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10/05/2000 | FRANCE | N°1998/25686

France | France, Cour d'appel de Paris, 10 mai 2000, 1998/25686


COUR D'APPEL DE PARIS 1è chambre, section A ARRÊT DU 10 MAI 2000

(N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/25686 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 18/06/1998 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 19è Ch. RG n : 1997/09515 Date ordonnance de clôture : 22 mars 2000 Nature de la décision :

CONTRADICTOIRE Décision : RÉFORMATION APPELANTE : ASSOCIATION U.L.F. UNION DES LIBRAIRES DE FRANCE devenue LE SYNDICAT NATIONAL DE LA LIBRAIRIE FRANCAISE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 73, rue du Moulin Ve

rt - 75014 PARIS représentée par Maître BOLLING, avoué assistée de Maître ...

COUR D'APPEL DE PARIS 1è chambre, section A ARRÊT DU 10 MAI 2000

(N , 6 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/25686 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 18/06/1998 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 19è Ch. RG n : 1997/09515 Date ordonnance de clôture : 22 mars 2000 Nature de la décision :

CONTRADICTOIRE Décision : RÉFORMATION APPELANTE : ASSOCIATION U.L.F. UNION DES LIBRAIRES DE FRANCE devenue LE SYNDICAT NATIONAL DE LA LIBRAIRIE FRANCAISE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 73, rue du Moulin Vert - 75014 PARIS représentée par Maître BOLLING, avoué assistée de Maître Christian COCHET, Avocat au Barreau de LILLE, INTIMÉE : S.A. LE GRAND LIVRE DU MOIS prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 15, rue des Sablons - 75116 PARIS représentée par Maître BLIN, avoué assistée de Maître Daniel AUBRY, Toque R213, Avocat au Barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Président : Madame Claire FAVRE Conseiller : Madame Geneviève BREGEON Conseiller : Monsieur Dominique GARBAN DÉBATS : A l'audience publique du 22 mars 2000 MINISTÈRE PUBLIC représenté lors des débats par Madame Brigitte GIZARDIN , substitut du Procureur Général qui a développé ses conclusions orales. GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Madame Ngoc-Ngon NGUYEN ARRÊT :

Contradictoire Prononcé publiquement par Madame FAVRE, Président, laquelle a signé la minute avec Madame NGUYEN , Greffier

L'UNION DES LIBRAIRES DE FRANCE et l'ASSOCIATION DES LIBRAIRES DE BANDES DESSINÉES reprochant à la société LE GRAND LIVRE DU MOIS de violer systématiquement les dispositions de la loi du 10 août 1981 sur le prix du livre, l'ont assignée, par exploit du 23 janvier 1997, pour faire cesser sous astreinte toute offre de vente par catalogue ou revue et toute vente par son réseau de détail faite en violation des dispositions de ce texte et obtenir sa condamnation à leur payer,

à chacune, la somme de 100.000 F à titre de dommages intérêts outre celle de 15.000 F en application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

Par jugement du 18 juin 1998, le tribunal de commerce de Paris a :

- dit qu'en attribuant sous forme de primes des ouvrages achetés et revendus moins de 2 ans après et réapprovisionnés depuis moins de 6 mois, la société LE GRAND LIVRE DU MOIS n'a pas respecté l'article 6 de la loi du 10 août 1981 sur le prix du livre ;

- interdit à cette société de poursuivre ce système de vente pour ce type d'ouvrages dans les conditions précitées ;

- fixé l'astreinte à 10.000 F par titre mentionné comme prime possible, dans le catalogue de la société LE GRAND LIVRE DU MOIS ;

- condamné la société LE GRAND LIVRE DU MOIS à payer à chaque association demanderesse un franc de dommages et intérêts ;

- dit n'y avoir lieu à article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire de sa décision.

