COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section C ARRET DU 28 AVRIL 2000
(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1997/27200 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 04/11/1997 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de MEAUX è Ch. RG n : 1996/03102 Date ordonnance de clôture : 13 Janvier 2000 Nature de la décision :
CONTRADICTOIRE Décision : CONFIRMATION PARTIELLE APPELANT : S.N.C.F. Etablissement Public à caractère industriel et commercial prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 88 rue Saint Lazare 75009 PARIS représentée par Maître RIBAUT, avoué assistée de Maître CAUDRON, Toque B712, Avocat au Barreau de PARIS INTIME :
Groupement d'Intérêt Economique LABORATOIRE FRANCAIS DU FRACTIONNEMENT ET DES BIOTECHNIQUES pris en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 3 avenue des Tropiques 91940 LES ULIS représenté par la SCP AUTIER, avoué assisté de Maître GOUT, Toque P261, Avocat au Barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Président : Madame DESGRANGE X... : Monsieur BOUCHE X... : Monsieur SAVATIER Y... : A l'audience publique du 3 mars 2000 GREFFIER : Lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt Greffier : Madame Z... , ARRET :
Prononcé publiquement par Madame le Président DESGRANGE, qui a signé la minute avec Madame Z... , Greffier.
Le vendredi 6 octobre 1995, le groupement d'intérêt économique LABORATOIRE FRANCAIS DU FRACTIONNEMENT ET DES BIOTECHNIQUES (le L.F.B.) a confié à l'agence de la SERNAM de CHELLES le transport de deux palettes de colis de produits pharmaceutiques d'un poids total de 251 kilogrammes à destination du service pharmacie de l'hôpital PELLEGRIN de BORDEAUX. L'expéditeur a choisi le régime d'acheminement SX qui prévoit que "tout envoi remis un jour donné ... doit être présenté au domicile du destinataire au plus tard le lendemain du jour de la remise avant 12 heures". Le coût du transport a été de 810,24 F.
Selon l'hôpital, les marchandises ont été découvertes à midi le dimanche 8 octobre 1995, déposées sur un trottoir en plein soleil, en dehors de l'enceinte de la pharmacie. Le destinataire a écrit le jour même au L.F.B. pour l'avertir qu'il demandait l'échange des produits. Le 8 octobre 1996, le L.F.B. a assigné la S.N.C.F. en paiement d'une somme de 132 227 F, représentant la valeur des marchandises.
Par jugement du 4 novembre 1997, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de MEAUX a rejeté la fin de non recevoir tirée de la prescription de l'article 108 du Code de commerce, soulevée par la SNCF, et a condamné celle-ci à payer au L.F.B. la somme de 132 227 F avec intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 1996, date de l'assignation, outre celle de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
A l'appui de son appel, la SNCF fait valoir que la demande est prescrite, l'assignation ayant été délivrée plus d'un an après le 7 octobre 1995, qui est à la fois la date prévue contractuellement pour la livraison et le jour de la livraison effective, aucune livraison n'étant faite le dimanche.
Subsidiairement, elle invoque la clause limitative de responsabilité
des conditions générales Service Express pour limiter la somme due en réparation à 15 000 F. Elle soutient que cette clause est valable et doit s'appliquer, aucune faute lourde ne pouvant lui être reprochée, alors qu'il appartient à l'expéditeur, qui n'avait pas confié la marchandise "sous température dirigée" de prévoir un emballage adapté aux conditions du transport qu'il avait choisi. Elle indique qu'il appartenait à l'expéditeur de souscrire une assurance s'il estimait la valeur de la marchandise supérieure à la limite prévue aux conditions générales.
La SNCF conclut à l'infirmation du jugement, à l'irrecevabilité de la demande, et, subsidiairement, à ce que son offre de payer la somme de 15 000 F soit déclarée satisfactoire. Elle demande en outre la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.
Le L.F.B., dans ses dernières écritures datées du 18 novembre 1999, auxquelles il est renvoyé, prétend que la prescription de l'article 105 du Code de commerce n'est pas acquise puisqu'il n'est pas établi que la livraison est intervenue le 7 octobre 1995 et qu'en l'espèce, il n'y a pas de perte totale, de sorte que la référence au jour de livraison prévue est inopérante. Il soutient que la SNCF ne peut lui opposer les clauses de limitation de sa responsabilité qui ne lui étaient pas connues et qu'il n'avait pas acceptées et alors qu'elle a commis une faute lourde en abandonnant les marchandises sans décharge du destinataire, en plein soleil et en livrant avec retard.
Il conclut à la confirmation du jugement qui sera modifié quant au point de départ des intérêts qui sera fixé au 28 décembre 1995, date de la mise en demeure. Il demande, en outre, la somme de 15 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. SUR CE, LA COUR :
Considérant que le transport s'achève avec la livraison ; qu'en
l'espèce la SNCF n'apporte pas la preuve de ce que celle-ci aurait été faite régulièrement le 7 octobre 1995, puisqu'elle ne justifie pas avoir remis la marchandise à une personne autorisée à la recevoir par le destinataire et en mesure d'en contrôler l'état et d'en prendre possession ; que, si elle allègue que son chauffeur a déchargé la marchandise dans l'enceinte de l'hôpital et l'a abandonnée ainsi, sans avoir obtenu une décharge, cela ne saurait valoir livraison ; que dès lors, le délai de prescription prévu par l'article 108 du Code de commerce n'a pu commencer à courir le 7 octobre 1995 ; qu'ainsi, l'assignation ayant été délivrée le 8 octobre 1996, l'action n'est pas prescrite ;
Considérant que la SNCF a rapporté à son client que son chauffeur lui a déclaré qu'il s'est présenté au local où habituellement il livre la marchandise et que celui-ci étant fermé, il a déposé les palettes sous un avant toit comme le lui a demandé une infirmière qui a refusé d'émarger le bon de livraison ;
Considérant qu'en abandonnant dans ces conditions les palettes transportées sans vérifier qu'un responsable était averti du dépôt des marchandises et acceptait de les recevoir, alors que la lettre de voiture indiquait expressément qu'il s'agissait de médicaments urgents, et que le type de transport en express devait garantir l'expéditeur de leur remise dans le court délai contractuellement prévu, le chauffeur a commis une faute dont doit répondre la SNCF ; que cette négligence est d'une gravité telle qu'elle confine au dol et démontre son inaptitude à la mission contractuelle qui lui avait été confiée ; que le L.F.B. est donc fondé à reprocher à la SNCF une faute lourde exclusive de toute limitation de responsabilité ;
Considérant que la SNCF ne discute pas la réalité de l'avarie survenue aux marchandises à raison de leur exposition à une température élevée ; qu'elle ne discute pas plus le montant du
dommage dont réparation lui est demandée ; que dès lors, il y a lieu de confirmer le jugement ;
Considérant cependant qu'il sera réformé en ce qu'il a fait courir les intérêts au taux légal à compter de l'assignation alors qu'il est justifié que la SNCF a été mise en demeure dès le 28 décembre 1995 ; Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a fait courir les intérêts du 8 octobre 1997,
Dit que les intérêts au taux légal courent à compter du 28 décembre 1995,
Rejette toutes autres demandes,
Condamne la SNCF aux dépens qui seront recouvrés par l'avoué concerné comme il est dit à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile. LE GREFFIER
LE PRESIDENT