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09/02/2000 | FRANCE | N°1999/07110

France | France, Cour d'appel de Paris, 09 février 2000, 1999/07110


COUR D'APPEL DE PARIS 4ème chambre, section A ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2000 (N 61 , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

1999/20901 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 22 JUIN 1999 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 3ème chambre 3ème section RG n : 98/7923 Date ordonnance de clôture : 4 JANVIER 2000 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : CONFIRMATION APPELANTE : SOCIÉTÉ ELVIR dont le siège est 50860 CONDE SUR VIRE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. COMPAGNIE LAI

TIÈRE EUROPÉENNE société en commandite par actions dont le siège est 50860...

COUR D'APPEL DE PARIS 4ème chambre, section A ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2000 (N 61 , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

1999/20901 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 22 JUIN 1999 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 3ème chambre 3ème section RG n : 98/7923 Date ordonnance de clôture : 4 JANVIER 2000 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : CONFIRMATION APPELANTE : SOCIÉTÉ ELVIR dont le siège est 50860 CONDE SUR VIRE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. COMPAGNIE LAITIÈRE EUROPÉENNE société en commandite par actions dont le siège est 50860 CONDE SUR VIRE pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentées par la SCP BERNABÉ-CHARDIN-CHEVILLER avoué assistées de Me Jean-Yves DUPEUX avocat SCP LUSSAN BROUILLAUD P 077 PARIS INTIMÉE : SOCIÉTÉ BRIDEL SNC dont le siège est Les Placis 35230 BOURGBARRE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY avoué assistée de la SCP NATAF et FAJGENBAUM avocats PARIS P 305 COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, X... : Madame MARAIS Y... : Monsieur LACHACINSKI Y... : Madame MAGUEUR Z... lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Eliane DOYEN DÉBATS : A l'audience publique du 5 JANVIER 2000 ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement par Madame MARAIS X... laquelle a signé la minute avec E.DOYEN greffier. La société COMPAGNIE LAITIÈRE EUROPÉENNE dite C.L.E. est titulaire des marques suivantes : - la marque dénominative "BEURRE TENDRE D'ELLEetamp;VIRE", déposée le 5 février 1992, enregistrée sous le numéro 92/405.820, pour désigner les beurres, - la marque semi-figurative "BEURRE TENDRE-ELLEetamp;VIRE", représentant un

beurrier, déposée en couleurs le 27 avril 1992, enregistrée sous le numéro 92/416.866, pour désigner les mêmes produits. La société ELVIR, filiale de la société C.L.E., commercialise les produits revêtus de ces marques. Reprochant à la société BRIDEL d'avoir, à la fin de l'année 1997, mis sur le marché un beurre intitulé "BEURRE TENDRE", en deux versions (doux et demi-sel), la société C.L.E. et la société ELVIR l'ont, par acte du 24 février 1998, assignée devant le tribunal de grande instance de PARIS, pour voir constater des actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale et parasitaire. Par jugement du 22 juin 1999, le tribunal a : - dit que l'expression "BEURRE TENDRE", figurant dans les marques N°92/405.820 et N°92/416.866 dont est titulaire la société C.L.E., ne constitue pas un élément protégeable isolément et n'assure pas la distinctivité desdites marques, - débouté la société C.L.E. de ses demandes présentées au titre de la contrefaçon des marques N°92/416.866 et N° 92/405.820, - déclaré la société ELVIR recevable en sa demande en concurrence déloyale et l'a débouté de cette demande, - condamné in solidum la société C.L.E. et la société ELVIR à payer à la société BRIDEL la somme de 15.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les a condamnées aux dépens.

LA COUR Vu l'appel de cette décision interjeté le 9 juillet 1999 par les sociétés C.L.E. et ELVIR; Vu les conclusions signifiées le 9 novembre 1999 par lesquelles la société C.L.E. et la société ELVIR, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, font valoir que le terme "tendre" appliqué à du beurre, résultant d'une impropriété de langage, est simplement évocateur de sa consistance et ne peut servir à désigner une caractéristique, au sens de l'article L 711-2-b du Code de la Propriété Intellectuelle et demandent à la cour de : - dire que le produit "BEURRE TENDRE BRIDEL" constitue la contrefaçon des marques N°92/416.866 et N°92/405.820 dont est titulaire la