- rejeté toute autre prétention des parties. LA COUR,

Vu l'appel de cette décision interjeté par l'UNION DES LIBRAIRES DE FRANCE devenu le SYNDICAT NATIONAL DE LA LIBRAIRIE FRANOEAISE (ci-après désigné "le SYNDICAT") ;

Vu les conclusions en date du 10 décembre 1999 de ce dernier qui demande à la cour de : - ordonner à la société LE GRAND LIVRE DU MOIS

de cesser toute offre de vente par catalogue ou revue, sous astreinte de 50.000 F par ouvrage, ou collection d'ouvrages dont elle ne serait pas l'éditeur et qui serait faite en violation des dispositions de la loi du 10 août 1981 ; - ordonner également à la société LE GRAND LIVRE DU MOIS de cesser toute offre de vente de livre qui serait éditée par elle et qui serait accompagnée d'un point cadeau ou toute offre de remise de livre gratuit contre l'envoi de ces points cadeaux, lorsque cette vente concerne des ouvrages dont la première édition remonte à moins de neuf mois de celle proposée par cette société, et ce, sous astreinte de 50.000 F pour tout livre figurant au catalogue ou dans les revues publiées par celle-ci et à compter de la signification de la décision à intervenir ; - condamner la société LE GRAND LIVRE DU MOIS à lui payer une somme de 500.000 F à titre de dommages et intérêts complémentaires en regard des violations des dispositions de l'article 4 de la loi du l0 août 1981 ;

Vu les conclusions du 22 mars 2000 de la société LE GRAND LIVRE DU MOIS (ci après désigné LE GRAND LIVRE) qui prie la cour de : - confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré l'Union des Libraires de France et l'association des Libraires de Bandes Dessinées mal fondées en leurs prétentions ; - la déclarer recevable en son appel incident ; - l'y déclarer bien fondée et, réformant partiellement le jugement du tribunal de commerce du 18 juin l998 : - dire que l'opération promotionnelle incriminée portant sur la vente d'albums de bandes dessinées ne constitue pas une infraction à la loi du l0 août 1981 ; - en conséquence, infirmer la cessation sous astreinte ordonnée par les premiers juges et la condamnation qui a été prononcée à son égard de payer à l'Union des Libraires de France et à l'Association des Libraires de Bandes Dessinées la somme de 1 F à titre de dommages-intérêts ; - condamner le Syndicat National de la Librairie Française à lui payer une indemnité de 35.000 F en

application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ;

SUR CE, Sur la vente d'albums de bandes dessinées à prix réduit

Considérant que le SYNDICAT reproche au GRAND LIVRE d'avoir proposé à la vente (dans les pages 54 et 55 du N° 160 de sa revue) par courtage 25 albums ASTERIX pour le prix de 20 albums, soit une remise de 20% à laquelle le GRAND LIVRE ajoute un crédit de 4 points permettant d'obtenir un album supplémentaire gratuit, soit donc une remise réelle de 23% par rapport au prix public ;

Qu'il fait également grief au GRAND LIVRE de proposer la collection "BOULE et BILL" du dessinateur X..., éditée par les éditions DUPUIS, avec une remise de près de 24 % par rapport au prix public, de plus de 25% si on y ajoute la prime de trois points ;

Que, selon le SYNDICAT, la collection LARGO WINCH est proposée avec une remise de plus de 20 % et la série "XIII" fait l'objet d'une remise de 18 % ;

Que chaque ouvrage commandé donne droit à une prime sous forme d'un point qui représente le quart de la valeur d'un livre, soit une remise de 25 % ;

Considérant que, le GRAND LIVRE affirme que la pratique consistant à remettre 25 livres au client qui paie 20 livres ne caractérise pas une violation de l'article 1er alinéa 4 de la loi car une prime (qui peut être aussi réalisée par l'octroi de points cadeaux), ne saurait être assimilée à un rabais ;

Mais considérant, selon l'article 1er alinéa 4 de la loi du 10 août 1981, que les détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 et 100 % du prix fixé par l'éditeur ou l'importateur ;

Considérant que la remise de 25 titres à celui qui n'a payé, au prix public, que 20 titres ne peut s'analyser en une vente avec prime dès

lors que, selon les dispositions de l'article 6 de la loi "les ventes à primes ne sont autorisées... que si elles sont proposées par l'éditeur ou l'importateur", qualités que l'intimé ne revendique pas, ou si "elles portent sur des livres faisant l'objet d'une édition exclusivement réservée à la vente par courtage...", une telle édition réservée n'étant pas davantage invoquée ;

Que par suite, la technique de vente employée par le GRAND LIVRE consiste, en réalité, à pratiquer à l'égard de sa clientèle un rabais en violation des dispositions de l'article 1er alinéa 4 de la loi ;

