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11/02/2000 | FRANCE | N°1998/02408

France | France, Cour d'appel de Paris, 11 février 2000, 1998/02408


COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section C ARRET DU 11 FEVRIER 2000 (N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/02408 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 07/01/1998 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS è Ch. RG n : 1997/13347 Date ordonnance de clôture : 9 Décembre 1999 Nature de la décision :

CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANT : COMPAGNIE D'ASSURANCES SUN ALLIANCE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 12 bis rue de la Victoire 75009 PARIS représentée par la SCP D AURIAC-GUIZARD, avoué assistÃ

©e de Maître LACAN, Toque E490, Avocat au Barreau de PARIS INTIME : S.A...

COUR D'APPEL DE PARIS 5è chambre, section C ARRET DU 11 FEVRIER 2000 (N , pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 1998/02408 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 07/01/1998 par le TRIBUNAL DE COMMERCE de PARIS è Ch. RG n : 1997/13347 Date ordonnance de clôture : 9 Décembre 1999 Nature de la décision :

CONTRADICTOIRE Décision : INFIRMATION APPELANT : COMPAGNIE D'ASSURANCES SUN ALLIANCE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 12 bis rue de la Victoire 75009 PARIS représentée par la SCP D AURIAC-GUIZARD, avoué assistée de Maître LACAN, Toque E490, Avocat au Barreau de PARIS INTIME : S.A. VICKERS prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 17 rue du Moulin Florent 51420 WITRY LES REIMS représentée par Maître OLIVIER, avoué assistée de Maître SCHRIMPF, Toque R228, Avocat au Barreau de PARIS INTIME : S.A. AD MODELAGE prise en la personne de ses représentants légaux ayant son siège 5 rue de la Garenne - ZI Chesnes 38070 SAINT QUENTIN représentée par la SCP MONIN, avoué assistée de Maître ROULLET, Avocat au Barreau de LYON, SCP ELAYNA (T568) COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, Président : Madame DESGRANGE X... :

Monsieur BOUCHE X... : Monsieur SAVATIER Y... : A l'audience publique du 16 décembre 1999 GREFFIER : Lors des débats et lors du prononcé de l'arrêt Greffier : Madame Z... , ARRET :

Prononcé publiquement par Madame le Président DESGRANGE, qui a signé la minute avec Madame Z... , Greffier.

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[*

*]

La société VICKERS, équipementier automobile, a demandé à la société AD MODELAGE de réaliser un moule à 4 empreintes destiné à la fabrication de joints de blocs optiques avec démoulage automatique. Le moule livré n'étant pas conforme à la commande, la société VICKERS l'a fait reprendre par la société IMA. Le démoulage automatique n'a toutefois pas pu être mis en état de fonctionner. Dans l'attente de cette reprise, et pour répondre aux commandes de ses clients, la société VICKERS a assuré la production avec un moule prototype à deux empreintes. Elle a refusé de payer la facture de la société AD MODELAGE d'un montant de 537 876 F et lui a demandé réparation du préjudice qu'elle a subi à raison des frais et surcoûts de production que cette situation a entraînés.

A la demande de la société AD MODELAGE, un expert a été désigné en référé. Au vu de son rapport, la société VICKERS a assigné la société AD MODELAGE et la société SUN ALLIANCE ASSURANCES, auprès de laquelle cette dernière avait souscrit une police responsabilité civile des entreprises.

Par jugement du 7 janvier 1998, le tribunal de commerce de Paris a chiffré à 686 155 F le montant du préjudice de la société VICKERS dont la société AD MODELAGE est responsable, a dit qu'elle doit à cette dernière la somme de 537 876 F, montant de la facture pour le moule, a dit que l'appel en garantie de l'assureur est bien fondé, et, faisant compensation entre ces sommes, a condamné la société SUN ALLIANCE ASSURANCES, à payer à la société AD MODELAGE la somme de 537 876 F, et à la société VICKERS celle de 148 279 F, avec intérêts au taux légal à compter du jugement.

A l'appui de son appel, la société SUN ALLIANCE ASSURANCES fait valoir qu'aucun des chefs de réclamation de la société VICKERS n'entre dans le champ des garanties souscrites par la société AD MODELAGE, dès lors qu'ils sont consécutifs à un retard de livraison du moule commandé et à sa non conformité. Elle indique que les surcoûts invoqués constituent des dommages immatériels non consécutifs à un dommage garanti, de sorte qu'ils ne sont pas plus garantis.

