choix entre diverses procédures de résiliation, parmi lesquelles n'est jamais exclue celle soumise à l'arbitrage du juge, quand bien même le contrat prévoit ses propres mécanismes de résiliation.

Or, considérant qu'à défaut d'application des règles contractuelles sur la résiliation, FRANCE TELECOM est recevable et fondée à s'adresser aux juges pour voir prononcer cette résiliation fondée sur la violation délibérée et démontrée de la société SAF SAT à ses obligations déontologiques intégrées aux obligations contractuelles; Que, dans l'esprit des contrats, cette résiliation judiciaire des cinq contrats doit être prononcée à la date du 1er août 1997 où le CTA a fait connaître son délibéré, préalable contractuel à la résiliation;

Que le préjudice économique dont se prévaut la société SAF SAT se limite dès lors au manque à gagner constaté entre le décablage irrégulier de ses cinq services le 9 avril 1997, et la résiliation le 1er août suivant;

Or considérant que la suspension litigieuse concernait des services exploités en infraction aux contrats et aux bonnes mours;

Que la société SAF SAT n'est pas fondée à se plaindre de la perte de bénéfices commerciaux générés par une activité contraire aux obligations contractuelles qui lui est totalement imputable;

Que le jugement qui a condamné FRANCE TELECOM à lui payer une indemnité , fût-elle de principe, doit être réformé.

Considérant que le préjudice de FRANCE TELECOM pour atteinte à son image de marque n'est pas démontré.

Qu'en revanche, l'infirmation du jugement déféré et l'équité l'autorisent à réclamer l'indemnisation de ses frais irrépétibles.

Considérant que la société SAF SAT ne conteste plus la recevabilité de l'intervention volontaire de l'UNAF, dont l'objectif défini par ses statuts et par l'article 3 du Code de la Famille lui permet d'exercer devant toutes juridictions l'action civile relative aux faits qui nuisent aux intérêts moraux et matériels des familles;

Que les services proposés par la société SAF SAT, accessibles à toutes personnes, y compris aux mineurs, concernent la vente de vidéo-cassettes et permettent des dialogues contraires aux bonnes mours et aux intérêts des familles et des enfants; qu'il suffit d'en énumérer quelques titres pour s'en convaincre: "avalanche de sperme", "suprêmes salopes" "éclatement anal", "adolescentes excitées", "amateurs de fantasmes pervers", "sodo d'ados" etc.;

Que tout utilisateur est invité au surplus à se procurer gratuitement les catalogues pornographiques disponibles 24h sur 24 par Minitel, et à passer commande, sans que la société SAF SAT soit en mesure de vérifier l'âge de la personne qui les commande;

Que le préjudice moral subi par les familles doit être indemnisé par une somme qui ne saurait être inférieure à 100.000F;

Que l'UNAF doit au surplus en équité être indemnisée de ses frais irrépétibles de défense.

PAR CES MOTIFS

Infirmant le jugement du 30 avril 1998,

Prononce la résiliation judiciaire à la date du 1er août 1997 des cinq contrats télématiques souscrits par la société SAF SAT avec la société FRANCE TELECOM pour l'exploitation des services suivants :

-3615 CONCORDE

-3615 FANTAS

-3615 PRELUD

-3615 PVD

-3623 CONCORD-REVP

Déboute la société SAF SAT et la société FRANCE TELECOM de leurs demandes de dommages-intérêts;

Recevant l'Union nationale des Associations Familiales -l'UNAF- en son intervention,

Condamne la société SAF SAT à lui payer cent mille francs de dommages-intérêts (100.000F) et 10.000F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamne la société SAF SAT à payer à la société FRANCE TELECOM 10.000F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Condamne la société SAF SAT aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Admet la VALDELIEVRE Z... avoué, au droit de recouvrement direct dans les conditions prévues par l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1998/24864
Date de la décision : 16/06/2000

Analyses

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Résiliation - Résiliation judiciaire - Inexécution

Il est de principe qu'à défaut d'application des règles contractuelles pour la résiliation, un cocontractant est recevable et fondé à s'adresser aux juges pour voir prononcer la résiliation fondée sur la violation, délibérée et démontrée, par l'autre partie de ses obligations déontologiques intégrées à ses obligations contractuelles


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2000-06-16;1998.24864 ?
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