Sur l'indépendance des ventes à primes et le délai de neuf mois

Considérant que le SYNDICAT reproche également à l'intimé d'avoir proposé dans sa revue n° 164 datée de février 1997 l'ouvrage "le dernier Mitterrand" au prix de 125 F, mais pouvant être obtenu gratuitement contre 5 points cadeau ou donnant lieu à l'attribution d'un point cadeau égal à 1/5ème de la valeur de l'ouvrage, alors qu'il avait été procédé au dépôt légal de ce livre, le 6 janvier 1997, avec un prix public de 125 F ; qu'il ajoute que la même offre a été utilisée dans des conditions comparables, pour près de 50 ouvrages figurant dans la revue de février 1997 ;

Considérant que le GRAND LIVRE admet dans ses conclusions qu'en "général l'achat d'un livre donne droit à un point-cadeau et quatre points -cadeau donnent droit à un livre gratuit" mais soutient " que les points-cadeau ne donnent pas droit à des réductions de prix ou à un remboursement en espèces ,.. que le point-cadeau répond donc à la définition de la prime différée donnée par l'article L 121-35 du Code de la Consommation" ;

Qu'il fait valoir également que le législateur reconnaissant le rôle particulier des clubs de livres dans la pénétration géographique du lectorat et l'incitation à la lecture, n'édicte aucune interdiction temporaire des ventes à primes ;

Mais considérant, selon l'article 4 de la loi du 10 août 1981, que toute personne qui publie un livre en vue de sa diffusion par courtage, abonnement ou par correspondance moins de neuf mois après la mise en vente de la première édition, fixe pour ce livre un prix de vente au public au moins égal à celui de cette première édition ; Considérant que ce texte n'a donc pas été respecté par le GRAND LIVRE lorsque, vendeur d'un tel livre, il a offert à l'acquéreur de l'ouvrage sous le couvert de "points cadeau", la possibilité d'acquérir un autre exemplaire du même titre ou un ouvrage comparable, (soit immédiatement s'il possède déjà 3 ou 4 points-cadeau, selon le cas, soit plus tard), à un prix qui sera, en réalité, payé par l'addition des réductions de 20 à 25 % ainsi consenties sur le prix public de l'ouvrage ou d'un ouvrage comparable ;

Considérant que les pratiques ci-dessus relevées du GRAND LIVRE en ce qu'elles sont contraires aux règles qui s'imposent à tous les libraires, portent indéniablement atteinte à l'intérêt collectif défendu par le SYNDICAT et lui cause un préjudice moral qui sera intégralement réparé par l'allocation de la somme de 50.000 F sans qu'il y ait lieu de faire droit aux demandes d'injonctions sollicitées ;

Considérant que le GRAND LIVRE étant débouté de toutes ses demandes et condamné aux dépens aucune somme ne saurait lui être allouée sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS Réformant le jugement,

Condamne la société LE GRAND LIVRE à payer au SYNDICAT NATIONAL DE LA LIBRAIRIE FRANOEAISE la somme de 50.000 F à titre de dommages-intérêts ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes ;

Condamne la société LE GRAND LIVRE aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés dans les conditions de l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. Le Greffier

Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1998/25686
Date de la décision : 10/05/2000

Analyses

VENTE - Vente commerciale - Livre - Prix de vente au public

Selon l'article 1er alinéa 4 de la loi du 10 août 1981, les détaillants doivent pratiquer un prix effectif de vente au public compris entre 95 et 100 % du prix fixé par l'éditeur ou l'importateur. La remise de 25 titres à celui qui n'a payé, au prix public, que 20 titres ne peut s'analyser en une vente avec prime dès lors que, selon les dispositions de l'article 6 de la loi "les ventes à primes ne sont autorisées... que si elles sont proposées par l'éditeur ou l'importateur", qualités que l'auteur de l'offre ne revendique pas, ou si "elles portent sur des livres faisant l'objet d'une édition exclusivement réservée à la vente par courtage...", une telle édition réservée n'étant pas davantage invoquée. Par suite, la technique de vente employée par l'auteur de l'offre consiste, en réalité, à pratiquer à l'égard de sa clientèle un rabais en violation de l'article 1er alinéa 4 de la loi


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2000-05-10;1998.25686 ?
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