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08/02/2000 | FRANCE | N°1998/23616

France | France, Cour d'appel de Paris, 08 février 2000, 1998/23616


COUR D'APPEL X... PARIS 7 chambre, section Y... ARRET DU 8 FEVRIER 2000

(N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 98/23616 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 20.5.1998 par le tribunal de grande instance de Paris, 4ème chambre Date ordonnance de clôture : 30.11.1999 APPELANT : Monsieur Henri Jean OGIER Z... X... A... 15 rue Saint Nicolas 49150 BAUGE Représenté par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoué Assisté de Me CIRIER, avocat INTIMES : FÉDÉRATION FRANCAISE D'EQUITATION 30 avenue d'Iéna PARIS 16ème COMMERCIAL UNION ASSURANCES 100

rue de Courcelles 75858 PARIS CEDEX 17 Représentées par la SCP ROBLI...

COUR D'APPEL X... PARIS 7 chambre, section Y... ARRET DU 8 FEVRIER 2000

(N , 8 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 98/23616 Pas de jonction Décision dont appel : Jugement rendu le 20.5.1998 par le tribunal de grande instance de Paris, 4ème chambre Date ordonnance de clôture : 30.11.1999 APPELANT : Monsieur Henri Jean OGIER Z... X... A... 15 rue Saint Nicolas 49150 BAUGE Représenté par la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY, avoué Assisté de Me CIRIER, avocat INTIMES : FÉDÉRATION FRANCAISE D'EQUITATION 30 avenue d'Iéna PARIS 16ème COMMERCIAL UNION ASSURANCES 100 rue de Courcelles 75858 PARIS CEDEX 17 Représentées par la SCP ROBLIN CHAIX LAVARENNE, avoué Assistées de Me TAUPIER, avocat à Nantes COMPOSITION X... LA COUR Lors des débats et du délibéré :

PRESIDENT : Monsieur Alain DECHEZELLES B... : Monsieur Michel C... et Mme Dominique DOS REIS GREFFIER Dominique BONHOMME-AUCLERE DEBATS Y... l'audience publique du 13.12.1999 ARRET prononcé publiquement par M. Alain DECHEZELLES, président, qui a signé la minute avec D. BONHOMME-AUCLERE, greffier.

Le 12 mars 1995, M. OGIER Z... X... A..., cavalier de compétition de 1ère catégorie a été gravement blessé, alors qu'il participait à un concours complet d'équitation.

La Cie ABEILLE, assureur couvrant les cavaliers licenciés par la Fédération Française d'Equitation, a versé au blessé une provision de 50 000 F à valoir sur son indemnisation définitive, au titre de la garantie individuelle accidents incluse à sa licence de cavalier, plafonnée à 100 000 francs, et ce au vu du rapport de son médecin expert, le docteur D..., qui a estimé le taux d'Incapacité Permanente Partielle de M. OGIER Z... X... A... à 55%

Faisant grief à la Fédération Française d'Equitation de ne pas l'avoir informé du faible montant du capital garanti en cas d'accident, M. OGIER Z... X... A... l'a assignée ainsi que la

société COMMERCIAL UNION venant aux droits de la Cie ABEILLE, les 3 mars et 9 juin 1997 pour les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 1 000 000 F.

Par jugement du 20 mai 1998, le Tribunal de Grande Instance de Paris a dit que la Fédération Française d'Equitation avait manqué à son obligation d'information et à son devoir de conseil et l'a condamnée in solidum avec la société COMMERCIAL UNION à payer à M. OGIER Z... X... A... la somme de 106 750 F en réparation de sa perte de chance d'avoir pu souscrire une garantie plus étendue.

