COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section C ARRET DU 28 AVRIL 2000
(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/05606 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 21/01/1998 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS 3è Ch. RG n : 1997/01040 Date ordonnance de clôture : 2 Décembre 1999 Nature de la décision :
CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANT : S.A.R.L. LOTES prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 58 Avenue de Wagram 75017 PARIS et aussi 53 rue François 1er 75008 PARIS représentée par la SCP BERNABE-CHARDIN-CHEVILLER, avoué assistée de Maître COHEN, Toque E51, Avocat au Barreau de PARIS INTIME : S.A. PIERRE BALMAIN prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 44 rue François 1er 75008 PARIS représentée par la SCP GIBOU-PIGNOT-GRAPPOTTE-BENETREAU, avoué assistée de Maître BIZET, Toque P92, Avocat au Barreau de PARIS, CABINET BIZET ET ASSOCIES COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Président :
Madame DESGRANGE X... : Monsieur BOUCHE X... : Monsieur SAVATIER Y... : A l'audience publique du 3 mars 2000 GREFFIER : Lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt Greffier : Madame Z..., ARRET : Prononcé publiquement par Madame le Président DESGRANGE, qui a signé la minute avec Madame Z..., Greffier.
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* Le 13 novembre 1995, la société anonyme PIERRE BALMAIN a signé avec la société à responsabilité limitée LOTES deux contrats de licence de
fabrication et de distribution exclusive portant l'un sur des chaussettes pour hommes et femmes, l'autre sur des sous-vêtements masculins pour un territoire défini incluant la France, avec pour point de départ la saison printemps-été 1996, le terme étant fixé au 31 décembre 2000, étant précisé que l'avenant en date du 4 juin 1994 l'a fixé au 30 juin 2001. Le montant de la redevance était de 6% sur le chiffre d'affaires réalisé par le licencié outre une redevance de promotion de 1% sur ce même chiffre d'affaires. Estimant que les points de vente tels les magasins TATI et des solderies dans lesquels la société LOTES distribuait les produits fabriqués sous licence "Pierre Balmain" ne correspondaient pas aux critères définis dans les articles 6-5 et 6-8 des contrats quant au prestige et à la notoriété de sa marque, la société PIERRE BALMAIN, après avoir mis en demeure le 13 septembre 1996 la société LOTES de se conformer aux dispositions du contrat et de cesser ces pratiques, a résilié les deux contrats par lettre recommandée avec avis de réception en date du 21 novembre 1996. Par acte du 16 décembre 1996, la société LOTES a saisi le tribunal de Commerce de Paris pour faire constater le caractère abusif de cette double résiliation et demander la réparation du préjudice qui en est résulté et qui est constitué de la perte de sa marge bénéficiaire, de l'atteinte à son crédit commercial et du préjudice matériel né des investissements réalisés. Par jugement du 21 janvier 1998, le tribunal a débouté la société LOTES de ses demandes et l'a condamnée à payer à la société PIERRE BALMAIN la somme de 3.010.500F à titre de dommages-intérêts outre celle de 15.000F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, aux motifs que la société LOTES ne démontre pas avoir reçu l'accord préalable de la société PIERRE BALMAIN sur la constitution du réseau de vente et sur les ventes à TATI après le 31 décembre 1995 et que la société LOTES a manqué à ses obligations contractuelles en
mettant en vente des produits de marque "Pierre Balmain" dans des points de vente à prix réduit. La société LOTES a interjeté appel de cette décision. Dans ses dernières conclusions en date du 1er décembre 1999 auxquelles il est renvoyé, la société LOTES affirme qu'elle a communiqué, dès le 25 décembre 1995, à la société PIERRE BALMAIN, la liste des points de vente, par un courrier dont elle retient que le caractère apocrype allégué par la société PIERRE BALMAIN dans la plainte pour faux que celle-ci avait déposée, a été définitivement écarté par l'arrêt prononcé le 20 octobre 1999 par la Chambre d'Accusation de la Cour d'Appel de Paris. Elle ajoute que cette juridiction a également déclaré non établi le caractère mensonger imputé par la société PIERRE BALMAIN aux informations contenues dans deux attestations de Monsieur de Givenchy qui était directeur des licences de la société PIERRE BALMAIN lors de la conclusion des contrats. Elle relève que ces attestations établissent la preuve que la liste des points de vente était connue de la société PIERRE BALMAIN et résultait d'un accord passé entre celle-ci et la société LOTES. Elle soutient avoir rempli dans ces conditions, ses obligations de licencié et