société C.L.E., - dire que la société BRIDEL commet, à l'égard de la société ELVIR, des actes de concurrence déloyale et parasitaire, subsidiairement en reprenant l'expression "BEURRE TENDRE", En conséquence, - faire interdiction, sous astreinte, à la société BRIDEL de faire usage de la dénomination "BEURRE TENDRE", pour marquer ses produits et en particulier son beurre "frigo-tartinable", - ordonner, sous astreinte, le retrait de la vente de tous les conditionnements contrefaisants, - confisquer aux fins de destruction tous les emballages incriminés se trouvant à la vente et tous les documents publicitaires reproduisant les marques et emballages litigieux, dès la signification de l'arrêt à intervenir, - condamner la société BRIDEL à payer à la société C.L.E. la somme de 500.000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à ses marques et à la société ELVIR celle de 500.000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice commercial, - ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans dix journaux ou périodiques au choix des sociétés C.L.E. et ELVIR et aux frais des intimées, - condamner la société BRIDEL à leur payer la somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Vu les conclusions signifiées le 6 décembre 1999 par lesquelles la société BRIDEL sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fait application de l'article L 711-2-b du Code de la Propriété Intellectuelle et dit que, dans les marques revendiquées par la société C.L.E., l'expression "BEURRE TENDRE" ne bénéficie pas d'un pouvoir distinctif propre, et rejeté les demandes formées au titre de la contrefaçon de ces marques, et son infirmation en ce qu'il a déclaré recevable l'action en concurrence déloyale de la société ELVIR, et formant appel incident, demande de lui allouer la somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire et celle de

50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

SUR QUOI,

- Sur le caractère distinctif de la dénomination "BEURRE TENDRE" Considérant que la société BRIDEL conteste le caractère distinctif de la dénomination "BEURRE TENDRE" incluse dans les marques dont se prévaut la société C.L.E., se fondant exclusivement sur les dispositions de l'article L 711-2- b du Code de la Propriété Intellectuelle aux termes duquel : "sont dépourvus de caractère distinctif ... les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité..." ; Considérant que le produit désigné par les marques litigieuses est un beurre dont la caractéristique essentielle est d'être facile à tartiner dès sa sortie du réfrigérateur ; qu'il n'est pas contesté que les parties en cause commercialisent ce même type de produit dont la consistance le distingue des autres beurres offerts à la vente ; Considérant que, pour apprécier le caractère distinctif de cette dénomination, il convient de se placer à la date du dépôt du signe litigieux, soit le 5 février 1992 ; Considérant que l'adjectif "tendre" s'emploie selon une de ses acceptions, telle que définie dans le Grand LAROUSSE Encyclopédique, pour un aliment "qui ne résiste pas sous la dent, est facile à mâcher" ou pour un matériau qui "se laisse entamer, pénétrer, couper facilement" ; qu'il ressort des documents produits aux débats que l'emploi de l'adjectif "tendre" dans cette acception, pour caractériser la consistance d'un produit alimentaire, était largement répandu ; qu'il en est ainsi pour apprécier la texture de la viande, du pain et même, dans le domaine des produits laitiers, pour qualifier la consistance de la pâte des fromages ; que l'usage de ce terme pour désigner une caractéristique du beurre apparaît dès 1991, dans une plaquette destinée au grand

public intitulée "Réfrigérateur-l'atout fraîcheur", éditée par le Centre d'Information des Industries Laitières dit CIDIL ; qu'il est également employé dans une base de données du CNRS datée de 1981, pour traduire la texture du beurre ; Qu'ainsi, l'emploi du mot "tendre" étant usuel dans le domaine alimentaire et notamment dans celui des produits laitiers, le consommateur perçoit immédiatement la qualité du beurre ainsi désigné, par opposition à "dur" ; Considérant, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, qu'il n'est pas nécessaire, au regard de l'article L 711-2-b, que la dénomination composant la marque soit la seule à permettre de qualifier le produit, il suffit qu'elle puisse servir à désigner une de ses qualités ; que l'adjectif "tendre" exprime bien une caractéristique du produit et apparaît, en outre, le plus adapté pour mettre en évidence la consistance revendiquée ; que le choix de ce terme correspond à son acception classique et non à un détournement de son sens ; Considérant que l'expression "BEURRE TENDRE" incluse dans les marques invoquées est donc dépourvue de caractère distinctif, au sens de l'article L 711-2-b du Code de la Propriété Intellectuelle ;