Elle conclut à ce qu'elle soit déchargée de toute condamnation et que les sociétés VICKERS et AD MOULAGE soient chacune, condamnées à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société AD MODELAGE, dans ses dernières écritures en date du 2 décembre 1999, auxquelles il est renvoyé, conteste toute responsabilité dans le préjudice subi par la société VICKERS. Critiquant le rapport de l'expert, elle soutient que le retard est imputable à celle-ci qui a modifié sa commande, et qui a utilisé le moule conçu pour un type de presses sur un autre type, mal adapté au démoulage automatique. Subsidiairement elle prétend être garantie par son assureur pour ces dommages qui résultent directement des défauts de fabrication du moule qui s'est avéré, après livraison, impropre à l'usage auquel il était destiné, de sorte que le dommage subi par la société VICKERS est un dommage immatériel trouvant son origine dans un vice caché qui doit être garanti.

Elle conclut au rejet des demandes de la société VICKERS et à ce que celle-ci soit condamnée à lui payer la somme de 537 876 F, montant de sa facture, avec intérêts au taux légal à compter du jugement. Elle demande, aussi, que cette dernière et la société SUN ALLIANCE ASSURANCES soient condamnées à lui verser la somme de 35 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile.

La société VICKERS, dans ses dernières écritures en date du 25 novembre 1999, auxquelles il est renvoyé, indique que la société AD MODELAGE s'est montrée incapable, malgré la mise en demeure qu'elle lui avait adressée, d'exécuter ses obligations contractuelles et de mettre en conformité le moule avec ce qui avait été commandé. Elle indique avoir dû exposer une dépense de 191 800 F, HT, pour la mise au point du moule, et avoir supporté un surcoût de production pendant le délai nécessaire à celle-ci de 230 715 F. Elle fait valoir que le surcoût de main d'oeuvre nécessaire pour pallier le défaut de démoulage automatique s'est élevé à la somme de 576 880 F. Elle critique le jugement en ce qu'il lui a fait supporter partie de ce chef de préjudice. Elle prétend, enfin, que les défauts constatés entrent dans le champ de la garantie de l'assureur.

Elle demande que son préjudice soit fixé à la somme de 1 049 935 F, que la société AD MODELAGE et la société SUN ALLIANCE ASSURANCES soient condamnées à lui payer, avec intérêts à compter du 6 décembre 1996, date de dépôt du rapport de l'expert, outre la somme de 50 000 F au titre de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile. Elle conteste être tenue au paiement de la facture de la société AD MODELAGE. SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il ressort de l'expertise et des explications des parties que le litige est né du défaut de conformité du moule fabriqué par la société AD MODELAGE à la commande que lui en avait fait la société VICKERS ; qu'en particulier, ce moule ne permettait pas un démoulage automatique des pièces ; qu'il est constant que le défaut est apparu dès que la société VICKERS a été en possession du moule, ce qui l'a conduit d'abord à le retourner à la société AD MODELAGE, pour que celle-ci exécute son obligation de délivrance d'une chose conforme, ce qu'elle l'avait mis en demeure de faire en lui retournant ce matériel et en lui adressant deux télécopies les 4

et 22 août 1995, puis, le temps pressant à raison des délais de production auxquels elle s'était obligée, à le récupérer pour en faire assurer la reprise par la société IMA, qui n'a toutefois pas pu remédier à tous les défauts ; qu'après cette intervention, la société VICKERS a cependant utilisé le moule en l'état ;

Considérant qu'à la demande en paiement du prix, la société VICKERS oppose l'exception d'inexécution ; que cependant celle-ci n'a été que partielle puisque le moule fabriqué a servi ; qu'il y a donc lieu de déduire du prix convenu, 537 876 F, le montant des frais exposés par la société VICKERS pour parfaire le travail et rendre utilisable le matériel fabriqué par la société AD MODELAGE ; que ces frais ne sont justifiés que pour un montant de 201 522,60 TTC, montant la facture de la société IMA, en date du 16 octobre 1995, qui est produite ; qu'ainsi, celle-ci n'est fondée à réclamer à la société VICKERS que la somme de 336 353,40 F ; que, conformément à la demande de la société AD MODELAGE, il y a lieu de dire que cette somme produit intérêt à compter du jugement ;

Considérant que la société AD MODELAGE se borne à alléguer, sans produire aucune pièce, que la société VICKERS a modifié les spécifications de sa commande, pour soutenir que celle-ci serait responsable des préjudices invoqués ; que, cependant, elle n'a pas soumis à l'expert les arguments qu'elle fait valoir devant la Cour ; que, notamment, elle n'a pas mis en cause le rôle de la presse utilisée, dont elle allègue, sans produire aucune pièce de nature à l'établir, qu'elle n'aurait pas été celle prévue lors de la commande ; qu'elle n'apporte pas la preuve d'un rôle de la société VICKERS dans la production du dommage ;

Considérant qu'elle était tenue contractuellement de livrer un moule conforme aux spécifications de la commande ; qu'en particulier, elle avait accepté de fabriquer un moule avec démoulage automatique, que

n'ayant pas satisfait à cette obligation, elle est tenue de réparer l'entier préjudice qui en est résulté ;