conteste à la société PIERRE BALMAIN le droit de prétendre n'avoir eu connaissance des points de vente que durant l'été 1996. Elle ajoute que le discours tenu par la société PIERRE BALMAIN sur le prestige et la notoriété de sa marque prétendument avilis par la société LOTES est en totale contradiction avec la vente des produits "Pierre Balmain" sur des marchés publics et dans des magasins populaires ainsi qu'elle l'a fait constater. La société LOTES relève que les contrats litigieux ne répondent pas aux conditions requises en matière de distribution sélective par les règles internes et communautaires, et que les produits concernés ne nécessitent pas le recours à une distribution spécialisée; que dans le passé la société PIERRE BALMAIN a accepté de vendre ses produits
chez TATI et que les contrats ne contiennent aucune disposition sur la qualification des revendeurs ni sur les installations; qu'enfin les critères de prestige et de notoriété mentionnés aux contrats sont vagues et imprécis. Elle conclut en conséquence à l'infirmation du jugement déféré en soulignant que tout en écartant la qualification de contrat de distribution sélective, les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences juridiques de cette constatation de fait. En ce qui concerne le préjudice dont elle demande réparation, elle le chiffre : -pour le préjudice financier à la somme de 23.450.000F correspondant à la marge bénéficiaire qu'elle aurait pu réaliser si les deux contrats s'étaient poursuivis jusqu'à leur terme, -pour l'atteinte à son crédit commercial à la somme de 100.000F, -pour le préjudice matériel résultant des investissements effectués pour promouvoir la marque "Pierre Balmain" et au remboursement de la redevance de 1% pour les frais de publicité à la somme de 80.000F. A titre subsidiaire, dans le cas où la Cour estimerait la résiliation fondée, elle conteste le calcul opéré par le tribunal pour allouer à la société PIERRE BALMAIN des dommages-intérêts qui selon l'article 13-3 du contrat ne peuvent excéder les redevances minimales garanties dues au titre de l'année 1997. Elle prie la Cour de déclarer irrecevable comme nouvelle la demande en indemnisation présentée par la société PIERRE BALMAIN pour obtenir la somme de 2.844.194F au titre des dépenses de publicité engagées en 1997 et 1998 pour faire face à la perte de prestige subie du fait de l'avilissement de la marque. Elle forme enfin une demande de condamnation de la société PIERRE BALMAIN à lui payer la somme de 50.000F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Dans ses dernières conclusions en date du 25 novembre 1999 auxquelles il est renvoyé, la société PIERRE BALMAIN conclut à la confirmation du jugement déféré mais à sa réformation en ce qui concerne l'existence du préjudice
distinct de la privation des redevances minimales garanties qu'elle a subi du chef de l'atteinte portée à son prestige et à sa renommée du fait des agissements de la société LOTES, pour lequel elle demande la somme de 2.844.194F majorée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, somme qui correspond aux dépenses engagées pour y remédier. Elle réclame la somme de 50.000F au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel. La société PIERRE BALMAIN justifie la résiliation des contrats en affirmant qu'ils prévoyaient la distribution d'accessoires de la marque de luxe "Pierre Balmain" dans des points de vente qualitativement conformes à l'image de prestige et de luxe de cette marque. Elle relève que cette forme de distribution exclusive, qualitative et conforme aux dispositions communautaires n'autorise pas la vente des articles portant la marque de luxe "Pierre Balmain" dans un environnement avilissant tels des solderies, les magasins TATI, sans l'accord de la société PIERRE BALMAIN. Elle conteste formellement avoir autorisé la vente dans les magasins litigieux et dénie toute valeur tant à la lettre en date du 26 décembre 1995 adressée par la société LOTES à Monsieur de Givenchy qu'aux attestations de ce dernier en relevant leur manque de crédibilité tenant au fait qu'il a été licencié en mai 1996 par la société PIERRE BALMAIN. Elle affirme avoir manifesté son désaccord dès qu'elle a eu connaissance des points de vente de la société LOTES et réfute l'affirmation de la participation de la société PIERRE BALMAIN à la banalisation de sa marque que tire la société LOTES de la présence, relevée par celle-ci, de produits griffés "Pierre Balmain" dans des magasins de type soldeur ou des marchés publics. Elle conteste les méthodes utilisées par la société LOTES pour calculer le préjudice qu'elle prétend avoir subi du fait du manque à gagner et dénie le bien fondé des demandes de la société LOTES formées au titre de l'amortissement de l'investissement et de