- Sur la contrefaçon Considérant que l'élément "BEURRE TENDRE" ne pouvant exercer à lui seul la fonction distinctive des marques dont est titulaire la société C.L.E., qui ne sont protégeables que dans l'ensemble composé de la dénomination complexe "BEURRE TENDRE D'ELLEetamp;VIRE", sa reproduction sur les produits commercialisés par la société BRIDEL ne constitue pas une contrefaçon ; Considérant que la société C.L.E. ne met en évidence aucune ressemblance entre le beurrier représenté sur la marque semi-figurative N°92/416.866, dont elle est titulaire, et l'emballage utilisé par la société BRIDEL pour conditionner son beurre en plaquette; que tant le positionnement de l'inscription "BEURRE TENDRE" (dans une banderole au centre du

couvercle pour les beurres ELLE etamp; VIRE, entourant la dénomination BRIDEL apposé au milieu de la plaquette pour les beurres de ce nom), que la calligraphie, les couleurs utilisées et la prédominance de la dénomination BRIDEL sur l'emballage du produit vendu par l'intimée excluent tout risque de confusion entre eux ; Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté les demandes formées par la société C.L.E. au titre de la contrefaçon ;

- Sur la concurrence déloyale et parasitaire Considérant que la société ELVIR, qui commercialise des beurres sous les marques "BEURRE TENDRE", avec l'autorisation de la société C.L.E., est recevable à agir pour demander réparation du préjudice qui résulterait éventuellement pour elle de faits de concurrence déloyale ; Considérant que la société ELVIR se prétend victime d'actes de concurrence déloyale et parasitaire qui procéderaient de la mise sur le marché par la société BRIDEL d'un beurre reprenant les caractéristiques de son conditionnement et l'expression "BEURRE TENDRE" alors qu'elle utilisait jusque là la marque "TENDRESSE" ; qu'elle ajoute, dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que l'expression "BEURRE TENDRE" n'était pas protégeable, qu'en reprenant ces termes à titre de marque la société BRIDEL signe sa volonté de se placer dans le sillage du succès du produit ainsi dénommé et d'entretenir une confusion avec ce produit ; Mais considérant que l'usage de l'expression "BEURRE TENDRE", dénuée de tout pouvoir distinctif, n'est pas susceptible de constituer un acte fautif distinct de la contrefaçon ; qu'en outre, si la société BRIDEL a modifié, fin 1997, l'emballage de ses produits en y insérant cette expression, ce choix ne revêt, en lui seul, aucun caractère fautif traduisant une volonté de piller les initiatives des appelantes et d'en tirer profit, alors qu'il ne ressort pas de l'examen des conditionnements en cause une même impression d'ensemble

de nature à engendrer un risque de confusion, en raison des différences de formes, de couleurs et de graphisme précédemment relevées ; Considérant que le jugement sera donc confirmé ; Considérant que la société C.L.E. et la société ELVIR ont pu de bonne foi se méprendre sur l'étendue de leurs droits ; que la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société BRIDEL doit donc être rejetée ; Considérant, en revanche, que les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doivent bénéficier à la société BRIDEL ; qu'il lui sera accordé à ce titre la somme complémentaire de 50.000 F ; Que les sociétés C.L.E. qui succombent en leur appel doivent être déboutées de leur demande sur ce même fondement ;

PAR CES MOTIFS Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne in solidum la société C.L.E. et la société ELVIR à payer à la société BRIDEL la somme complémentaire de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne in solidum la société C.L.E. aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile .

Le Z...

Le X... COUR D'APPEL DE PARIS 4ème chambre, section A ARRÊT DU 9 FÉVRIER 2000

(N 61 , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général :

1999/20901 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 22 JUIN 1999 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS 3ème chambre 3ème section RG n : 98/7923 Date ordonnance de clôture : 4 JANVIER 2000 Nature de la décision : CONTRADICTOIRE Décision : CONFIRMATION