M. OGIER Z... X... A... a relevé appel de ce jugement dont il poursuit la confirmation en ce qu'il a retenu la responsabilité de Fédération Française d'Equitation, mais sa réformation sur le quantum de l'indemnisation, demandant à la cour de condamner in solidum la F.F.E. et la société COMMERCIAL UNION au paiement de 3 000 000 F en réparation de son préjudice résultant de la perte de chance d'avoir pu souscrire une assurance de nature à l'indemniser réellement de son préjudice corporel, outre 50 000 F au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Il fait essentiellement valoir que la Fédération Française d'Equitation qui était tenue, en application de l'article 38 de la loi du 16 juillet 1984 d'informer ses adhérents de l'intérêt de souscrire un contrat d'assurance de personnes proposant des garanties forfaitaires en cas d'accident entraînant un préjudice corporel, et de tenir à leur disposition des formules de garantie a manqué à ses obligations en ne faisant pas apparaître lors de la souscription de sa licence de cavalier le prix afférent à la prime d'assurance, qui n'était que de 27 F sur un montant total de 3 000 F, ce qui l'aurait alerté sur l'étendue exacte de la garantie, alors qu'il était persuadé que celle-ci était aussi étendue que possible, compte tenu de la catégorie de la licence souscrite, des activités couvertes et du prix très supérieur à celle d'une licence

de base (250 F) ; que les premiers juges qui ont retenu les manquements de la Fédération Française d'Equitation à son obligation d'information et de conseil sur l'étendue de la garantie collective d'assurance accompagnant la licence, notamment pour les cavaliers de haut niveau qui participent à de dangereuses compétitions, n'ont pas tiré de cette constatation les conséquences qui s'imposent quant à l'indemnisation de sa perte de chance, ne lui allouant qu'une somme dérisoire, plafonnant à 300 000 F la garantie qu'il aurait pu souscrire, alors que certaines assurances offrent des garanties plus complètes en option ; il ajoute qu'il n'existe aucune raison objective de retenir un quelconque plafond d'indemnisation, car son préjudice doit être intégralement indemnisé, dans la mesure où, comme l'a jugé la Cour de Cassation, la négligence de la Fédération Française d'Equitation a permis la réalisation d'un risque, donc causé l'intégralité d'un dommage. Se fondant sur les conclusions du rapport D..., il rappelle que son préjudice est constitué non seulement par un très important préjudice corporel d'une part puisque l'écrasement du bassin qu'il a subi a pour effet une impotence fonctionnelle du membre inférieur droit, une incontinence urinaire et une impuissance totale, d'autre part un préjudice professionnel et de carrière, car il se trouve dans l'impossibilité définitive d'exercer sa profession de cavalier.

La Fédération Française d'Equitation et son assureur la société COMMERCIAL UNION ont conclu à la confirmation du jugement et à la condamnation de M. OGIER Z... X... A... à 30 000 F au titre de l'article 700 Nouveau Code de Procédure Civile, subsidiairement à la limitation des sommes allouées à M. OGIER Z... X... A... à 2 000 000 F correspondant au plafond de garantie de la société COMMERCIAL UNION assureur de reponsbailité de la FFE ; Ne contestant plus les manquements au devoir de conseil et d'information de la FFE relevés

par les premiers juges, ils reconnaissent l'existence d'une perte de chance de M. OGIER Z... X... A... en relation avec ces manquements, mais objectent à la demande de réparation intégrale de l'appelant que cette perte de chance ne peut excéder le plafond de 300 000 francs offert par le contrat d'assurance optionnel "PERFORMANCES"assortissant la délivrance d'une licence, car, d'une part, les ressources de M. OGIER Z... X... A... ne lui permettaient pas de souscrire une garantie plus élevée, correspondant à un capital de 5 à 10 millions pour une invalidité de 100 %, d'autre part, il n'a pas jugé bon de ce faire, bien qu'ayant eu connaissance des limitations de garantie offertes par les contrats de groupe souscrits par la Fédération Française d'Equitation ; ils soutiennent qu'il incombait à M. OGIER Z... X... A..., cavalier de première catégorie, ancien consultant et professionnel averti de se prémunir contre un accident grave, et dénient l'incidence des séquelles de l'accident sur les difficultés actuelles de l'appelant, qui se trouvait débiteur d'importants arriérés de pensions alimentaires envers son ex-épouse, avant même l'accident.