la restitution de la redevance de promotion. SUR CE, LA COUR :
Considérant que selon deux contrats en date du 13 novembre 1995, la société PIERRE BALMAIN a confié à la société LOTES la licence, la fabrication et la distribution exclusive de sous-vêtements masculins et de chaussettes hommes et femmes; Qu'il est constant que les points de distribution ne sont pas prévus dans les contrats qui font obligations au licencié de maintenir le prestige attaché à la marque "Pierre Balmain" tant en ce qui concerne la qualité des articles vendus, leur emballage et leur présentation que les lieux d'exposition et la vente où ils seront proposés au public. Considérant que comme l'ont énoncé à juste titre les premiers juges et ainsi qu'en conviennent les parties dans leurs écritures, le dispositif mis en place par les sociétés PIERRE BALMAIN et LOTES ne constitue pas un contrat de distribution sélective, en l'absence dans les conventions liant les parties, de toute disposition prévoyant l'agrément préalable des distributeurs d'après des critères objectifs et de caractère qualitatif fixés de manière non discriminatoire et ayant pour effet de réserver la vente des produits d'une marque aux seuls revendeurs agréés. Considérant que la société PIERRE BALMAIN n'a jamais contesté la qualité des produits fabriqués par la société LOTES ni les conditions de présentation et d'emballage; qu'elle fonde la résiliation des contrats à laquelle elle a procédé le 21 novembre 1996 sur le fait que la société LOTES a mis en vente ses produits sous licence dans des points de vente qu'elle estime totalement dévalorisants pour sa marque, notamment dans les magasins TATI et chez des soldeurs permanents. Considérant qu'au soutien de son argumentation, la société PIERRE BALMAIN se fonde sur les dispositions de l'article 6-5 des contrats selon lesquels "les lieux d'exposition et de vente ou les "produits" seront exposés au public devront avoir un caractère compatible avec le prestige et le renom
attaché à la marque, objet de la licence en considération, notamment des meilleures conditions de qualité, de compétence et d'image de marque du point de vente". Considérant que les clauses conventionnelles imposent que les produits soient vendus dans des points de vente qui assurent une compétence et une qualité de la vente de sorte que soient garantis le prestige et le renom de la marque "Pierre Balmain"; Que force est de constater que les stipulations contractuelles relatives à la garantie du prestige et du renom de la marque sont vagues et imprécis et ne définissent pas de critères objectifs et identifiables; qu'elles ne comportent aucune disposition sur la localisation du point de vente , son environnement, (centre-ville, quartier périphérique, rue commerçante, proximité d'autres commerces de luxe) la surface, sa décoration interne et externe, ses vitrines; que le seul rappel, dans le préambule des contrats, du prestige et de la notoriété dans le domaine de la mode et de ses accessoires sur le plan mondial des marques "Pierre Balmain" ne peut, à défaut de définition des critères permettant de reconnaître les points de vente pouvant entrer dans cette catégorie, justifier le grief de dépréciation et d'atteinte intolérable à son image que formule la société PIERRE BALMAIN à l'encontre de la société LOTES en lui reprochant la vente de ses produits dans les magasins TATI. Considérant que la société PIERRE BALMAIN prétend que les clients des magasins TATI dont elle indique que le slogan est "le prix le plus bas", ne se préoccupent pas du prestige ni de la notoriété des marques" et que les produits commercialisés dans les rayons de ces magasins sont des produits bas de gamme destinés à une clientèle à faible capital économique ; qu'elle en conclut que les conditions de qualité et d'image de marque des magasins TATI est incompatible avec le prestige de la marque "Pierre Balmain". Considérant que cette analyse qui n'est assortie
d'aucune démonstration est inexacte ; que la société PIERRE BALMAIN convient d'ailleurs dans ses écritures inspirées d'une étude conduite par un professeur de sciences économiques que "les mutations sociologiques et économiques amènent les entreprises exerçant dans l'industrie de luxe à lancer des articles plus accessibles et à des prix moins élevés afin d'augmenter leur chiffre d'affaires dans le souci de véhiculer les valeurs d'excellence de la marque dans une logique de diversification"; que tel est bien le cas des sous-vêtements masculins et des chaussettes qui constituent les produits fabriqués sous licence "Pierre Balmain" distribués par la société LOTES et qui sont l'objet du présent litige. Considérant qu'il se déduit de cette analyse que le point de