APPELANTE : SOCIÉTÉ ELVIR dont le siège est 50860 CONDE SUR VIRE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. COMPAGNIE LAITIÈRE EUROPÉENNE société en commandite par actions dont le siège est 50860 CONDE SUR VIRE pris en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentées par la SCP BERNABÉ-CHARDIN-CHEVILLER avoué assistées de Me Jean-Yves DUPEUX avocat SCP LUSSAN BROUILLAUD P 077 PARIS INTIMÉE : SOCIÉTÉ BRIDEL SNC dont le siège est Les Placis 35230 BOURGBARRE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège. représentée par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY avoué assistée de la SCP NATAF et FAJGENBAUM avocats PARIS P 305 COMPOSITION DE LA COUR : Lors des débats et du délibéré, X... : Madame MARAIS Y... : Monsieur LACHACINSKI Y... : Madame MAGUEUR Z... lors des débats et du prononcé de l'arrêt : Eliane DOYEN DÉBATS : A l'audience publique du 5 JANVIER 2000 ARRÊT : CONTRADICTOIRE Prononcé publiquement par Madame MARAIS X... laquelle a signé la minute avec E.DOYEN greffier. La société COMPAGNIE LAITIÈRE EUROPÉENNE dite C.L.E. est titulaire des marques suivantes : - la marque dénominative "BEURRE TENDRE D'ELLEetamp;VIRE", déposée le 5 février 1992, enregistrée sous le numéro 92/405.820, pour désigner les beurres, - la marque semi-figurative "BEURRE TENDRE-ELLEetamp;VIRE", représentant un beurrier, déposée en couleurs le 27 avril 1992, enregistrée sous le numéro 92/416.866, pour désigner les mêmes produits. La société ELVIR, filiale de la société C.L.E., commercialise les produits revêtus de ces marques. Reprochant à la société BRIDEL d'avoir, à la fin de l'année 1997, mis sur le marché un beurre intitulé "BEURRE TENDRE", en deux versions (doux et demi-sel), la société C.L.E. et la société ELVIR l'ont, par acte du 24 février 1998, assignée devant le

tribunal de grande instance de PARIS, pour voir constater des actes de contrefaçon de marques et de concurrence déloyale et parasitaire. Par jugement du 22 juin 1999, le tribunal a : - dit que l'expression "BEURRE TENDRE", figurant dans les marques N°92/405.820 et N°92/416.866 dont est titulaire la société C.L.E., ne constitue pas un élément protégeable isolément et n'assure pas la distinctivité desdites marques, - débouté la société C.L.E. de ses demandes présentées au titre de la contrefaçon des marques N°92/416.866 et N° 92/405.820, - déclaré la société ELVIR recevable en sa demande en concurrence déloyale et l'a débouté de cette demande, - condamné in solidum la société C.L.E. et la société ELVIR à payer à la société BRIDEL la somme de 15.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et les a condamnées aux dépens.

LA COUR Vu l'appel de cette décision interjeté le 9 juillet 1999 par les sociétés C.L.E. et ELVIR; Vu les conclusions signifiées le 9 novembre 1999 par lesquelles la société C.L.E. et la société ELVIR, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, font valoir que le terme "tendre" appliqué à du beurre, résultant d'une impropriété de langage, est simplement évocateur de sa consistance et ne peut servir à désigner une caractéristique, au sens de l'article L 711-2-b du Code de la Propriété Intellectuelle et demandent à la cour de : - dire que le produit "BEURRE TENDRE BRIDEL" constitue la contrefaçon des marques N°92/416.866 et N°92/405.820 dont est titulaire la société C.L.E., - dire que la société BRIDEL commet, à l'égard de la société ELVIR, des actes de concurrence déloyale et parasitaire, subsidiairement en reprenant l'expression "BEURRE TENDRE", En conséquence, - faire interdiction, sous astreinte, à la société BRIDEL de faire usage de la dénomination "BEURRE TENDRE", pour marquer ses produits et en particulier son beurre "frigo-tartinable", - ordonner, sous astreinte, le retrait de la vente de tous les

