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31/03/2000 | FRANCE | N°1998/18811

France | France, Cour d'appel de Paris, 31 mars 2000, 1998/18811


COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section C ARRET DU 31 MARS 2000

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/18811 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 22/05/1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 9/2è Ch. RG n :

1997/15228 Date ordonnance de clôture : 9 Décembre 1999 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : CONFIRMATION PARTIELLE APPELANTS : Monsieur X... Y... demeurant 61 rue d'Anjou 75008 PARIS Madame PONSART Z... épouse X... ... par la SCP LECHARNY-CHEVILLER, avoué assistés de Maître LAURET, Toque D1232,

Avocat au Barreau de PARIS INTIME :

S.A. CREDIT LYONNAIS prise en la per...

COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section C ARRET DU 31 MARS 2000

(N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/18811 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 22/05/1998 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 9/2è Ch. RG n :

1997/15228 Date ordonnance de clôture : 9 Décembre 1999 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : CONFIRMATION PARTIELLE APPELANTS : Monsieur X... Y... demeurant 61 rue d'Anjou 75008 PARIS Madame PONSART Z... épouse X... ... par la SCP LECHARNY-CHEVILLER, avoué assistés de Maître LAURET, Toque D1232, Avocat au Barreau de PARIS INTIME :

S.A. CREDIT LYONNAIS prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 19 Boulevard des Italiens 75002 PARIS représentée par Maître HARDOUIN-HERSCOVICI, avoué assistée de Maître RUSSEL, Toque A102, Avocat au Barreau de PARIS, CABINET COURNOT

COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats Madame DESGRANGE, conseiller rapporteur, a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés, puis elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré.

Lors du délibéré, Président : Madame DESGRANGE A... : Monsieur BOUCHE A... : Monsieur B...

DEBATS : A l'audience publique du 15 février 2000 tenue en application de l'article 786 du Nouveau Code de Procédure Civile

GREFFIER : Lors des débats et du prononcé de l'arrêt Greffier :

Madame C...

ARRET : Prononcé publiquement par Madame le Président DESGRANGE, qui a signé la minute avec Madame C..., Greffier.

*

[*

*]

Selon contrats souscrits les 2 mai 1994, 1er juillet 1994 et 11 avril 1996, Monsieur et Madame X... ont pris en location au siège central du Crédit Lyonnais, Boulevard des Italiens les coffres n 25, 36, et 1405.

A la suite de l'incendie des locaux de la banque survenu le 5 mai 1996, les étages supérieurs se sont écroulés en chaîne sur la dalle du rez-de-chaussée, et l'effondrement s'est poursuivi au premier et au deuxième sous-sol dans les salles des coffres qui sont devenues inaccessibles. Un arrêté de péril pris le 12 mai 1996 par le Préfet de Police a été notifié au Crédit Lyonnais.

Par acte du 10 juillet 1997, Monsieur et Madame X... ont assigné le Crédit Lyonnais pour obtenir condamnation de celui-ci à leur verser la somme de 104.081,30F en réparation de leur préjudice direct et celle de 140.000F au titre de dommages-intérêts pour leur préjudice indirect outre celle de 10.000F sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par jugement du 22 mai 1998, le tribunal de grande instance de Paris a dit satisfactoire l'offre du Crédit Lyonnais de régler à Monsieur et Madame X... la somme de 13.500F pour réparer le dommage causé à un coffret à bijoux iranien, le seul des objets précieux entreposés dans lesdits coffres qui ait été endommagé et a condamné le CREDIT

LYONNAIS à payer en tant que de besoin cette somme à Monsieur et Madame X... .

Il les a déboutés des autres demandes qu'ils avaient présentées invoquant le fait qu'ils ont dû louer un coffre de substitution, engager des frais de manutention d'emballage et de transfert, régler le coût des effractions des deux coffres 25 et 1405 dont les clés se trouvaient dans le coffre 356 ainsi que des agios, l'ensemble de ces frais ayant placé leur compte courant en débit et demandant réparation des préjudices indirects subis du fait du non-accès à leurs coffres, de l'impossibilité de vendre des ouvres d'art et de n'avoir pu en conséquence participer à l'adjudication d'un château.

Monsieur et Madame X... ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions en date du 31 août 1999, auxquelles il est renvoyé, les appelants reprennent leurs demandes telles que formulées en première instance et demandent réparation de leurs préjudices directs et indirects.

Ils critiquent les premiers juges de les avoir déboutés sur le fondement des dispositions des articles 1722 et 1733 du code civil dont ils contestent l'application à la location de coffre forts. Ils ajoutent que de toute façon, fait défaut l'exigence de destruction totale requise par l'article 1722 du Code civil pour justifier la résiliation du bail de plein droit sans dédommagement en relevant que les coffres forts n'ont pas été détruits et que seuls leur accès et leur usage ont été interdits.