vente qui respecte la qualité et la présentation du produit convenus, ce qui n'est nullement contesté par la société PIERRE BALMAIN, répond aux critères de compétence et de qualité exigés du distributeur; qu'à cet égard aucune critique n'est formulée sur les conditions dans lesquelles ont été fabriqués et vendus dans les magasins TATI les produits considérés; qu'il est manifeste que les produits en cause, sous-vêtements masculins et chaussettes, ne possèdent pas de propriétés telles qu'ils ne sauraient être offerts aux acheteurs sans une intervention de distributeurs spécialisés et nécessiteraient le conseil spécifique à la vente que garantit une distribution spécialisée et sélective; qu'il s'agit de produits dérivés dont le mode de distribution ne saurait avilir la logique commerciale de l'industrie du luxe alors même que celle-ci reconnaît qu'elle décide de les créer, à la fois pour augmenter ses performances économiques, comme l'admet la société PIERRE BALMAIN, et pour faire connaître la marque; que le seul fait que ces marchandises sont vendues sous une marque de luxe n'est pas de nature à leur conférer la qualification de produit de luxe éligible à un système de distribution sélective
qui au demeurant a été totalement écarté des stipulations contractuelles. Considérant qu'à supposer qu'il l'ait estimé nécessaire pour les marchandises litigieuses, c'est au titulaire de la marque qu'il appartenait de définir les critères de sélection des revendeurs aptes à les commercialiser et non pas au distributeur auquel aucun manquement ne peut être reproché à cet égard. Considérant qu'ayant reconnu de manière explicite dans ses écritures que la commercialisation des produits dérivés "Pierre Balmain" visait à donner accès à l'image du luxe à la clientèle la plus large, la société PIERRE BALMAIN ne peut se plaindre que cet objectif ait été atteint dans les points de vente litigieux qui ont enregistré les résultats commerciaux satisfaisants que démontrent les documents comptables produits; qu'il est manifeste que ces points de vente ont été fréquentés par une clientèle diversifiée dans ses composants et unanimement attachée à acquérir dans les meilleures conditions et, surtout s'ils sont porteurs d'une marque de renom, les produits de grande consommation que sont les sous-vêtements et des chaussettes; qu'ainsi la société PIERRE BALMAIN ne rapporte pas la preuve que la commercialisation de ceux-ci dans les lieux de distribution tels les magasins TATI, choisis par la société LOTES a entraîné un avilissement de sa marque, de sorte que le grief allégué par la société PIERRE BALMAIN à l'encontre de la société LOTES n'est pas fondé. Considérant qu'il est en revanche établi et non contesté par la société PIERRE BALMAIN que la présence de certains produits griffés tels cravates, ceintures, costumes a été relevée sur des marchés publics et dans des lieux spécifiquement caractéristiques de solderie; que les pièces mises aux débats, spécialement une facture de la société Mondial Diffusion, société de vente en gros d'articles de grande marque ainsi qu'un constat d'huissier établi le 23 juin 1999 dans les locaux de la société Jerem installée dans la zone
d'activité "Quai des marques", connue pour être un centre commercial de solderies permanentes démontrent que des costumes et vestes "Pierre Balmain" y sont vendus à des prix "discount"; que ce fait incontesté apporte la preuve que la société PIERRE BALMAIN accepte que des produits de moins grande diffusion que des sous-vêtements et des chaussettes soient cependant distribués en dehors du marché sélectif dans des conditions qui favorisent, si ce n'est l'avilissement de sa marque comme elle le reproche vainement à la société LOTES, certainement sa banalisation. Considérant que la société PIERRE BALMAIN est d'autant moins fondée à reprocher à la société LOTES d'avoir manqué à ses obligations contractuelles et d'avoir porté atteinte à son prestige et à son renom qu'en dépit de ses dénégations la preuve est rapportée qu'elle a conclu les contrats litigieux en connaissance de cause du réseau de distribution de ses produits fabriqués sous licence; que contrairement aux énonciations du tribunal, la lettre du 26 décembre 1995 contenant la liste des quatorze points de vente du réseau de distribution de la société LOTES pour les sous-vêtements et chaussettes "Pierre Balmain" constitue un élément déterminant quant à l'appréciation par la société PIERRE BALMAIN des griefs qu'elle formule sur les conditions de la distribution de ses produits; Qu'il est établi que par l'intermédiaire de Monsieur A... de Givenchy qui a été directeur des licences de la société PIERRE BALMAIN pendant dix ans et qui l'était lors de la conclusion des contrats litigieux, la société PIERRE BALMAIN a eu connaissance de la liste des points de vente de la société LOTES en France; Que rien ne permet de contredire le fait que Monsieur A... de Givenchy a déclaré d'une part, avoir reçu en mains propres de la gérante de la société LOTES une lettre du 26 décembre 1995 contenant la liste de points de vente du réseau de distribution LOTES, d'autre part, avoir indiqué que cette lettre