Considérant que l'expert a accompli sa mission sans encourir les critiques de la société AD MODELAGE qui ne justifie d'ailleurs pas lui avoir demandé d'investigations complémentaires ; qu'aux termes de son rapport et des pièces produites par la société VICKERS, ainsi que des circonstances de la cause, la Cour trouve les éléments lui permettant de relever que le préjudice entraîné pour la société VICKERS par la mauvaise exécution de la commande se décompose en un surcoût lié à l'utilisation du moule prototype dans l'attente de la mise au point du moule définitif, qui peut être évalué à la somme de 230 715 F, et un surcoût lié à l'absence d'éjection automatique des pièces qui peut être évalué à la somme de 576 880 F ; que le préjudice commercial allégué par la société VICKERS, n'est établi, ni dans son principe, ni dans son montant ; qu'ainsi le préjudice total, que la société AD MODELAGE sera condamné à réparer, s'élève à la somme de 807 595 F ; qu'il y a lieu de dire que cette indemnité produit intérêt à compter du jugement ;

Considérant que la société AD MODELAGE a souscrit une assurance garantissant sa responsabilité civile qui, à l'article 4 - 13 des conditions générales, exclut expressément de la garantie les dommages immatériels qui sont la conséquence de dommages corporels ou matériels non garantis ou qui ne sont pas la conséquence de dommages corporels ou matériels ; qu'en outre, l'article 6 de ces conditions générales, stipule des exclusions spécifiques aux garanties après livraison, lesquelles portent sur les dommages subis par les biens, ouvrages ou travaux livrés par l'assuré, ainsi que sur l'ensemble des frais entraînés par la réparation ou le remplacement des biens livrés ; que ces exclusions s'appliquent à la garantie complémentaire "responsabilité civile professionnelle", celle-ci renvoyant

expressément aux exclusions visées aux conditions générales ;

Considérant que la société AD MODELAGE a, en outre, souscrit deux garanties complémentaires ; que l'une a pour objet de garantir les "dommages immatériels non consécutifs en responsabilité civile exploitation", survenant avant livraison, mais exclut "les conséquences de toute absence ou retard dans la fourniture de marchandises ou matériels ou dans l'exécution de travaux et prestations" ; que l'autre a pour objet de garantir les "dommages immatériels non consécutifs à un dommage garanti, pour autant qu'ils résultent d'un vice caché des biens livrés par l'assuré et survenant après livraison et/ou réception" ;

Considérant qu'en l'espèce, le dommage n'est que la conséquence du défaut de conception et de réalisation du moule livré, c'est à dire son défaut de conformité, lequel a entraîné un retard dans la livraison ainsi que des frais de mise au point et des surcoûts d'utilisation ; qu'en aucune manière le dommage n'a été provoqué par un vice caché du produit livré, ses défauts ayant toujours été apparents et connus de la société VICKERS ; qu'il s'agit, au sens de la police d'assurance souscrite par la société AD MODELAGE auprès de la société SUN ALLIANCE ASSURANCES, d'un dommage immatériel qui n'est pas la conséquence d'un dommage matériel garanti ; qu'il en résulte que l'assureur ne doit pas sa garantie ; que le jugement sera donc infirmé ;

Considérant qu'en conséquence, après compensation des sommes dont les parties sont créancières et débitrices, la société AD MODELAGE sera condamnée à payer à la société VICKERS la somme de 471 241,60 F, avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 1998 ;

Considérant que l'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau Code de procédure civile ; PAR CES MOTIFS :

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, et, statuant à nouveau,

Dit que la société SUN ALLIANCE ASSURANCES, ne doit pas sa garantie à la société AD MODELAGE,

Condamne la société AD MODELAGE à payer à la société VICKERS la somme de 471 241,60 F, avec intérêts au taux légal à compter du 7 janvier 1998,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société AD MODELAGE aux entiers dépens de première instance et d'appel, qui comprendront les frais d'expertise, et dit qu'ils seront recouvrés par les avoués concernés comme il est dit à l'article 699 du nouveau Code de procédure civile.

LE GREFFIER

LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1998/02408
Date de la décision : 11/02/2000

Analyses

VENTE - Vendeur - Obligations - Délivrance - Inexécution

Un vendeur tenu contractuellement de livrer un moule permettant le démoulage automatique à une société équipementier automobile, qui en raison d'un défaut de conception et de réalisation du moule est à l'origine d'un retard dans la livraison ainsi que des frais de mise au point et de surcoût d'utilisation, a manqué à son obligation de délivrance. L'acheteur, qui a constaté ce défaut apparent dès la prise de possession du moule mais qui l'a utilisé en l'état, n'est pas fondé à soulever l'exception d'inexécution pour refuser le paiement du prix. Il est néanmoins recevable dans sa demande en réparation de l'entier préjudice lié à l' inexécution de l'obligation de délivrance


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2000-02-11;1998.02408 ?
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