Les intimés se prévalent d'une jurisprudence de la Cour de Cassation en date du 19 mars 1997, aux termes de laquelle il ne saurait être alloué à une victime d'un accident de sport subissant une perte de chance une indemnité réparant l'intégralité de son préjudice corporel apprécié suivant le droit commun. Ils exposent enfin qu'en dépit d'une information très complète adressée depuis septembre 1997 à 200 000 cavaliers, soit la quasi-totalité des licenciés de la Fédération Française d'Equitation, n'a enregistré que 500 souscriptions pour des garanties complémentaires à celles offertes par le contrat de base, ce qui représente un taux infime, et permet d'apprécier la réalité et l'importance de la perte de chance de l'appelant. SUR CE, LA COUR

Considérant que les intimés qui concluent à la confirmation du

jugement acquiescent nécessairement à la motivation des premiers juges relative aux manquements de la Fédération Française d'Equitation à son devoir de conseil et obligation d'information ; Qu'ils ne peuvent donc sans se contredire réitérer à leurs écritures leur argumentation précédente et soutenir que M. OGIER Z... X... A... était "au moins informé de ce qu'il pouvait souscrire l'option "PERFORMANCES" qui lui garantissait pour une IPP totale le triplement du capital garanti, soit 300 000 francs", alors que le jugement dont ils sollicitent la confirmation a relevé au contraire que M. OGIER Z... X... A... n'avait pas reçu une information satisfaisante sur cette garantie optionnelle, qui devait être réelle et complète et ne pouvait résulter des seules mentions indiquées au verso de la licence, et a pris en compte le plafond de garantie du contrat "PERFORMANCES" pour apprécier la perte de chance du blessé ; Considérant qu'il convient de confirmer les premiers juges en ce qu'ils ont relevé que "le préjudice subi par M. OGIER Z... X... A... correspond à la perte d'une chance de bénéficier d'une assurance plus avantageuse" ; Que l'appel est donc limité au quantum de l'indemnisation de la perte de chance de M. OGIER Z... de A... ;

Or, considérant d'une part que si la perte de chance de l'appelant est certaine, sa réparation doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée, c'est à dire si M. OGIER Z... X... A... avait effectivement souscrit une police lui garantissant une indemnisation maximale ; Que d'autre part, à l'inverse des assurances de responsabilité, les assurances de personnes n'offrent pas de garanties illimitées, l'article L 131-1 du Code des Assurances disposant qu'en "matière d'assurances contre les accidents, les

sommes assurées sont fixées par le contrat." ; Que M. OGIER Z... X... A... ne peut donc soutenir que le défaut d'information sur l'étendue de l'assurance a causé l'intégralité de son dommage, ce qui serait le cas seulement si ce défaut avait empêché la souscription d'une assurance garantissant le risque, alors que cette assurance existe en l'occurrence, même si elle est limitée ; Que cette limitation étant de l'essence des assurances de personnes, l'appelant ne peut en faire grief à la Fédération Française d'Equitation, si ce n'est pour critiquer le plafond de garantie ;

Considérant en effet qu'en matière d'assurances sportives l'insuffisance du plafond est contingente à l'importance du préjudice, ce dont il résulte que le risque n'est pas absolu, comme en matière d'assurance crédit, lorsqu'aucune assurance n'a été souscrite ; Qu'enfin il est vain d'établir une comparaison entre la réparation d'un préjudice corporel selon le principe de responsabilité intégrale fondé sur les articles 1382 et suivants du Code Civil, et sa réparation par une assurance d'accidents corporels qui constitue un acte de prévoyance personnelle n'ouvrant droit qu'aux prestations définies par le contrat d'assurance, donc par la volonté des parties ;

Considérant que pour évaluer la perte de chance de l'assuré, qui ne peut qu'être fonction de la garantie qui aurait été due par l'assureur, si l'intéressé avait souscrit une garantie optionnelle il convient de tenir compte d'éléments personnels à l'appelant d'une part, statistiques d'autre part ; Qu'en effet, s'il est certain que M. OGIER Z... X... A..., cavalier de première catégorie prenant régulièrement part à des compétitions dangereuses, averti par son expérience de la gravité et la fréquence des accidents survenus aux cavaliers professionnels ou amateurs, avait tout intérêt à souscrire une assurance lui garantissant un capital maximal supérieur à 100 000