confirmait un accord verbal intervenu entre la société PIERRE BALMAIN et la société LOTES sur les modalités de la distribution des produits sur lesquelles les contrats sont muets; que les deux attestations dans lesquelles Monsieur de Givenchy indique avoir effectivement autorisé la société LOTES à vendre les produits fabriqués sous licence "Pierre Balmain" dans les magasins TATI ne sauraient être écartées au motif d'un litige prud'homal existant entre l'intéressé et la société PIERRE BALMAIN; qu'en effet, au terme de l'information ouverte sur la plainte avec constitution de partie civile déposée par la société PIERRE BALMAIN pour faux , usage de faux, établissement de faits matériellement inexacts et usage, la Chambre d'Accusation de cette Cour a confirmé dans un arrêt du 20 octobre 1999 l'ordonnance de non-lieu du magistrat instructeur de laquelle il résulte que rien ne permet d'établir que le courrier du 26 décembre 1995 constitue un faux et que les déclarations concordantes des dirigeants de la société LOTES et de Monsieur de Givenchy ne correspondraient pas à la teneur des conventions internes, ni que l'attestation rédigée par Monsieur de Givenchy contiendrait des affirmations mensongères. Considérant que dans ces conditions, la société PIERRE BALMAIN est mal venue à critiquer le choix commercial qu'elle a agréé par son directeur des licences à l'époque de la conclusion des contrats; qu'il est significatif, comme le relève justement la société LOTES, qu'aucune difficulté s'est survenue au début des relations commerciales entre les sociétés LOTES et PIERRE BALMAIN ; que les résultats commerciaux ont été satisfaisants et n'ont appelé aucune remarque de la société PIERRE BALMAIN, que les problèmes ne sont apparus qu'après le licenciement en mai 1996 de Monsieur de Givenchy et le changement intervenu dans la direction de la société PIERRE BALMAIN; que la société PIERRE BALMAIN ne peut se retrancher derrière le fait que Monsieur de Givenchy a été licencié pour prétendre
n'avoir pas donné son accord à la liste des points de vente validée par son directeur des licences de l'époque et sur laquelle elle n'a émis aucune protestation jusqu'en juillet 1996 pour prétendre n'avoir eu connaissance qu'à cette date, d'une liste des points de vente ne répondant pas selon elle aux critères de sélection définis par l'article 6-5 des contrats. Considérant que cette prétention est d'autant plus inexacte que la société LOTES apporte la preuve qu'elle a communiqué ses points de vente, conformément aux prescriptions de l'article 6-5, 3 OE qui oblige le licencié à adresser pour chaque saison et au plus tard le 15 juillet et le 15 janvier, la liste détaillée des points de vente; qu'elle a adressé la première liste le 26 décembre 1995 et une seconde le 1er août 1996 ; que contrairement aux allégations de la société PIERRE BALMAIN, il est établi que la liste des clients a été communiquée le 26 décembre 1995 préalablement à la commercialisation et non pas seulement le 1er août 1996 comme l'a retenu à tort le tribunal. Considérant qu'il s'ensuit que la politique de vente ayant été exposée de façon claire et transparente à la société PIERRE BALMAIN en la personne de son directeur des licences dès le début de la commercialisation des produits, et cette politique de vente n'encourant pas les griefs allégués par la société PIERRE BALMAIN, celle-ci a procédé de manière abusive à la résiliation des deux contrats de licence conclu avec la société LOTES; que le jugement sera infirmé et la société PIERRE BALMAIN condamnée à réparer le préjudice subi par la société LOTES en lien de causalité avec la résiliation fautive des deux contrats de licence opérée par la société PIERRE BALMAIN. Considérant que la société LOTES réclame en réparation du préjudice subi à la suite de la rupture des deux contrats conclus avec la société PIERRE BALMAIN la somme de 23.450.000F au titre de son préjudice financier, celle de 100.000F au titre de l'atteinte portée à son crédit commercial, celle