Ils font valoir que le CREDIT LYONNAIS tenu à une obligation de

résultat quant à la sécurité ne peut se prévaloir du cas fortuit ou de la force majeure ; que le caractère volontaire de l'incendie à l'origine du dommage l'exclut.

Ils concluent à l'infirmation du jugement et à la condamnation du CREDIT LYONNAIS à leur payer les sommes de 104.081,30F avec actualisation des intérêts au jour du paiement et celle de 140.000F au titre de dommages-intérêts ainsi que celle de 20.000F pour les frais irrépétibles exposés dans l'instance.

Dans ses dernières conclusions en date du 10 mai 1999, auxquelles il est renvoyé, le CREDIT LYONNAIS conclut à la confirmation du jugement déféré et au débouté des demandes de Monsieur et Madame X... en réclamant leur condamnation à lui payer la somme de 5.000F en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

SUR CE, LA COUR :

Considérant que les contrats litigieux concernent la location de trois coffres forts souscrits par Monsieur et Madame X... auprès de la banque le CREDIT LYONNAIS et localisés au siège central de cette banque, sis Boulevard des Italiens;

Considérant que le contrat par lequel une banque met un coffre fort à la disposition d'un client constitue un contrat de louage de bien meuble et se trouve régi par les dispositions du chapitre II du titre VIII du Code civil consacré au louage de choses;

Que s'il est exact que le banquier à une obligation particulière de surveillance et a le devoir de prendre toutes mesures pour assurer,

sauf impossibilité majeure, la sauvegarde du coffre et des objets qu'il contient et doit mettre en place des mesures de contrôle et y soumettre son client pour prévenir le vol ou la disparition des objets déposés, force est de constater que les relations qui existent entre la banque qui met à la disposition de son client un coffre fort entrent dans le champ contractuel du louage de biens meubles ou immeubles, aucune disposition légale ne permettant d'exclure la location de coffre fort du régime du louage de biens meubles ou immeubles.

Considérant que selon l'article 1722 du Code civil, "si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit; sil elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les mêmes circonstances demander ou une diminution du prix ou la résiliation même du bail. Dans l'un et l'autre cas, il n'y a lieu à aucun dédommagement".

Considérant qu'il n'est pas contesté que le 5 mai 1996, le siège du CREDIT LYONNAIS où se trouvaient les coffres loués par les époux X... a brûlé et que l'effondrement des étages a rendu inaccessible les salles des coffres en sous-sol ; que l'interdiction administrative résultant de l'arrêté pris par le Préfet de Police le 13 mai 1996 a rendu impossible à Monsieur et Madame X... l'accès aux coffres avant le 21 mars 1997.

Considérant qu'il est constant qu'à l'ouverture des coffres, il est apparu qu'un seul objet se trouvant dans le coffre 356, un coffret à bijoux iranien, avait été endommagé; que les appelants ne contestent pas qu'après l'estimation d'un expert chiffrant à 13.500F la dépréciation de l'objet, le CREDIT LYONNAIS a offert aux époux

X..., qui n'ont formulé aucune remarque sur le chiffrage de l'expert, de leur régler cette somme avant toute procédure.

Considérant que n'est pas fondée l'argumentation soutenue par les appelants selon laquelle il ne peut être fait en l'espèce application des dispositions de l'article 1722 du Code civil, au motif que les coffres n'ont pas été détruits mais que leur accès et leur usage leur ont simplement été interdits pour des raisons dont ils affirment que la responsabilité incombe à la banque; qu'en effet l'application de ce texte n'est pas restreinte au cas de perte totale mais s'étend à celui où, par suite des circonstances, le locataire se trouve dans l'impossibilité de jouir de la chose ou d'en faire un usage conforme à sa destination; que tel a été le cas en raison du fait de l'arrêté de péril du Préfet de Police qui a rendu inaccessible aux clients et donc inutilisable la chose louée jusqu'à ce qu'il soit possible d'accéder aux coffres, de les ouvrir et d'apprécier les dommages, étant rappelé qu'ils n'ont concerné qu'un coffret à bijoux iranien.

Considérant que les appelants prétendent vainement que le CREDIT LYONNAIS ne peut invoquer l'article 1722 du Code civil, en se bornant à prétendre qu'il s'agit d'un incendie volontaire et à affirmer que le fait que le feu ait pu être mis volontairement à l'intérieur du bâtiment est suffisant pour exclure la force majeure; que les allusions des époux X... selon lesquelles l'incendie qui a affecté l'immeuble du CREDIT LYONNAIS où se trouvaient les coffres loués n'aurait pas été d'origine accidentelle et n'aurait pas constitué un cas fortuit au sens de l'article 1722 du Code civil sont dénués de toute force probante; qu'en tout état de cause elles ne sont d'aucune portée pour démontrer que le CREDIT LYONNAIS aurait eu un système de surveillance et de détection des incendies défaillants et que la

force majeure devrait être écartée.