F, et qu'une information complète l'aurait incité à le faire, compte tenu de la prise de risque en compétition, il est bien moins certain qu'il eut souscrit une assurance lui garantissant le paiement d'un capital de trois millions de francs en cas d'accident, donc très supérieur à celui de 300 000 francs offert par le contrat "PERFORMANCES", ainsi que le démontrent les statistiques très faibles, voire infimes, relatives à la souscription d'assurances optionnelles, même lorsque l'information donnée aux licenciés est complète ; Que les options d'assurance présentement soumises à ses licenciés par la F.F.E. prévoient, pour les meilleures (et les plus onéreuses) un capital plafonné à 500 000 F, tandis qu'un seul exemple de contrat souscrit par un licencié, produit aux débats par l'appelant, prévoit un capital maximal de l'ordre de 2 000 000 F, pour une cotisation de 3 600 francs, ce maximum ne pouvant d'ailleurs être versé que lorsque le taux d'incapacité de l'assuré est supérieur à 66 %, ou en cas d'infirmité permanente totale, telle la tétraplégie ou la démence ;

Considérant que si le préjudice corporel de l'appelant est très grave, il a été quantifié à un taux inférieur à 66 % par le docteur D..., et ne peut être assimilé à une infirmité permanente totale ; Considérant qu'au vu de ces éléments, qui doivent être également pris en compte pour apprécier équitablement le préjudice de l'appelant, la cour chiffre sa perte de chance à 700 000 francs, en deniers ou quittances, sans qu'il y ait lieu d'appliquer une quelconque franchise sur ce montant ; Qu'il convient d'assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 9 juin 1997 en application de l'article 1153-1 du code civil ; Que le jugement sera donc réformé sur le quantum de l'indemnisation ;

Considérant que l'équité commande d'allouer à M. OGIER Z... X...

A... une indemnité de 20 000 francs au titre de l'article au titre de l'article 700 du nouveau code de procédure civile Nouveau Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire, dans la limite de l'appel interjeté sur le quantum de l'indemnisation, Réforme le jugement sur ce quantum, Condamne in solidum la société COMMERCIAL UNION et la Fédération Française d'Equitation à régler à M. OGIER Z... X... A... une indemnité de 700 000 francs, en deniers ou quittances, correspondant à sa perte de chance avec intérêts au taux légal à compter du 9 juin 1997, et 20 000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Condamne in solidum aux dépens la société COMMERCIAL UNION et la Fédération Française d'Equitation et autorise la SCP FISSELIER CHILOUX BOULAY à les recouvrer dans les formes de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Numéro d'arrêt : 1998/23616
Date de la décision : 08/02/2000

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Dommage - Préjudice certain - Perte d'une chance - Manquement d'une association à ses obligations - Perte d'une chance pour la personne d'être assurée selon un contrat d'assurance de personne à garanties forfaitaires - /

La victime d'un dommage corporel, membre d'une association sportive, ne peut solliciter de cette association la réparation de l'intégralité de son préjudice corporel, alors que le préjudice subi du fait du manquement de l'association sportive à ses obligations consistait dans la perte d'une chance d'être assuré selon un contrat d'assurance de personne à garanties forfaitaires. Dès lors, le cavalier de compétition de première catégorie, victime d'un accident lors d'un concours complet d'équitation, ne peut soutenir que le défaut d'information de la part de l'association sur l'étendue de l'assurance a causé l'intégralité du dommage, alors que ce défaut d'information l'a seulement privé de la chance d'avoir souscrit une police d'assurance garantissant une indemnisation maximale, qui en vertu de l'article L. 131-1 du Code des assurances est fixée dans son montant par le contrat


Références :

Code des assurances, article L131-1

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2000-02-08;1998.23616 ?
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