de 300.000F au titre de l'amortissement de son investissement, enfin celle de 80.000F au titre de la restitution de la redevance de promotion de 1% sur ce chiffre d'affaires .a restitution de la redevance de promotion de 1% sur ce chiffre d'affaires . Considérant que le fait que les contrats aient prévu que la société PIERRE BALMAIN fasse la promotion des produits sous sa seule responsabilité et sans que le licencié puisse intervenir d'aucune façon ôte tout fondement à la réclamation présentée par la société LOTES pour obtenir restitution des sommes versées à ce titre. Considérant qu'en revanche, contrairement à ce que prétend la société PIERRE BALMAIN, la société LOTES justifie avoir effectué pour promouvoir les produits "Pierre Balmain" des investissements importants; qu'elle produit aux débats les factures établies pour la réalisation de présentoirs en plexiglas, ainsi que des emballages et des paquets cadeaux qu'elle justifie avoir procédé à des prises de vues, photos, diapositives et films pour les sous-vêtements masculins et produit les factures afférentes; que la résiliation abusive par la société PIERRE BALMAIN ouvre à la société LOTES droit à réparation du fait qu'elle n'a pu amortir les dépenses ainsi engagées ni recueillir le fruit de ses investissement importants. Considérant que les agissements de la société PIERRE BALMAIN ont porté atteinte au crédit commercial de la société LOTES qui a été conduite à renoncer à commercialiser les produits "Pierre Balmain" dans les magasins TATI, ce qui a entraîné une désorganisation de son circuit commercial et a créé un préjudice qui justifie réparation. Considérant que pour l'appréciation du préjudice financier subi par la société LOTES, il sera tenu compte de ce -que pour la première période contractuelle, le chiffre d'affaires minimum à réaliser pour chaque contrat était de 4.700.000F, que le chiffre d'affaires au 30 novembre 1996 qui est de 6.862.552,15F HT permet de considérer que le minimum contractuel des ventes aurait été
réalisé sans la rupture; que le licencié a été autorisé à céder le stock qui était au 31 décembre 1996 de 3.196.000F HT, au cours des six mois suivant la réalisation, conformément aux stipulations contractuelles, -que la marge brute de la société LOTES sur les produits vendus calculée sur le résultat global est de 35%, étant précisé que ne sont pas prises en compte dans le calcul de la marge bénéficiaire la redevance de 6% versée par la société LOTES à la société PIERRE BALMAIN ni celle de 1% complémentaire pour la publicité; qu'ainsi la marge nette s'établit pour l'année 1997 à 3850.K.F. -que la société LOTES indique que son chiffre d'affaires aurait été pour 1997 de onze millions et pour chacune des années 1998 à 2001 de quatorze millions; qu'elle précise que ces chiffres ont été estimés en fonction des objectifs minimaux des contrats de licence et de l'observation du chiffre d'affaires qu'elle a réalisé avec les marques "Carven", "Lapidus" et "Torrente" avec lesquelles elle a signé fin 1996 des contrats de licence de marque pour un réseau de clients identiques à celui refusé par la société PIERRE BALMAIN. -que la résiliation est intervenue après un an pour des contrats conclu pour une durée de cinq années. Considérant que l'indemnisation du préjudice doit être limitée aux pertes effectivement subie par le distributeur en raison de la faute commise par la société PIERRE BALMAIN; que les pertes d'exploitation de la société LOTES ont été limitées dans leur montant par l'effet des contrats de licence qu'elle a, après la rupture avec la société PIERRE BALMAIN passés avec les sociétés CARVEN, LAPIDUS et TORRENTE pour des produits similaires; qu'ainsi à partir des éléments dont elle dispose sur les différents postes de préjudice invoqués par la société LOTES, la Cour usant de son pouvoir d'appréciation arrête à la somme global de six millions et demi de francs tous chefs confondus le montant de la somme que la société PIERRE BALMAIN sera condamnée à payer à la
société LOTES en réparation du dommage résultant de la résiliation abusive des deux contrats de licence signés le 13 mai 1995. Considérant que la société PIERRE BALMAIN qui succombe et sera condamnée au paiement des dépens ne peut prétendre à des dommages-intérêts ni au bénéfice des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Considérant que l'équité commande de faire application de ce texte au bénéfice de la société LOTES en lui allouant la somme de 30.000F. PAR CES MOTIFS La Cour, Déclare recevable l'appel formé par la société LOTES, Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré. Statuant à nouveau, Condamne la société PIERRE BALMAIN à payer à la société LOTES la somme de six millions et demi de francs à titre de dommages-intérêts et celle de 30.000F sur le fondement de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs. Condamne la société PIERRE BALMAIN aux dépens de première instance et d'appel, avec admission pour ces derniers de l'avoué concerné, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile. LE GREFFIER LE PRESIDENT