conditionnements contrefaisants, - confisquer aux fins de destruction tous les emballages incriminés se trouvant à la vente et tous les documents publicitaires reproduisant les marques et emballages litigieux, dès la signification de l'arrêt à intervenir, - condamner la société BRIDEL à payer à la société C.L.E. la somme de 500.000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de l'atteinte portée à ses marques et à la société ELVIR celle de 500.000 F à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice commercial, - ordonner la publication de l'arrêt à intervenir dans dix journaux ou périodiques au choix des sociétés C.L.E. et ELVIR et aux frais des intimées, - condamner la société BRIDEL à leur payer la somme de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; Vu les conclusions signifiées le 6 décembre 1999 par lesquelles la société BRIDEL sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fait application de l'article L 711-2-b du Code de la Propriété Intellectuelle et dit que, dans les marques revendiquées par la société C.L.E., l'expression "BEURRE TENDRE" ne bénéficie pas d'un pouvoir distinctif propre, et rejeté les demandes formées au titre de la contrefaçon de ces marques, et son infirmation en ce qu'il a déclaré recevable l'action en concurrence déloyale de la société ELVIR, et formant appel incident, demande de lui allouer la somme de 100.000 F à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et vexatoire et celle de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile ;

SUR QUOI,

- Sur le caractère distinctif de la dénomination "BEURRE TENDRE" Considérant que la société BRIDEL conteste le caractère distinctif de la dénomination "BEURRE TENDRE" incluse dans les marques dont se prévaut la société C.L.E., se fondant exclusivement sur les

dispositions de l'article L 711-2- b du Code de la Propriété Intellectuelle aux termes duquel : "sont dépourvus de caractère distinctif ... les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l'espèce, la qualité..." ; Considérant que le produit désigné par les marques litigieuses est un beurre dont la caractéristique essentielle est d'être facile à tartiner dès sa sortie du réfrigérateur ; qu'il n'est pas contesté que les parties en cause commercialisent ce même type de produit dont la consistance le distingue des autres beurres offerts à la vente ; Considérant que, pour apprécier le caractère distinctif de cette dénomination, il convient de se placer à la date du dépôt du signe litigieux, soit le 5 février 1992 ; Considérant que l'adjectif "tendre" s'emploie selon une de ses acceptions, telle que définie dans le Grand LAROUSSE Encyclopédique, pour un aliment "qui ne résiste pas sous la dent, est facile à mâcher" ou pour un matériau qui "se laisse entamer, pénétrer, couper facilement" ; qu'il ressort des documents produits aux débats que l'emploi de l'adjectif "tendre" dans cette acception, pour caractériser la consistance d'un produit alimentaire, était largement répandu ; qu'il en est ainsi pour apprécier la texture de la viande, du pain et même, dans le domaine des produits laitiers, pour qualifier la consistance de la pâte des fromages ; que l'usage de ce terme pour désigner une caractéristique du beurre apparaît dès 1991, dans une plaquette destinée au grand public intitulée "Réfrigérateur-l'atout fraîcheur", éditée par le Centre d'Information des Industries Laitières dit CIDIL ; qu'il est également employé dans une base de données du CNRS datée de 1981, pour traduire la texture du beurre ; Qu'ainsi, l'emploi du mot "tendre" étant usuel dans le domaine alimentaire et notamment dans celui des produits laitiers, le consommateur perçoit immédiatement la qualité du beurre ainsi désigné, par opposition à "dur" ;

Considérant, contrairement à ce que soutiennent les sociétés appelantes, qu'il n'est pas nécessaire, au regard de l'article L 711-2-b, que la dénomination composant la marque soit la seule à permettre de qualifier le produit, il suffit qu'elle puisse servir à désigner une de ses qualités ; que l'adjectif "tendre" exprime bien une caractéristique du produit et apparaît, en outre, le plus adapté pour mettre en évidence la consistance revendiquée ; que le choix de ce terme correspond à son acception classique et non à un détournement de son sens ; Considérant que l'expression "BEURRE TENDRE" incluse dans les marques invoquées est donc dépourvue de caractère distinctif, au sens de l'article L 711-2-b du Code de la Propriété Intellectuelle ;

- Sur la contrefaçon Considérant que l'élément "BEURRE TENDRE" ne pouvant exercer à lui seul la fonction distinctive des marques dont est titulaire la société C.L.E., qui ne sont protégeables que dans l'ensemble composé de la dénomination complexe "BEURRE TENDRE D'ELLEetamp;VIRE", sa reproduction sur les produits commercialisés par la société BRIDEL ne constitue pas une contrefaçon ; Considérant que la société C.L.E. ne met en évidence aucune ressemblance entre le beurrier représenté sur la marque semi-figurative N°92/416.866, dont elle est titulaire, et l'emballage utilisé par la société BRIDEL pour conditionner son beurre en plaquette; que tant le positionnement de l'inscription "BEURRE TENDRE" (dans une banderole au centre du couvercle pour les beurres ELLE etamp; VIRE, entourant la dénomination BRIDEL apposé au milieu de la plaquette pour les beurres de ce nom), que la calligraphie, les couleurs utilisées et la prédominance de la dénomination BRIDEL sur l'emballage du produit vendu par l'intimée excluent tout risque de confusion entre eux ; Que c'est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté les demandes formées par la société C.L.E. au titre de la contrefaçon ;