Considérant enfin que les contrats souscrits organisent la responsabilité du CREDIT LYONNAIS en cas de sinistre prouvé par incendie ayant entraîné la détérioration des objets contenus dans le compartiment du coffre dans la mesure où le locataire prouve, outre la consistance et le montant de son préjudice, que le CREDIT LYONNAIS n'a pas apporté la diligence normale convenue; que les époux X... ne rapportent pas cette preuve.

Considérant qu'en ce qui concerne l'article 1733 du Code civil invoqué par Monsieur et Madame X... dans leurs écritures, il ne concerne que la responsabilité incombant au locataire en cas d'incendie; qu'il n'y a pas lieu à application de ce texte, le CREDIT LYONNAIS n'entendant pas demander aux époux X... de prendre en charge la réparation des dégâts occasionnés à leurs coffres ni aux coffres voisins.

Considérant qu'il s'ensuit que le CREDIT LYONNAIS doit être condamné à payer à Monsieur et Madame X... la somme de 13.500F qu'il lui a offerte en réparation du préjudice au titre de la dépréciation du coffret à bijoux iranien retrouvé endommagé dans le coffre 356 à la suite du sinistre;

Qu'en revanche aucun autre dédommagement ne saurait être alloué aux appelants à la suite de la résiliation des contrats de louages qu'ils ont conclus avec le CREDIT LYONNAIS intervenue de plein droit ; que les demandes formées par Monsieur et Madame X... pour obtenir réparation des préjudices directs et indirects qu'ils invoquent ne sauraient être accueillies.

Qu'il n'est pas sans intérêt de rappeler que s'agissant des préjudices directs que la Cour écarte, sauf la dépréciation du coffret à bijoux iranien pour laquelle une indemnisation de 13.500F sera payée par le CREDIT LYONNAIS: -en ce qui concerne les frais d'effraction des coffres n 25 et 1405: elle a été nécessaire par le fait que Monsieur X... en avait placé les clés dans le coffre N 356; que l'intéressé l'a d'ailleurs reconnu et pour quoi il a donné son accord pour que le montant du coût de cette effraction soit débité de son compte; -en ce qui concerne le coût de location d'un coffre de substitution: il est constant , que l'article 1722 du Code civil interdit toute indemnisation; -en ce qui concerne les frais de manutention, d'emballage et de transport, aucune stipulation contractuelle ne permet leur mise à la charge du CREDIT LYONNAIS; -en ce qui concerne les agios, le préjudice n'est étayé par aucun élément. s'agissant des préjudices indirects: -en ce qui concerne le non-accès aux coffres, il est constant qu'il s'agit d'une impossibilité physique due à l'effondrement de la première dalle de la salle doublée d'une interdiction administrative prise par l'arrêté du 13 mai 1996, et constitutive de la force majeure et du fait du prince, qui exclue toute indemnisation; -en ce qui concerne la revendication des époux X... au titre de la prétendue impossibilité dans laquelle ils se seraient trouvés de participer à l'adjudication d'un château, il résulte des éléments versés aux débats et spécialement de lettres de la société civile la Chevalerie des 5 juin et 26 août 1996 que les appelants n'avaient en réalité pas visité la propriété mais s'étaient seulement manifesté auprès du vendeur; que leur intérêt pour cette propriété n'est pas établi.

Considérant que pour ces motifs il y a lieu de confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré sauf en celle de ses dispositions

ayant ordonné le partage des dépens qui seront mis à la charge de Monsieur et Madame X... qui succombent.

Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de procédure engagés dans l'instance.

PAR CES MOTIFS DE LA COUR

Déclare recevable l'appel formé par Monsieur et Madame X...;

Confirme le jugement sauf en celle de ses dispositions ayant statué sur les dépens.

Le réformant de ce seul chef,

Condamne Monsieur et Madame X... au paiement des dépens de première instance et d'appel, avec admission pour ces derniers de l'avoué concerné, au bénéfice de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Rejette toutes demandes autres ou contraires aux motifs.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1998/18811
Date de la décision : 31/03/2000

Analyses

BAIL (règles générales) - Perte de la chose - Article 1722 du Code civil - Domaine d'application

Le contrat par lequel une banque met un coffre-fort à la disposition d'un client constitue un contrat de louage de bien meuble et se trouve régit par les dispositions du Code civil relatives au louage de choses. Dès lors, par application de l'article 1722 du Code civil, si un objet détenu dans le coffre a été endommagé, le bailleur doit être condamné à payer une somme en réparation au titre sa dépréciation. Le preneur ne saurait néanmoins se voir allouer aucun dédommagement suite à la résiliation du contrat intervenue de plein droit


Références :

Code civil, article 1722

Décision attaquée : DECISION (type)


Composition du Tribunal
Président : Président : - Rapporteur : - Avocat général :

Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2000-03-31;1998.18811 ?
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