- Sur la concurrence déloyale et parasitaire Considérant que la société ELVIR, qui commercialise des beurres sous les marques "BEURRE TENDRE", avec l'autorisation de la société C.L.E., est recevable à agir pour demander réparation du préjudice qui résulterait éventuellement pour elle de faits de concurrence déloyale ; Considérant que la société ELVIR se prétend victime d'actes de concurrence déloyale et parasitaire qui procéderaient de la mise sur le marché par la société BRIDEL d'un beurre reprenant les caractéristiques de son conditionnement et l'expression "BEURRE TENDRE" alors qu'elle utilisait jusque là la marque "TENDRESSE" ; qu'elle ajoute, dans l'hypothèse où la cour confirmerait le jugement entrepris en ce qu'il a estimé que l'expression "BEURRE TENDRE" n'était pas protégeable, qu'en reprenant ces termes à titre de marque la société BRIDEL signe sa volonté de se placer dans le sillage du succès du produit ainsi dénommé et d'entretenir une confusion avec ce produit ; Mais considérant que l'usage de l'expression "BEURRE TENDRE", dénuée de tout pouvoir distinctif, n'est pas susceptible de constituer un acte fautif distinct de la contrefaçon ; qu'en outre, si la société BRIDEL a modifié, fin 1997, l'emballage de ses produits en y insérant cette expression, ce choix ne revêt, en lui seul, aucun caractère fautif traduisant une volonté de piller les initiatives des appelantes et d'en tirer profit, alors qu'il ne ressort pas de l'examen des conditionnements en cause une même impression d'ensemble de nature à engendrer un appelantes et d'en tirer profit, alors qu'il ne ressort pas de l'examen des conditionnements en cause une même impression d'ensemble de nature à engendrer un risque de confusion, en raison des différences de formes, de couleurs et de graphisme précédemment relevées ; Considérant que le jugement sera donc confirmé ; Considérant que la société C.L.E. et la société ELVIR ont pu de bonne foi se méprendre sur l'étendue de leurs droits ; que la

demande de dommages-intérêts pour procédure abusive formée par la société BRIDEL doit donc être rejetée ; Considérant, en revanche, que les dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile doivent bénéficier à la société BRIDEL ; qu'il lui sera accordé à ce titre la somme complémentaire de 50.000 F ; Que les sociétés C.L.E. qui succombent en leur appel doivent être déboutées de leur demande sur ce même fondement ;

PAR CES MOTIFS Confirme en toutes ses dispositions le jugement déféré, Y ajoutant, Condamne in solidum la société C.L.E. et la société ELVIR à payer à la société BRIDEL la somme complémentaire de 50.000 F sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile, Condamne in solidum la société C.L.E. aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du nouveau code de procédure civile .

Le Z...

Le X...


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1999/07110
Date de la décision : 09/02/2000

Analyses

MARQUE DE FABRIQUE - Eléments constitutifs - Caractère distinctif - Appréciation

Lorsqu'il est établi que le produit désigné par les marques litigieuses est un beurre dont la caractéristique essentielle est d'être facile à tartiner dés sa sortie du réfrigérateur, que l'emploi de ce termes est usuel dans le domaine alimentaire et notamment dans celui des produits laitiers, le consommateur perçoit immédiatement la qualité du beurre ainsi désigné, et qu'au regard dudit article, il n'est pas nécessaire que la dénomination composant la marque soit la seule à permettre de qualifier le produit, il suffit qu'elle puisse servir à désigner une de ses qualités; que le choix du terme "tendre" correspond à une acceptation clas- sique et non à un détournement de sons sens, dés lors, l'expression "beurre tendre" incluse dans les marques invoquées est donc dépourvue de caractère distinctif au sens de l'article L.711-2-b du Code de Propriété Intellectuelle.


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2000-02-09;1999.07110 ?
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